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Date : 20080314

Dossier : IMM‑2088‑06

Référence : 2008 CF 347

Ottawa (Ontario), le 14 mars 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

 

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

 

CHARLES MUKASI

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Charles Mukasi est un ancien dirigeant de l’Union pour le progrès national (l’UPRONA) au Burundi. Il est arrivé au Canada en 2005 et a demandé l’asile parce qu’il craint d’être persécuté du fait de ses opinions politiques dans son pays d’origine. Un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a accueilli la demande de M. Mukasi sans audience. La Commission a conclu que M. Mukasi avait établi son identité, qu’il n’avait pas présenté d’éléments susceptibles de l’exclure de la protection accordée aux réfugiés, et qu’il avait démontré que son exposé des faits était compatible avec la preuve documentaire sur la situation régnant au Burundi.

 

[2]               Le demandeur, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, allègue que la Commission a commis une erreur en omettant de tenir une audience sur la demande de M. Mukasi et en accueillant sa demande malgré une preuve contradictoire digne de foi. Je suis d’avis que la Commission n’aurait pas dû accueillir la demande de M. Mukasi sans qu’une audience soit tenue. Par conséquent, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire.

 

I.        Les questions en litige

 

  1. La Commission a‑t‑elle commis une erreur en ne tenant pas d’audience?
  2. La décision de la Commission allait‑elle à l’encontre de la preuve dont elle disposait?

 

[3]               Compte tenu de ma conclusion selon laquelle la Commission aurait dû tenir une audience sur la demande de M. Mukasi, il est inutile que j’aborde la deuxième question. La preuve devra être réexaminée par un autre décideur.

 

II.     L’analyse

 

  1. Le cadre législatif

 

[4]               De façon générale, la Commission doit disposer d’une demande d’asile par la tenue d’une audience (l’alinéa 170b) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, (la LIPR)); les dispositions législatives citées sont reproduites en annexe). Cependant, la Commission peut accueillir une demande sans qu’une audience soit tenue si le ministre n’a pas donné avis de son intention d’intervenir (alinéa 170f)). En outre, si l’agent de protection des réfugiés recommande que la demande d’asile soit accueillie sans audience, la Commission peut l’accueillir seulement si l’affaire ne renferme aucun point litigieux devant être porté à l’attention du ministre, si l’identité du demandeur a été suffisamment établie, s’il n’y a aucune question grave de crédibilité, si l’exposé des faits du demandeur est compatible avec les renseignements sur les conditions de son pays d’origine et si le demandeur a démontré qu’il est un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger (les alinéas 19(4)a) à d) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002‑228 (les Règles)).

 

[5]               Si l’une ou l’autre de ces conditions n’est pas remplie, la Commission doit tenir une audience. De plus, la Commission est tenue d’aviser le ministre si elle croit qu’il y a une possibilité que le demandeur soit exclu de la protection accordée aux réfugiés au sens de la Convention (le paragraphe 23(1) des Règles).

 

  1. La décision de la Commission

 

[6]               La Commission a conclu que M. Mukasi avait établi son identité au moyen d’un passeport authentique. Elle a également conclu que la preuve documentaire confirmait l’exposé des faits de M. Mukasi et que sa demande fondée sur des allégations de persécution du fait de ses opinions politiques était bien fondée.

 

[7]               Le ministre souligne que la Commission disposait également d’éléments de preuve selon lesquels :

 

•           M. Mukasi a dirigé une faction de l’UPRONA qui s’opposait au processus de paix au Burundi. Il a été arrêté pour sa prise de position.

•           L’UPRONA était associée à un groupe violent de militants.

•           M. Mukasi aurait personnellement incité à la violence vers la fin des années 1990.

•           M. Mukasi a été destitué de son poste de dirigeant en raison de son opposition aux négociations de paix, mais il a quand même refusé d’accepter sa destitution.

 

III.    Analyse et conclusion

 

[8]               Compte tenu de la preuve dont elle disposait, la Commission a commis, à mon avis, une erreur en accueillant sans audience la demande de M. Mukasi. Premièrement, certains éléments de preuve révélaient que M. Mukasi était lié à des actes de violence, ce qui aurait dû alerter la Commission quant à la possibilité que M. Mukasi puisse être exclu de la définition de réfugié au sens de la Convention selon la section F de l’article premier de la Convention. Cette disposition prévoit, entre autres, que la Convention ne s’applique pas aux personnes qui ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité ou à celles qui se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

 

[9]               En outre, cette preuve indiquait que certains éléments de la preuve documentaire appuyaient la demande de M. Mukasi, mais qu’il y avait également des questions graves quant à leur véracité. La Commission aurait dû constater que la crédibilité de certaines des prétentions de M. Mukasi devait être examinée dans le cadre d’une audience et évaluée au vu de l’ensemble de la preuve documentaire.

 

[10]           Par conséquent, je vais accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner à la Commission de tenir une audience sur la demande de M. Mukasi. J’examinerai toutes les observations au sujet d’une question de portée générale qui seront soumises dans les dix jours suivant le présent jugement.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.                  La Cour examinera toutes les observations relatives à la certification d’une question qui seront soumises dans les dix jours suivant le prononcé des présents motifs.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B., B.A.Trad.

 

 


Annexe « A »

 

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

 

Fonctionnement

 

170. Dans toute affaire dont elle est saisie, la Section de la protection des réfugiés :

 

[…]

 

b) dispose de celle‑ci par la tenue d’une audience;

 

[…]

 

f) peut accueillir la demande d’asile sans qu’une audience soit tenue si le ministre ne lui a pas, dans le délai prévu par les règles, donné avis de son intention d’intervenir;

 

 

Immigration and Refugee Protection Act, S.C. 2001, c. 27

 

Proceedings

 

170. The Refugee Protection Division, in any proceeding before it,

 

 

(b) must hold a hearing;

 

 

 

(f) may, despite paragraph (b), allow a claim for refugee protection without a hearing, if the Minister has not notified the Division, within the period set out in the rules of the Board, of the Minister’s intention to intervene;

 

 

Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002‑228

 

Demande accueillie sans audience

 

  19(4) Si l’agent de protection des réfugiés recommande que la demande d’asile soit accueillie sans audience, la Section peut l’accueillir si les conditions suivantes sont réunies :

 

a) aucun point litigieux ne doit être porté à l’attention du ministre;

 

[…]

 

d) les renseignements que le demandeur d’asile a fournis sont compatibles avec les renseignements sur les conditions du pays dont il a la nationalité ou, s’il n’a pas de nationalité, du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, et ils démontrent qu’il est un réfugié au sens de la Convention sur les réfugiés ou une personne à protéger.

 

 

Avis au ministre avant l’audience d’une exclusion possible

 

23. (1) Si elle croit, avant l’audience, qu’il y a une possibilité que les sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés s’appliquent à la demande d’asile, la Section en avise par écrit le ministre et lui transmet les renseignements pertinents.

 

 

Refugee Protection Division Rules, SOR/2002‑228

 

Allowing a claim without a hearing

 

  19(4) If the refugee protection officer recommends that the claim be allowed without a hearing, the Division may allow the claim if

 

 

 

(a) there are no issues that should be brought to the attention of the Minister;

 

 

(d) the information given by the claimant is consistent with information about conditions in their country of nationality or, if they have no country of nationality, their country of former habitual residence, and establishes that the claimant is a Convention refugee or a person in need of protection.

 

 

 

Notice to the Minister of possible exclusion ¾ before a hearing

 

23. (1) If the Division believes, before a hearing begins, that there is a possibility that sections E or F of Article 1 of the Refugee Convention applies to the claim, the Division must notify the Minister in writing and provide any relevant information to the Minister.

 


 

 

 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                IMM‑2088‑06

 

INTITULÉ :                                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

                                                                                    c.

                                                                                    CHARLES MUKASI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 6 NOVEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 14 MARS 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Matina Karvellas

   POUR LE DEMANDEUR

 

Richard A. Odeleye

 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

  POUR LE DEMANDEUR

 

Babalola, Odeleye

North York (Ontario)

 

 

 

 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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