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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20080421

Dossier : T-2262-06

Référence : 2008 CF 516

Ottawa (Ontario), le 21 avril 2008

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE GAUTHIER

 

ENTRE :

HALIFAX EMPLOYERS ASSOCIATION

demanderesse

et

 

ELIZABETH TUCKER

défenderesse

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La Halifax Employers Association (la HEA) sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) d’envoyer la plainte de Mme Elizabeth Tucker à la conciliation, et à défaut de règlement, de la déférer au Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal). Outre les erreurs de fait et de droit alléguées, la HEA soutient que la Commission a manqué à son obligation d’équité procédurale. La présente affaire est un très rare cas où la question du contenu précis de l’obligation  d’équité procédurale a été soulevée dans le contexte d’une décision de déférer une plainte au Tribunal en vertu de l’alinéa 44(3)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la Loi).

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la Cour estime que cette décision ne comporte aucune erreur donnant matière à révision. 

 

Exposé des faits

[3]               La HEA représente diverses sociétés exerçant leurs activités dans le secteur du débardage au port de Halifax. Ces sociétés offrent des services de chargement aux sociétés de transport maritime dont les navires font escale dans le port. La HEA, en consultation avec les syndicats (dont la Halifax Longshoremen’s Association, section locale 269 de l’Association internationale des débardeurs) ayant des droits de négociation visant les quais, procède à du recrutement lorsque cela est nécessaire.

 

[4]               En 2002, les sociétés représentées par la HEA ont exigé une augmentation des effectifs et fait valoir la nécessité de former des travailleurs de relève. La HEA a fait paraître des annonces pour recruter des nouveaux débardeurs et la section locale 269 était chargée de recevoir et d’examiner les demandes des personnes intéressées. La section locale 269 a communiqué les candidatures désirables à la HEA qui devait s’occuper des tests et de la formation.

 

[5]               Mme Tucker a soumis une demande d’emploi à la section locale 269, laquelle a été transmise à la HEA le 18 novembre 2004. Le 4 février 2005, Mme Tucker a subi un test ARCON (un test de sélection préalable à l’emploi servant à déterminer si les candidats aux postes de débardeur peuvent effectuer sans danger et de manière efficace leurs tâches, y compris celles d’amarrage) auquel elle a échoué, particulièrement le test de capacité d’élévation dynamique qui consiste à soulever à plusieurs reprises une boîte contenant une charge (variant de 10 à 50 livres), pour la placer sur une tablette, durant un intervalle fixe au cours duquel la fréquence cardiaque du candidat est mesurée de façon continue. Mme Tucker avait dépassé la fréquence cardiaque maximale avant d’en arriver à la charge maximale de 50 livres, si bien qu’il aurait été dangereux pour elle de poursuivre le test. La fréquence cardiaque maximale est calculée d’après une formule qui s’applique à tous les candidats (220 - âge du candidat x 75 %)[1]. La candidature de Mme Tucker a été par la suite retirée du processus d’embauche.

 

[6]               Le 27 avril 2005, elle a déposé auprès de la Commission une plainte dans laquelle elle affirme avoir [traduction] « fait l’objet de discrimination fondée sur le sexe ». Elle croit que [traduction] « la méthode ARCON utilisée par la HEA ne représente pas une exigence professionnelle justifiée ». Dans sa plainte d’une page, Mme Tucker souligne particulièrement que le physiothérapeute l’avait informée durant le test que la fréquence cardiaque maximale acceptée était calculée d’après une formule qui ne différait pas en fonction du sexe ou qui n’en tenait pas compte[2]. À son avis, cela allait à l’encontre [traduction] « de la règle de droit voulant que les femmes ne puissent être évaluées suivant des normes applicables aux hommes qui ont des conséquences négatives disproportionnées sur elles en tant que groupe ». Le reste de sa plainte se rapporte à l’allégation selon laquelle la méthode utilisée pour le test ne correspond pas à une exigence professionnelle justifiée.

 

[7]               Le 24 août 2005, les parties ont été informées que la plainte faisait l’objet d’une enquête. La HEA a présenté ses observations initiales à l’agente d’enquête le 24 septembre 2005. À la demande de cette dernière, la HEA a fourni des renseignements supplémentaires sur le test ARCON le 10 mai et le 7 juin 2006. Il faut souligner que, le 3 avril 2006, l’agente d’enquête avait demandé à la HEA d’expliquer pourquoi une proportion plus élevée de femmes échouait au test et de lui fournir les statistiques exactes à cet égard. Dans sa lettre du 10 mai 2006, la HEA affirme n’avoir aucun motif absolu pour expliquer la différence observée dans le taux d’échec en soulignant qu’il était difficile de généraliser compte tenu des nombreuses raisons pouvant expliquer les échecs individuels. Entre autres choses, la HEA a fait remarquer qu’elle n’évaluait pas les candidats suivant une norme applicable aux hommes mais, au contraire, que le test ARCON représentait le travail réel qu’on demanderait à Mme Tucker de faire. Il vaut également la peine de souligner que la HEA a fourni, avec ses observations du 7 juin 2006, un document intitulé Ergonomic Review for Lashers dont il sera question plus loin.

 

[8]               Le 23 juin 2006, la HEA a reçu une copie du rapport de l’agente d’enquête qui, en conclusion, recommandait qu’un conciliateur soit nommé en vertu de l’article 47 de la Loi canadienne sur les droits de la personne et qu’un membre du Tribunal soit désigné pour instruire la plainte, à défaut de règlement, en vertu de l’alinéa 44(3)a) de la Loi. 

 

[9]               Le 7 juillet 2006, la HEA a écrit au directeur des enquêtes de la Commission pour demander des modifications au rapport parce que : i) il portait sur une question qui n’avait pas été soulevée dans la plainte (cinétique corporelle) et pour laquelle on ne lui avait pas demandé de fournir des observations; ii) il renfermait des contradictions (à savoir le paragraphe 26 du rapport contredisait le paragraphe 88); iii) il était rédigé dans un langage prêtant à confusion et inapproprié (discrimination directe et discrimination par suite d’un effet préjudiciable). En ce qui a trait à la cinétique corporelle, la HEA fait simplement remarquer que, si elle avait été consultée à ce sujet, elle aurait dit que le test est adapté à chaque personne, étant donné que chaque personne soulève la charge jusqu’à la hauteur des épaules[3], et que l’agente d’enquête aurait dû avoir le bénéfice de lire ses observations sur la question de savoir si l’amarrage était une tâche qui pouvait être adaptée pour tenir compte de la situation d’une personne incapable de soulever une charge de 50 livres. La HEA fait précisément mention l’article de Karen Messing[4] dont il est question dans le rapport, sans toutefois formuler d’observations particulières sur celui‑ci. Par ailleurs, la HEA a demandé une prolongation de délai pour déposer ses observations.

 

[10]           Après avoir appris qu’aucune modification ne serait apportée, la HEA a été avisée le 28 juillet 2006 qu’elle avait jusqu'au 28 août 2006 pour présenter des observations sur le rapport. Ce délai a été repoussé au 29 août 2006 à la demande de la HEA. Dans les observations qu’elle a déposées le 29 août 2006, la HEA décrivait le rapport comme étant [traduction] « fondamentalement erroné » et elle soulevait les trois mêmes questions[5]. Elle concluait que la Commission devrait rejeter le rapport ou, à tout le moins, ne pas tenir compte des paragraphes erronés. Par ailleurs, dans la troisième partie de ses observations, la HEA a fourni une réponse élaborée qui visait plus particulièrement le contenu des paragraphes 30, 31, 32, 34, 40, 68, 69, 77, 82 et 84 du rapport. La HEA a également réitéré et développé davantage les commentaires qu’elle avait formulés antérieurement relativement à la cinétique corporelle.

 

[11]           Mme Tucker a commenté le rapport et les observations de la HEA dans une lettre datée du 6 octobre 2006, dans laquelle elle souligne qu’elle est une débardeuse chevronnée avec un bon dossier de travail dans la réserve[6] (le plus grand nombre d’heures de travail pour une débardeuse temporaire au cours des deux années précédentes) et à laquelle la HEA a répondu en envoyant d’autres documents à la Commission le 12 octobre 2006.

 

[12]           Le 1er décembre 2006, la HEA a été informée que la plainte de Mme Tucker serait déférée au Tribunal dans les 90 jours, à moins d’entente des parties durant la conciliation. La HEA a déposé un avis de demande dans la présente procédure le 22 décembre 2006.

 

Analyse

[13]           Dans son mémoire, la demanderesse soulève nombre des questions qu’elle avait déjà soulevées dans ses observations présentées à la Commission. Premièrement, relativement à la question de l’équité procédurale, la HEA affirme que l’enquête n’était pas neutre, puisque l’agente d’enquête s’est aventurée dans une voie inconnue en se penchant sur la question de la cinétique corporelle et en omettant de la consulter sur cette question. La HEA affirme de plus qu’elle s’est vu refuser la possibilité de présenter des observations et des documents pertinents sur la question de la cinétique corporelle et que le fait qu’elle ait été invitée à présenter des observations après le dépôt du rapport n’était pas suffisant pour corriger cette erreur dans l’enquête. La demanderesse soutient de plus que, parce que la Commission a suivi la recommandation de l’agente d’enquête sans fournir de motifs détaillés, sa décision est entachée des mêmes erreurs et n’a pas été rendue selon un fondement juste.

 

[14]           Il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse pragmatique et fonctionnelle en ce qui concerne les erreurs alléguées. S’il y a eu manquement à l’équité procédurale, la Cour interviendra (Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, paragraphes 100 à 104; Sketchley c. Canada (Procureur général) 2005 C.A.F. 404, paragraphe 111).

 

[15]           Dans ses observations écrites, la HEA a également allégué que la décision dans son ensemble était manifeste déraisonnable[7]. À l’audience, elle a souligné que, à la lumière de la récente décision de la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, il était encore plus évident que la décision comportait une erreur donnant matière à révision, eu égard à la norme de la décision raisonnable qui s’applique désormais aux conclusions de fait et aux conclusions mixtes de fait et de droit de la Commission. En particulier, la HEA a noté ce qui suit :

 

            [traduction]

i)      L’agente d’enquête a rapporté incorrectement et mal appliqué le critère articulé dans Colombie‑Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. B.C.G.S.E.U., [1999] 3 R.C.S. 3 (affaire Meiorin) en s’appuyant sur une distinction inappropriée entre la discrimination directe et la discrimination par suite d’un effet préjudiciable, en parvenant à des conclusions diamétralement opposées à cet égard (paragraphe 26 et paragraphe 88 du rapport) et en omettant de déterminer d’abord si Mme Tucker avait établi une preuve prima facie de discrimination.

 

ii)                   L’agente d’enquête a également écarté la preuve produite par la HEA et tiré une conclusion erronée selon laquelle les femmes comme Mme Tucker étaient victimes de discrimination parce que la HEA ne tenait pas compte des différences en matière de cinétique corporelle entre les hommes et les femmes, alors qu’il n’existe tout simplement aucune preuve que la cinétique corporelle a une incidence sur la fréquence cardiaque d’un candidat, et parce que la fréquence cardiaque est la seule norme prise en compte avec le poids de la charge à soulever durant la partie en cause du test ARCON.

 

[16]     Comme les parties n’ont pas soulevé la question de l’incidence possible du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales et n’en ont pas discuté, la Cour convient que, compte tenu de l’arrêt Dunsmuir et des deux normes dont il y est question, toutes ces questions devraient être examinées selon ce qui est simplement désigné désormais comme la norme de la décision raisonnable.


 

A) Équité procédurale

 

[17]     Dans Sketchley, la Cour d’appel fédérale a souligné qu’il est maintenant bien établi que l’obligation d’équité procédurale s’applique aux enquêtes réalisées par la Commission concernant des plaintes individuelles, « puisque la question de savoir "si la preuve fournit une justification raisonnable pour passer à l’étape suivante" (SEPQA, précité, au paragraphe 27) ne peut être examinée si l’enquête est viciée à la base » (voir le paragraphe 112).

 

[18]     Mais tel qu’il a été constaté dans Uniboard Surfaces Inc. c. Kronotex Fussboden GmbH and Co. KG., 2006 CAF 398, au paragraphe 7 :

Pour bien cerner le contenu de l’obligation d’équité procédurale, il est plus facile d’en rappeler l’objectif, qui consiste essentiellement à s’assurer qu’une partie a réellement la possibilité, dans un contexte donné, de faire valoir son point de vue complètement et équitablement – plutôt que de se concentrer sur les moyens utilisés pour atteindre cet objectif, pour la simple raison que les moyens employés dépendent de l’appréciation du contexte de la loi particulière et des droits visés (voir l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 22). Il n’y a pas de critère ou de formule rigides. Il n’y a pas de liste d’éléments à cocher. Pour reprendre une formule un peu surannée, l’obligation d’équité consiste à s’assurer que l’on « joue franc jeu ».

 

 

[19]        Tel qu’il a été mentionné, jusqu’à maintenant le contenu de l’obligation d’équité procédurale de la Commission a été examiné principalement dans le contexte de décisions où les plaintes étaient rejetées[8]. Compte tenu de la différence de contexte en l’espèce, une analyse des facteurs établis dans Baker est requise.

 

[20]              En ce qui a trait au premier facteur, à savoir la mesure suivant laquelle le processus administratif s’apparente au processus judiciaire, il est clair que les observations de la Cour d’appel fédérale dans Sketchley, au paragraphe 115, demeurent applicables en l’espèce.

[…] Comme l’a dit la Cour suprême dans SEPQA, à l’étape de l’examen en vertu du paragraphe 44(3), « [l]e but n’est pas d’en faire une décision aux fins de laquelle la preuve est soupesée de la même manière que dans des procédures judiciaires »; la Commission doit plutôt déterminer « si la preuve fournit une justification raisonnable pour passer à l’étape suivante » (paragraphe 27). Dans le contexte de la fonction d’examen de la Commission, l’enquêteur doit être considéré comme le « prolongement de la Commission » qui « établit un rapport à l’intention de la Commission » (SEPQA, précité, au paragraphe 25). À cette étape, la Commission adopte très souvent les recommandations de l’enquêteur. Toutefois, les parties obtiennent une copie du rapport de l’enquêteur et elles peuvent présenter des observations par écrit avant qu’une décision soit prise (SEPQA, précité, au paragraphe 27; Radulesco, précité, au paragraphe 410). Ce facteur commande donc un degré moindre de protection procédurale.

 

[21]              De la même manière, à mon avis, l’analyse de la nature du régime législatif élaborée dans Sketchley, au paragraphe 116, s’applique toujours, sauf que, en l’espèce, la décision de la Commission n’est pas déterminante quant à la question soulevée dans la plainte et dans le rapport d’enquête. Par conséquent, même si ce facteur s’est vu accorder un poids neutre dans Sketchley, en l’espèce, il indique qu’un degré moindre de protection procédurale s’impose.

 

[22]              En ce qui a trait au troisième facteur – l’importance de la décision pour la personne visée – la demanderesse s’appuie sur la décision de la Cour divisionnaire de l’Ontario dans Batson and St‑Laurence College c. The Ontario Human Rights Commission, [2007] O.J. no 2233, pour soutenir la proposition selon laquelle la même obligation d’agir équitablement s’applique qu’il s’agisse d’une plainte rejetée ou d’une plainte acheminée à l’arbitrage, parce que le fait de déférer une affaire au Tribunal signifie qu’une procédure est en cours et que des frais y seront associés.

 

[23]              Après avoir analysé Batson, j’estime que cette décision ne soutient que la proposition suivant laquelle une obligation d’équité procédurale s’applique peu importe le résultat de l’enquête et la décision de la Commission (paragraphes 14 et 15), ce qui ressortait déjà clairement de l’arrêt Sketchley [9]. La Cour dans Batson n’analyse pas le contenu précis de cette obligation et ne se prononce pas sur la question de savoir s’il peut différer selon que la décision était déterminante sur le fond ou qu’elle ne l’était pas.

 

[24]              Bien que la Cour convienne qu’une décision de déférer l’affaire au Tribunal est toujours importante pour la HEA parce qu’elle entraîne la tenue d’une audience et des débours pour y être présent et qu’elle fait surgir la possibilité d’une décision défavorable, elle ne revêt pas la même importance qu’une décision déterminante sur le fond. Il en va ainsi surtout lorsque l’on considère que le Tribunal reprend l’affaire depuis le début et qu’il n’examine pas normalement le rapport d’enquête. La demanderesse aura donc l’occasion de rétablir les faits dès l’ouverture de la nouvelle audience, en présentant sa preuve au Tribunal. Par conséquent, ce facteur commande un degré de protection procédurale relativement moindre.

 

[25]              Le quatrième facteur défini dans Baker est lié aux attentes légitimes de la personne qui conteste la décision. À cet égard, la demanderesse a souligné deux passages particuliers extraits du site Web de la Commission, lesquels sont rédigés comme suit :

[traduction]

L’enquêteur rassemble les éléments d’information et de preuve nécessaires à la préparation d’un rapport et il établit la recommandation à faire aux commissaires. Il accorde au mis en cause la possibilité de répondre aux allégations. Il peut interroger des témoins ou demander des renseignements ou des documents au mis en cause ou au plaignant. Les parties ont la possibilité d’examiner le rapport et de présenter des observations avant qu’il soit soumis aux commissaires. Bien entendu, les parties peuvent également convenir d’un règlement durant l’enquête.

http://www.chrc-ccdp.ca/complaints/what_happens_now-en.asp

 

 

Lorsque vous déposez une plainte

 

 

Lorsque la Commission accepte une plainte

 

 

Si l’affaire n’est pas réglée, un agent enquête sur les allégations et fait rapport de ses conclusions aux commissaires.

 

Les parties ont la possibilité de présenter des observations sur le rapport d’enquête avant qu’il soit soumis aux commissaires.

http://www.chrc-ccdp.ca/complaints/what_to_expect-en.asp

 

 

À mon sens, ces passages indiquent que la HEA pouvait s’attendre à être informée de la substance de l’affaire, à pouvoir réagir aux principales allégations durant l’enquête et à présenter des observations sur le rapport d’enquête avant qu’il ne soit soumis aux commissaires. Il n’y est pas promis qu’elle aura le droit, avant la remise du rapport, de recevoir des communications ou de formuler des observations sur tous les éléments de preuve ou toutes les allégations factuelles sans exception qui sont présentés par la plaignante ou utilisés par l’agente d’enquête dans son rapport. Par conséquent, ces déclarations ne peuvent être prises en compte pour accroître l’intensité de l’obligation d’équité procédurale qui incombe à la Commission en l’espèce.

 

[26]              Le cinquième et dernier facteur intéresse le choix de la procédure fait par l’instance administrative décisionnelle. Tel que l’a souligné la Cour d’appel dans Sketchley, au paragraphe 119, la loi est muette sur cette question, et il n’y a pas lieu en l’espèce de distinguer la conclusion à laquelle elle est parvenue dans cette affaire, à savoir que ce critère commande un degré moindre de protection procédurale.

 

[27]              Dans son ensemble, l’analyse révèle que le contenu de l’obligation d’équité procédurale de la Commission lorsqu’elle décide de déférer une affaire au Tribunal s’apparente à celui de l’obligation qui lui incombe lorsqu’elle rejette une plainte en vertu de l’alinéa 44(3)b), sauf que cette obligation est un peu moins exigeante.

 

[28]              Après avoir considéré les arguments qui précèdent ainsi que les raisonnements de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale dans Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 C.F. 574, décision confirmée à [1996] A.C.F. no 385, et les décisions subséquentes appliquant ses principes (particulièrement celles de la Cour d’appel fédérale), la Cour est d’avis que, pour s’acquitter de son obligation de faire enquête sur les plaintes, laquelle lui est imposée par la loi, la Commission doit mener une enquête faisant appel à la neutralité et à la rigueur dans toutes les affaires. Ainsi, pour apprécier la rigueur requise dans une affaire donnée, la Cour considérera la nature et l’incidence de la décision de la Commission. De même, pour apprécier l’importance de la preuve qui n’aurait pas été soumise à l’enquête et décider si l’erreur ou le vice peut être corrigé par la présentation d’observations à la Commission, la Cour considérera également la nature de la décision.

 

1)      Neutralité

 

[29]              Tel qu’il a été souligné dans Sanderson c. Canada (Procureur général), 2006 CF 447, au paragraphe 75[10], pour apprécier la neutralité de l’enquête, compte tenu de la nature non décisionnelle des responsabilités de la Commission, il a été statué que la norme d’impartialité exigée d’un enquêteur de la Commission est moins stricte que celle qui s’applique aux membres de la magistrature. Cela signifie que la question, comme l’a observé la juge Ann Mactavish, n’est donc « pas de savoir s’il existe une crainte raisonnable de partialité de la part de l’enquêteur mais plutôt de savoir si l’enquêteur a abordé l’affaire avec un "esprit fermé" ».

 

[30]              La demanderesse n’a pas consacré beaucoup de temps à cet argument à l’audience, probablement parce qu’elle reconnaissait que rien dans la preuve ne permettait de contredire les renseignements contenus au paragraphe 28 du rapport d’enquête et que c’était Mme Tucker qui avait soulevé, comme raison possible expliquant pourquoi un nombre beaucoup plus élevé de femmes que d’hommes échouaient au test ARCON, que ce test ne tenait pas compte des variations de type physique et de la cinétique corporelle correspondante des hommes et des femmes. Par conséquent, la demanderesse n’a pas établi que l’agente d’enquête s’était aventurée dans une voie inconnue.

 

[31]              Cela dit, comme la demanderesse a soulevé cette question, la Cour souhaite souligner que l’agente d’enquête avait l’obligation de faire enquête sur la substance de l’objet de la plainte et que cela signifie qu’elle n’était pas limitée aux allégations de fait particulières énoncées dans la plainte. La demanderesse a admis ce point aux paragraphes 77 et 80 de son mémoire et à l’audience (voir Toneguzzo c. Kimberly-Clark Inc. (No.3), (2005), 55 C.H.R.R. D/49, aux paragraphes 53 à 59). 

 

[32]              La Cour ne peut accepter la position de la demanderesse selon laquelle, en l’espèce, la plainte était une cible mobile et que la « nouvelle allégation » concernant la mécanique ou la cinétique corporelle a changé la nature de l’objet de la plainte. Après avoir examiné avec soin la jurisprudence invoquée par la demanderesse (Halliday c. Michelin, 58 C.H.R.R. D/91, et Gaucher c. Canada (Forces armées canadiennes), 2005 DCDP no 1, la Cour est d’avis que limiter l’objet de la plainte aux allégations précisées dans celle‑ci est trop restrictif. La plainte, fondée sur les articles 7 et 10 de la Loi, alléguait une discrimination personnelle et une discrimination systémique à l’égard des femmes par l’imposition du test ARCON comme norme d’embauche alors que ce dernier ne constituerait pas une exigence professionnelle justifiée.

 

[33]              Tel qu’il est souligné dans Gaucher, précité, il est presque inévitable que de nouveaux faits ou de nouvelles circonstances seront révélés durant l’enquête et que les plaintes seront précisées en conséquence. Donc, même si la question n’avait pas été soulevée par Mme Tucker elle‑même, la Cour n’aurait pas conclu que l’agente d’enquête avait mal agi à cet égard[11].

 

[34]              En ce qui a trait au fait que l’agente d’enquête n’a pas demandé des observations précises sur la prétendue explication de Mme Tucker concernant les statistiques, la Cour ne croit pas qu’elle avait l’obligation de le faire. Dans ce cas particulier, tel qu’il sera expliqué plus loin, la Cour ne croit pas que la Commission a manqué à son obligation d’agir équitablement, ce qui signifie qu’il n’y rien à ajouter au sujet de l’allégation de partialité ou de manque de neutralité. Toutefois, même si la Cour avait conclu que l’agente d’enquête aurait dû consulter l’employeur sur cette question précise avant de remettre son rapport, ce fait à lui seul n’aurait pas été suffisant en l’espèce pour l’amener également à conclure que l’agente d’enquête avait abordé l’affaire avec un esprit fermé. En effet, l’examen du rapport dans son ensemble révèle qu’il est par ailleurs très bien équilibré. Le fait que Mme Tucker ait insisté à l’audience en disant que la preuve dont disposait l’agente d’enquête donnait à penser que la fréquence cardiaque maximale des femmes était différente de celle des hommes[12] contredit l’existence d’un préjugé favorable à son endroit car, à cet égard, l’agente d’enquête a conclu au paragraphe 26 du rapport qu’il semblait ressortir de la preuve qu’aucune discrimination directe n’était attribuable à [traduction] « la manière de calculer la fréquence cardiaque durant le test ARCON »[13].

 

[35]              Pour conclure sur cette question, la demanderesse n’a pas réussi à convaincre la Cour que le résultat de l’enquête était établi à l’avance parce que l’agente d’enquête avait témoigné « d’un esprit à ce point fermé qu’il serait inutile de présenter des arguments contraires », pour reprendre les propos de la Cour suprême du Canada dans Newfoundland Telephone Co. c. Terre‑Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623, au paragraphe 34. Par conséquent, aucun manquement relatif à la neutralité n’a été établi.

 

2)      Rigueur

 

[36]              Dans son mémoire, la demanderesse a donné peu de détails quant à la preuve additionnelle qu’elle aurait pu soumettre à l’agente d’enquête ou à la Commission si elle avait été consultée à propos de l’article de Karen Messing cité au paragraphe 34 du rapport et de la question des différences entre les femmes et les hommes dans la mécanique corporelle.

 

[37]              La demanderesse n’a pas non plus consacré beaucoup de temps à cette question à l’audience. Elle a simplement réitérer sa position selon laquelle il s’agissait visiblement d’un facteur crucial dans le rapport de l’agente d’enquête (comme nous le verrons plus loin, au moment d’examiner le caractère raisonnable de la décision, ce n’est pas nécessairement le cas, du moins en ce qui concerne une preuve prima facie de discrimination par suite d’un effet préjudiciable).

 

[38]              Normalement, dans une procédure de contrôle judiciaire, la Cour ne considérera que la preuve dont l’instance décisionnelle disposait. Il y a toutefois exception à cette règle dans les cas où des questions d’équité procédurale sont soulevées, parce qu’il peut être nécessaire pour le demandeur de présenter une preuve qui permettra à la Cour de déterminer s’il y a réellement eu manquement. En l’espèce, compte tenu des principes établis dans Slattery et des décisions subséquentes qui ont appliqué son raisonnement, on pouvait s’attendre à ce que la Cour ne reconnaisse pas qu’il y ait eu manquement, à moins que la preuve non examinée par la Commission ou la preuve dont elle n’a pas été saisie ne soit cruciale et que l’erreur ou le vice observé dans l’enquête ne puisse être corrigé par le processus adopté par la Commission (à savoir, la possibilité pour les parties de présenter des observations après la communication du rapport).

 

[39]              Toutefois, en l’espèce, aucun affidavit n’a été soumis pour expliquer comment et pourquoi la preuve dont disposait la HEA pouvait être considérée comme « cruciale » au stade de l’enquête[14]. Il semble que les renseignements communiqués à la Commission par la demanderesse dans sa lettre du 7 juillet 2006 n’aient pas été jugés suffisants pour justifier une modification du rapport.

 

[40]              À l’audience, la demanderesse a ajouté (bien que sans preuve pour appuyer sa déclaration) que si elle avait été consultée, elle aurait pu démontrer : i) la méthode utilisée par Mme Tucker pour soulever les boîtes au cours du test (si Mme Langley s’en souvenait[15]); ii) la méthode utilisée par d’autres personnes (des femmes sans doute) pour soulever les boîtes au cours du test; iii) l’existence d’une preuve scientifique ou d’expert contredisant l’opinion exprimée dans l’article de Karen Messing. Il s’agit en fait du genre de preuve que l’on pourrait s’attendre à voir l’employeur présenter au Tribunal, qui est l’organisme chargé d’apprécier véritablement toute la preuve.

 

[41]              Toutes les décisions invoquées par la demanderesse (notamment Sketchley, précitée, Sanderson, précitée, et Forster c. Canada (Procureur général), 2006 CF 787), ainsi que d’autres décisions de la Cour d’appel fédérale, telles que Tahmourpour c. Canada (Solliciteur général), 2005 CAF 113, où il a été jugé que l’enquête manquait de rigueur, appliquent les mêmes principes, mais ces décisions ne sont pas très utiles lorsque vient le temps de considérer l’applicabilité de ces principes aux faits particuliers d’une affaire donnée, surtout si elles intéressent toutes des rejets de plainte[16].

 

[42]              Il est une chose de considérer qu’il y a eu un manquement réel à l’obligation de la Commission lorsque l’agente d’enquête a omis de porter à son attention la preuve des témoins clés des événements donnant lieu à une plainte ou de mentionner ou traiter dans l’enquête les questions clairement soulevées dans la preuve documentaire fournie par la plaignante (telles que l’aspect racial et ethnique de la plainte de harcèlement dans Sanderson, ou le défaut de l’employeur de tenir compte de l’inaptitude documentée de la plaignante à accomplir des tâches multiples dans Foster) avant de finalement rejeter la plainte. Il en est une autre, à mon avis, de dire que la Commission n’avait pas de fondement juste pour sa décision de déférer l’affaire au Tribunal pour instruction parce que l’agente d’enquête a omis d’enquêter à fond sur toutes les explications possibles contredisant celle avancée par la plaignante pour lier des statistiques significatives à la discrimination fondée sur le sexe.

 

[43]              Il est évident que l’agente d’enquête n’a tout simplement pas pris au pied de la lettre l’opinion de Mme Tucker (simples allégations), elle a également consulté les renseignements disponibles sur Internet et dans les documents déjà fournis par la HEA en ce qui a trait au test ARCON.

 

[44]              Donc, en l’espèce, la demanderesse affirme essentiellement qu’on aurait dû lui demander de présenter des observations sur la question de la mécanique corporelle et sur la preuve examinée par l’agente d’enquête qui, mise à part l’article de Karen Messing, tel qu’il a été souligné, se trouvait dans les documents fournis par la HEA ou rattachés au test ARCON lui‑même.

 

[45]              Tel qu’il a été noté dans Slattery, au paragraphe 68, dans ce contexte particulier, les règles d’équité procédurale exigent seulement qu’une partie connaisse l’essentiel de la preuve constituée contre elle et qu’on lui permette d’y répondre.

 

[46]              Dans Paul, précité[17], le juge Edgar Sexton, s’exprimant au nom de la majorité, a fait remarquer au paragraphe 43 que la Commission est tenue d’informer les parties « de la substance de la preuve réunie par l’enquêteur et produite devant la Commission ». Pour ce faire, le rapport d’enquête doit être divulgué aux parties. La Commission doit également accorder aux parties la possibilité de présenter toutes les observations utiles en réponse au rapport et tenir compte de ces observations pour rendre sa décision.

 

[47]              Par contre, la demanderesse affirme, au paragraphe 50 de son mémoire, qu’elle s’est vu refuser la possibilité de réagir [traduction] « à tous les éléments » considérés par l’agente d’enquête, en particulier, l’aspect de la cinétique corporelle et, au paragraphe 51, qu’elle ne s’est pas vu accorder la possibilité de réagir pleinement [traduction] « aux faits sur lesquels l’agente d’enquête s’est appuyée pour rédiger son rapport » avant sa divulgation. Elle affirme de plus que la possibilité qui lui a été offerte de présenter des observations à la Commission après la divulgation du rapport était [traduction] « très limitée » et « restreinte » et elle a ajouté à l’audience qu’elle n’avait pas bénéficié de suffisamment de temps pour présenter ses observations et que le nombre de documents qu’elle pouvait soumettre était limité.

 

[48]              Tel qu’il a été souligné précédemment, la Commission a acquiescé à la demande de la HEA en vue de faire prolonger le délai prévu pour le dépôt de ses observations et lui a accordé la prolongation qu’elle avait elle‑même fixée dans sa lettre du 27 juillet 2006. Elle a également accordé une autre prolongation du 24 août au 29 août. Le dossier ne comporte aucune indication, quelle qu’elle soit, selon laquelle la HEA ne pouvait réunir tous les éléments de preuve qu’elle entendait soumettre, ou qu’elle aurait pu présenter, sur la question avant cette date (le rapport lui avait été communiqué le 23 juin 2006) ou selon laquelle on lui aurait refusé une autre prolongation si elle avait été sollicitée en évoquant des difficultés particulières éprouvées pour réunir la preuve.

 

[49]              La présente affaire est très différente de celles où la Cour avait à examiner la question de savoir si la présentation d’observations à la Commission pouvait corriger les lacunes particulières décelées (voir par exemple Sketchley, au paragraphe 124).

 

[50]              Tel qu’il a été affirmé dans Beauregard c. Postes Canada, 2005 CF 1383, au paragraphe 19, « [e]n appliquant les principes déjà élaborés à une situation donnée, la Cour doit garder à l’esprit que c’est la Commission qui décide de rejeter ou non une plainte [ou de la déférer au Tribunal]. […] La Loi lui donne simplement le pouvoir de déléguer l’enquête à un enquêteur mais c’est la Commission qui a ultimement le devoir de s’assurer qu’elle dispose d’un fondement adéquat et juste pour évaluer si les circonstances justifient la constitution d’un tribunal. L’enquête constitue une étape cruciale dans ce contexte mais elle n’est pas la seule étape où la Commission a l’opportunité de recueillir des éléments qui formeront avec le rapport d’enquête, le fondement de son évaluation. »

 

[51]              Il est également intéressant de noter que, au paragraphe 60 du mémoire de la demanderesse, il est mentionné que [traduction] « la demanderesse a présenté une preuve convaincante démontrant que la cinétique corporelle n’avait aucune incidence sur les tâches particulières exécutées par la plaignante durant le test ARCON ». Cette seule déclaration suppose que la demanderesse était bel et bien en mesure de répondre entièrement à cette question.

 

[52]              En conclusion, la Cour doit faire preuve de circonspection dans son analyse de ce qui constitue un vice qui ne peut être corrigé, particulièrement lorsque la décision de la Commission n’est pas au bout du compte déterminante d’un droit d’une partie.

 

[53]              Dans le cas particulier qui nous intéresse, après avoir examiné toutes les circonstances, la Cour n’est pas convaincue que la demanderesse a été privée d’une occasion importante de connaître la preuve constituée contre elle et de présenter tous ses arguments à la Commission, l’instance décisionnelle en l’espèce, ou que la Commission ne disposait pas d’un fondement juste pour sa décision. Par conséquent, la Cour doit conclure qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale dans la présente affaire.

 

3) Caractère raisonnable

 

[54]           Il convient à cette étape‑ci de reproduire les dispositions en vertu desquelles Mme Tucker a déposé sa plainte. Les articles 7 et 10 de la Loi sont rédigés comme suit :

7. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

7. It is a discriminatory practice, directly or indirectly,

(a) to refuse to employ or continue to employ any individual, or

(b) in the course of employment, to differentiate adversely in relation to an employee,

on a prohibited ground of discrimination.

 

 

10. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, le fait, pour l’employeur, l’association patronale ou l’organisation syndicale :

a) de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite;

b) de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel.

 

10. It is a discriminatory practice for an employer, employee organization or employer organization

(a) to establish or pursue a policy or practice, or

(b) to enter into an agreement affecting recruitment, referral, hiring, promotion, training, apprenticeship, transfer or any other matter relating to employment or prospective employment,

that deprives or tends to deprive an individual or class of individuals of any employment opportunities on a prohibited ground of discrimination.

 

 

[55]           L’agente d’enquête devait donc déterminer si le fait d’exiger que tous les candidats aux postes de débardeurs passent un test ARCON était un acte qui établissait une discrimination « directe ou indirecte » à l’endroit de Mme Tucker ou à l’endroit des femmes de façon systématique.

 

[56]           En raison de l’absence de motifs distincts dans la décision que la Commission a prise elle‑même, la Cour doit considérer le rapport d’enquête comme faisant partie intégrante des motifs de la Commission : Sketchley, paragraphe 37.

 

[57]           Il est évident que, en vertu de l’alinéa 44(3)a), le rôle de la Commission consistait à déterminer si la preuve fournissait une justification raisonnable (eu égard à toutes les circonstances de la plainte) pour passer à l’étape suivante en déférant l’affaire au Tribunal pour instruction (Sketchley, paragraphe 115). Tel qu’il est précisé sur la première page du rapport d’enquête, les commissaires n’ont pas à déterminer s’il y a réellement eu discrimination. Tel qu’il a été mentionné dans Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879 (SEPQA), au paragraphe 27, il n’appartient pas à la Commission de soupeser la preuve de la même manière que dans une procédure judiciaire.

 

[58]           C’est en s’appuyant sur ces principes que la Cour doit évaluer la prétention de la demanderesse selon laquelle la décision de la Commission de déférer l’affaire au Tribunal était déraisonnable. La norme de contrôle judiciaire de la décision raisonnable a récemment été décrite par la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, paragraphe 47 :

 

La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

 

[59]           En outre, comme l’a fait remarquer la Cour suprême dans Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, au paragraphe 56, dans la mesure où l’un des motifs invoqués pour étayer la décision est défendable (par opposition à tous les motifs donnés), la décision satisfera à la norme de contrôle de la décision raisonnable, même si le raisonnement n’aurait pas convaincu la cour de révision.

 

[60]           Au début de son rapport, l’agente d’enquête précise, en citant Meiorin, qu’elle doit procéder en deux étapes. La première étape exigeait d’examiner la question de savoir si l’employeur appliquait une norme ou une politique et, dans l’affirmative, celle de savoir si cette norme ou politique établissait une discrimination directe ou indirecte fondée sur un motif de distinction illicite. Dans la seconde étape, elle devait se pencher sur la question de savoir si la norme ou la politique avait un lien rationnel avec son objet et, dans l’affirmative, se demander si elle avait été adoptée de bonne foi et, finalement, déterminer si la norme ou la politique était raisonnablement nécessaire, en ce sens qu’il serait impossible de répondre aux besoins de la plaignante et des autres personnes se trouvant dans une situation semblable sans causer une contrainte excessive.

 

[61]           Contrairement à ce que la demanderesse a allégué, en réalisant la première étape décrite ci‑dessus, l’agente d’enquête a évalué clairement s’il existait des éléments de preuve qui pouvaient raisonnablement constituer le fondement d’une preuve prima facie pour Mme Tucker devant le Tribunal. L’agente d’enquête n’emploie pas les termes « preuve prima facie de discrimination », mais elle n’avait pas à le faire.

 

[62]           Relativement à cette première étape, l’agente d’enquête conclut, au paragraphe 26 de son rapport, que les renseignements fournis par la HEA laissent croire qu’il n’y a pas de discrimination directe, parce que la manière de calculer la fréquence cardiaque semble ne pas établir de distinction en fonction du sexe. Par ailleurs, en ce qui a trait à la discrimination indirecte ou par suite d’un effet préjudiciable, elle conclut, au paragraphe 33 que [traduction] « les statistiques fournies par la HEA portent à croire que l’exigence du test ARCON lésait les femmes ». Elle ajoute ensuite que l’assertion de la plaignante selon laquelle cela pouvait s’expliquer par le fait que les différences entre les hommes et les femmes du point de vue de la cinétique corporelle ne sont pas prises en compte dans les tests comme ARCON est étayée par une recherche indépendante (l’article de Karen Messing). Il s’agit là, à son avis, du fondement raisonnable de la plainte (première étape).

 

[63]           La demanderesse conteste le rapport d’enquête et la décision en se fondant notamment sur le fait que la Cour suprême du Canada a abandonné la distinction traditionnelle entre la discrimination directe et la discrimination par suite d’un effet préjudiciable au bénéfice d’une seule méthode unifiée.

 

[64]           Dans Meiorin, précité, la Cour suprême du Canada n’a pas affirmé qu’on ne pouvait plus distinguer la discrimination directe et la discrimination indirecte ou par suite d’un effet préjudice[18]. Au contraire, suivant l’essence de l’arrêt Meiorin, une fois qu’une preuve prima facie d’un type ou l’autre de discrimination a été établie, l’analyse subséquente quant à savoir si la norme discriminatoire est une exigence professionnelle justifiée ne dépend plus du type de discrimination en cause (paragraphes 19 à 24). Cela revient à dire que la méthode unifiée mise au point par la Cour suprême dans cette affaire n’intervient qu’à l’étape 2. La description que l’agente d’enquête en a donnée est parfaitement alignée sur le critère élaborée par la Cour suprême.

 

[65]           Il est également reconnu dans Meiorin, au paragraphe 29, que la discrimination, de nos jours, prend le plus souvent la forme d’une discrimination indirecte, surtout systémique.

 

[66]           Cela étant, il n’y a rien dans le fait que l’agente d’enquête ait analysé séparément la discrimination directe et la discrimination indirecte ou par suite d’un effet préjudiciable qui constituerait en soi une erreur donnant matière à révision.

 

[67]           En ce qui a trait au caractère raisonnable de la conclusion de la Commission suivant laquelle la preuve prima facie en l’espèce était suffisante pour justifier que la plainte soit instruite au Tribunal, la Cour ne peut accepter les prétentions de la demanderesse voulant que la seule question préliminaire soit celle de savoir si le sexe est un facteur ayant une incidence sur la fréquence cardiaque maximale acceptée et qu’il n’existe absolument aucune preuve permettant d’établir un lien entre l’effet négatif observé et le motif de distinction illicite.

 

[68]           Reconnaissant qu’il est souvent difficile d’avancer une preuve suffisante pour soutenir une plainte de discrimination systémique ou même de discrimination personnelle fondée sur une norme, les tribunaux des droits de la personne ont accepté antérieurement qu’une preuve d’écart statistique dans l’embauche pouvait, dans certains cas, suffire à décharger le plaignant de son fardeau initial (voir Tarnopolsky, Discrimination and the Law, 2006, p. 15 à 73, ainsi que Blake c. Ontario (Ministry of Correctional Services) (1984), 5 C.H.R.R. D/2417, et Angeconeb c. 517152 Ontario Ltd. (1993), 19 C.H.R.R. D/452)[19].

 

[69]           Il faudrait également rappeler que la question de savoir si une preuve prima facie a été établie ou non s’articule autour de la suffisance de la seule preuve du plaignant, indépendamment de la preuve contradictoire ou des réponses de l’employeur (Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 204, au paragraphe 22).

 

[70]           Cela dit, la HEA affirme que les déclarations de Linda Langley figurant dans le rapport d’enquête expliquent l’écart statistique et auraient dû être prises en compte par la Commission. Pourtant, on y signale seulement que Mme Langley affirme que les candidates échouent parce qu’elles ne sont pas assez en forme et que [traduction] « il est difficile de comprendre pourquoi les candidates n’ont pas la force suffisante. Elles ont reçu des renseignements sur la façon de se préparer six semaines avant le test » (au paragraphe 55). Cela n’explique pas pourquoi, après avoir reçu les mêmes renseignements et fait la préparation pour subir le même protocole d’exercices, les femmes échouent au test suivant une proportion beaucoup plus élevée que les hommes. Cette question précise a été posée à la HEA. Si la réponse était aussi simple que ce qu’a laissé entendre la demanderesse à l’audience, à savoir qu’elles ne sont tout simplement pas assez en forme, on aurait pu s’attendre à ce que la HEA fasse part de cette réponse beaucoup plus tôt. Par ailleurs, ce n’est pas la réponse qu’elle a donnée à l’agente d’enquête dans sa lettre du 10 mai 2006. Tel qu’il a été souligné, la HEA ne pouvait pas donner de réponse précise à cette question et avait laissé entendre qu’une nouvelle analyse était nécessaire.

 

[71]           Le fait que la Commission n’a pas retenu la conclusion sur laquelle la demanderesse insistait, à savoir que le taux d’échec excessif des femmes dans la composante des élévations dynamiques du test ARCON était nécessairement attribuable à une piètre condition physique, ne peut être considéré comme une erreur donnant matière à révision. En fait, l’absence d’une explication précise concernant l’écart statistique et les nombreuses réponses imaginables à l’assertion de la plaignante n’amène qu’à conclure que la preuve était suffisante pour soutenir la première partie du critère. La Cour est d’avis que, compte tenu du rôle limité de la Commission à ce stade, sa conclusion concernant la discrimination indirecte ou par suite d’un effet préjudiciable constitue une issue pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[72]           En ce qui a trait à la contradiction soulevée par la demanderesse relativement aux paragraphes 26 et 88 de son rapport, la Cour n’est pas convaincue qu’il ne s’agit pas là d’une erreur de composition. En effet, les conclusions concernant la discrimination directe sont énoncées clairement au paragraphe 26. L’agente d’enquête précise encore clairement que le paragraphe 88 n’est qu’un résumé visant à conclure et rien dans le rapport n’indique une intention de changer la conclusion initiale. La Commission était clairement saisie de cette question, avec la confusion qu’elle a pu soulever. La Cour est d’avis que, lorsque l’on s’efforce de comprendre, le rapport n’apparaît soutenir que la proposition suivant laquelle la preuve est suffisante pour étayer la plainte relativement à la discrimination indirecte ou par suite d’un effet préjudiciable. Par conséquent, l’erreur au paragraphe 88 n’est pas suffisante pour vicier la décision.

 

[73]           Toutes les questions soulevées par la demanderesse relativement aux vices allégués à l’égard de la décision ont donc été tranchées.

 

[74]           Après avoir examiné tous les faits, y compris l’affirmation au paragraphe 94 du rapport suivant laquelle [Traduction] « [l]’intérêt public est visé par cette plainte dans la mesure où elle soulève une question de discrimination systémique à l’endroit des femmes dans les tests de force exigés dans un domaine d’emploi dominé par les hommes », la Cour est convaincue qu’il était loisible à la Commission de tirer la conclusion finale qu’elle a tirée. La décision de déférer la plainte de Mme Tucker au Tribunal était l’une des issues possibles eu égard aux faits de la présente affaire et au droit.

 

[75]           Tel qu’il a été souligné précédemment, la Cour est convaincue que la décision avait un fondement juste. Il convient de souligner que, comme la Cour, les parties devraient hésiter à contrecarrer la poursuite du processus devant le Tribunal en poussant trop leur recherche dans les détails de l’enquête au stade de l’examen préalable.

 

[76]           La demande sera rejetée.

 

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande est rejetée avec dépens.

 

 

 

« Johanne Gauthier »

j.c.a.

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                             T-2262-06

 

INTITULÉ :                                                           HALIFAX EMPLOYERS ASSOCIATION

                                                                                c.

                                                                                ELIZABETH TUCKER

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                     Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                   Le 27 mars 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                           LA JUGE JOHANNE GAUTHIER

 

DATE DES MOTIFS :                                          Le 28 avril 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Rebecca Saturley

Melissa Grant

 

              POUR LA DEMANDERESSE

Sean Foreman

 

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Brian G. Johnston, c.r.

Stewart McKelvey

Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

Wickwire Holmes

Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

              POUR LA DEMANDERESSE

 

 

 

              POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 



[1] Certaines parties du test exigeraient 85 p. 100 ou 75 p. 100 pendant au moins une minute.

[2] Certains des documents de la demanderesse portant sur le test ARCON font état d’une fréquence cardiaque maximale de 75 p. 100 suivant l’âge et le sexe de la personne. Voir par exemple le document intitulé Exercise Protocol For Lashers, figurant à l’onglet 5 du dossier de la demanderesse (troisième page).

[3] On ne comprend pas trop ce que cela aurait ajouté, puisque les documents dont l’agente d’enquête disposait indiquaient que la hauteur normale de l’élévation jusqu’aux épaules pour Mme Tucker était de 47 po (voir l’onglet 9, p. 5 et 6), tandis qu’elle avait été établie à 54 po pour un autre candidat (voir l’onglet E(24)).

[4] Au paragraphe 34, le rapport cite un article de Karen Messing intitulé One-Eyed-Science – Occupational Health and Women Workers.

[5] À savoir : i) le défaut d’offrir à la HEA la possibilité de présenter des observations sur la nouvelle question; ii) les conclusions contradictoires sur l’existence de la discrimination directe; iii) une distinction inappropriée entre la discrimination directe et la discrimination par suite d’un effet préjudiciable.

[6] La réserve qui est régie par la section locale 269 est constituée de travailleurs occasionnels qui se présentent au bureau d’embauche syndical dans l’espoir d’obtenir du travail après que tous les travailleurs syndiqués auront été placés.

[7] En dépit du fait qu’elle ait avancé des arguments pour soutenir une conclusion voulant que la norme de contrôle applicable soit celle de la décision raisonnable simpliciter, la HEA semble avoir reconnu que la jurisprudence sur laquelle elle s’appuyait (Société canadienne des postes c. Wighton,2006 CF 275; Kennedy c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [2006] CF 697) pouvait être distinguée des faits de l’affaire en l’espèce : Wighton portait sur une décision fondée sur l’article 41 de la Loi (et non l’article 44, et encore moins l’alinéa 44(3)a)) tandis que Kennedy intéressait une décision fondée sur l’alinéa 44(3)b) (rejet de la plainte).

[8] Il existe des exceptions : Zündel c. Canada (Procureur général) (1999), 175 D.L.R. (4th) 512, décision confirmée à 195 D.L.R. (4th 394), qui intéresse la question de la partialité; Société Radio‑Canada c. Paul, [1999] 2 CF 3, appel autorisé en partie, 2001 CAF 93, dont il sera discuté plus loin.

 

[9] Voir aussi Zündel (ci‑dessus, note 8) aux paragraphes 17 à 20 (première instance), décision confirmée en appel.

[10] Voir également Zündel, note 8, aux paragraphes 17 à 22.

[11] Il convient également de noter que le document intitulé Ergonomic Review For Lashers produit par la HEA durant l’enquête parle effectivement de la mécanique corporelle; dans le protocole d’évaluation préalable au placement des débardeurs, joint à ce document, il est mentionné que le test doit être effectué avec la mécanique corporelle appropriée.

[12] Le document produit par la HEA à l’onglet E(16) de son dossier indique une différence entre les femmes et les hommes dans la fréquence cardiaque moyenne de repos.

[13] L’agente d’enquête a tiré de façon similaire des conclusions favorables à la HEA concernant certains volets du critère de Meiorin.

[14] La demanderesse a déposé l’affidavit de M. More, président de la HEA, mais il n’aborde aucunement cette question.

[15] L’agente d’enquête a effectivement interrogé Mme Langley, coauteur du test ARCON, qui était présente durant le test de Mme Tucker.

[16] La Cour a également examiné avec soin la décision de la Cour d’appel fédérale dans Société Radio‑Canada c. Paul, 2001 CAF 93, en notant particulièrement que celle‑ci n’avait pas confirmé la conclusion de la juge Tremblay-Lamer selon laquelle certains renseignements auraient dû être communiqués à l’employeur. La Cour d’appel fédérale a plutôt tranché l’affaire uniquement en s’appuyant sur le fait que la Commission avait consulté des renseignements protégés ou confidentiels (en examinant le rapport de conciliation). On ne savait pas trop si elle avait en fait examiné le rapport d’enquête et toutes les observations des parties, compte tenu du libellé particulier de la décision elle‑même. Les motifs du juge Strayer, aux paragraphes 76 à 78, en particulier, étaient également pertinents.

[17] Voir la note 16.

[18] L’article 7 de la Loi vise précisément la discrimination indirecte.

[19] La Cour note que la référence à Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4, au paragraphe 17 de la décision Wikwemikong Tribal Police Services c. Corbiere, 2007 CAF 97, vise l’opinion de la juge Abella, au paragraphe 49, et que, dans ses motifs, la juge était en désaccord avec l’opinion de la majorité suivant laquelle les clauses de cessation automatique d’emploi constituent automatiquement une discrimination prima facie.

 

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