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Date : 20080306

Dossier : IMM-2555-07

Référence : 2008 CF 312

Toronto (Ontario), le 6 mars 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

 

ENTRE :

MARIYA RAVLYUK

demanderesse

ET

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Dans la décision contestée, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a accepté le témoignage de la demanderesse, selon lequel elle a quitté l’Ukraine au motif que son mari lui faisait subir d’atroces violences. Les faits établis par la SPR sont les suivants :

Son mari a commencé à l’agresser physiquement approximativement cinq ans après leur mariage. En 1977, une telle agression a provoqué un avortement spontané. Elle a été agressée à de nombreuses reprises, mais elle n’a pas quitté son mari en raison d’un sentiment de honte. Le comportement de son mari a empiré, et, en 1998, il l’a violée. Elle est allée voir le chef du conseil du village pour lui demander de parler à son mari, qui travaillait à la coopérative appartenant au conseil du village. Même après qu’il a parlé avec le chef du conseil du village, son comportement est demeuré violent et, selon ses mots, il l’a traînée […] et lui a brisé des dents au cours d’une agression. En 1999, les policiers ont été informés pour la première fois des voies de fait qu’il avait commises, mais ils ne lui ont offert aucune protection et n’ont pas porté d’accusation, parce qu’ils le connaissaient et il n’y avait pas de témoin ni de preuve. Elle l’a quitté pour mettre fin à la relation violente à la fin de juillet 2000 après une autre agression à la suite de laquelle elle a dû être hospitalisée. Elle est arrivée à Toronto le 4 octobre 2001 et a demandé l’asile le 25 avril 2006.

 

(Décision, page 1)

 

 

[2]               En ce qui concerne la question de la crainte que pourrait lui inspirer son mari à l’avenir si elle devait retourner en Ukraine, la demanderesse a déposé deux éléments de preuve. Le premier consiste en une lettre de son fils, traduite ainsi :

[traduction]

Je vais bien. Ihor a eu la grippe il y a quelques jours. La situation à la maison est tendue jusqu’à la limite. Leysla me harcèle concernant divers problèmes quotidiens et père a dépassé les bornes. Je ne sais pas comment te le dire pour que ce soit plus facile, mais c’est mieux de ne pas savoir tout.

 

Il est tout le temps soûl et irrité. Récemment, il a fait des beuveries à la maison. L’odeur de fumée dans la chambre ne veut pas partir. Père est incontrôlable et, lorsqu’il pense à toi, il se met à lever les poings et il fait souvent des menaces et il parle du plan qu’il a élaboré pour mettre fin à tes jours. Mais je ne lui ai pas donné l’adresse, et j’ai dit aux membres de la famille et aux autres de ne pas le faire.

 

Son comportement n’est un secret pour personne, ni ses constantes visites aux bars et aux débits de boissons. Mais ce n’est pas tout. J’ai trouvé un instrument de stimulation dans la boîte à gants de l’automobile. Et, malheureusement, je sais à quoi ça sert. Si tu veux rester en vie, ce serait mieux que tu restes au Canada; il serait insensé de revenir.

 

Ton fils, Volodya

 

(Dossier du tribunal, page 108)

 


Le second élément de preuve est le témoignage que la demanderesse a livré lors de l’audience de la SPR :

                        [traduction]

Q.                Et si vous étiez en mesure d’obtenir l’inscription, pensez‑vous que votre mari chercherait toujours à vous retrouver?

R.         Oui, il tente même de me retrouver actuellement étant donné que, par exemple, en mars de l’année dernière, il est allé voir ma mère. Il criait et sacrait après elle, et il voulait qu’elle lui donne mon adresse actuelle.

 

(Dossier du tribunal, page 185)

 

 

[3]               Pour tirer sa conclusion, la SPR n’a mentionné aucun des éléments de preuve déposés par la demanderesse relativement la crainte qu’elle pourrait ressentir à l’avenir. En effet, la SPR a déclaré ce qui suit :

Selon la prépondérance des probabilités, je ne considère pas que son ex‑mari la poursuive toujours activement, qu’il la trouvera et lui fera du mal où qu’elle se trouve en Ukraine. J’estime également que, selon la prépondérance des probabilités, il est improbable que ses fils dévoilent à son ex‑mari l’endroit où elle se trouve si elle retournait en Ukraine.

 

(Décision, pages 4 et 5)

 

 

Il est admis qu’il n’y a absolument aucune preuve au dossier étayant cette conclusion.

 

[4]        En raison de l’erreur factuelle évidente et fondamentale concernant la crainte que la demanderesse pourrait ressentir à l’avenir et qu’elle a alléguée au titre des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, je conclus que la décision contestée est manifestement déraisonnable.

ORDONNANCE

 

            J’infirme donc la décision contestée et renvoie l’affaire à un tribunal différemment constitué pour nouvel examen.

 

            Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme,

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-2555-07

 

 

INTITULÉ :                                                               MARIYA RAVLYUK c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION             

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 5 MARS 2008

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                               LE JUGE CAMPBELL

 

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 6 MARS 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Steven Beiles

POUR LA DEMANDERESSE

 

Judy Michaely

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Steven Beiles

Avocat

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur générale du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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