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Date : 20080304

Dossier : IMM-1859-07

Référence : 2008 CF 293

Ottawa (Ontario), le 4 mars 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’KEEFE

ENTRE :

JUNIOR CHRISTOPHER WEEKES,

représenté par son tuteur à l’instance, John Norquay

 

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’Immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) en vue d’obtenir le contrôle judiciaire de la décision en date du 3 avril 2007 par laquelle un commissaire de la Section d’appel de l’Immigration (la SAI) a refusé d’accorder au demandeur la prorogation du délai imparti pour interjeter appel de la mesure de renvoi prise contre lui.

 

[2]               Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision lui refusant une prorogation du délai prévu pour déposer son avis d’appel de la mesure de renvoi.

 

Contexte

 

[3]               Junior Christopher Weekes (le demandeur) est un citoyen du Guyana. Il est devenu résident permanent du Canada le 2 juin 1995 après avoir été parrainé par son père.

 

[4]               En 1997 et en 1998, le demandeur a été arrêté et accusé d’une série d’infractions criminelles, dont possession de cocaïne, défaut de comparaître devant le tribunal, entrave à un agent de la paix, défaut de se conformer à une ordonnance de probation, usage de faux et recel de biens d’une valeur de plus de 5 000 $. Le 23 octobre 1998, une mesure d’expulsion a été prise contre le demandeur, qui était détenu au centre de détention de Maplehurst.

 

[5]               Le demandeur allègue que, le 3 novembre 1999, l’avocat en immigration qui le représentait alors a déposé auprès de la SAI une demande de prorogation du délai prescrit pour interjeter appel de la mesure d’expulsion (la première demande). Le demandeur affirme que son ancien avocat n’a jamais reçu de réponse à cette demande. Le défendeur soutient pour sa part que cette demande n’a jamais été reçue par le service approprié.

 

[6]               Il semble qu’entre la date à laquelle le mesure d’expulsion a été prise, le 23 octobre 1998, et la date prévue de son renvoi, le 26 octobre 2006, le demandeur ait été détenu et libéré sous caution à deux reprises. Le 8 septembre 2006, le demandeur a été informé de la date de son renvoi. Il s’est présenté le 12 octobre 2006 à son entrevue avant le renvoi. Le 16 octobre 2006, le demandeur a soumis une demande en vue de proroger le délai imparti pour déposer un avis d’appel de la mesure d’expulsion prise contre lui le 23 octobre 1998 (la seconde demande). Dans une décision datée du 3 avril 2007, la SAI a rejeté cette demande. Il s’agit du contrôle judiciaire de la décision de la SAI.

 

Décision de la Commission

 

[7]               Voici le texte intégral de la décision de la SAI :

[traduction]

 

La requête en dépôt tardif de l’avis d’appel de la mesure d’expulsion qui a été prise il y a plus de huit ans est rejetée. L’appelant n’a pas réussi à expliquer pourquoi il avait attendu aussi longtemps avant d’interjeter appel de la mesure d’expulsion prise contre lui.

 

Je certifie que les présentes constituent la décision et les motifs du commissaire au sujet du présent appel.

 

Questions en litige

 

[8]               Le demandeur a soumis à notre examen les questions suivantes :

            1.         La décision est-elle insuffisamment motivée et est-elle par conséquent entachée d’un manquement à l’équité procédurale?

            2.         La SAI a-t-elle rendu sa décision sans tenir compte de la preuve dont elle disposait, contrairement à l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales?

            3.         Quelle est la norme de contrôle qui s’applique à la présente décision?

            4.         La présente décision était-elle déraisonnable (ou manifestement déraisonnable)?

 

[9]               Je reformulerais ainsi les questions en litige :

            1.         Quelle est la norme de contrôle appropriée?

2.         La SAI a-t-elle manqué à l’équité procédurale en ne motivant pas suffisamment sa décision?

3.         La SAI a-t-elle commis une erreur de fait en concluant que le demandeur n’avait pas expliqué pourquoi il avait attendu aussi longtemps avant d’interjeter appel de la mesure d’expulsion prise contre lui?

            4.         La SAI a-t-elle commis une erreur en rejetant la demande?

 

Prétentions et moyens du demandeur

 

[10]           Le demandeur affirme que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable (Khosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 24). Appliquant l’analyse pragmatique et fonctionnelle, le demandeur fait valoir que : (1) la décision n’était pas protégée par une clause privative absolue; (2) la SAI possède une compétence spécialisée en tant qu’arbitre des faits, mais elle n’offre aucune protection procédurale aux personnes vulnérables; (3) un des objectifs fondamentaux de la LIPR et des Règles de la SAI est de protéger les personnes vulnérables; (4) il s’agit d’une question mixte de droit et de fait.

 

[11]           Suivant le demandeur, la SAI a manqué à l’équité procédurale en ne motivant pas suffisamment sa décision. Des motifs sont suffisants lorsqu'ils remplissent les fonctions pour lesquelles l'obligation de motiver a été imposée. Il faut retrouver dans les motifs le raisonnement suivi par le décideur et l'examen des principaux facteurs pertinents (Via Rail Canada Inc. c. Office national des transports, [2001] 2 C.F. 25 (C.A.), au paragraphe 22). Le demandeur affirme que sa demande reposait sur deux points importants : à savoir, premièrement, qu’il avait, par le truchement de son premier avocat, déposé une demande semblable en 1999 et, en second lieu, qu’il était une personne vulnérable qui n’était pas en mesure de comprendre son obligation d’interjeter appel de la décision dans un délai déterminé. Le demandeur ajoute que la SAI ne mentionne ni l’un ni l’autre de ces points dans ses motifs, qui ne satisfont en conséquence pas à la norme applicable. Lorsque la décision est assujettie à une norme d'examen fondée sur la retenue, il est particulièrement important d’être mis au fait du raisonnement suivi pour en arriver à la décision et de pouvoir suivre le fil de ce raisonnement (Via Rail Canada Inc. précité, au paragraphe 19).

 

[12]           Le demandeur affirme aussi que la SAI a rendu sa décision sans tenir compte de la preuve dont elle disposait, contrevenant ainsi à l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7. Le demandeur signale que, dans sa brève décision, la SAI ne fait pas allusion au manquement à l’équité procédurale attribuable au fait que le Ministère semblait avoir égaré sa première demande, en 1999, et qu’elle ne tient pas compte de la vulnérabilité du demandeur en tant que personne atteinte d’une maladie mentale. Le demandeur affirme que l’emploi de l’expression « a attendu aussi longtemps avant d’interjeter appel » démontre que la SAI n’a pas saisi les problèmes importants et la situation particulière du demandeur, ce qui va à l’encontre de l’esprit des Directives no 8 sur les procédures concernant les personnes vulnérables qui comparaissent devant la CISR.

 

[13]           Le demandeur affirme enfin que la décision de la SRI est susceptible de contrôle sur le fond. Le demandeur affirme que, parce qu’elle est si peu motivée, la décision ne peut résister même à un examen assez poussé.

 

Prétentions et moyens du défendeur

 

[14]           Le défendeur rappelle que l’article 169 de la LIPR prévoit qu’une décision doit être motivée dans les trois cas suivants : (1) en ce qui concerne la décision définitive de l’une des sections de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié; (2) lorsque la Section de la protection des réfugiés rejette la demande d’asile; (3) lorsque la personne en cause ou le ministre demande que la décision définitive soit motivée. Le défendeur fait valoir que, comme la décision en question est une décision interlocutoire, la SAI n’était pas tenue de la motiver par écrit (Faghihi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 1 C.F. 249 (C.F. 1re inst.), confirmée en appel à 2001 CAF 163; Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1153). À titre subsidiaire, le défendeur affirme que les motifs exposés par la SAI étaient suffisants, étant donné qu’on y trouve le raisonnement suivi par la SAI pour rendre sa décision (Rahman c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 487 (C.A.F.), aux paragraphes 3 et 4).

 

[15]           Le défendeur affirme aussi que la SAI est présumée avoir examiné la totalité de la preuve. Le défendeur estime mal fondé l’argument du demandeur suivant lequel la SAI n’a pas tenu compte de la preuve médicale ou psychiatrique. La SAI n’est pas tenue d’énumérer chacun des éléments de preuve qui lui ont été soumis (Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.)). Le défendeur fait observer que la seule preuve médicale était une lettre du docteur Jerry Cooper, qui a conclu, de manière spéculative, que le demandeur souffrait peut-être de schizophrénie, sans toutefois pouvoir l’affirmer avec certitude. Le défendeur fait remarquer que, dans sa lettre, le docteur Cooper ajoute qu’il a constaté que le demandeur avait une intelligence se situant entre le niveau inférieur à la moyenne et la moyenne, qu’elle était orientée dans toutes les sphères et que son jugement social était superficiellement intact. Le défendeur a soutenu que la SAI disposait par ailleurs d’éléments de preuve tendant à démontrer que le demandeur avait été en mesure, dans le passé et encore maintenant, d’engager un avocat pour le représenter en matière d’immigration et en matières criminelles.

 

[16]           Le défendeur signale finalement que le demandeur avait renoncé à la possibilité qui lui avait été offerte de contester la procédure d’appel en invoquant son présumé état mental au moment de son appel ou lors des huit années qui ont suivi. Ce n’est pas parce qu’une personne est mal représentée par son avocat qu’elle a le droit d’obtenir l’annulation d’une décision (Jagessar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 6 (C.A.F.)).

 

Analyse et décision

[17]           Première question

            Quelle est la norme de contrôle appropriée?

            L’obligation de motiver sa décision est habituellement une question d’équité procédurale à laquelle s’applique la norme de contrôle de la décision correcte; toutefois, l’article 169 de la LIPR précise dans quels cas les décisions rendues en matière d’immigration doivent être motivées. Néanmoins, l’interprétation de l’article 169 de la LIPR est une question de droit à laquelle s’applique aussi la norme de la décision correcte. La question de savoir si la SAI a suffisamment motivé sa décision est une question d’équité procédurale à laquelle la norme applicable est celle de la décision correcte (S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539). Les erreurs de fait sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision manifestement déraisonnable. La décision générale de la SAI est une question mixte de fait et de droit, susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

 

[18]           Deuxième question

            La SAI a-t-elle manqué à l’équité procédurale en ne motivant pas suffisamment sa décision?

            Le demandeur affirme que la SAI a manqué à l’équité procédurale en ne motivant pas suffisamment sa décision. Le défendeur explique qu’il s’agissait d’une décision interlocutoire, de sorte que l’article 169 de la LIPR n’obligeait pas la SAI à la motiver. À titre subsidiaire, le défendeur fait valoir que, si la SAI était tenue de motiver sa décision, les motifs qu’elle a fournis étaient suffisants.

 

[19]           L’alinéa 169b) de la LIPR dispose :

169. Les dispositions qui suivent s’appliquent aux décisions, autres qu’interlocutoires, des sections :

 

[…]

 

b) elles sont motivées;

 

[…]

 

L’alinéa 169b) oblige la SAI à motiver les décisions qu’elle rend, sauf s’il s’agit d’une décision interlocutoire.

 

[20]           Le défendeur affirme que la décision présentement à l’examen est une décision interlocutoire. À l’appui de cet argument, le défendeur invoque les décisions Faghihi et Ali, précitées. Ces affaires portaient sur des demandes visant à réexaminer les décisions rendues au sujet de demandes d’asile. La Cour a jugé que les décisions rejetant les demandes de réexamen étaient des décisions interlocutoires et qu’il n’était pas nécessaire de motiver ces décisions pour satisfaire aux exigences de l'alinéa 169b) de la LIPR.

 

[21]           Plus récemment, dans l’affaire Shahid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 1954, la juge Simpson, de notre Cour, a examiné les décisions Faghihi et Ali, précitées. L’affaire Shahid portait elle aussi sur le contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Commission de l’immigration et du statut de réfugié avait rejeté la demande présentée par le demandeur en vue de faire réexaminer sa demande d’asile. Comme dans le cas qui nous occupe, dans l’affaire Shahid, le défendeur invoquait aussi les décisions Faghihi et Ali, précitées, à l’appui de son argument qu’il s’agissait d’une décision interlocutoire. Aux paragraphes 8 et 10 du jugement Shahid, précité, la juge Simpson commente ces décisions :

À mon avis, la jurisprudence citée par le défendeur n'est d'aucune utilité parce qu'il est évident que le juge Evans et le juge Mosley traitaient de la nature d'une requête et non de celle d'une décision.

Dans l'affaire Reebok Canada c. Canada (Sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise), (1995), 179 N.R. 300, [1995] A.C.F. no 220, la Cour d'appel fédérale était appelée à résoudre la question de savoir si une décision était définitive ou interlocutoire. La décision en cause avait été rendue par un juge de la Section de première instance de la Cour fédérale qui avait accordé l'autorisation d'interjeter appel à la Cour d'appel d'une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur. La Cour d'appel a estimé que la décision accordant l'autorisation de faire appel était une décision interlocutoire parce qu'elle ne statuait pas sur le fond du droit mais qu'elle permettait seulement à l'appelant de faire définir ses droits substantiels par la Cour d'appel.

Dans ce contexte, la question qui se pose est de savoir comment qualifier le refus de rouvrir une demande d'asile. Une des conséquences d'une telle décision est que les droits substantiels du demandeur d'asile ne seront jamais précisés et que l'affaire est classée. Pour ces motifs, je conclus que la décision négative rendue en réponse à une requête en réouverture constitue une décision définitive qui doit être motivée pour satisfaire aux exigences de l'alinéa 169b) de la Loi.

 

[22]           Suivant l’interprétation que je fais du jugement Shahid, précité, les décisions Faghihi et Ali, précitées, ne sont pas très utiles parce qu’elles portaient sur des « questions » interlocutoires et non sur des « décisions » définitives. Je constate que l’exception à l’obligation de motiver qui est prévue à l’article 169 de la LIPR concerne les « décisions » interlocutoires.

 

[23]           Me fondant sur le raisonnement suivi dans le jugement Shahid, précité, je conclus que la décision en cause dans le cas qui nous occupe est une décision définitive et non une décision interlocutoire. J’estime que, comme la décision de la SAI a pour effet de priver le demandeur de la possibilité de faire définir ses droits substantiels, la décision a essentiellement mis un terme à toute autre mesure sur la question. Si la décision avait été favorable, la situation aurait alors été comparable à celle qui existait dans l’affaire Reebok Canada c. Canada (Sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise) (1995), 179 N.R. 300, et on aurait eu affaire à une décision interlocutoire, car elle aurait permis à l’appelante de faire définir ses droits substantiels. J’estime donc que l’article 169 de la LIPR obligeait la SAI à communiquer au demandeur les motifs de sa décision.

 

[24]           Comme la SAI devait motiver sa décision, je dois maintenant me demander si les motifs que la SAI a exposés étaient suffisants. La décision de principe en la matière est l’arrêt VIA Rail Canada Inc., précité, dans lequel la Cour d’appel fédérale déclare ce qui suit, aux paragraphes 21 et 22 :

L'obligation de motiver une décision n'est remplie que lorsque les motifs fournis sont suffisants. Ce qui constitue des motifs suffisants est une question qui doit être tranchée en fonction des circonstances de chaque espèce. Toutefois, en règle générale, des motifs sont suffisants lorsqu'ils remplissent les fonctions pour lesquelles l'obligation de motiver a été imposée. Pour reprendre les termes utilisés par mon collègue le juge d'appel Evans [traduction] : « [t]oute tentative pour formuler une norme permettant d'établir le caractère suffisant auquel doit satisfaire un tribunal afin de s'acquitter de son obligation de motiver sa décision doit en fin de compte traduire les fins visées par l'obligation de motiver la décision ».

On ne s'acquitte pas de l'obligation de donner des motifs suffisants en énonçant simplement les observations et les éléments de preuve présentés par les parties, puis en formulant une conclusion. Le décideur doit plutôt exposer ses conclusions de fait et les principaux éléments de preuve sur lesquels reposent ses conclusions. Les motifs doivent traiter des principaux points en litige. Il faut y retrouver le raisonnement suivi par le décideur et l'examen des facteurs pertinents.

 

[25]           Voici les motifs qu’a invoqués la SAI en l’espèce à l’appui de sa décision :

[traduction]

 

L’appelant n’a pas réussi à expliquer pourquoi il avait attendu aussi longtemps avant d’interjeter appel de la mesure d’expulsion prise contre lui.

 

[26]           À mon avis, ces motifs sont insuffisants. Ils ne traitent pas des principaux points en litige soulevés par le demandeur dans sa demande et ils ne permettent pas de retrouver le raisonnement suivi par le décideur et l'examen des principaux facteurs pertinents.

 

[27]           Je suis d’avis qu’il en est résulté un manquement à l’obligation d’équité procédurale.

 

[28]           Vu ma conclusion sur ce point, il n’est pas nécessaire que j’aborde les autres questions.

 

[29]           La demande de contrôle judiciaire est par conséquent accueillie et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SAI pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

[30]           Le défendeur m’a soumis les questions suivantes à titre de questions graves de portée générale à certifier :

1.         Quelle est la norme à appliquer pour décider si la SAI a suffisamment motivé la décision qu’elle a rendue au sujet d’une requête en prorogation du délai imparti pour interjeter appel?

 

2.         Quelle est la norme de contrôle applicable dans le cas du contrôle judiciaire d’une décision rendue par la SAI au sujet d’une requête en prorogation du délai imparti pour interjeter appel?

 

 

 

[31]           Je ne suis pas disposé à certifier l’une ou l’autre de ces questions. Dans l’arrêt Via Rail Canada Inc. c. Office national des transports, [2000] A.C.F. no 1685, la Cour d’appel fédérale a examiné la question de la norme appropriée au paragraphe 22 :

On ne s'acquitte pas de l'obligation de donner des motifs suffisants en énonçant simplement les observations et les éléments de preuve présentés par les parties, puis en formulant une conclusion. Le décideur doit plutôt exposer ses conclusions de fait et les principaux éléments de preuve sur lesquels reposent ses conclusions. Les motifs doivent traiter des principaux points en litige. Il faut y retrouver le raisonnement suivi par le décideur et l'examen des facteurs pertinents.

 

Voilà pourquoi il n’y a pas lieu de certifier la première question.

 

[32]           Quant à la seconde question proposée, je suis d’avis qu’il est de jurisprudence constante que la décision générale de la SAI doit être contrôlée selon la norme de la décision raisonnable simpliciter. En tout état de cause, on peut déterminer la norme applicable en recourant à l’analyse pragmatique et fonctionnelle.

 

 

 


 

JUGEMENT

 

[33]           LA COUR ACCUEILLE la demande de contrôle judiciaire et renvoie l’affaire à un tribunal différemment constitué de la SAI pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


ANNEXE

 

Dispositions législatives pertinentes

 

Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites dans la présente section.

 

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7 :

 

18.1(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :

 

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer;

 

 

b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;

 

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

 

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

 

e) a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages;

 

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

 

18.1(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

 

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

 

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

 

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

 

 

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

 

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

 

(f) acted in any other way that was contrary to law.

 

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 :

 

169. Les dispositions qui suivent s’appliquent aux décisions, autres qu’interlocutoires, des sections :

 

a) elles prennent effet conformément aux règles;

 

b) elles sont motivées;

 

 

c) elles sont rendues oralement ou par écrit, celles de la Section d’appel des réfugiés devant toutefois être rendues par écrit;

 

 

 

d) le rejet de la demande d’asile par la Section de la protection des réfugiés est motivé par écrit et les motifs sont transmis au demandeur et au ministre;

 

e) les motifs écrits sont transmis à la personne en cause et au ministre sur demande faite dans les dix jours suivant la notification ou dans les cas prévus par les règles de la Commission;

 

 

 

 

f) les délais de contrôle judiciaire courent à compter du dernier en date des faits suivants : notification de la décision et transmission des motifs écrits.

169. In the case of a decision of a Division, other than an interlocutory decision:

 

 

(a) the decision takes effect in accordance with the rules;

 

(b) reasons for the decision must be given;

 

(c) the decision may be rendered orally or in writing, except a decision of the Refugee Appeal Division, which must be rendered in writing;

 

(d) if the Refugee Protection Division rejects a claim, written reasons must be provided to the claimant and the Minister;

 

 

(e) if the person who is the subject of proceedings before the Board or the Minister requests reasons for a decision within 10 days of notification of the decision, or in circumstances set out in the rules of the Board, the Division must provide written reasons; and

 

(f) the period in which to apply for judicial review with respect to a decision of the Board is calculated from the giving of notice of the decision or from the sending of written reasons, whichever is later.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1859-07

 

INTITULÉ :                                       JUNIOR CHRISTOPHER WEEKES,

                                                            par son tuteur à l’instance, John Norquay

 

                                                            et

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 16 JANVIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 4 MARS 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Carole Simone Dahn

 

POUR LE DEMANDEUR

David Tyndale

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Carole Simone Dahn

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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