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Date : 20080229

Dossier : T-1767-07

Référence : 2008 CF 279

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 29 février 2008

En présence de monsieur le juge Blanchard

 

ENTRE :

Dan Yang LIU

demandeur

et

 

MATRIKON INC., NIZAR SOMJI,

GRAHAM GOODWIN, RICK MIDDLETON,

JAMES WELSH, GREG ADAMS,

UNIVERSITÉ DE NEWCASTLE,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeurs

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Le défendeur, le Procureur général du Canada (le « Procureur général »), soumet la présente requête afin qu’elle soit tranchée sur la base d’observations écrites en jugement sommaire conformément à l’article 216 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Subsidiairement, le défendeur demande d’ordonner au défendeur de verser un cautionnement pour dépens conformément aux articles 218b), 416f) et 416g).

[2]               Le défendeur expose les motifs suivants à l’appui de sa requête :

a.       l’action du demandeur ne révèle aucune cause d’action valide à l’encontre du Canada;

 

b.      la Cour n’a pas compétence à l’égard des défendeurs, à l’exception du Canada;

 

c.       l’action du demandeur à l’encontre du Canada est irrecevable par application de la Limitation of Actions Act de l’Alberta;

 

d.      le demandeur a déjà tenté d’obtenir le même redressement à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta;

 

e.       le demandeur est endetté envers le défendeur, le Procureur général du Canada, pour des dépens découlant de l’action entendue par la Cour du Banc de la Reine en Alberta;

 

f.        on a déjà enjoint au demandeur de verser un cautionnement pour dépens et il ne l’a pas fait.

 

 

 

[3]               Essentiellement, le Procureur général soutient que le demandeur a présenté une action répétitive, vexatoire et futile bien après le délai de prescription. Les observations du Procureur général sont principalement fondées sur l’issue de la procédure engagée devant les tribunaux albertains, ce qui inclut de nombreuses procédures interlocutoires et de nombreux appels.

 

[4]               Les principes généraux qui s’appliquent au prononcé d’un jugement sommaire ont été résumés par la juge Tremblay-Lamer dans la décision Granville Shipping Co. v. Pegasus Lines Ltd., [1996] 2 F.C. 853. Les principes décrivant le but d’un jugement sommaire et pertinent dans la présente affaire peuvent être résumés comme suit :

a.       Le jugement sommaire a pour but d’autoriser la Cour à se prononcer par voie sommaire sur les affaires qu’elle n’estime pas nécessaire d’instruire parce qu’elles ne soulèvent aucune question sérieuse à instruire.

 

b.      Il ne s’agit pas de savoir si une partie a des chances d’obtenir gain de cause au procès, mais plutôt de déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d’être examinée par le juge des faits dans le cadre d’un éventuel procès.

 

c.       Chaque affaire devrait être interprétée dans le contexte qui est le sien.

 

d.      Saisie d’une requête en jugement sommaire, la Cour peut trancher des questions de fait et des questions de droit si les éléments portés à sa connaissance lui permettent de le faire.

 

e.       Le tribunal ne peut pas rendre le jugement sommaire demandé si l’ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour lui permettre de trancher les questions de fait ou s’il estime injuste de trancher ces questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire.

 

 

 

[5]               Dans sa Déclaration, le demandeur fait les deux allégations suivantes au sujet des défendeurs : premièrement, le demandeur affirme qu’il est propriétaire d’un programme informatique appelé Model Predictive Controller (MPC) et allègue que les défendeurs, autres que le Procureur général, sont responsables du vol du programme. Le demandeur soutient que les défendeurs ont violé son droit d’auteur ainsi que ses droits de propriété sur le programme et les technologies connexes, et violé des secrets industriels. Deuxièmement, le demandeur soutient que la GRC a enquêté de façon négligente sur le prétendu vol du programme MPC et qu’elle a même encouragé l’un des défendeurs, Matrikon, à [traduction] « nier le vol ou la possession du programme informatique volé au demandeur. »

 

[6]               En ce qui concerne la première allégation, un examen des documents déposés dans la présente requête montre de nombreuses similitudes entre la cause d’action sous-jacente et les questions soumises aux tribunaux albertains. Les éléments de preuve du demandeur, toutefois, indiquent que l’action intentée devant la Cour fédérale porte sur un programme distinct, à savoir le programme MPC, alors que l’objet de l’action intentée en Alberta était le programme appelé Proportional Integral Derivative (PID). Dans sa déclaration, le demandeur prétend également qu’il y a eu une violation de son droit d’auteur et de ses droits de propriété, ainsi qu’une perte de profits et des dommages pour la mauvaise utilisation de sa propriété intellectuelle. Ces questions sont du ressort de la Cour fédérale. La requête en l’espèce est présentée par le défendeur, le Procureur général, une partie qui n’est pas touchée directement par cette partie de l’allégation du demandeur. Je ne dispose d’aucune preuve ou observation de la part des autres défendeurs qui sont directement ciblés par le demandeur dans cette allégation. Bien que le dossier de requête sur le titre de propriété du demandeur relativement au programme MPC soit peu détaillé, les éléments de preuve du demandeur à l’appui de sa demande ne sont, essentiellement, pas contestés. Mis à part la déclaration vague du Procureur général, selon laquelle la Cour n’a pas compétence à l’égard des autres défendeurs, aucun élément de preuve ne soutient le prononcé d’un jugement sommaire à l’égard des autres défendeurs.

 

[7]               En ce qui concerne la première allégation du demandeur, après avoir examiné les facteurs susmentionnés dans la décision Granville Shipping et pour les motifs exposés ci-dessus, je ne suis pas convaincu que les conclusions de fait requises dans le cadre de la présente requête peuvent être tirées à la lumière du dossier qui m’a été présenté. Certains éléments de preuve appuient l’allégation du demandeur et ces éléments ne sont, pour la plupart, pas contestés. Dans ces circonstances, je ne suis pas prêt à rendre un jugement sommaire.

 

[8]               En ce qui concerne la deuxième allégation du demandeur, à savoir que la GRC a enquêté de façon négligente, le demandeur allègue que la GRC a reçu des éléments de preuve concernant le vol du programme informatique du demandeur, mais qu’elle a gardé l’enquête secrète. Le demandeur soutient également que la GRC a refusé de poursuivre l’enquête et a encouragé l’un des défendeurs, Matrikon, à nier le vol ou la possession du programme volé. Encore là, je ne suis pas convaincu que les éléments de preuve portés à la connaissance de la Cour permettent de répondre aux questions de fait et de droit qui se posent. Il est fort probable que par leur nature, les questions soulevées reposent sur des comptes rendus contradictoires des événements et nécessitent une évaluation de la crédibilité. À mon avis, il est préférable que ces conclusions soient tirées dans le contexte d’un procès où les éléments de preuve peuvent être examinés correctement, et non dans le cadre d’une requête en jugement sommaire.

 

[9]               En outre, en ce qui concerne l’argument du Procureur général, à savoir que l’action contre la Couronne est irrecevable par l’application de la Limitations of Actions Act, le demandeur soutient qu’il a été informé du fait que le défendeur Matrikon avait le programme en sa possession en octobre 2005, et les défendeurs australiens en mars 2006, ce qui se situe bien avant l’expiration du délai de prescription. Le demandeur soutient également que l’allégation de négligence à l’encontre de la GRC ne pouvait être soulevée qu’une fois que l’affaire a été renvoyée et que l’enquête a commencé. Le demandeur soutient que son allégation de manquement au devoir à l’égard de la GRC n’est pas prescrite non plus. En l’espèce, je ne suis pas prêt à conclure que l’action du demandeur est prescrite.

 

[10]           Après avoir examiné attentivement les documents déposés et tenu compte des arguments des parties, je suis convaincu qu’il ne s’agit pas d’une affaire où le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d’être examinée par le juge des faits dans le cadre d’un éventuel procès. La requête en jugement sommaire est donc rejetée.

 

[11]           Je suis toutefois convaincu que l’affaire se prête au dépôt d’un cautionnement pour dépens à l’encontre de demandeur. Cette conclusion est fondée sur l’existence d’une ordonnance de dépens à l’encontre du demandeur émise par la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, qui n’a toujours pas été payée. Voir la décision Fortyn v. Canada, [2000] F.C.J. 686. Le cas devant les tribunaux albertains présente un grand nombre de similitudes avec l’affaire en l’espèce et un examen des documents déposés dans la présente requête concernant les procédures en Alberta m’a persuadé qu’il serait dans l’intérêt de la justice que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire pour accueillir la requête de cautionnement pour dépens. L’allégation du défendeur qu’il ne dispose pas des fonds nécessaires pour acquitter les dépens a également été présentée aux tribunaux albertains et a été rejetée puisqu’il a été démontré que le demandeur cachait de l’argent. Il s’agit d’une constatation factuelle qui appelle la déférence de la Cour et qui n’est pas contestée par le demandeur.

 

[12]           Pour les motifs susmentionnés, la requête sera accueillie en partie. La requête pour jugement sommaire sera rejetée et une ordonnance obligeant le demandeur à déposer un cautionnement pour dépens sera délivrée.

 

[13]           Le mémoire des dépens du défendeur, le Procureur général du Canada, déposé auprès de la Cour n’est pas contesté par le demandeur. Je suis convaincu qu’il représente une estimation juste des dépenses probables engagées par le Procureur général du Canada si la présente affaire suit son cours. Je vais toutefois ordonner que le demandeur dépose le cautionnement en plusieurs étapes.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.         La requête en jugement sommaire est rejetée.

2.         Le demandeur doit déposer un cautionnement pour dépens de 10 000 $ pour les dépenses engagées par le défendeur, le Procureur général du Canada, jusqu’à l’exécution des procédures préalables à l’instruction et à l’audience.

3.         Le demandeur doit déposer un cautionnement pour dépens de 7 520 $ avant le début du procès.

4.         Compte tenu des résultats mitigés de la requête, aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

 

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1767-07

 

INTITULÉ :                                       Dan Yang LIU c. MATRIKON INC. et al.

 

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE :  LE JUGE BLANCHARD

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 29 février 2008

 

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

s.o.

 

POUR LE DEMANDEUR

Barry Benkendorf

 

POUR LE  DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

s.o.

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Simms, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE  DÉFENDEUR

 

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