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Date : 20080311

Dossier : IMM-2589-07

Référence : 2008 CF 334

Ottawa (Ontario), le 11 mars 2008

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

 

EMINE ELER

 

 

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        Emine Eler est une citoyenne de la Turquie qui a présenté une demande d’asile. Elle a témoigné devant la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) qu’elle craignait de subir un préjudice grave équivalant à de la persécution, aux mains de son frère cadet qui lui réclamait constamment de l’argent et qui recourait à la force pour l’obtenir.

 

 

[2]        La Commission n’a pas tiré de conclusion concernant la crédibilité du témoignage de

Mme Eler. Donc, celui-ci est présumé véridique. La Commission a rejeté la demande d’asile de

Mme Eler pour l’unique motif qu’elle n’avait pas réfuté la présomption relative à la protection de l’État.

 

[3]        La conclusion de la Commission se fondait essentiellement sur la [traduction] « Loi relative à la protection de la famille en Turquie » (la Loi), entrée en vigueur en 1998. La Commission décrit les effets de cette loi comme suit : « Aux termes de la loi, la femme concernée ou un membre de sa famille, un ami ou le procureur peuvent demander au juge de paix de prendre des mesures pour la protéger contre les violences. Le juge doit rendre une ordonnance de protection dès réception de la requête, qui ne demande pas des poursuites contre le responsable mais plutôt la protection de la victime. L’auteur présumé des violences doit quitter le domicile familial et respecter les autres dispositions de l’ordonnance, par exemple ne pas s’approcher de la victime sous peine d’être incarcéré. La loi donne à la police le droit de confisquer les armes de l’auteur présumé des violences. »

 

[4]        Cette loi ne faisait pas partie des éléments de preuve dont disposait la Commission. Par contre, cette dernière s’est appuyée sur un rapport d’Amnistie Internationale qui comprenait une description de la loi en question. Ce rapport exprimait, en outre, la préoccupation d’Amnistie Internationale quant au fait que [traduction] « la Loi prévoit des mesures de protection seulement pour les femmes mariées lors d’une cérémonie civile et qui cohabitent avec leur conjoint ».

 

[5]        Compte tenu de cette description, le seul élément de preuve dont disposait la Commission, la loi en question ne pouvait assurer à Mme Eler ni réparation ni protection.

 

[6]        La conclusion de la Commission concernant le caractère adéquat de la protection de l’État était alors et reste toujours susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Voir : Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2007), 362 N.R. 1 (C.A.F.),

au paragraphe 38, et Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux  paragraphes 55, 57, 62 et 64.

 

[7]        Le caractère raisonnable exige la justification de la décision, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel ainsi que l’appartenance de la décision aux issues  acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Voir : Dunsmuir, au paragraphe 47.

 

[8]        Lorsque la Commission se fonde sur l’existence d’une loi protectrice mais que, selon les éléments de preuve dont elle dispose, la loi en question ne s’applique pas à la demande d’asile sur laquelle elle doit statuer, les motifs de la Commission ne sont pas raisonnables parce qu’ils ne sont pas suffisamment justifiés.

 

[9]        La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie.

 

[10]      La Cour félicite et remercie Mme Jaakkimainen, l’avocate du ministre, pour sa franchise habituelle à l’égard du contenu du dossier du tribunal.

 

[11]      Les avocats n’ont proposé aucune question à certifier et je conviens que le présent dossier n’en soulève aucune.

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision rendue le 5 juin 2007 par la Section de la protection des réfugiés est annulée.

 

2.         L’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Section de la protection des réfugiés pour nouvelle décision conforme aux présents motifs.

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 


DOSSIER :                                                                IMM-2589-07

 

INTITULÉ :                                                                           EMINE ELER

                                                                                    c.

                                                                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ            

                                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 4 MARS 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                                 LE 11 MARS 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Micheal Crane                                                                 POUR LA DEMANDERESSE

 

A. Leena Jaakkimainen                                                   POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Micheal Crane                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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