Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date: 20080403

Dossier : IMM-3090-07

Référence : 2008 CF 432

Toronto (Ontario), le 3 avril 2008

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

PATRICIA GONZALEZ PEREA

 

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La décision relative à l’examen des risques avant renvoi (ERAR) faisant l’objet du présent contrôle judiciaire concerne une demanderesse dont la demande d’asile avait été rejetée par la Section de la protection des réfugiés (la Section) en 1993, mais qui a présenté à l’agent d’ERAR une preuve nouvelle aux fins d’examen.

 

[2]               La demanderesse présente ainsi ce qu’elle prétend être sa nouvelle preuve :

 

 

[traduction]

Elle est ciblée par les attaques de son ami de cœur parce qu’elle l’a quitté et elle est depuis longtemps une victime de violence conjugale grave mettant sa vie en danger. Elle est également ciblée par son ami de cœur parce qu’elle a des preuves qu’il est un « madrina » qui pratique l’enlèvement de personnes, la torture et divers actes de violence pour le compte du gouvernement mexicain ou de la police judiciaire. Elle a tenté de le dénoncer auprès du bureau du procureur général, ce qui a rendu impossible le retour dans son pays en raison de la menace à sa vie à laquelle elle serait exposée.

 

(décision relative à l’ERAR, page 3)

 

 

[3]                 La preuve nouvelle déposée par la demanderesse concerne le meurtre de son oncle en avril 2005 au Mexique. La demanderesse a présenté l’argument suivant à l’agent d’ERAR : le meurtre était directement lié à sa crainte du risque qu’elle pourrait courir. Elle a fondé son argument sur le témoignage du partenaire de son oncle, M. Morales. Ce dernier avait témoigné devant la Section, mais devant l’agent d’ERAR, il a présenté une preuve nouvelle selon laquelle environ 10 jours avant le meurtre de l’oncle, il avait été agressé et menacé par qui il croyait être la police judiciaire ou la police ministérielle, qui tentait de savoir où se trouvait la demanderesse. M. Morales a informé le procureur général de la justice du Mexique de cet incident au moyen d’une lettre en date du 8 avril 2005. De plus, pour appuyer la demande de protection que la demanderesse fondait sur la preuve nouvelle, M. Flores, un membre d’un parti politique qui l’avait aidée à fuir le Mexique, a rédigé une lettre confirmant que la police judiciaire avait abattu l’oncle parce qu’il n’avait pas révélé l’endroit où se trouvait la demanderesse; il prévoit que la demanderesse subira le même sort si elle retourne au Mexique.

 

[4]               L’agent d’ERAR a déclaré ce qui suit au sujet de la preuve de M. Morales et de M. Flores :

[traduction]

De plus, j’ai tenu compte de la conclusion de la Section selon laquelle le partenaire de l’oncle de la demanderesse n’est pas une partie désintéressée quant à la demande de celle‑ci. En conséquence, j’estime que ce rapport ne constitue pas une preuve objective parce que seule l’explication donnée par M. Morales au sujet de l’incident est mentionnée. Eu égard aux facteurs susmentionnés, j’accorde peu d’importance au rapport de faits adressé au procureur général comme établissant que la demanderesse est exposée à un risque personnel au Mexique.

 

[…]

 

M. Flores ne fournit pas de précisions quant au risque couru par la demanderesse ou au décès de l’oncle. M. Flores n’explique pas comment il est en mesure de certifier que l’oncle de la demanderesse a été assassiné par la police judiciaire. J’estime également que le peu d’information dont je dispose n’établit pas que M. Flores est une partie désintéressée quant à la demande de la demanderesse. À mon avis, le nouveau paragraphe dans l’affidavit de M. Flores ne constitue pas une preuve convaincante du risque que la demanderesse pourrait courir au Mexique.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(décision relative à l’ERAR, pages 4 et 5)

 

 

[5]               Quant au témoignage de M. Morales, l’avocat de la demanderesse soutient que l’agent d’ERAR a établi sa valeur en faisant appel à une considération extrinsèque. C’est‑à‑dire que, si l’on se fonde sur les termes qu’il a utilisés, l’agent d’ERAR n’a pas procédé à une évaluation indépendante de la preuve, mais qu’il s’en est simplement rapporté à l’opinion exprimée par la Section. J’accepte cet argument.

 

[6]               En ce qui concerne le témoignage de M. Flores, l’avocat de la demanderesse soutient que le critère selon lequel M. Flores doit être considéré comme une partie désintéressée quant à la demande de la demanderesse pour que son témoignage soit dûment pris en compte est injuste. J’accepte aussi cet argument.

 

[7]               Il semble que l’agent d’ERAR ait analysé la preuve de la demanderesse de manière suspicieuse et que, en conséquence, il se soit fondé sur un critère quasi impossible à respecter. Certes, la preuve présentée par la demanderesse provenait de personnes qui ne sont pas des représentants du gouvernement ou qui n’assument pas des fonctions gouvernementales, mais elles ont certainement des preuves à présenter fondées sur leurs propres observations. À mon avis, dire avec désinvolture qu’aucune valeur ne doit être accordée au témoignage de ces personnes parce qu’elles ne sont pas des parties désintéressées quant à la demande de la demanderesse est une approche particulièrement injuste à adopter.

 

[8]               Par conséquent, je conclus que la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire comporte une erreur susceptible de contrôle.


ORDONNANCE

 

En conséquence, j’annule la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire et je renvoie l’affaire à un autre agent d’ERAR pour qu’il statue à nouveau sur l’affaire.

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Annie Beaulieu


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3090-07

 

 

INTITULÉ :                                       PATRICIA GONZALEZ PEREA c. LE MINISTRE

DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 31 MARS 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 3 AVRIL 2008      

 

 

COMPARUTIONS :

 

ROBERT  I. BLANSHAY                                                       POUR LA DEMANDERESSE

 

LORNE McCLENAGHAN                                                     POUR LE DEMANDEUR

                       

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ROBERT  I. BLANSHAY                                                      

AVOCAT

TORONTO (ONTARIO)                                                        POUR LA DEMANDERESSE

 

JOHN H. SIMS, c.r.                                                               

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA                  POUR LE DEMANDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.