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Date : 20080310

Dossier : IMM-2479-07

Référence : 2008 CF 329

Ottawa (Ontario), le 10 mars 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

 

 

ENTRE :

RAMIRO ENRIQUE MORA ZAPATA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Romero Enrique Mora Zapata a demandé l'asile au Canada en invoquant sa crainte d'être persécuté en Colombie par le groupe terroriste connu sous le nom de FARC. Un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande en raison d'un manque d'éléments de preuve crédibles. M. Mora Zapata soutient que la Commission n'a pas tenu compte des éléments de preuve qu'il a produits à l'appui de sa demande et qu'elle lui a reproché à tort de ne pas en avoir produit plus. Il me demande d'ordonner la tenue d'une nouvelle audience devant un tribunal différent de la Commission. Je conviens que la Commission a commis une erreur dans son examen de la preuve; en conséquence, j'accueille la présente demande de contrôle judiciaire.

 

I.     La question en litige

 

[2]               La conclusion de la Commission était-elle étayée par la preuve?

 

II.   Analyse

 

[3]               Je ne peux annuler la décision de la Commission que si je conclus qu'elle ne cadre pas avec la preuve dont elle était saisie.

 

1.              La version des faits de M. Mora Zapata

[4]               M. Mora Zapata a été atteint d’un coup de feu à la jambe en 1997. Il travaillait comme chauffeur de taxi à Medellin. Un jour, deux hommes lui ont demandé de les conduire à une salle de billard où ils ont fait feu sur des personnes à l’intérieur et en ont tué un certain nombre. Quelques jours plus tard, deux hommes se sont présentés chez sa mère. Il n’y était pas, mais les hommes ont remarqué son taxi stationné à l’extérieur de la salle de billard se situant en face du logement de sa mère. Ils sont entrés dans la salle de billard et ont demandé à M. Mora Zapata de leur montrer son permis de conduire et sa carte d’identité. Il a cru qu’il s’agissait de policiers en civil. Les deux hommes sont sortis, mais peu après, quatre hommes masqués sont entrés dans la salle de billard et ont commencé à faire feu. M. Mora Zapata s’est caché sous une table de billard, mais il a été atteint à la jambe par une balle tirée à faible distance. Il a été laissé pour mort. Les autres hommes se trouvant dans la salle ont été tués. M. Mora Zapata espérait qu’ils étaient les cibles principales. Il n’a pas cru que les tireurs le visaient réellement. Après s’être remis de sa blessure, il a recommencé à conduire son taxi.

 

[5]               M. Mora Zapata a été atteint d’un coup de feu au ventre en août 1999. La balle s’est logée dans sa colonne vertébrale. À ce moment, il a commencé à comprendre qu’il était la cible du groupe terroriste connu sous le nom de FARC. Le jour où il a été atteint, les FARC ont envoyé une lettre de condoléances à sa mère. La lettre précisait que les membres du groupe croyaient l’avoir tué en 1997 et qu’ils étaient maintenant déterminés à en finir, sinon ils allaient perdre la face. M. Mora Zapata a compris que les deux hommes qu’il avait conduits à la salle de billard en 1997 étaient membres d’un groupe appelé les AUC. Ils avaient attaqué des membres des FARC et, à ce moment, les FARC ont cru que M. Mora Zapata appuyait les AUC parce qu’il leur avait fourni le transport. Il a cru avoir été identifié par la couleur de son taxi et par sa plaque d’immatriculation. Après une longue convalescence, il a quitté la Colombie au printemps 2000.

 

[6]               M. Mora Zapata a été atteint d’un coup de feu à la figure en juillet 2006. Il a été victime d’un vol à main armée aux États‑Unis. À ce moment, il a décidé de venir au Canada. Il s’est demandé si les FARC avaient franchi les frontières pour venir le tuer aux États‑Unis. Il n’avait pas demandé l’asile aux États‑Unis parce qu’il savait que la plupart des Colombiens voyaient leur demande refusée. Il est arrivé au Canada le 27 avril 2006.

 

2.              La décision de la Commission

 

[7]               La Commission a reconnu que M. Mora Zapata avait été atteint de coups de feu un certain nombre de fois. Il a montré à la Commission ses nombreuses cicatrices. Cependant, la Commission a rejeté la demande de M. Mora Zapata pour les motifs suivants :

 

•           M. Mora Zapata n’a pas fourni de copie de la lettre de condoléances envoyée à sa mère en 1999. Elle l’avait détruite.

•           Il n’a pas produit de preuve documentaire corroborant qu’il avait conduit des membres des AUC.

•           Aucun des éléments de preuve documentaire concernant la Colombie ne mentionnait que les gens prenaient note de la couleur ou du numéro de plaque d’immatriculation des taxis.

•           C’est un fait connu que les FARC tuent des gens appartenant à des groupes rivaux. Si les FARC avaient réellement soupçonné M. Mora Zapata, ce dernier n’aurait pas pu vivre paisiblement à Medellin de 1997 à 1999.

•           Le fait que M. Mora Zapata n’a quitté la Colombie qu’en mai 2000 montre qu’il ne craignait pas réellement les FARC.

 

3.              Analyse et conclusion

 

[8]               À mon sens, la Commission s’attendait à trop de M. Mora Zapata relativement à la preuve documentaire qu’il devait produire. M. Mora Zapata a expliqué que sa mère était bouleversée quand elle a reçu la lettre de condoléances, alors elle l’a brûlée. Je ne vois pas vraiment comment il aurait pu produire une preuve écrite montrant quelles personnes se sont trouvées dans son taxi en 1997. Également, il est peu probable que la preuve documentaire mentionne expressément la possibilité que les chauffeurs de taxi soient identifiés par leur voiture et leur plaque d’immatriculation.

 

[9]               En outre, M. Mora Zapata a expliqué que les FARC croyaient l’avoir tué lors de la fusillade de 1997. Il ne s’est pas rendu compte qu’il était visé avant 1999. À mon avis, il s’agit d’une explication raisonnable du fait qu’il n’a pas éprouvé de difficultés dans les années d’intervalle et qu’il a recommencé à conduire son taxi quand il a été en mesure de le faire. La Commission n’a pas expliqué pourquoi la version des faits de M. Mora Zapata n’était pas plausible au point de ne pouvoir y ajouter foi.

 

[10]           Finalement, M. Mora Zapata affirme avoir eu besoin de beaucoup de temps pour se remettre du coup de feu reçu en 1999. Il ne croyait pas avoir la force de quitter le pays avant le printemps suivant. Encore une fois, la Commission n’a pas expliqué pourquoi ce témoignage n’était pas crédible.

 

[11]           Par conséquent, j’estime que la conclusion de la Commission n’était pas étayée par la preuve et j’accueille la présente demande de contrôle judiciaire. Ni l’une ni l’autre des parties n’ont soulevé de question de portée générale à certifier et aucune n’est énoncée.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

2.                  Aucune question de portée générale n'est énoncée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-2479-07

 

INTITULÉ :                                                   ZAPATA

                                                                        c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 27 FÉVRIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 10 MARS 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Dariusz Wroblewski

POUR LE DEMANDEUR

 

Ricky Tang

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Joel Etienne

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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