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Date : 20080313

Dossier : IMM-2702-07

Référence : 2008 CF 340

Toronto (Ontario), le 13 mars 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HUGHES

 

 

ENTRE :

DIPESH KUMAR THALANG

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, M. Thalang, est un adulte, citoyen du Népal. Il est arrivé au Canada muni d’un permis de travail et a demandé l’asile au moment où son permis a expiré en 2002. La demande a été rejetée. Une demande de contrôle judiciaire a été introduite et a été également rejetée. Le demandeur a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (un ERAR) et une demande de dispense des critères de sélection pour une demande de résidence permanente présentée au Canada et fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (CH). Les demandes CH et d’ERAR ont toutes les deux été rejetées. Le demandeur a sollicité et a obtenu l’autorisation pour que les deux décisions fassent l’objet d’un contrôle judicaire. Sur consentement du ministre, la demande relative au contrôle judiciaire de l’ERAR a été accueillie et l’affaire renvoyée pour un nouvel examen, toujours en instance. La présente demande concerne le contrôle judiciaire de la décision CH communiquée au demandeur par une lettre datée du 28 mai 2007.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, je conclus que la demande sera accueillie et que l’affaire sera renvoyée à un autre agent, différent de celui chargé de statuer à nouveau sur la demande d’ERAR.

 

[3]               En bref, les antécédents du demandeur se résument ainsi : il est né et a grandi à la campagne, au Népal. Sa femme est ses enfants se sont enfuis du Népal et résident en Inde. Les parents du demandeur résident toujours au Népal mais ont déménagé à la ville-centre, Katmandou, où ils demeurent. Depuis son arrivée au Canada, le demandeur s’est lancé avec deux ou trois associés dans l’exploitation d’une petite entreprise, située à Toronto et spécialisée dans les produits népalais. Il est un bon citoyen, paie ses impôts et n’a pas eu d’ennuis avec les autorités policières.

 

[4]               Le demandeur, comme je l’ai mentionné, a présenté une demande d’ERAR et une demande CH, lesquelles ont toutes deux été examinées par le même agent, en même temps. Les avocats me mentionnent que cette pratique, par laquelle le même agent examine les deux demandes, n’est pas inhabituelle. Cette pratique peut être au cœur des difficultés qui se sont présentées dans la présente affaire.

 

[5]               En rejetant la demande CH, l’agent a donné comme motifs ce qui suit, à la page 4 :

[traduction]

 

[…] J’ai examiné [les documents présentés par le demandeur] et les observations du conseil, ainsi que la preuve documentaire accessible au public relativement à la situation qui règne au Népal en ce qui concerne le demandeur ou une personne dans des circonstances semblables et cela fait, je ne suis pas convaincu que des motifs d’ordre humanitaire me permettent d’accueillir la présente demande en me fondant sur le risque auquel le demandeur serait personnellement exposé. La preuve est insuffisante pour donner à penser qu’exiger que le demandeur fasse une demande à l’étranger de façon habituelle constituerait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives relativement à la menace à la vie du demandeur ou à la sécurité de sa personne. Cette conclusion est fondée sur les motifs suivants.

 

 

[6]               Ce faisant, l’agent a fondé son appréciation de la demande CH sur le mauvais critère. L’appréciation de l’agent était fondée sur le risque, lequel était un critère d’ERAR, et non un critère CH. Le critère CH approprié est les difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives ( comme le précise le juge en chef dans les décisions Liyanage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1045, au paragraphe 41, et Pinter c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 296, aux paragraphes 2 à 7). Il s’agit d’une erreur de droit à l’égard de laquelle la norme de contrôle est la décision correcte comme l’a exposé Pinter, précitée, ainsi que la Cour suprême du Canada dans l’arrêt récent Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 41 à 64.

 

[7]               Compte tenu de l’erreur de droit, il y a lieu de souligner qu’un agent qui examine une demande CH doit, comme l’a mentionné le juge en chef dans Pinter, précitée, au paragraphe 6, être ouvert à l’ensemble des considérations dont on doit tenir compte au moment d’examiner les difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. Un examen du dossier, en l’espèce, donne fortement à penser que l’agent précédent n’a pas pris suffisamment en considération la preuve quant à ce qui se passait « sur le terrain » au Népal et la façon dont peut être touchée une personne ordinaire qui s’efforce d’y continuer sa vie, par opposition aux traités et aux accords qui ont été signés, mais qui n’ont pas été mis en œuvre par les belligérants dans le pays. L’agent n’a pas non plus accordé suffisamment d’importance au fait que, en tant que rapatrié au Népal, le demandeur pourrait rencontrer de grandes difficultés.

 

[8]               Il convient non seulement d’accueillir la présente demande de contrôle judiciaire, mais aussi d’ordonner qu’un autre agent examine l’affaire et, afin d’éviter toute confusion entre le critère d’une demande ERAR et celui d’une demande CH, que cet agent soit différent de celui qui examine la demande d’ERAR du demandeur.

 

[9]               Il n’y a aucune raison de certifier une question ou d’adjuger des dépens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

Pour ces motifs :

LA COUR STATUE que :

            1.         la demande est accueillie;

2.         la demande CH est renvoyé pour être examinée à nouveau par un autre agent, différent de celui qui examine la demande d’ERAR du demandeur;

            3.         il n’y a aucune question à certifier;

            4.         aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            IMM-2702-07

 

INTITULÉ :                                                                           DIPESH KUMAR THALANG

                                                                                                c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 12 MARS 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                                  LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS:                                                           LE 13 MARS 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andrew Brouwer

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Bernard Assan

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman & Associates

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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