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Date : 20080307

Dossier : T-2261-05

Référence : 2008 CF 328

Ottawa (Ontario), le 7 mars 2008

En présence de M. le juge Lagacé 

 

 

ENTRE :

MÖVENPICK-HOLDING

Demanderesse

(défenderesse reconventionnelle)

et

 

INTER MANAGEMENT SERVICES LIMITED

et

HANS JÖRG REICHERT

et

MARIANNE REICHERT

et

GASTRO INTERNATIONAL INC.

Défendeurs

(demandeurs reconventionnels)

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La demanderesse interjette appel de l’ordonnance de la protonotaire, datée du 20 décembre 2006, rejetant sa requête pour précisions ou la radiation de certains paragraphes des actes de procédure du défendeur.     

 

[2]               La demanderesse fait valoir que la protonotaire a commis deux erreurs de droit susceptibles de contrôle. Premièrement, elle ne s’est pas rendu compte que l’objet et la réparation demandée par les défendeurs en vertu des paragraphes 18 et 57 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, ne relèvent pas de la compétence de cette cour. Deuxièmement, elle a mal compris l’importance et les conséquences juridiques de l’omission des défendeurs de faire valoir de manière factuelle chacun des éléments qui constituent de la fraude et de l’abandon.

 

Faits

[3]               La Cour est saisie d’une action en vertu de la Loi sur les marques de commerce dans le cadre de laquelle la demanderesse allègue la violation de sa marque de commerce « MARCHÉ » visant des services de restauration.

 

[4]               Le défendeur Inter Management Services Limited (« IMSL ») a exploité un restaurant et magasin à Innisfil, en Ontario, sous le nom et la marque de commerce « INNISFIL HEIGHTS MARCHE ».

 

[5]               Les deux individus ont été appelés en défense, compte tenu de leur participation, soit comme directeurs d’IMSL, soit au niveau de la gestion quotidienne des activités d’IMSL.

 

[6]               Le défendeur IMSL a déposé une cession de faillite le19 décembre 2008 et, par conséquent, la présentation de cette requête contre la décision de la protonotaire a été considérablement retardée.

 

[7]               La demanderesse a finalement obtenu une ordonnance l’autorisant à aller de l’avant avec son action contre IMSL. La demande soutient que l’utilisation de la marque de commerce « INNISFIL HEIGHTS MARCHE » entraîne de la confusion avec sa marque de commerce déposée « MARCHÉ », en contravention avec ses droits en matière de marque de commerce.

 

[8]               Les défendeurs, dans leurs motifs de défense, allèguent aux paragraphes 10, 11, 12, 16, 17, 19, 22, 24, 25, 28 et 45(a) de leur déclaration de défense modifiée et de leur demande reconventionnelle, telle qu’elle a été modifiée le 8 juin et, par la suite le 24 juillet 2006, que les marques de commerce et le dépôt de la marque de commerce « MARCHÉ » sont invalides, puisque :

 

        IMSL a exploité depuis septembre 2005 un restaurant et magasin à libre circulation de type « marché » sous la bannière « INNISFIL HEIGHTS MARCHE », et depuis, a déposé une demande pour enregistrer les marques de commerce suivantes au Canada pour les utiliser en association avec l’exploitation de son restaurant de type « marché », notamment : « INNISFIL HEIGHTS MARCHE », « INNISFIL HEIGHTS MARCHÉ and Design », « INNISFIL HEIGHTS MARCHÉ RESTAURANT MARKET SHOP and Design », et « LETS MARCHE » et depuis, il a commencé à utiliser ces marques de commerce en association avec son restaurant de type « marché »;

 

        IMSL n’a jamais utilisé le mot « MARCHÉ » seul en association avec l’exploitation de son restaurant de type « marché » et les marques de commerce qu’il utilise ne prêtent à confusion avec aucune des marques de commerce invoquées par la demanderesse;

 

        En juillet 2005, le nom de domaine <letsmarche.net> a été enregistré pour IMSL et a été utilisé depuis en association avec une page Web qui annonce son restaurant de type « marché »;

 

        À la date de l’enregistrement, il a été impossible d’enregistrer le mot français « marché » (signifiant « market » en anglais) en vertu des alinéas 12(1)b) et 18(1)a) de la Loi sur les marques de commerce, car il était clairement descriptif lorsqu’il était associé à des services de restauration;

 

        La marque en question n’est pas distinctive des services de restauration de la demanderesse à cause de l’adoption très répandue des noms et marques « MARCHÉ » par des tiers pour des services de restauration;

 

        En fait, le prédécesseur de la demanderesse n’avait pas utilisé la marque de commerce « RESTAURANT MÖVENPICK MARCHÉ » & Design;

 

        Le mot « marché » est couramment utilisé par différents commerçants au Canada en association avec des marchés et des entreprises de type « marché » et a été utilisé ou déposé ou appliqué à des marques de commerce déposées contenant ce mot en association avec des services de restaurant, conformément à ce qui figure dans un ensemble d’enregistrements et d’applications précisés par la demanderesse;

 

        Les enregistrements de marque de commerce de la demanderesse sont invalides et devraient être supprimés du Registre des marques de commerce en tant que tels [notamment « MARCHÉ » (TMA460,114), « RESTAURANT MÖVENPICK MARCHÉ » & Design (TMA416,921), « MARCHÉLINO » (TMA459,991), « RISTORANTE MARCHÉLINO MÖVENPICK MARCHÉ & Design » TMA416,591) et « RESTAURANT MARCÉLINO & Design » (TMA540,161)].

 

[9]               Les points précédents représentent la substance des allégations contenues dans les paragraphes que la demanderesse souhaite voir radier et qui ont été épargnés par la décision de la protonotaire.

 

Motifs de l’ordonnance de la protonotaire

[10]           Après avoir examiné la déclaration de défense dans son ensemble et les paragraphes sur lesquels la demanderesse souhaitait obtenir des précisions, la protonotaire n’était pas satisfaite du besoin de précisions et a expliqué pourquoi. Après une telle conclusion, la protonotaire a abordé l’autre recours demandant la radiation des paragraphes 10, 11, 12, 16, 17, 19, 22, 24, 25, 28 et 45(a) de la défense modifiée et de la demande reconventionnelle et a rejeté la requête après avoir précisé comme motif qu’elle n’était [TRADUCTION] « pas convaincue que les arguments juridiques contenus ou sous-entendus dans les paragraphes contestés étaient clairement dépourvus d’intérêt ».

 

Critère des décisions de la protonotaire en appel et requête en radiation

[11]           L’appel est interjeté en vertu de la règle 51(1) des Règles des Cours fédérales. Cette règle ne prévoit aucune norme de contrôle. Cependant, un appelant fait tout de même face à un critère exigeant. Ce critère a été établi par la Cour d’appel fédérale dans Canada c. Aqua-Gem, [1993] 2 CF 425, et précise que l’ordonnance discrétionnaire des protonotaires ne doit pas être communiquée dans le cadre d’un appel à un juge, à moins qu’elle soit clairement entachée d’erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits.

 

Règle 221(1) des Règles des Cours fédérales

[12]           La requête de la demanderesse visant une ordonnance annulant l’ordonnance de la protonotaire est déposée en vertu de la règle 51 et la demande de radiation sans autorisation de modifier les actes de procédure contenus dans les paragraphes précisés ci-haut est déposée en vertu des alinéas 221(1)a) et b) des Règles des Cours fédérales. La règle 221(1) indique ce qui suit :

 

221. (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

 

a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable;

 

b) qu’il n’est pas pertinent ou qu’il est redondant;

 

c) qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire;

 

d) qu’il risque de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder;

 

e) qu’il diverge d’un acte de procédure antérieur;

 

f) qu’il constitue autrement un abus de procédure.

 

Elle peut aussi ordonner que l’action soit rejetée ou qu’un jugement soit enregistré en conséquence.

221. (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

 

 

(a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,

 

(b) is immaterial or redundant,

 

 

(c) is scandalous, frivolous or vexatious,

 

(d) may prejudice or delay the fair trial of the action,

 

(e) constitutes a departure from a previous pleading, or

 

(f) is otherwise an abuse of the process of the Court,

 

and may order the action be dismissed or judgment entered accordingly.

 

 

 

 

Discussion

[13]           La défense et la demande reconventionnelle sont bien détaillées. Par conséquent, je n’ai aucune hésitation à accepter la conclusion de la protonotaire [TRADUCTION] « selon laquelle, à première vue, rien n’indique que la demanderesse aurait de la difficulté à comprendre la cause à traiter ou de présenter de façon éclairée un acte de procédure s’y rapportant.  En l’absence d’imprécision ou d’insuffisance à première vue, il incombait à la demanderesse d’établir que, dans les circonstances, les précisions étaient bel et bien nécessaires pour comprendre la défense ou plaider en ce sens. »

 

[14]           Par conséquent, l’ordonnance rejetant la demande de précisions est justifiée.

 

[15]           Maintenant, en ce qui concerne l’autre recours, la Cour ne peut faire abstraction du fait que la norme applicable à une requête en radiation comme divulguant une cause d’action raisonnable est une norme très élevée. La partie requérante doit convaincre que les allégations de fait, si elles sont prouvées, peuvent appuyer une défense raisonnable.  

 

[16]           La Cour est aussi d’accord avec les motifs supplémentaires présentés par la protonotaire selon lesquels [TRADUCTION] « lorsque l’attaque vise, comme dans ce cas-ci, seulement certains paragraphes précis de l’acte de procédure, plutôt que l’ensemble de l’acte de procédure, il convient que la Cour examine si les faits allégués – soustraction aux principes de droit par rapport auxquels ils sont allégués – sont autrement pertinents aux enjeux traités dans l’action.  Bien que des points de droit puissent être soulevés dans les actes de procédure, ils ne sont pas essentiels aux actes de procédure – seules les allégations de faits sont requises. Par conséquent, les requêtes en radiation devraient aborder seulement le bien-fondé des allégations factuelles, et non les points de droit inclus autrement dans les actes de procédure. »

 

[17]           Dans sa décision, la protonotaire estime [TRADUCTION] « …qu’à l’exception de l’aspect intentionnel ou négligent des allégations de fausse représentation aux paragraphes 16 et 17 et de l’intention de renonciation au paragraphe 19, tous les faits allégués dans les paragraphes contestés sont pertinents dans une autre partie acceptable de la déclaration de la défense et de la demande reconventionnelle, en particulier la défense des allégations de confusion, la concurrence déloyale et la dépréciation des biens ».

 

[18]           La demanderesse insiste sur le fait qu’il est bien établi en droit qu’une allégation adéquate de fraude exige un niveau supérieur de faits essentiels et que les défendeurs n’ont présenté aucun motif factuel alléguant une fraude dans leurs actes de procédure.  

 

[19]           Il est vrai qu’au paragraphe 17 de la déclaration de défense modifiée, le défendeur allègue que [TRADUCTION] « une fausse déclaration d’utilisation contenant une fausse représentation » a été déposée au cours du processus d’obtention de l’enregistrement. 

 

[20]           Cependant, conformément à l’explication dans la décision rendue dans WCC Containers Sales Ltd. c. Haul-All Equipment Ltd. (2003), 28 C.P.R. (4th) 175, 2003 CF 962, au paragraphe 25 [WCC], il existe deux situations dans le cadre desquelles un enregistrement fondé sur une demande contenant une fausse déclaration d’utilisation sera considéré invalide et nulle ab initio: (a) lorsque la demande contient une fausse représentation; (b) lorsque la demande contient une fausse déclaration matérielle d’utilisation qui est essentielle à l’enregistrement. Dans le deuxième cas, la fraude ou l’intention de tromper n’est pas un élément nécessaire. Par conséquent, l’allégation du défendeur au paragraphe 17 correspond clairement à la première situation décrite dans l’affaire WCC précisée ci‑dessus.

 

[21]           De plus, dans leur dossier de requête des défendeurs, ceux-ci ont annoncé qu’ils n’avaient pas l’intention de prouver une fraude contre la demanderesse, mais seulement que la demande contenait une fausse représentation. Cela devrait permettre de rassurer la demanderesse quant à la preuve qu’elle doit réfuter. 

 

[22]           La Cour est d’accord avec les défendeurs qui affirment que, puisque leurs allégations établissent l’ensemble des faits essentiels nécessaires pour satisfaire au critère d’invalidité établi dans l’affaire WCC, des précisions supplémentaires ne sont pas requis, surtout après la confirmation récente des défendeurs selon laquelle ils n’ont pas l’intention de prouver la fraude de la demanderesse.

 

[23]           Cette cour a certainement la compétence pour trancher les enjeux soulevés par les parties. Cependant, ce n’est qu’après avoir entendu le bien-fondé des différentes questions soulevées dans les actes de procédure que la Cour sera en mesure d’évaluer leur valeur. Cela ne doit pas être fait de façon prématurée à cette étape de la procédure, mais plutôt à l’étape de l’audience.

 

[24]           La demanderesse n’a pas convaincu la Cour qu’il y a matière à intervenir, à annuler l’ordonnance de la protonotaire et à supprimer les paragraphes 10, 11, 12, 16, 17, 19, 22, 24, 25, 28 et 45(a) de défense modifiée et de la demande reconventionnelle.

 

[25]           L’avocat des défendeurs ne s’est pas présenté à l’audience, mais il a informé la Cour de son absence et a déposé un dossier de réponse par un recueil de jurisprudence et de doctrine. Par conséquent, dans ces circonstances, il convient d’établir les dépens de la requête contre la demanderesse au montant de 500,00 $.

 

 

 

 

                                                           


ORDONNANCE

 

POUR LES MOTIFS QUI PRÉCÈDENT, LA COUR ORDONNE que :

 

La requête soit rejetée et les dépens soient fixés à 500,00 $ contre la demanderesse.

 

 

« Maurice E. Lagacé »

 

Juge suppléant


Cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-2261-05

 

INTITULÉ :                                       MÖVENPICK-HOLDING c. INTER

                                                            MANAGEMENT SERVICES LIMITED

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 6 mars 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE   

ET ORDONNANCE:                        Lagacé D.J.

 

 

DATE DES MOTIFS :                      7 mars 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Bayo Odutola

 

POUR LA DEMANDERESSE

(DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE)

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Odutola Professional Corporation

Ottawa (Ontario)

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

(DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE)

Bereskin & Parr

Barristers & Solicitors

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

(DEMANDEURS RECONVENTIONNELS)

 

 

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