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Date : 20080320

Dossier : T-116-07

Référence : 2008 CF 355

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 mars 2008

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

ENTRE :

CORPORATION DE SOINS DE LA SANTÉ HOSPIRA

demanderesse

 

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

 

 

MOTIFS MODIFIÉS ET ORDONNANCE

(selon l’ordonnance conservatoire émise par

la juge Mactavish le 14 août 2007)

 

MOTIFICATION DES MOTIFS ET DE L’ORDONNANCE ET L’ORDONNANCE RENDUS

LE 18 MARS 2008, QUI SONT MAINTENANT CONFIDENTIELS

 

[1]               La cour est saisie d’une demande présentée par la Corporation de soins de la santé Hospira (Hospira) afin d’obtenir une ordonnance pour renverser l’ordonnance rendue le 1er février 2008 par la protonotaire Aronovitch, dans la mesure où elle a refusé d’ordonner au défendeur, le ministre de la Santé (le ministre), de présenter les documents exigés par Hospira en vertu de l’article 317 des Règles.

 

QUESTIONS

[2]               Hospira soulève les questions suivantes que la Cour doit trancher en l’espèce :

a)      La protonotaire a‑t‑elle omis d’évaluer la pertinence des documents qu’Hospira demandait à obtenir en lien avec les motifs du contrôle judiciaire?

b)      La protonotaire a‑t‑elle commis une erreur en omettant de reconnaître que la décision de rejeter la présentation de nouveau médicament (PNM) d’Hospira ne peut être séparée des événements l’ayant précédé, soit les rapports continus entre Hospira et le ministre en ce qui concerne les critères réglementaires pour le médicament A?

c)      La protonotaire a‑t‑elle commis une erreur en appliquant de manière erronée le critère pour la production en vertu de l’article 317 des Règles, lorsque l’équité procédurale est alléguée?

 

[3]               Il est possible de reformuler ces questions afin de n’en faire qu’une, que voici : la protonotaire a‑t‑elle rejeté la requête en se fondant sur un principe erroné ou sur une mauvaise interprétation des faits?

 

FAITS

[4]               La demande sous‑jacente de contrôle judiciaire conteste le refus du ministre d’examiner une présentation de nouveau médicament (PNM) présentée par Hospira, qui demandait à obtenir un avis de conformité (AC) pour le médicament A. La décision rendue par le ministre défendeur se fondait sur le fait que la PNM ne présentait aucune donnée sur des essais cliniques afin d’établir la sécurité et l’efficacité du médicament A, conformément au Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870.

 

[5]               Le médicament A est offert par l’intermédiaire du Programme d’accès spécial (PAS) depuis 1999 environ pour le traitement des indications au médicament A. Vu l’usage répandu du médicament A pour traiter les indications au médicament A, Hospira n’aurait pas pu mener les essais cliniques habituels ou générer les données requises en vertu du Règlement sur les aliments et drogues pour établir la sécurité et l’efficacité sans que ne surviennent des préoccupations éthiques considérables.

 

[6]               Avant la décision rendue par le ministre défendeur le 19 décembre 2006 dans une « lettre de rejet lors de l’examen préliminaire », des discussions ont eu lieu entre Santé Canada et Hospira pendant environ vingt‑deux mois. Santé Canada se serait engagé auprès d’Hospira à définir des critères et des spécifications pour les éléments de preuve à présenter afin d’établir la sécurité et l’efficacité du médicament A qui respecterait l’environnement clinique unique du médicament. Une fois ces critères et spécifications établis, Hospira pourrait les adopter dans sa demande d’AC.

 

[7]               Dans une lettre datée du 17 août 2006, Santé Canada serait revenu sur son engagement et aurait refusé de remettre à Hospira les spécifications sur la sécurité et l’efficacité définies de façon pragmatique, comme il en avait été question. Hospira a poursuivi avec la présentation de son AC, malgré l’absence de critères liés à la sécurité et à l’efficacité précisément définis le 27 octobre 2006.

 

[8]               Après avoir reçu la lettre de rejet lors de l’examen préliminaire le 19 décembre 2006, Hospira a présenté une demande de contrôle judiciaire. Hospira a présenté une requête afin d’exiger au ministre défendeur de présenter des documents qui avaient été indiqués dans la demande de production en vertu de l’article 317 des Règles. La requête a été tranchée dans le cadre de l’ordonnance rendue le 1er février 2008 par la protonotaire Aronovitch, qui l’a accueillie en partie.

 

[9]               La protonotaire a conclu qu’Hospira ne pourrait pas chercher à élargir les motifs du présent contrôle judiciaire afin d’attaquer de façon indirecte la décision rendue le 17 août 2006 par le ministre défendeur de ne pas définir des critères précis de sécurité et d’efficacité.

 

[10]           Les motifs de la protonotaire Aronovitch liés à la portée des documents pouvant être présentés en vertu de l’article 317 se résument par renvoi aux paragraphes suivants de l’ordonnance :

[traduction]

 

La demande de production de la demanderesse en vertu de l’article 317 des Règles est élargie. Elle a une longueur de sept pages et demande essentiellement de produire tout document de toute sorte que Santé Canada aurait pu avoir sur le médicament visé par le litige.

 

 

À quelques exceptions près, la jurisprudence limite et définit les documents pertinents dans le cadre d’un contrôle judiciaire au dossier dont le décideur était saisi au moment où il a rendu la décision visée par le contrôle judiciaire. Le dossier a été remis à la demanderesse. J’ouvrirai ici une parenthèse pour indiquer que le dossier présenté à la demanderesse renvoie aux procès‑verbaux ou aux sommaires de diverses réunions, dont certains seraient joints. Il ne fait aucun doute qu’ils font partie du « dossier du tribunal » et qu’ils doivent être présentés s’ils ne l’ont pas déjà été.

 

Avec cette mise en garde, je ne vois aucun motif dans ces circonstances à déroger au principe général voulant que le dossier soit limité au dossier dont le décideur était saisi lorsque la PMN a été rejetée. Il n’y a aucun fondement à accroître la quantité de documents à produire. Les allégations de manquement à l’équité procédurale sont invoquées pour une question extrinsèque, soit le refus du ministre de présenter des critères. Dans la mesure où la demanderesse souhaite s’appuyer sur le refus du ministre de le faire, elle a les moyens d’établir ce fait. L’historique et la teneur des discussions ou de la conduite du ministre à cet égard ne sont toutefois pas pertinents puisqu’elles sont extrinsèques à la réparation demandée et n’aideront pas la Cour à déterminer le bien‑fondé de la décision rendue le 19 décembre 2006.

 

 

DISCUSSION

Norme de contrôle

[11]           Les ordonnances discrétionnaires des protonotaires ne doivent pas être annulées à moins d’être clairement erronées, au sens où l’exercice du pouvoir discrétionnaire se fondait sur un principe erroné ou sur une mauvaise interprétation des faits, ou si le pouvoir discrétionnaire a été exercé à tort sur une question cruciale à l’issue définitive de l’affaire (Merck & Co. c. Apotex Inc., [2003] A.C.F. no 1925, 2003 CAF 488).

 

[12]           Les parties s’entendent sur le fait que la question soulevée dans le cadre du présent appel n’est pas cruciale à l’issue définitive de l’affaire; par conséquent, la décision sera annulée uniquement si elle était clairement erronée, comme il est indiqué ci‑dessus.

 

La pertinence des documents demandés a fait l’objet d’une décision appropriée

[13]           Hospira fait valoir que la protonotaire devait trancher si les documents demandés étaient pertinents aux motifs du contrôle judiciaire, comme il a été plaidé. Elle soutient que la protonotaire a appliqué le mauvais critère et qu’elle n’a pas tenu compte des motifs invoqués, en définissant la décision faisant l’objet du contrôle comme une question distincte des circonstances ayant mené à la décision. En particulier, Hospira soutient que le principe voulant la production demandée en vertu de l’article 317 des Règles se limite aux documents dont le tribunal était saisi ne s’applique pas quand les motifs du contrôle comprennent des questions liées à l’équité procédurale.

 

[14]           Le ministre défendeur, quant à lui, soutient que la portée de la demande de production présentée par Hospira va bien au‑delà de ce que l’article 317 des Règles prévoit. Le ministre soutient qu’un contrôle judiciaire est différent d’un appel ou d’une action, où la procédure de découverte plus étendue pourrait être accueillie. Dans une demande de contrôle judiciaire, les articles 317 et 318 des Règles visent à s’assurer que la Cour possède le dossier examiné par le décideur (Canada c. Pathak, [1995] 2 C.F. 455 (C.A.)).

 

[15]           Le ministre fait valoir qu’Hospira tente de faire présenter par le ministre des documents liés à la décision rendue le 17 août 2006, à la sécurité et à l’efficacité du médicament et à l’admissibilité du médicament au PAS, tandis que la demande présentée à la Cour se limite à la décision communiquée dans la lettre datée du 19 décembre 2006.

 

[16]           Je suis d’avis que la protonotaire ne s’est pas appuyée sur un principe erroné lorsqu’elle a conclu que la décision du 17 août 2006 était une décision antérieure qui ne pouvait pas faire l’objet d’une contestation parallèle dans la présente demande de contrôle judiciaire. Si le ministre n’a pas répondu à une attente selon laquelle des critères sur la sécurité et l’efficacité seraient présentés, cet argument aurait dû être invoqué dans le cadre d’un contrôle de la décision du 17 août 2006. Hospira ne peut pas élargir la portée des documents visés par une demande de production en invoquant des motifs de contrôle judiciaire qui ne sont pas liés à la décision contestée.

 

[17]           Je suis d’accord avec l’observation du ministre selon laquelle ce ne sont pas la sécurité et l’efficacité du médicament qui sont en litige dans la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente; la lettre de rejet lors de l’examen préliminaire, datée du 19 décembre 2006, n’indiquait aucune conclusion sur la sécurité et l’efficacité du médicament A. La demande a plutôt été rejetée parce qu’aucune donnée préclinique ou clinique n’avait été présentée et, par conséquent, la PMN ne répondait pas aux exigences prévues dans le Règlement sur les aliments et drogues.

 

[18]           Pour les motifs qui précèdent, je ne vois aucune raison de conclure que l’ordonnance de la protonotaire était manifestement erronée, au sens où l’exercice du pouvoir discrétionnaire se fondait sur un principe erroné ou sur une mauvaise interprétation des faits. Par conséquent, le présent appel sera rejeté.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande d’ordonnance annulant l’ordonnance de la protonotaire datée du 1er février 2008 soit rejetée. Les dépens suivront l’issue de la cause.

 

« Michel Beaudry »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-116-07

 

INTITULÉ :                                       CORPORATION DE SOINS DE LA SANTÉ HOSPIRA

c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

            MINISTRE DE LA SANTÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 28 février 2008

 

MOTIFS MODIFIÉS

DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 20 mars 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Susan D. Beaubien

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me F.B. Woyiwada

Me David Cowie

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MACERA & JARZYNA LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LES DÉFENDEURS

Ottawa (Ontario)

 

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