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Date : 20080325

Dossier : IMM‑1347‑08

Référence : 2008 CF 374

Ottawa (Ontario), le 25 mars 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

ENTRE :

NUR MOHAMED JAMA

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

I.  Introduction

[1]               Le demandeur était pleinement à même de présenter des preuves et des arguments à propos de l’avis de dangerosité. Il a fallu environ deux ans pour que soit rendu l’avis de dangerosité. Le demandeur a présenté trois ensembles de conclusions, en juillet 2005, en août 2006 et en mars 2007; cependant, il a décidé en connaissance de cause de ne pas contester l’avis de dangerosité, rendu le 11 juin 2007, alors qu’il savait que son renvoi était imminent. En fait, le demandeur devait être renvoyé en juillet 2007, mais il n’a tout de même pas contesté l’avis de dangerosité. L’unique raison pour laquelle il n’a pas été renvoyé en juillet 2007 est le refus de la compagnie aérienne de transporter vers la Somalie des personnes expulsées. Le demandeur n’a rien fait jusqu’à maintenant pour contester l’avis de dangerosité.

[2]               L’avis de dangerosité s’appuie sur la décision du représentant du ministre portant la date du 11 juin 2007 (des extraits sont annexés au présent jugement).

 

[3]               Il n’y a pas de demande pendante sous‑jacente à laquelle la présente requête en sursis d’exécution puisse être valablement rattachée. Par ailleurs, le demandeur n’a pas montré que les conditions de l’octroi d’une prorogation de délai sont réunies. Pour obtenir une prorogation de délai, le demandeur doit prouver ce qui suit :

                     i.                        une intention constante de poursuivre sa demande;

                   ii.                        le bien‑fondé de la demande, ou l’existence d’un argument défendable;

                  iii.                        l’absence d’un préjudice résultant du délai; et

                 iv.                        l’existence d’une explication raisonnable justifiant le délai.

(Canada (Procureur général) c. Hennelly (1999), 244 N.R. 399 (C.A.F.); Grewal c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] 2 C.F. 263 (C.A.F.); Marshall c. Canada, 2002 CAF 172.)

 

[4]               Le demandeur a admis qu’il n’avait pas eu une intention constante de poursuivre sa demande. Il n’a pas prouvé non plus l’existence d’un argument défendable et l’existence d’une explication raisonnable justifiant le délai. Comme je l’ai dit, le demandeur savait depuis huit ou neuf mois que son renvoi était imminent. La situation dans la région de la Somalie vers laquelle le demandeur doit être renvoyé n’a pas évolué de manière importante; quoi qu’il en soit, l’avis de dangerosité subsisterait quand même, car il a été rendu avant les supposés changements, et donc sa validité ne saurait donc être remise en cause. Le défendeur subirait un grave préjudice si la présente requête devait être accordée, au vu des circonstances de la présente affaire. Le demandeur a été mis en détention durant plus de deux ans, dans l’attente de son renvoi. Ce n’est qu’au cours des derniers jours qu’il a manifesté l’intention de contester l’avis de dangerosité.

 

[5]               Le demandeur n’a produit aucune preuve digne de foi tendant à établir de nouveaux risques par suite de son renvoi au Somaliland. Le demandeur a une famille là‑bas, y compris ses parents et une nombreuse fratrie. Il semble aussi que ses anciennes épouses y habitent, avec plus de quatre de ses enfants (le nombre exact d’ex‑épouses, d’épouses actuelles et d’enfants vivant à Hargeisa n’apparaît pas clairement dans le dossier).

 

[6]               Le demandeur connaît depuis de nombreuses années ses troubles mentaux actuels. Tout au long de cette période, il est apparu qu’il ne prenait pas régulièrement ses médicaments. Il est incarcéré depuis plus de deux ans mais, avant cela, les moyens pris par les responsables du Programme des cautionnements n’avaient pas réussi à le convaincre de se conformer au schéma thérapeutique requis pour venir à bout de son état. Cette situation est en partie à l’origine de l’avis de dangerosité. Par conséquent, la mise à disposition de médicaments ou l’application d’un traitement psychiatrique ne peut avoir aucun effet sur quelqu’un qui refuse obstinément d’en tirer parti.

 

[7]               Les intérêts du demandeur ne l’emportent pas sur l’intérêt public à ce que soient appliquées les mesures de renvoi dès que les circonstances le permettent, conformément au paragraphe 48(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). L’obligation du ministre au titre du paragraphe 48(2) de la LIPR n’est pas simplement une question de commodité administrative, mais fait intervenir l’intégrité et l’équité du système canadien de contrôle de l’immigration, ainsi que la confiance du public dans ce système.

 

[8]               S’agissant de la prépondérance des inconvénients, la Cour doit considérer que le demandeur constitue un danger pour le public au Canada. Si une personne constitue un danger pour le public au Canada, ou si elle a commis des crimes contre l’humanité, l’intérêt public et la prépondérance des inconvénients militent contre l’octroi d’un sursis d’exécution de la mesure de renvoi. (Choubaev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 816; Grant c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 141.)

 

[9]               Comme l’écrivait la juge Judith Snider dans la décision Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 464, [2004] A.C.F. n° 567 (QL), « l’objectif recherché par le cadre législatif en question constitue une bonne base de départ pour apprécier l’intérêt public en jeu ici ». Certes, l’engagement du Canada envers le non‑refoulement est l’un des objectifs de la LIPR, mais un objectif encore plus pressant, qui influe sur toute personne vivant au Canada, est le maintien et la préservation de la sécurité des Canadiens, ainsi que de l’intégrité du système canadien d’immigration.

 

[10]           La prépondérance des inconvénients favorise le ministre, en ce sens que le renvoi du demandeur satisferait aux objectifs énoncés dans la LIPR : mettre en place une procédure équitable et efficace qui maintient l’intégrité du processus canadien d’asile, garantir la sécurité des Canadiens et promouvoir, à l’échelle internationale, la sécurité et la justice par l’interdiction du territoire canadien aux personnes qui sont de grands criminels ou constituent un danger pour la sécurité. (LIPR, alinéas 3(2)e), g) et h).)

 

II.  Contexte

[11]           Les faits exposés dans l’affidavit de Mme Karen Miranda, l’explication reçue par courrier électronique de l’agent, M. Bob Hickson, l’avis de dangerosité daté du 11 juin 2007 et les nombreuses pièces produites par le demandeur se passent d’explication. (Le document annexé en fait ressortir les éléments.)

 

III.  Point litigieux

[12]           Le demandeur a‑t‑il satisfait aux trois volets cumulatifs du critère de l’octroi d’un sursis d’exécution?

 

IV.  Analyse

[13]           Le critère de l’octroi d’un sursis d’exécution d’une mesure de renvoi est le suivant :

a)      Y a‑t‑il une question sérieuse sur laquelle la Cour devrait se prononcer?

b)      La partie qui sollicite le sursis d’exécution subira‑t‑elle un préjudice irréparable si le sursis n’est pas accordé?

c)      Compte tenu de la prépondérance des inconvénients, la partie qui sollicite le sursis d’exécution subira‑t‑elle le préjudice le plus grand par suite du refus d’octroyer le sursis?

(Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.); RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311.)

 

[14]           Les conditions de l’octroi d’un sursis d’exécution sont cumulatives, et le demandeur doit donc satisfaire à chacun des trois volets du critère.

 

Question sérieuse

[15]           Puisque le demandeur n’a pas établi l’existence d’une question sérieuse, la requête doit être rejetée sur ce seul fondement. Par sa requête en sursis d’exécution, le demandeur tente de mettre en question un avis de dangerosité qui a été rendu huit ou neuf mois auparavant. Le demandeur a décidé en connaissance de cause de ne pas contester l’avis de dangerosité, et il est aujourd’hui incontestablement hors délai. Il se trouve qu’il n’y a pas de demande sous‑jacente au regard de laquelle la présente requête en sursis puisse être instruite.

 

[16]           Le 11 juin 2007, un représentant du ministre a rendu, en application de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR, un avis selon lequel le demandeur constitue un danger présent et futur pour le public au Canada. L’avis a été rédigé conformément au paragraphe 33(2) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, qui permet au pays d’accueil de renvoyer un réfugié qui a été reconnu coupable d’un crime particulièrement grave et qui constitue une menace pour le pays. Outre l’évaluation du danger, l’avis comprend un examen du risque que court le demandeur à son retour au Somaliland, comme le veut l’arrêt de la Cour suprême du Canada, Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, ainsi qu’un examen des motifs d’ordre humanitaire. Cet examen faisait état de la situation personnelle du demandeur. (Il est également fait référence à l’avis de dangerosité.)

 

[17]           Il n’y a pas eu évolution négative sensible de la situation ayant cours dans le pays, en particulier dans la région vers laquelle le demandeur doit être renvoyé. (LIPR, articles 112 et 115; Ragupathy c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 1370 (1re inst.), paragraphes 15 à 22.)

 

Préjudice irréparable

[18]           C’est au demandeur qu’il appartient de montrer, par la preuve claire et convaincante d’un préjudice irréparable, que le recours extraordinaire d’un sursis d’exécution de la mesure de renvoi est justifié. Le préjudice irréparable doit être davantage qu’une série de possibilités et ne saurait reposer simplement sur des affirmations et des conjectures. (Atwal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 427.)

 

[19]           La Cour suprême du Canada a jugé qu’un tel préjudice doit être causé au demandeur, et non à un tiers. (arrêt RJR‑MacDonald Inc., précité, paragraphe 58.)

 

[20]           La jurisprudence de la Cour fédérale établit aussi que le préjudice irréparable doit être davantage que les conséquences inhérentes à une expulsion. Ainsi que l’écrivait le juge Denis Pelletier dans la décision Melo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 188 F.T.R. 39 :

[21]      […] pour que l’expression « préjudice irréparable » conserve un peu de sens, elle doit correspondre à un préjudice au‑delà de ce qui est inhérent à la notion même d’expulsion. Être expulsé veut dire perdre son emploi, être séparé des gens et des endroits connus. L’expulsion s’accompagne de séparations forcées et de cœurs brisés.

 

[21]           La famille élargie du demandeur vit dans la région vers laquelle le demandeur doit être renvoyé. Durant la longue période qu’il a passée aux États‑Unis et au Canada, il ne s’est pas soumis aux traitements et aux médicaments qui lui étaient prescrits. Par conséquent, l’existence de tels traitements ou médicaments ne change rien pour le demandeur, puisque l’État ne saurait l’obliger à s’y conformer. Contrairement aux vagues observations faites par le demandeur à propos du traitement des personnes atteintes de troubles mentaux, ses autres frères et sœurs ainsi atteints sont placés en institution, et non « attachés à un arbre ». Puisque le demandeur n’a pas satisfait au volet du critère qui concerne le préjudice irréparable, la requête devrait être rejetée sur ce seul fondement.

 

Prépondérance des inconvénients

[22]           Il est bien établi en droit que l’intérêt public doit être pris en compte dans l’évaluation de ce dernier critère. (RJR‑MacDonald Inc., précité; Blum c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1994), 90 F.T.R. 54 (C.F. 1re inst.), le juge Paul Rouleau.)

 

[23]           Sur ce point, les très récentes déclarations de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 539, qui concernent l’intention du législateur, sont à propos. La juge Beverley McLachlin, juge en chef du Canada, s’exprimant pour l’ensemble des juges de la Cour suprême, écrivait ce qui suit :

[9]            La LIPR comporte une série de dispositions destinées à faciliter le renvoi de résidents permanents qui se sont livrés à des activités de grande criminalité. Cette intention se dégage des objectifs de la LIPR, des dispositions de la LIPR applicables aux résidents permanents et des audiences qui ont précédé l’adoption de la LIPR.

[10]           Les objectifs explicites de la LIPR révèlent une intention de donner priorité à la sécurité. Pour réaliser cet objectif, il faut empêcher l’entrée au Canada des demandeurs ayant un casier judiciaire et renvoyer ceux qui ont un tel casier, et insister sur l’obligation des résidents permanents de se conformer à la loi pendant qu’ils sont au Canada. Cela représente un changement d’orientation par rapport à la loi précédente, qui accordait plus d’importance à l’intégration des demandeurs qu’à la sécurité : voir, par exemple, l’al. 3(1)i) LIPR comparativement à l’al. 3j) de l’ancienne Loi; l’al. 3(1)e) LIPR comparativement à l’al. 3d) de l’ancienne Loi; l’al. 3(1)h) LIPR comparativement à l’al. 3i) de l’ancienne Loi. Considérés collectivement, les objectifs de la LIPR et de ses dispositions relatives aux résidents permanents traduisent la ferme volonté de traiter les criminels et les menaces à la sécurité avec moins de clémence que le faisait l’ancienne Loi.

[…]

[12]           Lorsqu’elle a déposé la LIPR, la ministre a souligné énergiquement que les dispositions comme l’art. 64 avaient pour objet de retirer aux grands criminels le droit d’interjeter appel. Elle a dit souhaiter [traduction] « que l’on renvoie le plus rapidement possible [...] les personnes qui constituent un risque pour la sécurité du Canada ».

[13]           En résumé, les dispositions de la LIPR et les commentaires de la ministre indiquent que l’adoption de la LIPR, et de l’art. 64 en particulier, visait à renvoyer diligemment du pays les criminels condamnés à une peine d’emprisonnement de plus de six mois. Étant donné que l’art. 196 renvoie expressément à l’art. 64 (privant du droit d’appel les grands criminels), il semble que les dispositions transitoires devraient être interprétées à la lumière de ces objectifs législatifs. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[24]           La prépondérance des inconvénients milite fortement ici en faveur du défendeur. Le ministre cherche à protéger le public canadien et, avec cet objectif à l’esprit, il s’acquitte des fonctions que lui confère la loi. Ainsi que l’écrivait le juge William P. McKeown dans la décision Gomes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. n° 199 (QL) :

[7]        Pour ce qui est du critère relatif à la répartition des inconvénients, je suis d’accord avec le raisonnement du juge Rothstein dans l’arrêt Mahadeo c. Canada (Secrétaire d’État), 31 octobre 1994, (inédit), dossier de la Cour IMM‑4647‑94 (C.F. 1re inst.). Le juge Rothstein a déclaré dans cette décision que lorsqu’un requérant est coupable de fraude en matière d’aide sociale ou qu’il a été reconnu coupable d’un acte criminel au Canada, la prépondérance des inconvénients penche énormément en faveur de l’intimé. Le requérant en l’espèce a été reconnu coupable de voies de fait infligeant des blessures corporelles et cela, à mon avis, l’emporte sur toute considération ayant trait au grave choc émotif infligé à la famille du requérant. Je conclus par conséquent que la répartition des inconvénients joue en faveur de l’intimé.

[8]        Compte tenu de mes conclusions défavorables au sujet des deux premiers éléments du critère à trois volets, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la question du préjudice irréparable. [Non souligné dans l’original.]

 

[25]           L’intérêt public doit être pris en compte et apprécié en même temps que les intérêts de la partie. Le demandeur n’a pas satisfait au troisième volet du triple critère, dans la mesure où la prépondérance des inconvénients milite en faveur du ministre, et non en faveur du demandeur. (Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110, paragraphe 146.)

 

[26]           Dans la décision Dugonitsch c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] A.C.F. n° 320 (C.F. 1re inst.), le juge Andrew MacKay exposait les facteurs à retenir pour évaluer la prépondérance des inconvénients :

En l’absence d’un préjudice irréparable, il est, à strictement parler, inutile d’examiner la question de la prépondérance des inconvénients. Il est néanmoins utile de rappeler que, dans la discussion du critère de l’octroi d’une suspension d’instance ou d’une injonction interlocutoire dans l’affaire Metropolitan Stores, le juge Beetz a insisté sur l’importance d’attribuer un poids approprié à l’intérêt public dans un cas où une suspension d’instance est demandée à l’encontre d’un organisme agissant en vertu de lois et de règlements publics dont on n’a pas encore déterminé qu’ils sont inopérants ou inapplicables à l’espèce. Cet intérêt public appuie le maintien des programmes prévus par la loi et des efforts de ceux qui sont chargés de les appliquer. C’est seulement dans des cas exceptionnels que l’intérêt du particulier, qui, selon la preuve, pourrait subir un préjudice irréparable, l’emportera sur l’intérêt public. [Non souligné dans l’original.]

 

[27]           Les observations du juge John Maxwell Evans dans l’arrêt Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 261, sont également applicables en l’espèce :

[21]      L’avocate des appelants dit que, puisque les appelants n’ont aucun casier judiciaire, qu’ils ne sont pas une menace pour la sécurité et qu’ils sont financièrement établis et socialement intégrés au Canada, l’équilibre des inconvénients milite en faveur du maintien du statu quo jusqu’à l’issue de leur appel.

[22]      Je ne partage pas ce point de vue. Ils ont reçu trois décisions administratives défavorables, qui ont toutes été confirmées par la Cour fédérale. Il y a bientôt quatre ans qu’ils sont arrivés ici. À mon avis, l’équilibre des inconvénients ne milite pas en faveur d’un nouveau report de l’accomplissement de leur obligation, en tant que personnes visées par une mesure de renvoi exécutoire, de quitter le Canada immédiatement, ni en faveur d’un nouveau report de l’accomplissement de l’obligation du ministre de les renvoyer dès que les circonstances le permettront : voir le paragraphe 48(2) de la LIPR. Il ne s’agit pas simplement d’une question de commodité administrative, il s’agit plutôt de l’intégrité et de l’équité du système canadien de contrôle de l’immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système. [Non souligné dans l’original.]

 

[28]           L’article 48 de la LIPR oblige le ministre à renvoyer les personnes telles que le demandeur dès que les circonstances le permettent.

 

[29]           Eu égard à l’ensemble des circonstances, surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi prononcée contre le demandeur compromettrait l’équité et l’intégrité du système canadien de contrôle de l’immigration, ainsi que la confiance du public dans ce système; par conséquent, la prépondérance des inconvénients milite en faveur du défendeur.

 

[30]           Le demandeur recherche un redressement en equity extraordinaire. Il est bien établi en droit que l’intérêt public doit être pris en compte lorsqu’on évalue ce dernier critère. Pour prouver que la prépondérance des inconvénients milite en sa faveur, le demandeur doit montrer qu’il y a un intérêt public à ne pas le renvoyer comme prévu. Dans l’arrêt Townsend, le juge Marshall Rothstein avait estimé que la prépondérance des inconvénients militait en faveur du ministre parce que « le casier judiciaire chargé de l’appelant et sa détention actuelle coûteuse l’emportent sur sa longue période de résidence au Canada ». (Townsend c. Canada (M.C.I.) (25 juin 2004), Doc. No A‑167‑04, paragraphe 6; RJR‑MacDonald Inc., précité, Blum, précité; Tesoro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 148; Thanabalasingham c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 486.)

 

[31]           Comme l’écrivait le juge John Sopinka dans l’arrêt Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Chiarelli, [1992] 1 R.C.S. 711 :

Le principe le plus fondamental du droit de l’immigration veut que les non‑citoyens n’aient pas un droit absolu d’entrer au pays ou d’y demeurer.

 

[32]           S’agissant de la présente requête, le demandeur n’a pas prouvé que la prépondérance des inconvénients milite en faveur de la non‑application du droit ni que ses intérêts l’emportent sur l’intérêt public; par conséquent, l’évaluation du risque qui a été faite dans le cadre de l’avis de dangerosité n’entre pas « dans les issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit », comme l’écrivait la Cour suprême dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9.

 

[33]           Dans l’examen de la prépondérance des inconvénients, la Cour doit établir si le demandeur constitue un danger pour le public au Canada. Si une personne constitue un danger pour le public au Canada, l’intérêt public et la prépondérance des inconvénients militent contre un sursis d’exécution de la mesure de renvoi. (décision Choubaev, précitée; décision Grant, précitée.)

 

[34]           Comme l’écrivait la juge Snider dans la décision Chen, précitée, « l’objectif recherché par le cadre législatif en question constitue une bonne base de départ pour apprécier l’intérêt public en jeu ici ». Certes, l’engagement du Canada envers le non‑refoulement est l’un des objectifs de la LIPR, mais un objectif encore plus pressant, qui influe sur toute personne vivant au Canada, est le maintien et la préservation de la sécurité des Canadiens, ainsi que de l’intégrité du système canadien d’immigration.

 

[35]           La prépondérance des inconvénients favorise le ministre, en ce sens que le renvoi du demandeur satisferait aux objectifs énoncés dans la LIPR : mettre en place une procédure équitable et efficace qui maintient l’intégrité du processus canadien d’asile, garantir la sécurité des Canadiens et promouvoir, à l’échelle internationale, la sécurité et la justice par l’interdiction du territoire canadien aux personnes qui sont de grands criminels ou constituent un danger pour la sécurité (LIPR, alinéas 3(2)e), g) et h).)

 

V.  Dispositif

[36]           Le demandeur était pleinement à même de présenter des preuves et des arguments à propos de l’avis de dangerosité. Il a décidé en connaissance de cause de ne pas contester l’avis de dangerosité, alors qu’il savait que son renvoi était imminent. Il devait être renvoyé en juillet 2007, mais il n’a tout de même pas contesté l’avis de dangerosité. L’unique raison pour laquelle il n’a pas été renvoyé en juillet 2007 est le refus de la compagnie aérienne de le transporter. Il a toujours su qu’il devait être renvoyé dès que les circonstances le permettraient; or, il n’a rien fait jusqu’à maintenant pour contester l’avis de dangerosité. Il n’y a aucune demande pendante sous‑jacente, aucune requête pendante en prorogation du délai imparti pour contester l’avis de dangerosité, et aucune possibilité qu’une prorogation de délai soit accordée. Par ailleurs, il n’a produit aucune preuve digne de foi susceptible d’établir de nouveaux risques au regard de son renvoi au Somaliland, une région entièrement autonome de la Somalie. Dans ces conditions, les intérêts du demandeur ne l’emportent pas en l’espèce sur l’intérêt public à ce que les mesures de renvoi soient appliquées dès que les circonstances le permettent, conformément au paragraphe 48(2) de la LIPR. L’obligation du ministre au titre du paragraphe 48(2) de la LIPR n’est pas simplement une question de commodité administrative, mais fait intervenir l’intégrité et l’équité du système canadien de contrôle de l’immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système. (arrêt Selliah, précité, paragraphe 22.)

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de sursis d’exécution de la mesure de renvoi soit rejetée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


Partie 1- DISPOSITIONS APPLICABLES DE LA LIPR

Il s’agit ici des diverses dispositions de la LIPR dont je dois tenir compte pour arriver à ma décision.

La présente décision est rédigée conformément à la LIPR et en accord avec le paragraphe 33(2) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés. Ce paragraphe permet au pays d’accueil de renvoyer un réfugié qui a été reconnu coupable d’un crime particulièrement grave et qui constitue un danger pour le pays. L’article pertinent de la LIPR est le suivant :

115(1) Ne peut être renvoyée dans un pays où elle risque la persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités, la personne protégée ou la personne dont il est statué que la qualité de réfugié lui a été reconnue par un autre pays vers lequel elle peut être renvoyée.

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas à l’interdit de territoire :

a) pour grande criminalité qui, selon le ministre, constitue un danger pour le public au Canada;

En outre, conformément à l’arrêt Suresh de la Cour suprême, j’ai considéré le risque que courrait M. Jama s’il était renvoyé en Somalie.

Part 1]- rams of the Case:

Suresh c. Canada (MCI), 2002 CSC 1

MAR-20-2208 17:39                                                                                    98%                              P. 04

 


Zone de Texte: 2


MAR-20-2008 18: 12

Détails du dossier d’immigration :

2 janvier 2002              Arrivé au Canada au terminal T-3 de l’aéroport international Pearson, depuis l’Ouganda, avec un visa valide de réadmission aux États-Unis. Il a été admis comme visiteur, muni d’un statut valide jusqu’au 2 mars 2002.

24 janvier 2002             A fait l’objet d’un rapport pour criminalité en vertu de l’ancienne Loi sur l’immigration, puis a été soumis à enquête. Mandat d’immigration délivré et exécuté ce jour-là, au Centre de détention de Toronto Ouest.

29 janvier 2002             Mesure d’interdiction de séjour prononcée par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié; mesure d’expulsion.

7 février 2002               A fait l’objet d’un rapport en vertu de l’ancienne Loi sur l’immigration, pour accusations criminelles et déclarations de culpabilité aux États-Unis.

15 février 2002             Le gouvernement des États-Unis a refusé d’admettre à nouveau M Jama aux États-Unis parce qu’il n’était pas entré au Canada directement depuis les États-Unis, mais depuis l’étranger (l’Ouganda), et parce qu’il a été reconnu coupable plusieurs fois aux États-Unis. Réadmission refusée aux États-Unis en dépit de ce qui suit :

- le gouvernement des États-Unis l’avait déclaré réfugié au sens de la Convention

- il détenait une carte verte (il était résident permanent des États-Unis)

- il possédait un visa valide de réadmission aux États-Unis et voyageait à la faveur d’un document de voyage des États-Unis.

24 juillet 2002              Délivrance d’un mandat d’immigration pour renvoi – le Programme des cautionnements a mis fin à sa surveillance parce que M. Jama refusait habituellement de se plier à ses dispositions.

25 février 2003            Le mandat a été exécuté et un avis d’arrestation a été délivré à la prison Don de Toronto.

2 novembre 2004        Délivrance d’un mandat d’immigration pour renvoi; mandat exécuté le 4 novembre 2004 à la prison Don, où il purgeait sa peine. Sa détention s’est poursuivie en raison de sa propension constante à la criminalité, qui allait s’aggravant.

10 mai 2005                  Délivrance d’un mandat d’immigration pour renvoi; mandat exécuté le 12 mai 2005.

29 juin 2005                  Sujet mis au fait de l’alinéa 115(2)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 


MAR-20-2008 1812

 

Sommaire du passé criminel

 

24 janvier 2002 :          Reconnu coupable à Toronto, en Ontario, de port d’une arme dissimulée, en application du paragraphe 90(1) du Code criminel du Canada. Condamné à deux jours d’emprisonnement.

Dans l’affidavit du 28 juillet 2005 (paragraphe 11) produit par l’avocat et signé par M. Jama, il explique ce qui suit :  [traduction] « Le 24 janvier 2002, j’ai été reconnu coupable de port d’une arme dissimulée. Les circonstances de l’incident qui ont conduit à cette déclaration de culpabilité sont les suivantes. À l’époque, je vivais dans l’immeuble d’appartements d’un ami. J’étais ivre et, pour m’amuser, j’ai mis l’étui d’un gros couteau dans la poche de mon pantalon, puis je suis allé dans un café restaurant de Scarborough. Le couteau se trouvait dans l’appartement de mon ami. Le gardien de sécurité de l’immeuble d’appartements m’a vu avec l’étui du couteau dans ma poche et m’a suivi à l’appartement de mon ami. Il a fouillé l’appartement et a trouvé le couteau sous le fauteuil. Il a appelé la police et lui a dit que j’avais porté le couteau sur moi. J’ai été arrêté et accusé. J’ai plaidé coupable parce que l’un de mes cousins (qui n’est plus au Canada) m’a conseillé de le faire et m’a dit que, en plaidant coupable, je serais renvoyé aux États-Unis, et je voulais être renvoyé aux États-Unis à ce moment-là; j’ai été condamné à huit jours d’emprisonnement ».

 

17 octobre 2003 :        Reconnu coupable à Toronto de trafic d’une substance de l’annexe 1, en application du paragraphe 5(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (acte criminel, punissable de l’emprisonnement à perpétuité), et de possession de biens criminellement obtenus, en application du paragraphe 354(1) du Code criminel.

 

Condamné pour chaque accusation à des peines concurrentes d’un jour d’emprisonnement, plus 201 jours de temps déjà purgé, ainsi qu’une ordonnance d’interdiction obligatoire.

Dans le même affidavit (paragraphe 12), M. Jama donne des explications. Les circonstances qui ont conduit à sa condamnation sont les suivantes. [traduction] « J’étais à l’intersection des rues Queen et Victoria, dans un état d’ébriété. Une dame du quartier m’a donné du bicarbonate de soude (dont on se sert pour confectionner la cocaïne). Un policier banalisé s’est approché de moi en me disant qu’il voulait avoir de la cocaïne crack. À ce moment-là, je ne savais pas que cet homme était un policier banalisé. Je lui ai demandé quelle quantité de cocaïne crack il voulait avoir. Il m’a dit qu’il voulait en avoir pour 20 $; je lui ai demandé de me montrer l’argent, et c’est ce qu’il a fait. J’ai alors sorti le bicarbonate de soude de ma poche et l’ai montré au policier banalisé, qui m’a demandé si c’était véritablement de la cocaïne. Je lui ai répondu que oui. Le policier a pris le bicarbonate de soude, et j’ai alors poursuivi mon chemin. Peu après, environ sept policiers sont venus vers moi et m’ont arrêté. J’ai été condamné à un jour de prison, plus les 201 jours de temps purgé et j’ai aussi reçu une ordonnance d’interdiction obligatoire.

 

14 juillet 2004 :            Reconnu coupable à Toronto d’un vol de moins de 5 000 $, en application de l’article 334 du Code criminel.

 

Condamnation avec sursis et 18 mois de probation, plus trois jours de détention préventive.

Dans l’affidavit (paragraphe 13), M. Jama s’explique ainsi. [traduction] « Les circonstances qui ont conduit à cette condamnation sont les suivantes. J’avais trop bu et je n’avais pas d’argent. J’ai vu un homme à un guichet automatique près de la station Wilson. L’homme a retiré 40 $ du guichet automatique.

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Je l’ai poussé, lui ai pris les 40 $ et me suis sauvé. Au bout de quelques jours, alors que je me trouvais à la station Wilson, j’ai été arrêté par la police. J’ai plaidé coupable et j’ai reçu une condamnation avec sursis et 18 mois de probation ».

8 septembre 2004 :                Reconnu coupable à Toronto de

voies de fait, en vertu de l’article 266 du Code criminel, et

vol de moins de 5 000 $, en vertu de l’article 354 du Code criminel.

Condamné au temps déjà purgé (52 jours d’emprisonnement) pour les deux accusations et à des peines concurrentes d’un an de probation pour chaque accusation.

Dans l’affidavit (paragraphe 14), M. Jama donne l’explication suivante : [traduction] « Je crois que cette condamnation découlait de l’incident susmentionné à la suite duquel j’ai été reconnu coupable de vol de moins de 5 000 $. J’ai plaidé coupable à cette accusation. La peine qui m’a été imposée était les 52 jours de détention préventive, plus un an de probation ».

30 novembre 2004 :              Reconnu coupable à Toronto de :

vol de moins de 5 000 $, en vertu de l’article 354 du Code criminel.

Condamné à 30 jours d’emprisonnement et à 53 jours de détention préventive, et à deux années de probation, et

Voies de fait, en vertu de l’article 266 du Code criminel.

Condamné à des peines concurrentes d’un jour d’emprisonnement.

Dans l’affidavit (paragraphe 15), M. Jama donne l’explication suivante. J’étais dans un café restaurant du  quartier Lansdowne et Dupont. J’ai vu une dame qui s’achetait un café. Je voulais avoir de l’argent pour acheter une boisson. J’étais ivre à ce moment-là. J’ai remarqué un billet de 20 $ dans le sac à main de cette dame. Après qu’elle eut quitté le café restaurant, je l’ai suivie, je lui ai pris ses 20 $ et je me suis sauvé. La dame m’a pourchassé. J’ai été arrêté par la police. Je n’ai pas frappé cette dame, mais elle a dit à la police que je l’avais poussée. J’ai été condamné à 30 jours de prison, à 53 jours de détention préventive et à deux années de probation pour les voies de fait, ainsi qu’à un jour de prison et deux années de probation pour le vol ».

22 mars 2005 :                        Reconnu coupable à Toronto de :

défaut de se conformer à une ordonnance, en vertu de l’article 733.1 du Code criminel. Condamné à un jour d’emprisonnement plus les sept jours de détention préventive.

25 août 2006 :                        Reconnu coupable à Toronto de :

trafic de cocaïne, en vertu de l’alinéa 5(3)a) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (un acte criminel punissable de l’emprisonnement à perpétuité). Condamné à un jour d’incarcération dans une prison provinciale, à une ordonnance d’interdiction de 99 ans en vertu de l’article 109 et à trois mois de détention préventive dans une prison provinciale.

Le 7 février 2002, M. Jama a été l’objet d’un rapport de Citoyenneté et Immigration Canada en vertu de l’article 27 de l’ancienne Loi sur l’immigration, pour les nombreuses accusations et déclarations de culpabilité dont il a été l’objet aux États-Unis :

011=95                           accusé en Californie de conduite en état d’ébriété

Zone de Texte: r1•3


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021=95                                 accusé en Californie de méfait du 4e et du 5e degrés

8 mai 1998                           reconnu coupable dans l’État de Washington de port d’une arme à feu ou arme dangereuse

Au paragraphe 17 de l’affidavit, M. Jama écrit ce qui suit : [traduction] « J’ai été reconnu coupable de port d’une arme dissimulée, à Seattle, dans l’État de Washington. À cette époque, je vivais dans un immeuble d’appartements. Les gens qui vivaient dans cet immeuble avaient souvent maille à partir avec la police parce qu’ils faisaient du trafic de drogue. La police venait souvent à cet édifice pour intervenir. Une fois, la police est venue contrôler des gens dans l’édifice, et ils sont venus à mon appartement. Les policiers ont alors vu un couteau sur la table et m’ont arrêté. Je me servais de ce couteau pour faire la cuisine, et j’étais justement en train de cuisiner. J’ai plaidé coupable à cette accusation, parce qu’un ami m’a dit que, si je le faisais, je passerais moins de temps en prison et pourrais retourner chez moi rapidement ».

12 février 1999                    accusé dans l’État de Washington de refus de se conformer

17 février 2000                    accusé dans l’État de Washington de méfait délictueux

5 mars 1999                         reconnu coupable dans l’État de Washington de trois chefs de vol.

Dans son affidavit (paragraphe 18), M. Jama écrit ce qui suit : [traduction] « À trois reprises, j’ai été en état d’ébriété, je me suis rendu à divers magasins et j’ai tenté de partir avec des biens volés, mais j’ai été arrêté. La première fois, j’ai tenté de voler une cannette de bière. La troisième fois, je tentais de voler quelques cannettes de bière lorsque j’ai été arrêté. J’ai plaidé coupable à ces trois accusations ».

13 mars 1999                       reconnu coupable dans l’État de Washington d’agression

Dans son affidavit (paragraphe 19), M. Jama écrit : « Je me suis rendu à un bar, j’ai pris quelques verres et je jouais au billard avec d’autres gens. À un certain moment, ma queue de billard a touché un autre homme, qui a prétendu que je l’avais agressé. J’ai été arrêté par la police, puis accusé d’agression. J’ai plaidé coupable en réponse à cette accusation ».

17 juin 1999                        reconnu coupable dans l’État de Washington de méfait délictueux

Aucune directive en vue d’une enquête n’a été demandée par les fonctionnaires de CIC au titre du rapport préparé selon l’article 27, puisque M. Jama était déjà sous le coup d’une mesure de renvoi.

Partie III – Évaluation de la dangerosité

L’un des éléments de l’alinéa 115(2)a) requiert explicitement que la personne qui est l’objet d’un avis de dangerosité soit interdite de territoire pour grande criminalité. L’alinéa 36(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR, dispose qu’il y a interdiction de territoire pour grande criminalité lorsqu’un résident permanent ou un étranger a été déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins 10 ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé. Le 23 juin 2005, comme j’estimais que M. Jama était interdit de territoire selon l’alinéa 36 (1)a) de la LIPR, il a été l’objet d’un rapport en application du paragraphe 44(1), puisqu’il avait été reconnu coupable à Toronto, le 17 octobre 2003, d’un

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, article 27.


 


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chef de trafic de substance, à savoir la cocaïne, en contravention du paragraphe 5(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, un acte criminel punissable d’un emprisonnement à perpétuité. Je suis d’avis, selon la prépondérance de la preuve, que la déclaration de culpabilité prononcée contre M. Jama le rend interdit de territoire pour grande criminalité.

Une conclusion semblable découle aussi de l’examen du paragraphe 320(5) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR). Cette disposition transitoire prévoit ce qui suit :

« La personne qui, à l’entrée en vigueur du présent article, avait été jugée être visée à l’alinéa 27(1)d) de l’ancienne loi :

a) est interdite de territoire pour grande criminalité en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés si elle a été déclarée coupable d’une infraction pour laquelle une peine d’emprisonnement de plus de six mois a été infligée ou une peine d’emprisonnement de dix ans ou plus aurait pu être infligée;

Le dossier renferme une preuve montrant que M. Jama était également interdit de territoire en vertu de l’alinéa 27(1)d) de l’ancienne Loi.

Pour arriver à ma décision, j’ai considéré le jugement Jeyaseelam Thuraisingam, 2004 CF 607, qui donne un résumé utile sur le sens à donner à l’expression « danger pour le public ». Le passage pertinent se trouve au paragraphe [32] de ce jugement :

Dans La, précitée, le juge Lemieux a cité en l’approuvant le passage suivant tiré de l’arrêt rendu par le juge Strayer dans Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] 2 C.F. 646 (C.A.) :

Dans ce contexte, le sens de l’expression « danger pour le public » n’est pas un mystère : cette expression doit se rapporter à la possibilité qu’une personne ayant commis un crime grave dans le passé puisse sérieusement être considérée comme un récidiviste potentiel. Point n’est besoin de prouver - à vrai dire, on ne peut pas prouver - que cette personne récidivera. Selon moi, cette disposition oriente convenablement la pensée du ministre vers la question de savoir si, compte tenu de ce que le ministre sait de l’intéressé et des observations que l’intéressé a faites en son propre nom, le ministre peut sincèrement croire que l’intéressé est un récidiviste potentiel dont la présence au Canada crée un risque inacceptable pour le public.

M. Jama vit dans la criminalité depuis des années. Il n’était au Canada que depuis deux semaines lorsqu’il a été accusé, puis reconnu coupable, de port d’une arme dissimulée. Il a à son actif, depuis cette date, de nombreuses condamnations criminelles pour violence, et il a montré sa propension à la récidive.

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, supra, note 14.

La c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 476.

6 Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] 2 C.F. 646 (CA).

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Ce qui suit est un extrait de l’avis d’arrestation délivré à M. Jama en vertu de la LIPR, et portant la date du 4 novembre 2004 :

[traduction]

« À mon avis, cette personne constitue un danger pour le public et risque de ne pas se présenter. Les raisons que j’ai d’exprimer cette opinion sont les suivantes :

que (Iamz) Nur… devrait demeurer en détention puisque :

-         il a, durant au moins les onze dernières années, accumulé des antécédents criminels très nombreux et très graves, à la fois aux États-Unis et au Canada. Son casier judiciaire prend encore de l’ampleur au moment de la rédaction de ces lignes, et la gravité des actes commis semble s’accroître. À l’heure actuelle, M. Jama est devant les tribunaux, sous des accusations de vol qualifié. Son passé criminel, ici et aux États-Unis, comprend des accusations et des déclarations de culpabilité se rapportant aux infractions suivantes : infractions multiples pour possession d’armes; trafic de stupéfiants (cocaïne); voies de fait; agressions multiples; méfaits délictueux, vols multiples; intrusions criminelles; infractions multiples liées à des armes à feu et armes dangereuses; méfait criminel des 4e et 5e degré; infractions multiples dans la conduite d’un véhicule; infractions multiples de refus de se conformer; entraves à des agents de la paix; comportement répréhensible dans les transports en commun; possession de produits de la criminalité.

-         affiche l’un des pires passés que l’enquêteur soussigné ait vus en près de 20 ans, pour ce qui concerne les refus de se conformer dans le domaine criminel et le domaine de l’immigration et, en fait, le Programme des cautionnements a, pour la deuxième fois en autant d’années, renoncé formellement, encore une fois, à surveiller ce sujet, parce qu’il refuse de prendre ses médicaments et parce qu’il continue de boire de l’alcool malgré les mises en garde. En outre, M. Jama a été arrêté deux fois par les autorités de l’immigration, et deux fois relâché moyennant cautionnements, cautionnements qu’il a constamment transgressés. On a diagnostiqué chez M. Jama des troubles psychologiques graves, pour lesquels il est censé prendre des médicaments, qu’il ne prend pas la plupart du temps. Ses troubles sont si graves qu’il est considéré incapable de se présenter au Centre des cautionnements, ici, sans que des dispositions soient prises pour qu’il soit accompagné d’un professionnel. Il ne s’est pas conformé non plus, ni au Canada ni aux États-Unis, aux conditions de ses cautionnements en matière criminelle.

L’enquêteur soussigné relève que M. Jama a toujours affirmé qu’il n’a aucun casier judiciaire et qu’il a été faussement accusé de vol, malgré d’horribles antécédents criminels accumulés en seulement 11 ans, dans deux pays, antécédents qui semblent s’aggraver. Il n’a tout simplement pas admis la responsabilité de ses actes, passés ou actuels. En fait, il est désinvolte, affirmant que, s’il est renvoyé en Somalie, il nous montrera ce que tuer veut dire, car il [traduction] « tuera tout le monde », ajoutant, lorsque je lui ai demandé dans quel pays il tuerait tout le monde : « Vous verrez ». Il a dit plus tard qu’il ne faisait que plaisanter, mais, bien qu’il souffre d’une maladie mentale, M. Jama peut faire la distinction entre le bien et le mal, et son propre coordonnateur en matière de santé mentale a dit qu’il sait qu’il agit mal lorsqu’il vole des gens. Quelles que soient les raisons, M. Jama constitue, de l’avis de l’enquêteur soussigné, un danger très réel pour le public, auquel il continue de s’attaquer, et avec une fréquence alarmante, et il est absolument et évidemment incapable ou peu désireux de se conformer aux conditions de ces cautionnements en matière criminelle ou en matière d’immigration. Il ne se présentera pas et, si on lui donne encore une chance, il continuera manifestement de s’en prendre à des personnes innocentes qui ne se douteront de rien. 

Zone de Texte: P. 1E3


Il est également l’objet en ce moment d’une mesure de renvoi exécutoire; il n’a pu bénéficier cette fois d’une mise en liberté moyennant cautionnement au titre du droit criminel. On peut se demander s’il a véritablement un domicile fixe au Canada, malgré ce qu’il prétend, et les chances qu’il soit facilement suivi s’il entre dans la clandestinité ne sont pas bonnes, ne serait-ce que parce qu’il continuera sans cesse de commettre des infractions criminelles les unes après les autres et de violer les lois sur l’immigration.Zone de Texte: MAR-20-2008 18:13	P.11/21:1 Il est, semble-t-il, considéré comme indésirable aux États-Unis, où il a également laissé une longue liste de victimes dans trois États, avant de venir au Canada pour allonger la liste de ses activités criminelles. Il doit tout simplement rester en détention, à la fois pour garantir sa présence à toutes les procédures, y compris son renvoi du Canada, et pour protéger le public, qui a trop souvent, ces dernières années, été victime de ses habitudes criminelles enracinées.

Le 27 octobre 2004, un coordonnateur de la santé mentale écrivait ce qui suit :

 

[traduction]

M. Jama a bénéficié à plusieurs reprises de la surveillance du Programme des cautionnements, mais a toujours contrevenu aux conditions de l’ordonnance de mise en liberté et de l’accord de surveillance. M. Jama a dû faire face à de nombreuses autres accusations de trafic de drogue, de possession de drogue aux fins de trafic et de plusieurs accusations de vol qualifié. Il est actuellement incarcéré à la prison Don de Toronto, à la suite d’une ordonnance de détention pour vol qualifié. Le soussigné a assuré deux fois par semaine une surveillance extraordinaire, sans résultat, car M. Jama a constamment été arrêté, et le soussigné a peu d’espoir qu’il puisse se réadapter. Après deux mises en liberté distinctes par transfert au Programme des cautionnements, M. Jama s’est encore une fois écarté du droit chemin, il ne prend pas ses médicaments et, récemment, j’ai appris qu’il a consommé de l’alcool. C’est pourquoi la surveillance a été « retirée ».

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑1347‑08

 

INTITULÉ :                                                   NUR MOHAMED JAMA

                                                                        c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 25 MARS 2008 (par téléconférence)

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 25 MARS 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Carol Simone Dahan

 

POUR LE DEMANDEUR

Maria Stefanovic

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Carol Simone Dahan

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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