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Date : 20080326

Dossier : T-161-05

Référence : 2008 CF 384

Ottawa (Ontario), le 26 mars 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HUGESSEN

 

ENTRE :

CROCS CANADA INC. et CROCS, INC.

demanderesses

 

et

 

HOLEY SOLES HOLDINGS LTD.

défenderesse

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Le 14 février de l’année courante, j’ai rendu une ordonnance rejetant la requête en jugement sommaire présentée par la défenderesse et entendue à Toronto le 31 janvier et le 1er février  derniers. J’ai souligné qu’il y avait lieu d’adjuger des dépens avoisinant ceux accordés sur la base avocat-client et j’ai invité les deux parties à déposer des observations écrites dans les délais que j’ai fixés. Ces observations ont été maintenant reçues. Les demanderesses ont également signifié et déposé des observations en réponse, même si elles n’avaient pas demandé auparavant l’autorisation de la Cour et même si l’ordonnance initiale du 14 février ne prévoyait pas le dépôt de telles observations. Par conséquent, je n’ai pas pris en considération ces observations complémentaires.

 

[2]               J’étais et je suis toujours d’avis que, dans une affaire comme celle en l’espèce, où la défenderesse demande par requête un jugement sommaire, il y a lieu d’adjuger les dépens suivant un barème supérieur, parce qu’une telle requête présente un risque bien plus élevé pour les demanderesses que pour la défenderesse. Si la requête est accueillie, les demanderesses ne pourront plus poursuivre leur action et la défenderesse obtiendra un jugement définitif rejetant l’action, lequel prévoit normalement des dépens. Par contre, si l’action survit à la requête, il serait injuste que la défenderesse ait seulement à payer les dépens d’une requête, calculés selon l’échelle ordinaire de la colonne III du tarif. Cependant, comme dans toute question portant sur l’adjudication des dépens, chaque affaire doit être tranchée selon son bien-fondé, et la Cour est appelée à exercer impartialement son pouvoir discrétionnaire compte tenu des circonstances de l’affaire et de la conduite des parties. Cela comprend évidemment mon opinion selon laquelle cette requête est peu fondée. Est également comprise la nature des dépens réclamés par les demanderesses, ce que j’analyse ci-dessous.

 

[3]               L’avocat des demanderesses se montre exigeant dans l’évaluation des services rendus à ses clientes. Celui-ci sollicite des honoraires de 170 000 $ et des débours de 7 666,55 $. Ce dernier chiffre n’est pas contesté et sera pris en compte dans l’établissement du montant forfaitaire alloué, le cas échéant.

 

[4]               Je conclus que le montant réclamé par les demanderesses est exorbitant, non motivé et, dans une très large mesure, injustifié. Le montant des honoraires réclamés est inférieur, dit-on, à ceux facturés aux clientes. Il s’agit évidemment d’une question concernant l’avocat et ses clientes qui est cependant, à mon avis, sans rapport avec la décision que j’ai à rendre, laquelle doit être fondée sur ma conception du caractère équitable et raisonnable d’une demande et ne doit pas reposer sur des montants exagérés que serait peut-être prêt à payer un client qui dispose de grands moyens financiers. Le montant réclamé est bien loin de la norme énoncée plus haut. Il n’appartient pas à la Cour de majorer ainsi les dépens du litige, qui sont déjà trop élevés.

 

[5]               Il existe un sérieux manque de détails, une double comptabilisation et des omissions dans la demande d’honoraires présentée par les demanderesses. À l’article 8 du mémoire de dépens il est réclamé 40 000 $ pour la « préparation » de l’audience par deux avocats et un stagiaire. Cette somme correspond à ce qui figure à la colonne V du tarif B, selon laquelle le montant maximum qui peut être alloué s’élève à 1 320 $ (ou au double pour deux avocats). De plus, les cinq autres montants facturés suivants sont demandés pour la « préparation » de l’audience :

·        8 000 $ pour l’examen de la requête présentée par la défenderesse;

·        9 000 $ pour la préparation de deux affidavits;

·        30 000 $ pour l’examen des transcriptions et du dossier de requête supplémentaire;

·        30 000 $ pour l’examen du mémoire des faits et du droit de la défenderesse ainsi que de la version modifiée de celui-ci;

·        14 000 $ pour la présence de deux avocats à l’audience.

 

 

[6]               La taxation des dépens en l’espèce est d’autant plus difficile que les demanderesses n’ont indiqué le tarif horaire d’aucun des avocats qui, selon elles, ont travaillé sur le dossier, ni le nombre d’heures qu’ils y auraient consacrées. Par conséquent, les seuls éléments qui m’ont été présentés sont les prétentions de l’avocat dont j’ai déjà commenté les lacunes, de même que ma propre estimation très approximative du montant qui pourrait être accordé dans le cadre d’une taxation effectuée en fonction du tarif.

 

[7]               J’ai donc tenté moi-même de faire cette estimation approximative. L’audience n’a duré qu’un jour et demi et les questions en litige, quoiqu’importantes, n’étaient pas complexes. Selon mes calculs, les honoraires s’élèvent à près de 33 000 $. À mon avis, une telle somme serait trop élevée dans les circonstances, surtout à la lumière de l’absence de détail et de justification logique des montants réclamés. En conséquence, je soustrais 10 000 $ des honoraires, ce qui donne un montant de 23 000 $. Il s’ensuit que le total des dépens octroyés s’établit à environ 31 000 $, honoraires, taxes et débours compris.

 

[8]               Enfin, j’estime que la défenderesse n’aurait pas dû présenter de requête en jugement sommaire; elle doit donc payer les dépens sur-le-champ, quelle que soit l’issue de la cause.

 

 


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la défenderesse paie sur-le-champ les dépens des demanderesses par suite du rejet de la requête en jugement sommaire, quelle que soit l’issue de la cause. Les dépens sont fixés à 31 000 $, honoraires, débours et taxes compris.

 

 

 

« James K. Hugessen »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


 

 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-161-05

 

INTITULÉ :                                                   CROCS CANADA INC. et

                                                                        CROCS, INC.

                                                                        c.

                                                                        HOLEY SOLES HOLDINGS LTD.

                                                           

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE HUGESSEN

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :                         LE 26 MARS 2008

 

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

J. Douglas Wilson

William Regan

POUR LES DEMANDERESSES

 

David Wotherspoon

Mark Fancourt-Smith

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ridout & Maybee LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Fasken Martineau Dumoulin LLP

Vancouver (C.-B.)

POUR LA DÉFENDERESSE

 


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