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Date : 20080418

Dossier : IMM-5195-06

Référence : 2008 CF 512

Ottawa (Ontario), le 18 avril 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’KEEFE

 

 

ENTRE :

ABU FAISAL KHAN

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), relativement à une décision datée du 21 août 2006 par laquelle une agente des visas (l’agente) a rejeté la demande du demandeur en vue d’obtenir un visa de résident permanent à titre de travailleur qualifié et a conclu qu’il était interdit de territoire pour fausses déclarations au sens de l’article 40 de la Loi.

 

[2]               Le demandeur demande à la Cour d’accueillir la demande de contrôle judiciaire.

 

Le contexte

 

[3]               M. Abu Faisal Khan (le demandeur)) est citoyen du Bangladesh. En 2004, il a présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés, à titre de programmeur et d’agent de soutien aux utilisateurs. Il a recouru à l’assistance d’un consultant pour établir et produire sa demande. Selon ce qui est mentionné dans sa demande, le demandeur avait travaillé comme agent de soutien aux utilisateurs entre les mois de mars 1996 et d’avril 1998, ainsi que comme programmeur entre le mois d’octobre 2002 et la date de la demande.

 

[4]               Dans une lettre datée du 17 mai 2006, on a enjoint au demandeur de se présenter à une entrevue personnelle le 21 août 2006 afin d’évaluer les compétences et l’expérience dont il faisait état dans sa demande. La lettre lui demandait également d’amener les documents indiqués dans la liste qui y était jointe, soit une preuve originale de tous les emplois rémunérés qu’il avait exercés, sous la forme de relevés de gains W2 ou T4, de talons de chèque de paye, de relevés d’emploi, de déclarations de revenus ou de reçus aux fins de l’impôt, ainsi que de lettres d’employeurs.

 

[5]               Le 21 août 2006, le demandeur s’est rendu à une entrevue d’immigration, à Détroit. À cette occasion, l’agente lui a demandé ses documents d’emploi et le demandeur a présenté une lettre émanant de l’un de ses employeurs. Aucun autre document d’emploi n’a été produit. L’agente a demandé pourquoi il n’y avait pas d’autres documents, comme il avait été précisé dans la lettre du 17 mai 2006. L’agente a ensuite interrogé le demandeur sur la catégorie de travail dans le cadre de laquelle il présentait sa demande, ainsi que sur son expérience professionnelle pertinente.

 

[6]               Vers la fin de l’entrevue, l’agente a interrogé le demandeur sur son expérience professionnelle plus récente et, plus précisément, sur la prétention faite dans sa demande qu’il travaillait comme programmeur depuis octobre 2002. L’agente lui a demandé d’expliquer quelles étaient ses fonctions. Le demandeur l’a fait. L’agente lui a demandé le nom de l’entreprise pour laquelle il travaillait. Le demandeur a répondu qu’il s’agissait d’une entreprise située au Bangladesh. L’agente a demandé le nom de l’entreprise et les gains qu’il avait touchés. Le demandeur a répondu qu’il n’avait jamais travaillé comme programmeur au cours de cette période.

 

[7]               Dans une lettre datée du 21 août 2006, l’agente a informé le demandeur que sa demande de visa de résident permanent à titre de travailleur qualifié avait été rejetée et qu’on avait conclu qu’il était interdit de territoire pour fausses déclarations au sens de l’alinéa 40(1)a) de la Loi. C’est cette décision-là qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

Les motifs de la décision

 

[8]               L’agente a rejeté la demande du demandeur au motif que ce dernier ne satisfaisait pas aux conditions requises pour pouvoir immigrer au Canada, conformément au paragraphe 75(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS 2002-227 (le Règlement). Elle a conclu également que le demandeur était interdit de territoire pour fausses déclarations, au sens de l’alinéa 40(1)a) de la Loi. Voici la partie de la décision de l’agente qui est pertinente pour la conclusion quant au caractère faux des déclarations :

[traduction] L’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (2001) prescrit qu’un étranger est interdit de territoire pour avoir fait une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de cette loi. L’alinéa 40(2)a) précise que l’étranger continue d’être interdit de territoire pour fausses déclarations pour les deux ans suivant la décision constatant l’interdiction de territoire, si l’étranger n’est pas au pays. Dans votre demande vous avez déclaré que vous travailliez comme programmeur depuis octobre 2002. À l’entrevue, vous avez été interrogé sur cette expérience professionnelle précise. Vous avez admis à cette occasion n’avoir jamais travaillé durant cette période comme programmeur. Vous avez fait une présentation erronée sur un fait important qui risquait d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi, en ce sens que l’on aurait pu vous accorder des points pour une expérience professionnelle rémunérée que vous ne possédiez pas. En conséquence, vous êtes interdit de territoire au Canada pour les deux ans suivant la date de la présente lettre.

 

Les questions en litige

 

[9]               Le demandeur a soumis la question suivante à l’examen de la Cour :

            1.         L’agente a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que le demandeur était interdit de territoire pour fausses déclarations?

 

[10]           Je reformulerais les questions en litige comme suit :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         L’agente a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en interprétant l’alinéa 40(1)a) de façon à englober les situations dans lesquelles le demandeur adopte une fausse déclaration, mais la clarifie ensuite avant qu’une décision soit rendue sur la demande?

            3.         Sinon, l’agente a-t-elle commis une erreur en concluant que l’alinéa 40(1)a) s’applique aux faits de l’espèce?

 

Les observations du demandeur

 

[11]           Le demandeur a fait valoir que l’agente avait commis une erreur en concluant qu’il était interdit de territoire pour fausses déclarations. Il a ajouté que, bien que l’alinéa 40(1)a) de la Loi soit formulé en termes généraux, cette disposition ne peut s’appliquer qu’en rapport avec une fausse déclaration que le demandeur ne clarifie pas. En outre, aucun élément jurisprudentiel n’indique qu’une personne qui fait une fausse déclaration mais qui la clarifie avant que l’on se fonde sur cette déclaration est interdite de territoire. Une personne n’est interdite de territoire pour ne pas avoir répondu avec sincérité que si cette personne a persisté à maintenir la fausse déclaration (voir Kang c. Canada Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1981] A.C.F. no 50). Le demandeur a fait valoir aussi qu’il faut que la personne maintienne la fausse déclaration jusqu’au moment où une décision est rendue.

 

[12]           Le demandeur a allégué de plus que les règles d’interprétation énoncées à l’article 33 ne s’appliquent pas à l’alinéa 40(1)a) et, dans ce contexte, la disposition se doit d’être interprétée à la lumière des termes clairs qui y sont employés. Ces termes, a-t-il ajouté, exigent que la fausse déclaration entraîne ou risque d’entraîner (ultérieurement) une erreur dans l’application de la Loi. En l’espèce, le demandeur a fait valoir qu’il avait rectifié la fausse déclaration et que, cela étant, l’agente ne s’était pas fondée sur elle - et ne pouvait aucunement le faire - pour rendre sa décision.

 

[13]           Le demandeur a fait remarquer aussi que, dans la présente affaire, la fausse déclaration était due à une erreur du consultant. Il avait donné instruction à celui‑ci de la rectifier, mais le consultant ne l’avait pas fait. Il n’a pris conscience de l’erreur qu’à l’entrevue, car le consultant ne lui avait pas remis une copie de la demande. Il a ajouté qu’une erreur, si elle commise par inadvertance, ne peut constituer le fondement d’une conclusion défavorable. Il a demandé que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie.

 

Les observations du défendeur

 

[14]           Le défendeur a fait valoir que dans tous les cas où l’on applique une disposition d’interdiction de territoire, il y a trois questions qui peuvent se poser : 1) l’interprétation que fait l’agent de l’alinéa 40(1)a) est une question de droit et c’est la norme de décision correcte qui s’applique; 2) l’appréciation que fait l’agent de la preuve de la fausse déclaration est une question de fait, assujettie à la norme de décision manifestement déraisonnable; 3) l’examen que fait l’agent des faits par rapport aux critères juridiques applicables est une question mixte de fait et de droit et c’est la norme de décision raisonnable simpliciter qui s’applique. Selon le défendeur, les questions en litige dans la présente demande ont trait à l’appréciation de la preuve, ainsi qu’au fait de savoir si l’on a satisfait aux critères prévus pour tirer une conclusion quant à l’interdiction de territoire. Par ailleurs, dans la mesure où les questions en litige dépendent du sens de l’alinéa 40(1)a), ces questions sont soumises à la norme de décision correcte : Chamberlain c. Surrey School District No. 36, [2002] 4 R.C.S. 710, au paragraphe 6.

 

[15]           Le défendeur a fait valoir que l’argument du demandeur ne peut pas être retenu, et ce, pour trois raisons. Premièrement, le demandeur ne peut soutenir qu’il a rectifié l’information erronée à la première occasion. C’est au demandeur, et non à son consultant, qu’il incombait de s’assurer de l’exactitude des renseignements fournis. La première occasion de clarifier les renseignements s’est présentée lorsque l’agente des visas a commencé à interroger le demandeur sur ses fonctions professionnelles. Au lieu de rectifier ce que disait l’agente, le demandeur a adopté le mensonge à son profit, en expliquant quelles étaient ses fonctions professionnelles et pour quelle entreprise il travaillait. Ce n’est que lorsque l’ampleur de la fausse déclaration a été mise au jour que le demandeur l’a admise. Souscrire à l’argument du demandeur reviendrait à laisser entendre qu’un demandeur n’a pas à faire face aux conséquences de ses mensonges si, au bout du compte, après avoir fait les mensonges en question et vérifié si on les laisse passer, le subterfuge est découvert et il reconnaît ensuite ses torts.

 

[16]           Deuxièmement, le défendeur a soutenu que le demandeur se trompait en laissant entendre que l’alinéa 40(1)a) ne s’applique que lorsqu’une personne maintient un mensonge jusqu’à ce qu’une décision soit rendue. Le défendeur a soutenu que, selon l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Limited (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. Il a ajouté qu’aux termes de l’alinéa 40(1)a), une personne est interdite de territoire si elle a fait une présentation erronée qui « entraîne ou risque d’entraîner » une erreur dans l’application de la Loi. Selon le défendeur cette formulation englobe les situations comme celle dont il est question en l’espèce. En outre, l’interprétation du demandeur est incompatible avec l’obligation, prescrite dans la Loi, de fournir des renseignements véridiques. Cette interprétation est également incompatible avec le contexte dans lequel se situe la disposition, car la Loi exige qu’une personne fasse part, au fur et à mesure, des changements de situation importants qui ont une incidence sur sa demande d’immigration. Enfin, selon le défendeur, l’interprétation que fait le demandeur ne peut être retenue, car elle crée une absurdité.

 

[17]           La troisième observation du défendeur est que le demandeur ne peut pas simplement blâmer son consultant en immigration. Le consultant a peut-être bien commis l’erreur en premier, mais il n’en demeure pas moins que le demandeur l’a adoptée et a tenté d’utiliser la fausse déclaration à son avantage. En outre, le demandeur est lié par les actes de son consultant.

 

[18]           Enfin, le défendeur a soutenu que lorsqu’on examine l’objet de l’alinéa 40(1)a), la portée de cette disposition et la durée de l’exclusion, il est évident que la conclusion quant à l’interdiction de territoire que l’agente a tirée était raisonnable.

 

 

 

 

La réplique du demandeur

 

[19]           Le demandeur a soutenu que tant que le défendeur ne produit pas une preuve contredisant la sienne, cette preuve doit être admise et aucune inférence défavorable n’est justifiée. Dans son affidavit, il a mentionné qu’il ignorait, jusqu’à son entrevue, que son consultant avait produit des renseignements inexacts. Le fait que le demandeur n’a pas fourni cette information à l’agente au cours de l’entrevue, et qu’il ne l’a fait que dans son affidavit à l’appui de la présente demande, ne permet pas à la Cour de tirer une inférence défavorable.

 

[20]           En ce qui concerne la norme de contrôle, le demandeur a soutenu que la présente affaire concernait une question mixte de fait et de droit et que, de ce fait, la norme de contrôle est la décision raisonnable simpliciter.

 

[21]           Par ailleurs, bien que le demandeur puisse être tenu responsable des actes de son consultant, il doit y avoir une certaine limite au degré de responsabilité. Si le consultant prend une mesure que le demandeur n’a pas autorisée et si celui‑ci en prend connaissance par la suite, il ne peut pas être tenu responsable des actes non autorisés et illégaux du consultant.

 

 

 

 

 

Analyse et décision

 

[22]           La première question

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            À mon avis, la question de savoir si l’alinéa 40(1)a) englobe ou non les situations dans lesquelles un demandeur fait sienne une fausse déclaration, mais la clarifie avant qu’une décision soit rendue sur la demande, est une question d’interprétation législative pure. La norme de contrôle qui s’applique aux questions d’interprétation législative est la décision correcte. Si l’interprétation de l’agente est correcte, il se pose ensuite une seconde question : l’alinéa 40(1)a) s’applique-t-il aux faits de l’espèce? Il s’agit là d’une question mixte de fait et de droit et elle est susceptible de contrôle selon la norme de décision raisonnable.

 

[23]           La deuxième question

            L’agente a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en interprétant l’alinéa 40(1)a) de façon à englober les situations dans lesquelles le demandeur adopte une fausse déclaration, mais la clarifie ensuite avant qu’une décision soit rendue sur la demande?

            Avant d’examiner cette question, j’estime nécessaire de signaler que le demandeur ne conteste pas le rejet ultime de la demande, mais la conclusion quant au caractère faux des déclarations au sens de l’alinéa 40(1)a). Le demandeur a soutenu que cet alinéa ne s’applique pas aux situations dans lesquelles la fausse déclaration est rectifiée avant qu’une décision soit rendue au sujet de la demande. Selon le défendeur, l’alinéa s’applique aux fausses déclarations même si le demandeur les clarifie avant le prononcé de la décision. La question consiste donc à savoir s’il est correct d’interpréter l’alinéa 40(1)a) de la Loi comme s’appliquant aux situations où l’on clarifie une fausse déclaration faite dans une demande avant que l’affaire soit tranchée.

 

[24]           Dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), précité, aux paragraphes 21 et 22, la Cour suprême du Canada a statué comme suit :

Bien que l’interprétation législative ait fait couler beaucoup d’encre (voir par ex. Ruth Sullivan, Statutory Interpretation (1997); Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994) (ci‑après « Construction of Statutes »); Pierre‑André Côté, Interprétation des lois (2e éd. 1990)), Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l’interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. À la p. 87, il dit:

 

[traduction] Aujourd'hui, il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

 

Parmi les arrêts récents qui ont cité le passage ci‑dessus en l’approuvant, mentionnons : R. c. Hydro-Québec, [1997] 3 R.C.S. 213; Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1997] 1 R.C.S. 411; Verdun c. Banque Toronto‑Dominion, [1996] 3 R.C.S. 550; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103.

 

Je m’appuie également sur l’art. 10 de la Loi d’interprétation, L.R.O. 1980, ch. 219, qui prévoit que les lois « sont réputées apporter une solution de droit » et doivent « s’interpréter de la manière la plus équitable et la plus large qui soit pour garantir la réalisation de leur objet selon leurs sens, intentions et esprit véritable ».

 

 

[25]           L’alinéa 40(1)a) est libellé de manière très large, en ce sens qu’il s’applique à n’importe quelle fausse déclaration, directe ou indirecte, quant à un objet pertinent, laquelle entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi. Je suis d’avis que la Cour se doit de respecter le libellé de la Loi et de lui donner l’interprétation large que sa formulation impose. Rien dans le libellé de cette disposition ne dénote qu’elle ne devrait pas s’appliquer à une situation dans laquelle on adopte une fausse déclaration pour ensuite la clarifier avant qu’une décision soit rendue.

 

[26]           Le demandeur a soutenu que le fait de retenir l’interprétation du défendeur donnerait lieu à une absurdité, car une personne qui aurait commis une erreur de bonne foi dans sa demande serait interdite de territoire pendant deux ans pour fausse déclaration. Il est inutile de traiter de cet argument car, en l’espèce, le demandeur a maintenu la fausse déclaration lors de son entrevue avec l’agente jusqu’à ce que celle‑ci réussisse à lui faire admettre qu’il n’avait pas travaillé de la manière déclarée.

 

[27]           Je reconnais que la présente affaire présente une situation particulière du fait que la fausse déclaration a été clarifiée avant que la décision soit rendue. Cependant, le fait de retenir l’interprétation du demandeur donnerait lieu à une situation dans laquelle un individu pourrait faire sciemment une fausse déclaration, mais ne pas être interdit de territoire au sens de l’alinéa 40(1)a) du moment qu’il clarifie cette déclaration juste avant qu’une décision soit rendue. Je suis d’accord avec le défendeur qu’une telle interprétation pourrait mener à une situation dans laquelle seules les fausses déclarations [traduction] « faites dans un flagrant délit » devant l’agent des visas lors d’une entrevue seraient clarifiées; cela créerait donc un risque élevé d’abus dans l’application de la Loi.

 

[28]           Dans la décision Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 1309, au paragraphe 57, la Cour fait état de l’intention du législateur au sujet des fausses déclarations, conformément à l’analyse explicative article par article du projet de loi C-11 (la Loi), dont le texte est le suivant :

L'article est semblable aux dispositions de la Loi actuelle portant sur les fausses déclarations des résidents permanents ou des résidents temporaires, mais les modifie en renforçant les outils d'exécution de la Loi destinés à éliminer les abus.

 

[29]           Par ailleurs, si l’on retenait l’interprétation du demandeur, on ferait abstraction de l’obligation que prescrit la Loi de fournir des renseignements véridiques. Compte tenu de ces conclusions, je suis d’avis que l’agente des visas a interprété correctement l’article 40.

 

[30]           La troisième question

            Sinon, l’agente a-t-elle commis une erreur en concluant que l’alinéa 40(1)a) s’applique aux faits de l’espèce?

            À mon avis, ayant interprété correctement la loi, l’agente a appliqué de manière raisonnable l’article 40 aux faits de l’espèce. On ne peut nier que le demandeur a adopté la fausse déclaration à son profit, mais qu’il l’a ensuite clarifiée après que l’agente a insisté pour obtenir des renseignements additionnels.

 

[31]           La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

 

[32]           Aucune question de portée générale ne m’a été soumise pour certification, car le défendeur ne souhaitait le faire que si je retenais l’interprétation que faisait le demandeur de l’alinéa 40(1)a). Le demandeur n’a soumis aucune question.


 

JUGEMENT

 

[33]           LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche


ANNEXE

 

Les dispositions législatives applicables

 

La présente section comporte les dispositions législatives applicables.

 

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 :

 

40.(1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

 

 

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

 

b) être ou avoir été parrainé par un répondant dont il a été statué qu’il est interdit de territoire pour fausses déclarations;

 

c) l’annulation en dernier ressort de la décision ayant accueilli la demande d’asile;

 

 

 

d) la perte de la citoyenneté au titre de l’alinéa 10(1)a) de la Loi sur la citoyenneté dans le cas visé au paragraphe 10(2) de cette loi.

 

(2) Les dispositions suivantes s’appliquent au paragraphe (1) :

 

a) l’interdiction de territoire court pour les deux ans suivant la décision la constatant en dernier ressort, si le résident permanent ou l’étranger n’est pas au pays, ou suivant l’exécution de la mesure de renvoi;

 

 

 

 

 

b) l’alinéa (1)b) ne s’applique que si le ministre est convaincu que les faits en cause justifient l’interdiction.

 

40.(1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

 

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

 

 

 

(b) for being or having been sponsored by a person who is determined to be inadmissible for misrepresentation;

 

(c) on a final determination to vacate a decision to allow the claim for refugee protection by the permanent resident or the foreign national; or

 

(d) on ceasing to be a citizen under paragraph 10(1)(a) of the Citizenship Act, in the circumstances set out in subsection 10(2) of that Act.

 

(2) The following provisions govern subsection (1):

 

(a) the permanent resident or the foreign national continues to be inadmissible for misrepresentation for a period of two years following, in the case of a determination outside Canada, a final determination of inadmissibility under subsection (1) or, in the case of a determination in Canada, the date the removal order is enforced; and

 

(b) paragraph (1)(b) does not apply unless the Minister is satisfied that the facts of the case justify the inadmissibility.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-5195-06

 

INTITULÉ :                                                               ABU FAISAL KHAN

                                                                                    c.

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                                    ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 24 OCTOBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                               LE 18 AVRIL 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Krassina Kostadinov                                                    POUR LE DEMANDEUR

 

Martin Anderson                                                          POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCARITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates                                                POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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