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Date : 20080328

Dossier : IMM-2966-07

Référence : 2008 CF 399

Ottawa (Ontario), le 28 mars 2008

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

 

OMAR GEOVANI CRUZ MARTINEZ

 

 

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        En l’espèce, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande de protection d’Omar Geovani               Cruz Martinez pour un seul motif : l’existence d’une possibilité de refuge intérieur à Mexico. L’avocate du ministre a reconnu en toute franchise que la conclusion de la SPR quant à une possibilité de refuge intérieur à Mexico était erronée. Je suis d’accord et, de ce fait, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

 

[2]        À l’audience devant la SPR, le président de l’audience a mentionné que       [traduction] « à ce moment précis, je ne soulève pas de doutes quant à la crédibilité ». Par conséquent, le témoignage de M. Cruz Martinez devant la SPR doit être considéré comme étant véridique.

 

[3]        Il a témoigné qu’en 2005, les membres de la police fédérale ont commencé à faire pression sur son père afin qu’il vende des drogues illicites dans son magasin populaire.             M. Cruz Martinez aidait à gérer le magasin et, au moment où son père refusa d’obtempérer aux demandes de la police, M. Cruz Martinez a commencé à recevoir des menaces.

 

[4]        Le 18 avril 2006, M. Cruz Martinez a été enlevé par des membres de la police fédérale et a été gardé prisonnier pendant trois jours.

 

[5]        La mère du demandeur a signalé l’enlèvement auprès du ministère public. Après avoir été libéré, M. Cruz Martinez a déposé une plainte auprès du ministère public.

 

[6]        La famille a commencé à recevoir des menaces et on a envoyé M. Cruz Martinez habiter chez son oncle. Après s’être installé dans la maison de son oncle à Veracruz – située à une distance approximative d’environ quatre heures et demie en voiture – quelqu’un a communiqué avec M. Cruz Martinez, l’a menacé et lui a dit qu’il ne serait en sécurité nulle part au Mexique.

 

[7]        On a ensuite envoyé M. Cruz Martinez vivre chez sa tante. Après avoir déménagé dans la maison de sa tante à Toluca – située à une distance approximative de quatorze ou quinze heures en voiture –  une personne a déclaré au père du demandeur qu’on savait où le demandeur se trouvait.

 

[8]        Lorsqu’on lui a demandé s’il serait en sécurité à Mexico, M. Cruz Martinez a témoigné que les agents de police le trouveraient éventuellement grâce à leur capacité d’avoir accès aux renseignements, notamment aux cartes de vote et au registre de personnes retournant au Mexique.

 

[9]        La conclusion essentielle de la SPR relativement à la possibilité de refuge intérieur était la suivante :

Je suis d’accord avec le conseil : l’application de la loi destinée à lutter contre la corruption dans les forces de sécurité pose de nombreux problèmes connus. Par contre, je ne suis pas d’accord pour dire que ces efforts du gouvernement sont demeurés sans effet dans des zones urbaines du Mexique, comme Mexico.

 

[…] Selon la prépondérance des probabilités, je suis convaincu que, si le demandeur d’asile devait à nouveau subir un préjudice ou être la cible de menaces de la part d’agents de la police fédérale, il aurait accès à Mexico à des recours juridiques qui le protégeraient adéquatement.

 

 

[10]      Cependant, en tirant cette conclusion, la SPR a omis de mentionner toute preuve selon laquelle la situation qui existait à Mexico était qualitativement différente de celle qui sévissait ailleurs au Mexique.

 

[11]      En plus du témoignage non-contesté de M. Cruz Martinez, les éléments de preuve suivants ont été présentés devant la SPR :

·        la corruption est généralisée au sein de la police et des tribunaux pénaux;

·        malgré les démarches entreprises pour combattre la corruption, des organismes de surveillance ont signalé que des gestes de corruption publics et privés se produisaient encore de façon régulière;

·        des réseaux secrets de traffic de stupéfiants existent au sein de la police et des forces armées;

·        l’emploi fréquent de la carte d’électeur permet à la police de retracer une personne rapidement en accédant à la base de données;

·        l’enlèvement à des fins d’extorsion est courant dans tout le pays, notamment dans les grandes zones urbaines telles que Mexico;

·        l’implication de la police dans les enlèvements a fait l’objet de nombreux articles de médias.

 

[12]      Tel que cela a été expliqué ci-dessus, la conclusion quant à une possibilité de refuge intérieur au Mexique a été tirée sans aucun fondement probatoire établissant la raison pour laquelle les conditions étaient différentes à Mexico. La conclusion quant à une possibilité de refuge intérieur a aussi été tirée sans avoir apparemment tenu compte de la preuve ci-dessus, laquelle contredisait la conclusion de la SPR. Pour ces motifs, la décision de la SPR ne saurait être justifiée. Elle est donc déraisonnable.

 

[13]      L’avocate du ministre a essayé de faire valoir que la décision pouvait être confirmée au motif qu’elle constituait une conclusion quant à l’existence d’une protection adéquate de l’État. Cependant, il ressort clairement de l’ensemble des motifs de la SPR qu’elle n’a examiné que la situation à Mexico ainsi que la question de savoir si celle-ci constituait une possibilité de refuge intérieur viable.  La décision ne saurait être confirmée pour un motif qui n’a pas été examiné expressément par la SPR.

 

[14]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Aucune question n’est certifiée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.         la demande de contrôle judiciaire est accueillie et que la décision de la Section de la protection des réfugiés, datée du 3 juillet 2007, est par les présentes annulée;

 

2.         l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Section de la protection des réfugiés, pour que celui-ci statue à nouveau sur l’affaire.

 

 

 

                                                                                                            « Eleanor R. Dawson »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche


 

 

COUR FÉDÉRALE

 

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-2966-07

 

INTITULÉ :                                                               OMAR GEOVANI CRUZ MARTINEZ

 

                                                                                    et

 

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                                    ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 19 MARS 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 28 MARS 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour son propre compte                                               POUR LE DEMANDEUR

 

J. Michaely                                                                   POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour son propre compte                                               POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Procureur-général du Canada

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