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Date : 20080303

Dossier : IMM-1650-07

Référence : 2008 CF 284

Ottawa (Ontario), le 3 mars 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ORVILLE FRENETTE

 

 

ENTRE :

JAHANSHASH ANBOUHI

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision en date du 1er mars 2007 par laquelle un agent des visas (l’agent) a rejeté, à Damas, en Syrie, la demande de résidence permanente au Canada présentée par la demanderesse et a déclaré que la demanderesse était interdite de territoire en vertu des alinéas 40(1)a) et 40(2)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR).
I. Faits à l’origine du litige

[2]               La demanderesse est une citoyenne de l’Iran. Elle a présenté une demande de résidence permanente au Canada dans la catégorie des investisseurs en même temps que son mari, leur fils, Hessam Pedram, et leur belle-fille, Mojgan Hosseinpoor.

 

[3]               La demanderesse est une chimiste qui est propriétaire, en Iran, d’une société, qu’elle dirige, et qui est intéressée à investir de l’argent au Québec. Son fils et sa belle-fille sont des diplômés universitaires : ils sont tous les deux titulaires d’un baccalauréat.

 

[4]               La demanderesse a présenté sa demande le 29 juin 2005 à Damas, en Syrie, avec l’aide d’un consultant en immigration, M. Shahid & Associés, de Damas.

 

[5]               Dans sa demande, elle a déclaré que son fils Hessam Pedram avait épousé Mojgan Hosseinpoor le 18 février 2001 et elle a produit un document pour le prouver.

 

[6]               L’agent a décidé de vérifier l’authenticité de ce document parce que Hessam Pedram avait déclaré qu’il était célibataire dans la demande de visa d’étudiant qu’il avait présentée en 2004. Des doutes ont surgi au sujet de l’authenticité du document notamment parce qu’on ne pouvait trouver aucune attestation de mariage.

 

[7]               Le 25 janvier 2007, l’agent a écrit à la demanderesse pour lui signaler le problème. Il lui a accordé un délai de 30 jours pour répondre à ces questions.

[8]               Le 6 février 2007, le consultant a demandé à l’agent pourquoi le document de mariage était considéré comme un faux et il a réclamé du temps pour résoudre le problème, sans préciser la durée du délai requis. Il a justifié sa demande en expliquant qu’il n’avait reçu la lettre que le 5 février. L’agent a répondu par télécopieur le 8 février que les doutes exprimés s’expliquaient par la déclaration du fils et par le fait que le mariage n’avait pas été enregistré. L’agent a par ailleurs refusé d’accorder la prorogation de délai demandée.

 

[9]               Il ressort des documents de la Cour que le couple résidait chez la demanderesse et qu’ils ont commencé à avoir des rapports intimes à partir du 18 février 2001.

 

[10]           Dans la correspondance qui a suivi, Hessam Pedram a expliqué qu’il avait déclaré en 2004 qu’il était célibataire en raison de la coutume iranienne : les futurs époux n’ont été considérés que comme des fiancés tant que la cérémonie publique n’a pas eu lieu en 2004, année où leur mariage officiel a été célébré et a été enregistré dans les registres de Téhéran. Il a également expliqué que la cérémonie qui avait eu lieu en 2004 avait été organisée pour rendre service à un invité qui n’avait pas pu assister à la cérémonie de 2001.

 

[11]           Il ressort du dossier du tribunal (à la page 204) que le mariage de Hessam Pedram et de Mojgan Hosseinpoor a été célébré le 18 février 2007. Les résultats de la vérification du certificat de mariage ont été acheminés par courriel à l’agent. Il était précisé que tous les certificats de mariage doivent porter un numéro et indiquer la région où ils sont délivrés avant d’être enregistrés au bureau principal de Téhéran (à la page 110 du dossier du tribunal).

[12]           Dans le cas qui nous occupe, le certificat de mariage de 2004 ne porte pas de numéro et ne précise pas la région où il a été délivré. Il existe toutefois une copie certifiée conforme en date du 18 février 2007 d’un acte confirmant la célébration d’un mariage religieux (dossier certifié conforme du tribunal (le dossier du tribunal), à la page 204).

 

[13]           Le 20 février 2007, le consultant de la demanderesse a envoyé à l’agent une lettre à laquelle il a annexé des documents (12 pages) confirmant que le mariage avait eu lieu en 2001.

 

[14]           La demanderesse a également envoyé le 21 février 2007 à l’agent une lettre à laquelle des documents étaient annexés pour confirmer que son mariage avait eu lieu en 2001 et avait été enregistré dans un registre provincial en 2001, et pour tenter d’expliquer pourquoi le bureau principal de Téhéran n’était pas au courant de ces faits. Elle a également offert de télécopier au besoin l’original du premier certificat de mariage (dossier du tribunal, à la page 58).

 

[15]           Le 28 février 2007, le consultant de la demanderesse a envoyé à l’agent une lettre à laquelle il joignait 35 pages de documents tendant à établir l’authenticité du mariage de 2001 (dossier du tribunal, à la page 8). On y trouvait notamment une déclaration d’un bureau d’enregistrement des mariages de Téhéran indiquant qu’il y avait eu une erreur parce que le certificat de l’officier public indiquait que le mariage avait eu lieu en 2004, alors qu’il avait été célébré le 18 février 2001 (dossier du tribunal, à la page 11) (cette lettre a été envoyée le 28 février 2007 au bureau des visas mais n’a été reçue que le 4 mars 2007, c’est-à-dire après la décision du 1er mars 2007).

 

II. Décision de l’agent

[16]           L’agent a estimé que la demanderesse ne remplissait pas les conditions exigées pour pouvoir immigrer au Canada par application des alinéas 40(1)a) et 40(2)a) de la LIPR.

 

[17]           L’agent a expliqué que la demanderesse avait fait une fausse déclaration au sujet de la date du mariage de son fils. L’agent a tiré cette conclusion en se fondant sur le certificat de mariage (daté du 18 février 2001) du fils de la demanderesse qui était joint à la demande qui avait été envoyée pour vérification et dont il avait été découvert qu’il n’avait pas été enregistré, sans parler des autres irrégularités qui avaient été relevées et qui permettaient de penser que ce document n’était pas authentique. De plus, le fils de la demanderesse avait déclaré qu’il était célibataire dans la demande de visa d’étudiant qu’il avait présentée en 2004.

 

[18]           L’agent a expliqué que ces irrégularités avaient pu entraîner des erreurs dans l’application de la Loi parce que les personnes à charge qui se sont mariées avant d’atteindre l’âge de 22 ans peuvent être considérées admissibles et être incluses dans une demande de résidence permanente.

 

[19]           L’agent a par conséquent conclu que la demanderesse était interdite de territoire au Canada pour une période de deux ans à compter de la date de la lettre. Comme elle était interdite de territoire, sa demande a été refusée.

 

[20]           Les notes versées au Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (le STIDI) font également partie des motifs qui ont été exposés.

[21]           On trouve dans ces notes les renseignements susmentionnés. On y découvre aussi que, le 21 février 2007, la demanderesse a soumis une lettre d’explications, une lettre d’un notaire public, une lettre du célébrant qui les a mariés, une copie de la déclaration de mariage et des affidavits souscrits par la demanderesse et par son fils. Les notes versées au STIDI indiquent que la demanderesse et son fils ont affirmé que le mariage n’avait été consommé qu’au bout d’un certain temps après avoir été célébré, de sorte que le fils de la demanderesse se considérait toujours comme célibataire au moment où il avait présenté sa demande de visa d’étudiant. Suivant les notes versées au STIDI, la demanderesse a également soutenu, au sujet du certificat de 2001, que les conjoints s’étaient effectivement épousés à deux reprises (la première fois, en 2001, et la seconde, en 2004), parce qu’un des invités aux noces manquait lors de la première cérémonie.

 

[22]           Les notes versées au STIDI indiquent que d’autres documents ont été envoyés le 26 février 2007 et que ces documents contredisent les affirmations antérieures du fils au sujet de son statut de célibataire, car ils comprennent une lettre du gynécologue de la femme de Hessam indiquant que le couple avait commencé à entretenir des rapports intimes le 18 février 2001.

 

[23]           Les notes versées au STIDI indiquent que, le 27 février 2007, encore d’autres documents ont été reçus qui contredisaient les affidavits souscrits plus tôt au sujet des rapports qu’entretenaient les conjoints. Il ressort par ailleurs des notes versées au STIDI qu’aucune réponse satisfaisante n’a été donnée au sujet du problème du faux certificat de mariage.

 

[24]           Enfin, le consultant de la demanderesse a envoyé le 28 février 2007 à l’agent une lettre accompagnée de documents (35 pages) qui émanaient de la demanderesse, de son fils, de sa belle‑fille ou d’autres personnes et qui reprenaient ou confirmaient essentiellement les explications données au sujet du mariage. L’agent n’a reçu cette lettre que le 4 mars 2007, après avoir rendu sa décision.

 

III. Question en litige

[25]           Une seule question se pose en l’espèce.

A.         L’agent a-t-il manqué à l’équité procédurale en n’accordant pas un délai suffisant à la demanderesse pour dissiper ses doutes?

 

IV. Thèse des parties

            Prétentions et moyens de la demanderesse

[26]           La demanderesse affirme que le seul problème qui se pose est que l’agent ne lui a pas accordé le délai qu’elle réclamait pour pouvoir fournir les documents qui, selon ce qu’elle croyait, convaincraient l’agent. La demanderesse ajoute que le défendeur n’aborde pas cette question dans ses observations.

 

[27]           La demanderesse affirme que l’affaire Tam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 1784, (1995) 35 Imm. L.R. (2d) 201, aux paragraphes 4 à 6, est semblable à la présente espèce. Elle prétend que le fait que des documents ont été fournis ne rend pas la présente espèce différente de l’affaire Tam, car elle avait besoin de plus de temps pour être en mesure de répondre convenablement; de fait, l’agent ne lui a pas accordé suffisamment de temps pour lui permettre de fournir les renseignements réclamés. La demanderesse ajoute que le délai ne peut être qualifié de raisonnable si elle n’est pas en mesure de fournir tous les renseignements qu’elle pourrait présenter dans le délai imparti et ce, même si elle fournissait tous les renseignements qu’elle pourrait présenter dans ce délai.

 

[28]           La demanderesse soutient également que l’on ne peut établir de distinction entre la présente espèce et l’affaire Tam en se fondant sur le fait que la fausse déclaration était inconnue, étant donné que cela supposerait que la demanderesse aurait été au courant de la conclusion de l’agent avant même qu’elle ne soit tirée.

 

Prétentions et moyens du défendeur

[29]           Le défendeur affirme que la demanderesse a eu suffisamment de temps pour répondre aux questions soulevées au sujet de sa demande.

 

[30]           Le défendeur estime par ailleurs mal fondé l’argument que le refus d’accorder une autre prorogation de délai pour répondre a entravé la capacité de la demanderesse de répondre pleinement et convenablement aux questions soulevées. Le défendeur souligne que les notes versées au STIDI révèlent que le consultant de la demanderesse a soumis ce qui suit en réponse aux questions soulevées au sujet de la demande : a) une lettre d’explications de la demanderesse; b) une lettre du notaire public no 24; c) une lettre du célébrant qui a présidé le mariage du fils de la demanderesse; d) une copie de la déclaration de mariage; e) un affidavit souscrit par Hessam; f) un affidavit souscrit par la demanderesse. Le défendeur signale par ailleurs que, dans son affidavit, Hessam affirme qu’il était célibataire au moment de sa demande de 2004 malgré son mariage de 2001, mais que cette déclaration contredit la lettre du gynécologue de sa femme, suivant laquelle le couple a commencé à avoir des rapports intimes le 18 février 2001. Le défendeur signale par ailleurs que l’affirmation que Hessam et sa femme se sont mariés deux fois (ou même trois fois) ne répond pas à la question de la nature frauduleuse du certificat de mariage, qui ne portait pas de numéro de registre et qui ne précisait pas le nom de la région où il avait été délivré.

 

[31]           Vu ce qui précède, le défendeur affirme que la demanderesse a eu pleinement l’occasion d’expliquer la fausse déclaration. Le défendeur ajoute que les explications et les éléments de preuve présentés n’ont pas été considérés crédibles et qu’en fait, ils ont été jugés carrément contradictoires.

 

[32]           Le défendeur établit une distinction entre la présente espèce et l’affaire Tam au motif que : (1) la demanderesse avait obtenu une première prorogation de délai; (2) en l’espèce, la demanderesse et son consultant ont effectivement soumis des pièces à l’appui; (3) la demanderesse était au courant de l’état matrimonial de son fils, ce qui n’était pas le cas dans l’affaire Tam, dans laquelle l’examen médical avait permis de connaître la vérité pour la première fois.

 

[33]           Le défendeur affirme que la demanderesse a eu amplement le temps de se rendre à un bureau d’enregistrement à Téhéran pour y faire enregistrer son certificat de mariage ou du moins pour le faire authentifier. Au lieu de cela, la demanderesse a obtenu le 18 février 2007 d’un avocat de Téhéran une attestation confirmant la date du mariage et exprimant une opinion sur le sujet (dossier du tribunal, à la page 13).

 

V. Analyse

            Norme de contrôle

[34]           La demanderesse prétend que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte car il s’agit d’une question d’équité procédurale.

 

[35]           Lorsqu’une loi délègue un pouvoir à un tribunal administratif, le juge saisi d’une demande de contrôle judiciaire doit commencer par déterminer la norme de contrôle applicable. Il faut toutefois faire la distinction entre la norme de contrôle à appliquer à la décision du tribunal administratif et le cadre procédural dans lequel cette décision est prise.

 

[36]           Lorsqu’elle se prononce sur une allégation de déni de justice naturelle ou d’équité procédurale, la Cour n’est pas obligée de se livrer à une analyse de la norme de contrôle appropriée.

 

Analyse

[37]           Le contenu de l’obligation d’agir avec équité dépend des faits de l’espèce (Ha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 49, [2004] A.C.F. no 174).

 

[38]           Dans le jugement Khwaja c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 522, [2006] A.C.F. no 703, au paragraphe 17, le juge Blanchard a expliqué que   l’obligation d’équité « exige que le demandeur soit informé des doutes qu’entretient l’agent des visas et qu’il lui soit accordé une véritable possibilité de les dissiper en produisant une preuve susceptible de le faire » (voir également le jugement John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 257, [2003] A.C.F. no 350, et l’arrêt Haghighi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 C.F. 407, [2000] A.C.F. no 854 (C.A.F.)).

 

[39]           Dans le cas qui nous occupe, la question en litige est celle de savoir si le délai imparti (30 jours à compter du 25 janvier plus quatre jours, étant donné que la décision a été rendue le 1er mars 2007) constituait une possibilité raisonnable de répondre aux préoccupations en question.

 

[40]           Dans le jugement Gakar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 661, (2000), 189 F.T.R. 306, le juge Teitelbaum a annulé une décision par laquelle un bureau des visas avait refusé une demande visant à obtenir un délai supplémentaire de 30 jours en plus des 30 jours déjà accordés pour y répondre. Il importe de noter que, dans cette affaire, le demandeur avait expliqué pourquoi il ne pouvait obtenir les documents requis dans le délai qui lui avait été imparti. Cette question a été soulevée dans le jugement Ching-Chu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] A.C.F. no 1117, dans lequel la Cour a estimé qu’il n’y avait pas eu de manquement à la justice naturelle et a conclu qu’il y avait lieu d’établir une distinction avec l’affaire Gakar pour cette raison et pour d’autres motifs.

 

[41]           Ainsi que le juge Muldoon l’a fait observer dans le jugement Prasad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] A.C.F. no 453, (1996), 34 Imm. L.R. (2d) 91 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 7 :

Le requérant a le fardeau de convaincre l'agent des visas de tous les éléments positifs contenus dans sa demande. L'agent des visas n'a pas à attendre ni à offrir au requérant une deuxième chance ou même plusieurs autres chances de le convaincre d'éléments essentiels que le requérant peut avoir omis de mentionner [Non souligné dans l’original.]

 

[42]           Dans le jugement Tam, au paragraphe 5, la juge Simpson a déclaré ce qui suit :

À mon avis, ayant offert à la requérante la possibilité de répondre, l'agent était tenu d'accorder un délai raisonnable à cette fin. Vu que l'état de santé était une nouvelle découverte, que la demande était déjà vieille de quatre ans et que l'avocat de la requérante se trouvait près de Toronto alors que la requérante était à Hong Kong, la demande d'environ deux semaines additionnelles présentée par Me Lee pour produire des documents était raisonnable dans les circonstances. J'estime que le fait pour l'agent d'avoir tranché l'affaire sans avoir accordé le délai supplémentaire et sans même avoir accusé réception de la demande de délai supplémentaire était injuste.

 

 

[43]           Dans cette affaire, la demanderesse n’avait réclamé que deux semaines de plus pour répondre, tandis que dans le cas qui nous occupe, la demanderesse a présenté une demande illimitée. De plus, dans le jugement Tam, l’agent n’a même pas pris acte de la demande de délai supplémentaire.

 

[44]           Dans ces conditions, il semble que la demanderesse a eu une occasion raisonnable de répondre en produisant des éléments de preuve pour réfuter les doutes soulevés, en produisant une copie valide ou une copie certifiée conforme de l’acte de mariage enregistré au bureau d’enregistrement de Téhéran.

 

[45]           Pour justifier sa demande de délai, la demanderesse invoque le fait qu’elle a reçu la lettre avec une semaine de retard, ce qui lui laissait moins que les 30 jours offerts pour répondre. Bien que cela soit problématique, la demanderesse n’a pas expliqué en quoi le temps ainsi perdu l’avait empêchée de répondre. Elle n’a pas précisé combien de temps de plus elle avait besoin, quels éléments de preuve complémentaires elle cherchait à obtenir ou pourquoi ces éléments de preuve ne pouvaient être fournis au cours des jours qui restaient.

 

[46]           En fait, la demanderesse a produit un nombre considérable de documents dans le délai qui lui a été imparti. Bien que leur valeur soit contestable, ces éléments de preuve portent sur les deux questions soulevées par l’agent. Malheureusement pour la demanderesse, on y trouve plusieurs documents qui, selon l’agent, se contredisent. De plus, la demanderesse a été en mesure de fournir finalement des explications au sujet des deux questions soulevées par l’agent. Ces explications étaient tout simplement insuffisantes pour convaincre l’agent de la véracité des affirmations de la demanderesse.

 

[47]           Le seul indice qui existe au sujet des autres renseignements que la demanderesse aurait pu chercher à obtenir se trouve dans les observations complémentaires dans lesquelles la demanderesse semble dire qu’elle a entrepris des démarches pour trouver la raison pour laquelle le certificat de mariage n’a pas été enregistré. Elle laisse entendre qu’elle s’occupe de la chose et qu’elle finira par soumettre des documents à l’agent, mais elle ne réclame pas d’autre délai et ne donne aucune idée du temps dont elle a besoin.

 

[48]           Le premier document est une lettre que l’on trouve à la page 11 du dossier certifié conforme du tribunal censé provenir des [TRADUCTION] « Archives nationales des actes officiels et des titres immobiliers - registre national no 24 de Téhéran ». Il semble toutefois qu’il s’agisse d’un affidavit se rapportant à une demande visant à remplacer l’année 2001 par l’année 2004 sur leur certificat de mariage, plutôt que d’un document se rapportant à la connaissance que le fonctionnaire chargé de la tenue de ce registre aurait eu du certificat de mariage de 2001 lui-même.

 

[49]           Le second document, que l’on trouve à la page 13 du dossier certifié conforme du tribunal, est simplement une lettre d’un avocat, qui déclare que ces deux personnes se sont épousées en 2001 et qu’elles ont simplement fait inscrire par la suite leur mariage au registre national no 24 (contrat no 10028).

 

[50]           Prises ensemble, ces lettres semblent par ailleurs contredire les déclarations antérieures de la demanderesse au sujet des problèmes d’enregistrement. La demanderesse semble maintenant chercher à se servir de la date modifiée figurant sur le certificat de mariage de 2004 comme s’il s’agissait d’une preuve du mariage de 2001.

 

[51]           Il semble donc que la demanderesse a effectivement présenté certains éléments de preuve au sujet du certificat de mariage frauduleux, mais qu’elle n’ait pas réussi à expliquer les mariages de 2001 et de 2004 (et, maintenant, le mariage du 18 février 2007 enregistré le même jour).

 

[52]           Si la demanderesse s’était contentée de demander une prorogation d’une dizaine de jours pour compenser les lenteurs du service postal et parce qu’il lui fallait ce délai supplémentaire pour obtenir certains documents, cette demande aurait peut-être été raisonnable. Il semble toutefois que la demanderesse nous demande de conclure qu’il était raisonnable en l’espèce de lui accorder une prorogation indéterminée jusqu’à ce qu’elle soit satisfaite de ce qu’elle aurait obtenu. Par ailleurs, ainsi que nous l’avons déjà signalé, la demanderesse a eu l’occasion de fournir des explications sur les deux points pour répondre aux questions soulevées au sujet de la date du mariage de son fils. La demanderesse a saisi cette occasion et n’a pas précisé pourquoi elle avait besoin de plus de temps pour répondre ni combien de temps il lui fallait.

 

[53]           Un délai de 30 jours pour produire un document a été considéré comme raisonnable et il a été jugé qu’un tel délai ne constituait pas un manquement aux principes de justice naturelle (Fargoodarzi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 90, [2008] A.C.F. no 133, au paragraphe 19). Il en va de même dans le cas qui nous occupe.

 

[54]           Force m’est de conclure que la présente situation ne révèle pas que l’agent a commis une erreur qui justifierait notre intervention.

 

[55]           La présente demande doit par conséquent être rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR REJETTE la présente demande de contrôle judiciaire.

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-1650-07

 

INTITULÉ :                                                   JAHANSHASH ANBOUHI

                                                                        c.

                                                                        MCI

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 14 FÉVRIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE SUPPLÉANT FRENETTE

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 3 MARS 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Wennie Lee

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Bernard Assan

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

LEE & COMPANY / BARRISTER

255, chemin Duncan Mill, bureau 610

Toronto  (Ontario)  M3B 3H9

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims,

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

                                                                                   

 

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