Toronto (Ontario), le 2 avril 2008
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BARNES
ENTRE :
MAH RUKH ASLAM
MUHAMMAD AWON ASLAM
MUHAMMAD HASEEB ASLAM
MUHAMMAD ZAIN ASLAM
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il y a deux requêtes contradictoires présentées à la Cour dans la présente instance. La première est une requête des demandeurs visant à obtenir un sursis à leur expulsion au Pakistan, prévue pour le 15 avril 2008. Dans leur demande principale d’autorisation et de contrôle judiciaire, les demandeurs conteste une décision qu’ils considèrent comme ayant été rendue par un agent d’exécution, décision qui aurait rejeté leur demande visant à reporter l’expulsion. Malgré le fait qu’aucune décision n’a, en fait, été rendue par le défendeur relativement à cette demande de report, les demandeurs allèguent que la décision est ou sera défavorable, rendue illégalement et de manière déraisonnable ainsi que, notamment, sans bien tenir compte des intérêts des enfants concernés.
[2] Le défendeur a répliqué à la requête des demandeurs au moyen d’une requête en radiation de la demande principale d’autorisation et de contrôle judiciaire au motif qu’en l’absence d’une véritable décision, la demande est mal fondée.
[3] Les faits qui sous-tendent les présentes requêtes ne sont pas contestés. Le défendeur a déclenché le processus de renvoi des demandeurs en 2006. Les demandeurs ont présenté une demande d’examen des risques avant renvoi en juillet 2006 et la demande a été rejetée le 13 septembre 2006. Une demande de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée par la Cour le 19 décembre 2007. Le 27 février 2008, les demandeurs se sont vu signifier une convocation en vue de leur renvoi le 15 avril 2008.
[4] Le 10 mars 2008, l’avocat des demandeurs a écrit au défendeur afin de demander un report de renvoi et qu’une décision soit rendue au plus tard le 19 mars 2008. La lettre ajoutait que le défaut de répondre dans le délai imparti serait considéré par les demandeurs comme un [traduction] « rejet présumé » qui appuierait une requête en sursis. Apparemment, les demandeurs n’ont reçu aucune réponse et la requête en sursis a été déposée le 27 mars 2008 et a été débattue devant moi le 31 mars 2008.
[5] Le défendeur a déposé un affidavit de Mme Karen Mendonca, lequel mentionnait que la demande du report des demandeurs était [traduction] « dans la file d’attente » avec d’autres demandes de report en suspens et que [traduction] « tous les efforts [étaient] déployés dans le but de rendre une décision en temps utile ».
[6] La requête des demandeurs a été formulée au départ comme une demande de sursis complet à l’expulsion au fond jusqu’à la conclusion définitive de leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Lorsque l’affaire a été débattue devant moi, la demande de réparation a été réduite à un sursis temporaire à l’exécution pour une période de deux semaines après le prononcé de la décision sur le report. L’avocat des demandeurs a fait valoir que la réparation était justifiée par des préoccupations concernant l’équité et l’application régulière de la loi.
[7] À l’appui de leur demande de réparation, les demandeurs se fondent sur l’ordonnance du juge Frederick Gibson dans Katwaru c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), IMM-475-07 (non publiée), et sur la décision du juge Russell dans Ragunathan c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 963. Dans Katwaru, le juge Gibson était saisi d’une requête en sursis, alors qu’aucune décision n’avait été rendue concernant le report et que l’expulsion avait été fixée pour le jour suivant. Comme il fallait s’y attendre, il a accordé un sursis temporaire à l’exécution pour une période de 72 heures suivant le prononcé de la décision pendante et la requête a par ailleurs été ajournée sine die.
[8] Dans Ragunathan, la requête en sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion a été présentée avant que ne soit rendue la décision sur le report, mais a été débattue après le prononcé de la décision. Le juge Russell disposait donc d’une véritable décision et d’observations pertinentes des parties. À mon avis, la décision dans Ragunathan devrait se limiter à ses faits particuliers et ne devrait pas s’appliquer à une situation comme celle-ci, où aucune décision n’a encore été rendue. Lorsque le défendeur refuse ou omet de rendre une décision en temps opportun, le type de réparation temporaire accordée par le juge Gibson dans Katwaru est disponible et, bien sûr, la Cour a les ressources pour examiner de pareilles questions de manière urgente quand il le faut. Cependant, à mon avis, la requête en réparation temporaire des demandeurs est prématurée. L’expulsion des demandeurs est prévue dans deux semaines. C’est un gaspillage des ressources judiciaires limitées de présenter cette requête, alors qu’il est toujours possible qu’une décision soit rendue en temps opportun et alors que le résultat de ce processus est inconnu en ce moment.
[9] La Cour est saisie de suffisamment de requêtes urgentes en sursis traitant de véritables décisions, de sorte qu’elle ne peut se charger de requêtes prématurées de ce genre. Dans les cas appropriés, où l’équité et l’application régulière de la loi exigent qu’une ordonnance de sursis temporaire soit délivrée, la Cour possède le pouvoir de préserver le statu quo jusqu’à ce qu’une décision soit rendue ou d’accorder à une partie assez de temps pour lui permettre de présenter à la Cour un dossier de preuve régulier. Il ne sied pas qu’un demandeur considère une décision comme ayant été rendue du fait que le défendeur n’a pas répondu dans un délai que lui a imposé le demandeur de façon unilatérale. Le défendeur n’est aucunement tenu, sur le plan juridique, de répondre à de telles demandes et il est en droit de traiter ce type de requêtes d’une manière ordonnée et équitable. En réalité, le genre de demandes visant à obtenir des décisions rapides sur les reports que les demandeurs semblent maintenant présenter créeraient, si le défendeur y donnait suite, une injustice à l’égard de ceux qui sont déjà dans la file d’attente et qui, de ce fait, verraient leurs requêtes en report retardées au profit des de ceux qui sont arrivés après eux dans le système. En d’autres mots, il appartient au défendeur d’établir l’ordre de priorité pour ces affaires d’une façon qui soit efficiente, tout en étant équitable pour tous, et il est déraisonnable que quelques plaideurs cherchent à faire passer leurs propres intérêts avant ceux d’autres personnes qui, de cette façon, peuvent subir un préjudice.
[10] Le défendeur a demandé que des dépens lui soient adjugés, mais je ne pense pas que ce soit approprié en l’espèce. Il n’en reste pas moins que, si on continue à présenter ce type de requêtes prématurées, il conviendra peut-être d’octroyer des dépens afin de juguler cette pratique.
[11] Comme la requête en sursis des demandeurs sera rejetée, il ne serait d’aucune utilité d’examiner la requête en rejet du défendeur; cette requête sera rejetée au moyen d’une ordonnance distincte.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la requête en sursis soit rejetée.
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1447-08
INTITULÉ : MUHAMMAD ASLAM, MAH RUKH
ASLAM, MUHAMMAD AWON ASLAM,
MUHAMMAD HASEEB ASLAM,
MUHAMMAD ZAIN ASLAM
c.
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ
PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION
CIVILE
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 31 MARS 2008
ET ORDONNANCE : LE JUGE BARNES
DATE DES MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET DE L’ORDONNANCE : LE 2 AVRIL 2008
COMPARUTIONS :
Lorne Waldman POUR LES DEMANDEURS
Lisa Hutt POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Waldman & Associates POUR LES DEMANDEURS
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada