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Date : 20080314

Dossier : IMM-2459-07

Référence : 2008 CF 346

Ottawa (Ontario), le 14 mars 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

 

 

ENTRE :

SI HUI HUANG

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Huang est un citoyen chinois âgé de 27 ans qui allègue craindre d’être persécuté par les autorités chinoises du fait de son appartenance à une église chrétienne clandestine, laquelle a fait l’objet d’une descente le 25 juin 2006, alors qu’il était absent. La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision rendue le 29 mai 2007 par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) concluait que le demandeur n’était pas au réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

 

[2]               Le demandeur vient d’un milieu rural et a sept ans de scolarité. Il a travaillé dans des rizières et sur des bateaux de pêche. Le 8 juillet 2005, le bateau de pêche sur lequel M. Huang et son oncle se trouvaient a été frappé par un plus gros bateau, accident qui a entraîné l’hospitalisation de M. Huang et le décès de son oncle. Le demandeur affirme qu’il a fait une dépression et, qu’après quelque temps, il est devenu membre d’une église clandestine à l’instigation d’un ami. Il a précisé que les membres de cette petite église le considéraient comme un membre de la famille et qu’ils l’ont aidé à sortir de sa dépression.

 

[3]               Le 25 juin 2006, alors qu’il était membre de l’église depuis trois mois et demi, M. Huang soutient que sa congrégation a fait l’objet d’une descente par les autorités chinoises et que six de ses membres ont été arrêtés. M. Huang n’était pas présent au service religieux puisqu’il s’occupait de sa mère malade. Il a appris la nouvelle par l’ami qui lui avait initialement fait connaître cette église et qui avait réussi à s’échapper.

 

[4]               M. Huang s’est réfugié chez un ami, et il a appris de sa mère que les autorités avaient fouillé la résidence familiale le 26 juin, et qu’elles avaient ordonné qu’il se présente au plus tard le 30 juin. Le 1er juillet, les autorités sont retournées encore à la recherche de M. Huang, étant donné qu’il était resté caché. L’ami chez qui M. Huang s’est réfugié l’a aidé à trouver un « passeur » ou un trafiquant, et M. Huang s’est enfui au Canada où il est arrivé le 14 juillet 2006.

 

[5]               Après l’audience tenue le 14 mai 2007 avec l’aide d’un interprète, le tribunal a conclu que M. Huang n’était pas crédible en tant que membre d’une église chrétienne clandestine au motif qu’il n’en savait pas suffisamment sur le christianisme, et il a cité quelques exemples précis de non connaissance des détails relatifs aux principes de cette religion.

 

[6]               Le demandeur a soulevé plusieurs questions, mais, selon moi, la question principale soulevée en l’espèce est de savoir si la SPR a tiré une conclusion déraisonnable en jugeant que le demandeur n’était pas crédible relativement à sa prétention selon laquelle il était chrétien.

 

[7]               La présente audience a eu lieu avant que, dans l’affaire Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] A.C.S. no 9, la Cour suprême rende son jugement modifiant les normes qu’il convient d’appliquer aux contrôles judiciaires. Antérieurement à cet arrêt, la Cour contrôlait les conclusions de la SPR sur la crédibilité en fonction de la norme de la décision manifestement déraisonnable. Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême a abandonné la distinction entre la norme de la décision raisonnable simpliciter et celle de la décision manifestement déraisonnable. Je vais donc évaluer si la décision de la SPR était déraisonnable. Je précise qu’en l’espèce la modification apportée aux normes de contrôle ne change pas la conclusion à laquelle j’en serais arrivé antérieurement à l’arrêt Dunsmuir.

 

[8]               Le demandeur soutient que la conclusion de la Commission était fondée sur des exigences de connaissances de la foi chrétienne déraisonnables et impossibles à remplir. Au moment de l’audience, le demandeur s’était converti au christianisme depuis seulement un peu plus d’un an. Il a démontré un degré raisonnable de connaissances de la foi chrétienne compte tenu du contexte. Le demandeur a également fait valoir que son degré de connaissances sur le christianisme ne devrait pas constituer un facteur déterminant quant à la question de savoir s’il est vraiment un chrétien.

[9]               Le défendeur prétend qu’il incombe au demandeur d’établir le bien-fondé de sa demande, qui repose sur des allégations de croyances religieuses. Il soutient que le demandeur n’a pas été en mesure de démontrer qu’il possédait des connaissances raisonnables sur les services religieux de l’église clandestine ni même des connaissances minimales sur le christianisme. Selon le défendeur, la commissaire a étayé ses conclusions par des motifs étoffés et sa décision ne devrait pas être annulée.

 

[10]           M. Huang est un jeune homme peu scolarisé, qui a grandi dans un pays où la foi chrétienne ne compose pas le tissu social. La transcription de l’audience montre clairement que ses connaissances en matière de foi chrétienne l’emportent largement sur ses quelques erreurs sur des questions de doctrine. La SPR semble avoir exagérément mis l’accent sur ces quelques erreurs ou malentendus au point d’en faire une analyse microscopique, ce qui a été critiqué dans l’arrêt Attakora c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.F.) (1989), 99 N.R. 168, [1989] A.C.F. n444, et dans des décisions ultérieures.

 

[11]           La commissaire a exigé des connaissances déraisonnablement élevées au sujet de la doctrine chrétienne, et elle a clairement pondéré la description donnée par le demandeur d’un service religieux ordinaire célébré à l’église clandestine en fonction de sa propre idée du déroulement d’un tel service. Je ne peux conclure que la décision de la commissaire était raisonnable, compte tenu de la situation personnelle du demandeur et de son témoignage.

 

[12]           Pour ces motifs, la décision de la SPR sera annulée et la demande de M. Huang devra être examinée par un tribunal différemment constitué. Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la présente demande soit accueillie. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B., B.A.Trad.


 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            IMM-2459-07

 

INTITULÉ :                                                                           SI HUI HUANG

                                                                                                c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                                                ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 26 FÉVRIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT              

ET JUGEMENT :                                                                  LE JUGE MOSLEY   

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                                           LE 14 MARS 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Leonard H. Borenstein

 

POUR LE DEMANDEUR

Ada Mok

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Leonard H. Borenstein

Lewis & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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