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Date : 20080312

Dossier : IMM‑1220‑07

Référence : 2008 CF 337

Ottawa (Ontario), le 12 mars 2008

En présence de madame la juge Dawson

 

ENTRE :

 

DU BIN CEN

 

 

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        Du Bin Cen est un citoyen de la République populaire de Chine (China) qui est entré au Canada en octobre 1990.

 

[2]        M. Cen a demandé l’asile à titre de réfugié au sens de la Convention parce que, selon ses affirmations, il avait organisé des manifestations étudiantes en Chine au printemps de 1989 et il y avait participé. Il s’est enfui de la Chine parce qu’il craignait d’être arrêté et emprisonné. En mars 1991, la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile présentée par le demandeur.

 

[3]        En février 2007, la demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) présentée par M. Cen a été rejetée. M. Cen dépose la présente demande de contrôle judiciaire quant à la décision rendue à l’égard de l’ERAR.

 

[4]        Une seule question est soulevée dans la présente demande : l’agent d’ERAR a-t-il effectué un examen des risques suffisamment complet quant à la question de savoir si M. Cen avait la qualité de personne à protéger au sens de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi)? J’estime que l’agent a examiné adéquatement les risques et, par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[5]        La thèse de M. Cen est fondée sur le fait que sa demande d’asile a été examinée en 1991, avant que soit adopté l’article 97 de la Loi qui se rapporte à l’asile. En 1991, la SSR évaluait seulement la question de savoir si un demandeur était visé par la définition de réfugié au sens de la Convention (maintenant comprise dans l’article 96 de la Loi). Par souci de commodité, les articles 96 et 97 de la Loi sont exposés à l’annexe des présents motifs.

 

[6]        Il faut, afin d’évaluer correctement cette thèse, examiner la nature de la demande présentée par M. Cen à la SSR et les risques qu’il a décrits dans sa demande d’ERAR.

 

[7]        Devant la SSR, M. Cen a décrit sa participation à l’organisation d’étudiants pour l’appui au mouvement étudiant général et sa participation à des manifestations. Il affirme qu’il a fait l’objet d’une suspension à son travail. Craignant d’être arrêté et emprisonné, il a alors quitté la Chine.

 

[8]        La SSR, lorsqu’elle a rejeté la demande d’asile, a fait remarquer que l’épouse de M. Cen, qui est restée en Chine, ne mentionnait pas dans ses lettres que les policiers étaient à sa recherche. La SSR mettait en doute l’affirmation selon laquelle il avait fait l’objet d’une suspension à son travail. La SSR a finalement conclu qu’il n’y avait aucun élément de preuve établissant que les peines imposées à ceux qui, comme M. Cen, avaient joué un rôle mineur équivalaient effectivement à de la persécution. Il n’y avait aucune possibilité sérieuse qu’il [traduction] « subisse vraiment de la persécution, des restrictions graves quant à ses droits ou des mauvais traitements physiques graves ».

 

[9]        M. Cen a décrit les mêmes risques dans sa demande d’ERAR. La seule preuve documentaire qu’il a fournie était un article tiré du site Wikipedia intitulé « Tiananmen Square protests of 1989 ». À l’égard des conditions actuelles en Chine, l’article mentionnait que [traduction] « le sujet est encore un tabou politique en Chine continentale, où toute discussion publique à cet égard est considérée comme inappropriée », et que la place Tiananmen est étroitement patrouillée le jour anniversaire du 4 juin, afin d’empêcher toute commémoration des événements de 1989.

 

[10]      L’agent d’ERAR a expressément mentionné qu’il était tenu d’examiner les risques auxquels était exposé M. Cen suivant l’article 97 de la Loi. L’agent a écrit ce qui suit :

 

                        [traduction]

J’ai examiné la preuve fournie par le demandeur afin d’établir suivant l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) s’il a raison de craindre d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques. J’ai de plus examiné les alinéas 97(1)a) et b) de la LIPR quant à savoir si le demandeur a la qualité de personne à protéger du fait qu’il serait exposé à un risque d’être soumis à la torture ou à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités. [Non souligné dans l’original.]

 

[11]      L’agent d’ERAR, bien qu’il ait reconnu que le dossier de la Chine en matière de droits de la personne continue à être peu brillant, a mentionné que M. Cen n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve, depuis le rejet de sa demande d’asile, pour le convaincre qu’il était exposé à l’un ou l’autre des risques énoncés aux articles 96 et 97 de la Loi :

                        [traduction]

J’ai examiné les documents se rapportant aux droits de la personne dans la République populaire de Chine. Le dossier de la RPC en matière de droits de la personne est peu brillant, mais le demandeur n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve objectifs, depuis le rejet de sa demande d’asile par la Section du statut de réfugié (SSR), pouvant m’amener à conclure qu’il est personnellement exposé à l’un ou l’autre des risques énoncés aux articles 96 et 97 de la LIPR.

 

[12]      En particulier, à l’égard de la question de savoir si M. Cen était visé par la définition de l’article 96 de la Loi, l’agent d’ERAR n’était pas convaincu que les autorités chinoises continuaient à s’intéresser à M. Cen ou que M. Cen avait raison de craindre d’être persécuté :

                        [traduction]

Après une analyse minutieuse de tous les éléments de preuve dont je dispose, j’estime qu’il n’y a aucune raison pour laquelle les autorités chinoises continueraient à s’intéresser au demandeur étant donné que l’incident qui avait attiré sur lui l’attention des autorités était survenu presque dix-huit ans plus tôt. Je ne dispose pas de suffisamment d’éléments de preuve indiquant que les autorités chinoises continuent à percevoir le demandeur comme un dissident politique. En l’absence de nouveaux éléments de preuve convaincants de la part du demandeur, les documents sur les conditions du pays m’amènent à conclure que le demandeur dans la présente affaire en particulier n’est pas exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution du fait de quelque motif prévu par la Convention en République populaire de Chine. La présente demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

[13]      Quant à la question de savoir si M. Cen était visé par la définition de l’article 97 de la Loi, l’agent d’ERAR estimait une fois de plus qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour tirer une telle conclusion :

                        [traduction]

La preuve a également été examinée en détail lors de l’examen de l’application de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. J’estime qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que le demandeur, s’il était renvoyé en République populaire de Chine, serait exposé au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumis à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture.

 

En outre, j’estime qu’il est peu probable que le demandeur soit personnellement exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités à son retour en République populaire de Chine. Par conséquent, la présente demande d’asile ne satisfait pas aux exigences du sous-alinéa 97(1)b)(i) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

[14]      La prétention de M. Cen selon laquelle il était exposé à un risque était fondée seulement sur un motif prévu par la Convention, à savoir : ses opinions politiques. Ce risque a été évalué à fond par la SSR et aucun nouvel élément de preuve quant à l’évolution d’un risque, pertinent quant à l’un ou l’autre des articles 96 et 97 de la Loi, n’a été avancé par M. Cen.

 

[15]      Sur ce fondement factuel, je conclus que l’analyse faite par l’agent quant à l’article 97 est appropriée et raisonnable. Je souligne que des conclusions similaires ont été tirées, quoique dans un contexte de protection des réfugiés, dans des affaires comme Kulendrarajah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2004), 245 F.T.R. 145, au paragraphe 13, et Brovina c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 771 (QL), aux paragraphes 17 et 18.

 

[16]      Pour les motifs énoncés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[17]      Les avocats n’ont proposé aucune question à des fins de certification si la demande était tranchée selon le fondement présenté. Par conséquent, aucune question n’est certifiée.

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


ANNEXE

 

            Les articles 96 et 97 de la Loi sont rédigés de la façon suivante :

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

97(1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

 

97(1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑1220‑07

 

INTITULÉ :                                       DU BIN CEN

 

                                                            c.

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

                                                            DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 5 MARS 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 12 MARS 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Wennie Lee                                                                              POUR LE DEMANDEUR

 

Modupe Oluyomi                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lee & Company                                                                       POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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