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Date : 20080417

Dossier : IMM-2329-07

Référence : 2008 CF 499

Ottawa (Ontario), le 17 avril 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

 

 

ENTRE :

YEI WAH LAU

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision d’une agente d’examen des risques avant renvoi (l’ERAR) qui a rejeté sa demande de protection contre un renvoi vers la Chine. La demanderesse est, en raison de cette demande, aux prises avec un dilemme : pour prouver le bien-fondé de son allégation selon laquelle l’agente d’ERAR a laissé des éléments de preuve de coté ou s’est méprise à leur égard, la demanderesse doit produire les éléments de preuve ou le document qui n’ont pas été pris en considération, mais ce document, soit une réponse à une demande d’information (la RDI) préparée par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR), contient des éléments de preuve qui sont compatibles avec les conclusions de l’agente.

 

II.        CONTEXTE

[2]               Mme Lau est une citoyenne de la Chine qui est entrée au Canada en 1987. Le désistement de sa demande d’asile a été prononcé en 1994. En 2006, la demanderesse a déposé une demande d’ERAR dans laquelle elle prétendait craindre d’être persécutée parce qu’elle a) était chrétienne, b) a eu deux enfants en contravention aux politiques en matière de planification familiale de la Chine, et c) a quitté la Chine illégalement.

 

[3]               Mme Lau n’a pas précisé la confession chrétienne à laquelle elle appartient et elle n’a pas manifesté d’intention d’adhérer à une Église enregistrée ou à une Église clandestine. L’agente a apprécié le risque de la demanderesse dans diverses situations, mais a conclu qu’il n’existait guère plus qu’une simple possibilité qu’elle soit persécutée.

 

[4]               L’agente a constaté, relativement à la prétendue violation par la demanderesse des politiques en matière de planification familiale de la Chine, que les personnes qui retournent en Chine avec des enfants nés à l’étranger ne sont habituellement pas assujetties à ces politiques intérieures. Même si Mme Lau était assujettie à ces politiques, l’agente a conclu qu’elle aurait eu à payer des frais de soutien (l’équivalent d’une amende), qui n’équivalent pas, en soi, à de la persécution.

 

[5]               Enfin, l’agente a conclu, à la lumière de la preuve documentaire, que Mme Lau, en tant qu’émigrante illégale, ne serait passible que d’une faible amende ou d’un bref emprisonnement.

 

III.       ANALYSE

[6]               Bien que les parties aient convenu que la norme de contrôle applicable était celle de la décision manifestement déraisonnable, ces observations ont été formulées avant que ne soit rendu l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9. Bien que la norme de contrôle soit maintenant sans contredit celle de la décision raisonnable, la distinction entre les deux normes n’a aucune incidence en l’espèce.

 

[7]               La demanderesse s’oppose au fait que l’agente a décidé d’invoquer des extraits d’un rapport du Département d’État des États-Unis malgré l’existence d’une RDI de la CISR qui, selon la demanderesse, étaye son allégation de persécution fondée sur les croyances religieuses, du moins à l’égard des membres d’Églises non enregistrées. La plainte de la demanderesse repose essentiellement sur la prise en compte sélective par l’agente des documents à la disposition du public.

 

[8]               Le problème que présente la position de la demanderesse (mis à part le fait qu’elle a dû produire en l’espèce des documents qu’elle n’avait pas soumis à l’agente pour établir que cette dernière n’avait pas tenu compte de documents pertinents à la disposition du public) est que, selon la RDI, la persécution fondée sur les croyances religieuses a un caractère local. Bien que la RDI démontre que certaines Églises non enregistrées font l’objet de persécution, elle révèle que la persécution a un caractère local et qu’elle n’est pas répandue en Chine. En outre, Guangdong, la province d’où vient la demanderesse, est l’une des régions les plus libérales de la Chine et il est donc peu vraisemblable que la persécution y sévisse.

 

[9]               Le fait que la demanderesse n’a pas donné le nom de l’Église à laquelle elle appartient a aussi miné sa position.

 

[10]           En conséquence, la Cour ne peut conclure qu’était déraisonnable la décision de l’agente relative à la question de la persécution fondée sur les croyances religieuses.

 

[11]           Les conclusions que l’agente a tirées quant au manquement aux politiques en matière de planification familiale reposaient sur la preuve documentaire. La demanderesse se plaint que l’agente n’a pas motivé sa conclusion selon laquelle les frais n’équivalaient pas à de la persécution. Cependant, le fardeau de prouver la persécution incombe à la demanderesse, et Mme Lau n’a pas produit aucun élément de preuve démontrant que les frais étaient si élevés qu’ils équivalaient à de la persécution, tant de façon générale que dans son cas particulier.

 

[12]           Qui plus est, la conclusion de l’agente selon laquelle la loi contre l’émigration illégale est d’application générale et n’équivaut pas à de la persécution est conforme à la décision Cheung c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.F.), [1993] 2 C.F. 314.

 

[13]           Dans l’ensemble, la décision était équilibrée et complète. Il était loisible à l’agente d’en arriver à ses conclusions au vu de la preuve.

 

IV.       DISPOSITIF

[14]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                   IMM-2329-07

 

INTITULÉ :                                                  YEI WAH LAU

                                                                       c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                            TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                          LE 9 AVRIL 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                         LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                  LE 17 AVRIL 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Clifford Luyt

 

POUR LA DEMANDERESSE

Brad Gotkin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Czuma, Ritter

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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