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Date : 20080312

Dossier : IMM‑1637‑07

Référence : 2008 CF 335

Toronto (Ontario), le 12 mars 2008

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

RAJIV KHANNA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur Rajiv Khanna est un résident permanent du Canada d’âge adulte. Il est né en Inde, il a résidé aux États-Unis d’Amérique pendant une certaine période et il est devenu un résident permanent du Canada en novembre 1999. En avril 1999, le demandeur a contracté une certaine forme de mariage avec sa cousine Seema Khanna en Inde. Chacun des époux avait déjà été marié et avait divorcé. Le demandeur a tenté de parrainer Seema Khanna afin qu’elle obtienne, sur le fondement de son mariage, un visa de résident permanent pour entrer au Canada au titre du regroupement familial.

 

[2]               Par une lettre datée du 4 novembre 2004, un agent des visas a refusé de délivrer un visa de résident permanent à Seema Khanna déclarant que le mariage à Rajiv Khanna n’était pas valide. Un appel a été interjeté à l’égard de cette décision auprès de la Section d’appel de l’immigration qui, dans une décision écrite datée du 22 mars 2007, a rejeté l’appel. Le demandeur a obtenu l’autorisation de demander le présent contrôle judiciaire de cette décision. Pour les motifs ci-après énoncés, la demande est rejetée.

 

[3]               Le présent contrôle soulève une question de fond et une question de procédure. La question de fond consiste à savoir si l’agent des visas et la Section d’appel de l’immigration avaient raison de conclure que le demandeur et Seema n’avaient pas contracté un mariage valide. En matière procédurale, la question consiste à savoir si la Section d’appel de l’immigration avait raison de refuser d’admettre en preuve une copie papier d’une définition de « Gotra » contenue sur le site de Wikipedia et un échange sur un site Internet de dialogue en ligne entre un certain Manish Modi et un certain Yashwant Malaiya au sujet du « Gotra », et si elle avait tort, la question est de savoir quel doit être le résultat approprié.

 

[4]               La Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. New Brunswick, 2008 R.C.S. 9, a fourni des éclaircissements très utiles à la question de la norme de contrôle. Il existe seulement deux normes : la raisonnabilité et la décision correcte. La norme de la décision correcte doit être maintenue à l’égard de la compétence et à l’égard d’autres questions de droit. La raisonnabilité est une norme d’examen fondée sur la retenue devant être appliquée dans les cas où la question est une question de fait, de pouvoir discrétionnaire ou de politique et doit s’appliquer lorsque des questions de droit et des questions de fait sont entremêlées et ne peuvent facilement être séparées.

 

[5]               Par conséquent, dans la présente affaire, la principale question doit faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la raisonnabilité. C’est-à-dire qu’il s’agit de savoir si, compte tenu du dossier, la décision de l’agent des visas était raisonnable et si la décision de la Section d’appel de l’immigration était raisonnable lorsqu’il a été décidé que, selon la preuve, il n’avait pas été établi que le mariage était valide.

 

[6]               En matière de procédure, la question consiste à savoir si la définition contenue sur le site de Wikipedia et la définition de « Gotra » sur le site Internet de dialogue en ligne auraient dû être admises en preuve et, dans l’affirmative, si elles étaient susceptibles d’avoir quelque effet sur l’issue de l’affaire.

 

[7]               La question de fond consiste à savoir si le mariage entre Rajiv et Seema peut, selon la preuve, être considéré comme un mariage valide. Ils se sont mariés en Inde. Ils sont des hindous. Ils sont cousins au premier degré. La mère de Rajiv et celle de Seema étaient des sœurs. Il n’est pas contesté que le sous-alinéa 5(iv) de la [traduction] « Loi sur le mariage hindou de 1955 » en Inde interdit le mariage entre deux personnes qui ont un degré prohibé de parenté comme les cousins au premier degré, sauf si [traduction] « la coutume et l’usage » le permettent. L’expression [traduction] « la coutume et l’usage » est définie de la façon suivante à l’alinéa 3a) de cette loi :

 

[traduction]

les termes « coutume » et « usage » signifient toute règle qui, après avoir été observée de façon continue et uniforme pendant une longue période, a obtenu force de loi parmi les hindous dans quelque région locale, tribu, collectivité, groupe ou famille.

 

 

[8]               Au Canada, l’article 4 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, prévoit que l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux d’une personne si le mariage n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

 

[9]               La preuve contenue au dossier comporte plusieurs affidavits, dont la forme est presque identique, qui attestent qu’une cérémonie de mariage a été célébrée [traduction] « selon les rites hindous » et que [traduction] « le droit hindou et la coutume et l’usage qui se régissent mutuellement […] permettent un mariage entre des gens divorcés ». Le demandeur d’asile soutient que la Section d’appel de l’immigration, lorsqu’elle a rendu sa décision, n’a pas pris en compte cette preuve par affidavit et il soutient de plus que les affidavits appuient une conclusion voulant que « la coutume et l’usage » permettent un mariage entre des cousins au premier degré. Toutefois, les affidavits ne traitent pas de la question portant sur « la coutume et l’usage » à l’égard d’un mariage entre cousins au premier degré. D’autres affidavits énoncent simplement que [traduction] « il n’y avait aucun empêchement légal » au mariage et que le mariage [traduction] « est conforme à la loi et n’enfreint aucune disposition de la loi et est même par ailleurs régi par la coutume et l’usage ».

 

[10]           Aucun élément de preuve ne traite directement de la question d’un prétendu mariage entre cousins au premier degré et de celle de savoir si « la coutume et l’usage » comme ils s’appliquent à ces personnes en particulier reconnaissent un tel mariage. Il s’agit de la situation contraire, par exemple, à celle examinée dans l’affaire Canada (MCI) c. Mann, 2004 CF 1338, dans laquelle la Section d’appel de l’immigration disposait d’une opinion juridique d’un avocat pratiquant en Inde, qui s’appuyait sur les opinions d’un professeur de droit d’une université indienne, de même que de témoignages de plusieurs personnes des collectivités pertinentes. Dans la présente instance, je conclus que l’agent des visas et la Section d’appel de l’immigration ont, selon la preuve présentée, rendu une décision raisonnable selon laquelle il n’a été établi aucune « coutume » ni aucun « usage » qui rendraient valide le mariage.

 

[11]           Il faut ensuite se demander si la preuve aurait d’une façon importante été différente si les éléments tirés du site Wikipedia ou de la correspondance échangée sur un site de dialogue en ligne avaient été admis en preuve. Les éléments de preuve tirés de Wikipedia sont de nature générale seulement. Ils indiquent que dans certaines parties de l’Inde des mariages entre cousins croisés (entre les enfants d’un frère et d’une sœur) sont autorisés. Toutefois, dans la présente affaire, Rajiv et Seema sont les enfants de deux sœurs, non l’enfant d’un frère et l’enfant de sa sœur. La référence contenue sur le site Wikipedia n’a aucune signification importante. La correspondance échangée en ligne est entre deux personnes non identifiées et elle comporte deux pages de discussions sur Gotras, dont aucune n’est directement ou même généralement pertinente quant aux parties. Même si ces éléments avaient été déposés en preuve, cela n’aurait fait aucune différence importante quant à l’ensemble de la preuve dont disposait la Section d’appel de l’immigration. Quoi qu’il en soit, la Section d’appel de l’immigration, en vertu de l’article 175 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, précitée, a le droit de rejeter les éléments de preuve qu’elle ne considère pas crédibles ou dignes de foi en l’occurrence. J’estime qu’il était raisonnable de rejeter ces éléments. Le site Wikipedia est une référence de « source ouverte » qui peut être modifiée par n’importe qui. Le contrôle quant à l’exactitude de son contenu est minime. La source de la correspondance échangée sur un site Internet de dialogue en ligne n’a été indiquée d’aucune façon. Il était raisonnable d’exclure de la preuve ces deux éléments.

 

[12]           Par conséquent, la demande est rejetée. Il n’est soulevé aucune question à des fins de certification. Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

JUGEMENT

 

Pour les motifs énoncés :

LA COUR DÉCLARE :

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Aucune question n’est certifiée.

3.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Danièle Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑1637‑07

 

 

INTITULÉ :                                       RAJIV KHANNA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

                                                                                               

LIEU DE L’AUDIENCE :                 tORONTO (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 11 MARS 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE Hughes

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 12 MarS 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mukesh Bhardwaj                                                                    POUR LE DEMANDEUR

 

John Provart                                                                              POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                                           

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

BHARDWAJ & BAXI                                                             POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario)                                                                    

                                                                                               

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

 

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