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Date : 20080305

Dossier : T-535-07

Référence : 2008 CF 302

Ottawa (Ontario), le 5 mars 2008

EN PRÉSENCE DE :            Madame la juge Tremblay-Lamer

 

 

ENTRE :

PEMBINA INSTITUTE FOR APPROPRIATE DEVELOPMENT,

PRAIRIE ACID RAIN COALITION,

SIERRA CLUB CANADA et

TOXICS WATCH SOCIETY OF ALBERTA

 

appelantes

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANDA,

MINISTRE DES PÊCHES ET OCÉANS,

MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT et

IMPERIAL OIL RESOURCES VENTURES LIMITED

 

intimés

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par les appelantes en vertu des art. 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985,  ch. F-7, modifiée, visant le rapport daté du 27 février 2007 de la Commission d’examen conjoint formée par l’Alberta Energy and Utilities Board et le gouvernement du Canada (la Commission) sur l’évaluation des impacts environnementaux du projet d’exploitation des sables bitumineux Kearl (le projet Kearl ou le projet), dans lequel la Commission a recommandé l’approbation du projet à l’autorité responsable fédérale, le ministère des Pêches et Océans (MPO).

 

[2]               Les appelantes, divers organismes sans but lucratif s’intéressant aux effets sur l’environnement du projet Kearl, font valoir que l’évaluation environnementale réalisée par la Commission ne respectait pas les étapes obligatoires prévues par la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, L.R. 1992, ch. 37 (LCEE), et le mandat de la Commission. 

 

CONTEXTE

[3]               Imperial Oil Resources Ventures Limited (Imperial Oil) entend construire et exploiter des installations dans le cadre du projet Kearl, projet d’exploitation de sables bitumineux dans le nord de l’Alberta. Le projet consiste à concevoir, construire, exploiter et remettre en état quatre fosses à ciel ouvert avec système de transport par pelles et camions et trois chaînes de préparation des minerais et d’extraction de bitume, ainsi que des installations de gestion des résidus et d’autres infrastructures de soutien. La capacité de production quotidienne sera de plus de 48 000 mètres cubes de bitume lorsque la mine atteindra sa pleine production en 2018. L’exploitation minière cessera en 2060.

 

[4]               La zone visée par le projet Kearl se trouve à environ 70 kilomètres au nord de Fort McMurray, dans le bassin versant du cours supérieur de la rivière Muskeg, affluent de la rivière Athabasca, qui traverse le parc national de Wood Buffalo et se jette dans le bassin du fleuve Mackenzie, dans les Territoires du Nord-Ouest.

 

[5]               Une autorisation du ministère des Pêches et Océans délivrée en application du par. 35(2) de la Loi sur les Pêches, L.R.C. 1985, ch. F-14, est nécessaire pour le projet Kearl et, avant d’être accordée, celle-ci requiert une évaluation d’impact environnemental effectuée en application de la LCEE.

 

[6]               En vertu de l’Entente de collaboration Canada-Alberta en matière d’évaluation environnementale, l’Agence canadienne d’évaluation environnementale a avisé l’Alberta de sa volonté de collaborer avec cette dernière à une évaluation d’impact environnemental du projet Kearl. Au niveau fédéral, l’Agence canadienne d’évaluation environnementale a confirmé qu’elle assumerait le rôle de coordinateur de l’évaluation environnementale fédérale, et que le MPO serait l’autorité responsable (Environnement Canada (EC), Santé Canada (SC) et Ressources naturelles Canada (RNCan) agissant en tant qu’experts-conseils pour le MPO).  

 

[7]               En juillet 2005, Imperial Oil a présenté son évaluation des impacts environnementaux (EIE) en relation avec le projet Kearl. Des représentants du MPO, d’EC, de SC et de RNCan ont évalué les renseignements fournis par Imperial Oil dans le cadre de l’évaluation environnementale conjointe effectuée avec l’Alberta.

 

[8]               Le 18 janvier 2006, le MPO a recommandé au ministre de l’Environnement de soumettre le projet Kearl à l’examen d’une commission compte tenu du risque d’effets environnementaux négatifs importants (y compris les effets cumulatifs) que le projet proposé faisait peser sur de vastes zones et diverses composants importants de l’écosystème. Le Canada a conclu une entente avec le gouvernement de l’Alberta pour mettre sur pied une Commission conjointe d’évaluation qui rendrait une décision sur l’approbation du projet pour le compte des autorités de l’Alberta et formulerait une recommandation sur l’approbation à l’autorité responsable fédérale.

 

[9]               La Commission a tenu des audiences publiques pendant 16 jours, en novembre 2006. En plus de l’EIE présentée par Imperial Oil, 20 parties ont déposé des observations auprès de la Commission et un certain nombre d’entre elles ont témoigné et ont été contre-interrogées lors de l’audience.

 

Le rapport de la Commission

[10]           Le 27 février 2007, la Commission a publié son rapport exposant sa décision pour les autorités de l’Alberta et formulant des recommandations au MPO sur l’approbation du projet.

 

[11]           La Commission a examiné le projet ainsi que sa raison d’être, sa nécessité, les solutions de rechange au projet et les autres moyens de le réaliser. Elle a également pris connaissance des opinions des divers groupes intéressés et résumé les enjeux concernant les incidences socioéconomiques, le plan d’exploitation minière et la conservation des ressources, la gestion des rédisus, la remise en état, les émissions atmosphériques, les eaux de surface, les ressources aquatiques, la Cumulative Environmental Management Association (CEMA) (partenariat volontaire d’intéressés dont le mandat est d’établir les seuils environnementaux avant que des dommages irréversibles ne résultent de la mise en valeur des sables bitumineux), les utilisations traditionnelles des terres et le savoir écologique traditionnel, la nécessité d’un suivi et la santé humaine.  

 

[12]           La Commission a recommandé au MPO l’approbation du projet parce qu’elle était d’avis que le projet ne causerait vraisemblablement pas d’effets environnementaux négatifs importants pour autant que soient mises en œuvre les mesures d’atténuation et recommandations proposées. 

 

CADRE LÉGISLATIF

[13]           Le droit applicable aux évaluations d’impacts environnementaux est énoncé dans les dispositions de la LCEE et dans l’interprétation jurisprudentielle qu’en ont faite la Cour fédérale, la Cour d’appel fédérale et la Cour suprême du Canada.

 

[14]           La LCEE établit un processus décisionnel qui comporte deux étapes. La première est une évaluation environnementale qui analyse les effets environnementaux négatifs qu’un projet est susceptible d’entraîner (art. 5).  La seconde étape comporte une prise de décision et un suivi alors que l’autorité fédérale décide, en prenant en compte l’évaluation, si un projet précis devrait être autorisé et quel programme de suivi est requis pour vérifier la justesse de l'évaluation environnementale et l'efficacité des mesures d'atténuation (art. 37 et 38).

 

[15]           Le Cour suprême du Canada a décrit l’évaluation environnementale dans l’arrêt Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, [1992] A.C.S. No 1 (QL), par. 95. Bien que l’affaire traite d’évaluation en vertu du Décret sur les lignes directrices visant le processus d’évaluation et d’examen en matière d’environnement, D.O.R.S./84-467 (le DLDPEEE, prédécesseur de la LCEE actuellement en vigueur), les principes généraux qui y sont énoncés m’apparaissent particulièrement éclairants :

L'évaluation des incidences environnementales est, sous sa forme la plus simple, un outil de planification que l'on considère généralement comme faisant partie intégrante d'un processus éclairé de prise de décisions. R.Cotton et D. P. Emond, dans un ouvrage intitulé "Environmental Impact Assessment", dans J. Swaigen, dir., Environmental Rights in Canada (1981), 245, à la p. 247, résument l'objet fondamental de cette évaluation:

 

                  [traduction] Les concepts fondamentaux à la base de l'évaluation environnementale peuvent être énoncés en termes simples:  (1) déterminer et évaluer avant coup toutes les conséquences environnementales possibles d'une entreprise proposée; (2) permettre une prise de décisions qui à la fois garantira l'à‑propos du processus et conciliera le plus possible les désirs d'aménagement du promoteur et la protection et la préservation de l'environnement.

 

En tant qu'outil de planification, le processus d'évaluation renferme un mécanisme de collecte de renseignements et de prise de décisions, qui fournit au décideur une base objective sur laquelle il pourra s'appuyer pour autoriser ou refuser un projet d'aménagement; voir M. I. Jeffery, Environmental Approvals in Canada (1989), à la p. 1.2, {SS} 1.4; D. P. Emond, Environmental Assessment Law in Canada (1978), à la p. 5. Bref, l'évaluation des incidences environnementales constitue simplement une description du processus de prise de décisions.[...]

 

La première étape : l’évaluation environnementale

[16]           En ce qui concerne la première étape, la LCEE distingue trois « niveaux » d’évaluation : l’examen préalable (art. 18 à 20), l’étude approfondie (art. 21 à 24), et la médiation et l’examen par une commission (art. 29 à 36).

 

[17]           La médiation et l’examen par une commission sont les niveaux les plus exigeants d’évaluation et ils ont réalisés à la suite d’une demande présentée au ministre par l’autorité responsable après prise en compte du rapport d'examen préalable et des observations reçues lorsque : 1) l’autorité responsable ne peut déterminer avec certitude si la réalisation du projet est susceptible, compte tenu de l'application des mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants; 2) l’autorité responsable est d’avis que la réalisation du projet, compte tenu de l'application de mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, est susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants; ou 3) les préoccupations du public justifient l’application d’une telle procédure (art. 20). 

 

[18]           De plus, l’art. 25 de la LCEE  autorise l’autorité responsable à demander au ministre de faire procéder à un examen par une commission, à tout moment, si elle estime soit que le projet, compte tenu de l'application des mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, peut entraîner des effets environnementaux négatifs importants, soit que les préoccupations du public justifient l’application d’une telle procédure.

 

[19]           En vertu de l’art. 40 de la LCEE, la constitution conjointe de commissions auxquelles participent les autorités fédérales et provinciales peut intervenir par la conclusion d’accords contenant une disposition selon laquelle l'« évaluation environnementale du projet prend en compte les éléments prévus aux par. 16(1) et (2) et est effectuée conformément aux exigences et modalités supplémentaires qui y sont contenues » (art. 41). En outre, l’al. 41c) prévoit que « le ministre fixe ou approuve le mandat de la Commission ». Le « mandat » fixe la portée de certains des éléments que la Commission doit prendre en compte dans son évaluation (al.16(3)b)) et il peut accroître de façon considérable les obligations qui lui incombent (voir Alberta Wilderness Assn. c. Cardinal River Coals (T.D.) [1999] 3 C.F. 425, [1999] A.C.F. n 441 (QL)).

 

[20]           En particulier, les attributions générales du mandat que la Commission est chargée de remplir se divisent en quatre volets (art. 34). Premièrement, celle-ci veille à l'obtention des renseignements nécessaires à l'évaluation environnementale d'un projet et veille à ce que le public y ait accès (al. 34a)). Deuxièmement, la Commission tient des audiences de façon à donner au public la possibilité de participer à l'évaluation environnementale (al. 34b)). Troisièmement, la Commission remplit un rôle en matière de rapports en ce sens qu’elle établit un rapport assorti « de sa justification, de ses conclusions et recommandations relativement à l'évaluation environnementale du projet, notamment aux mesures d'atténuation et au programme de suivi » ainsi qu’un résumé des observations reçues du public (al. 34c)). Enfin, elle présente son rapport au ministre et à l'autorité responsable (al. 34d)).

 

[21]           Dans les limites de ces attributions générales, une commission prend aussi en compte divers éléments précis mentionnés aux par. 16(1) et (2). Ces éléments comprennent les effets environnementaux du projet, y compris ceux causés par les accidents ou défaillances pouvant en résulter et leur importance, les observations du public, les mesures d'atténuation réalisables, sur les plans technique et économique, et tout autre élément utile à l'examen par une commission dont le ministre, après consultation de l’autorité responsable, peut exiger la prise en compte (par.16(1)). S’ajoutent en outre la raison d’être du projet, les solutions de rechange pour sa mise en œuvre, la nécessité d'un programme de suivi du projet, ainsi que ses modalités, et la capacité des ressources renouvelables, risquant d'être touchées de façon importante par le projet, de répondre aux besoins du présent et à ceux des générations futures (par. 16(2)).

 

[22]           En ce qui concerne l’évaluation de l’importance des effets environnementaux, il ressort de la jurisprudence qu’il ne s’agit pas d’un exercice purement objectif, mais qu’il fait plutôt

« largement appel au jugement et à l’opinion de la Commission ». La Cour d’appel fédérale a déclaré que « [d]es personnes raisonnables peuvent ne pas être du même avis - et ne le sont effectivement pas - sur la question de savoir si des éléments de preuve qui prévoient certaines répercussions à venir sont suffisants et exhaustifs et sur l'importance de ces répercussions […]  » (Alberta Wilderness Assn. c. Express Pipelines Ltd., [1996] A.C.F. no 1016 (QL), au par. 10).

 

[23]           L’évaluation de la suffisance et de l’exhaustivité des éléments de preuve se fait en tenant  compte de la nature préliminaire de l’évaluation de la Commission. Dans l’arrêt Express Pipelines, précité, au par. 14, le juge Hugessen a élaboré sur la nature prédictive et préliminaire du rôle de la Commission :

La Cour se refuse de modifier à la légère l'opinion de la Commission suivant laquelle elle disposait de suffisamment d'éléments de preuve pour pouvoir s'acquitter de cette fonction « le plus tôt possible au stade de la planification du projet, avant la prise d'une décision irrévocable » (voir le paragraphe 11(1)). De par sa nature, le rôle de la Commission consiste à faire des prévisions et il n'est pas étonnant que la loi envisage explicitement la possibilité de programmes « de suivi ». D'ailleurs, compte tenu de cette tâche, nous doutons qu'on puisse jamais en arriver à une évaluation environnementale définitive et infaillible.

 

Cette opinion a été partagée par le juge Sexton dans l’arrêt Inverhuron & District Ratepayers’ Association c. Canada (Ministre de l’Evironnement), 2001 ACF 203, [2001] A.C.F. no 1008 (QL) au par. 55. En conséquence, compte tenu de la fonction de la Commission qui consiste à établir des prévisions et de l’existence de programmes de suivi prévus par la LCEE, l’évaluation que la Commission porte sur l’importance n’a pas pour effet d’éliminer l’incertitude entourant les effets d’un projet.

 

 

[24]            De même, il est évident que l’évaluation des effets environnementaux, y compris des mesures d’atténuation, ne doit pas se concevoir comme un événement précis et isolé. À cet égard, le juge Mackay a souligné dans Union of Nova Scotia Indians c. Canada (Procureur général), [1997] 1 C.F. 325, [1996] A.F.C. no 1373 (QL), au par. 32, qu’il n’était pas convaincu que la LCEE exige que tous les détails concernant les mesures d'atténuation soient réglés avant que l'on accepte le rapport d'examen. Il a ajouté que le processus d’évaluation était « permanent et dynamique » par nature et donnait lieu à un dialogue constant entre le promoteur, les autorités responsables et les groupes communautaires en cause.

 

[25]           De plus, la jurisprudence se rapportant au DLDPEEE est riche en enseignement sur le contenu de l’obligation juridique d’examiner les mesures d’atténuation. Dans l’arrêt Tetzlaff c. Canada (Minisre de l’Environnement (C.A.F.), [1991] 1 C.F. 641, à la p. 657, le juge Iacobucci a ainsi décrit l’évaluation des mesures d’atténuation de l’al. 12c) du DLDPEEE : « S'il ressort de l'évaluation initiale que les effets néfastes que peut avoir la proposition “ sont minimes ou peuvent être atténués par l'application de mesures techniques connues ”, cette proposition [...] peut être mise à exécution telle quelle ou à l'aide de ces mesures, selon le cas. » Dans l’affaire Fédération canadienne de la faune Inc. c. Canada (Ministre de l’Environnement) (1990), 31 F.T.R. 1, à la p. 12, décision confirmée dans l’arrêt Tetzlaff, le juge Muldoon a analysé l’al. 12c) du DLDPEEE et il a déclaré que « puisque le Ministre n’a lui-même identifié aucune technologie connue, mais uniquement de vagues espoirs en une technologie future, il n’est pas possible de conclure que les répercussions négatives sur la qualité des eaux, citées plus haut, sont des effets qu’on peut atténués ». En conséquence, en matière d’évaluation par une commission, les possibilités de recherche et développement futurs ne constituent pas des mesures d’atténuation.

 

[26]           Je remarque aussi que l’al. 16(1)d) de la LCEE (le pendant de l’al. 12c) du DLDPEEE), la disposition qui rend obligatoire l’examen des mesures d’atténuation, introduit le concept de mesures d’atténuation réalisables sur les plans technique et économique par opposition à seulement réalisables sur le plan technique (« mesures techniques connues » suivant la formulation du DLDPEEE). En fait, cette deuxième condition impose une exigence additionnelle pour que les mesures d’atténuation puissent être considérées comme telles en vertu de la LCEE actuellement en vigueur, à savoir que ces mesures soient aussi réalisables sur le plan économique.

 

La deuxième étape : la décision et le suivi

[27]           Lorsque le rapport de la Commission est complété, l’autorité fédérale responsable de la décision doit le prendre en compte et doit emprunter la voie qui est conforme à l’agréement du gouverneur en conseil (par. 37(1.1)).  L’autorité responsable peut exercer ses attributions afin de permettre la réalisation totale ou partielle du projet, que la réalisation du projet ne soit pas susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants ou qu’elle soit susceptible d'en entraîner qui sont justifiables dans les circonstances (par. 37(1)).

 

[28]           Si l’autorité fédérale décide d’autoriser la réalisation d’un projet, après son examen par une commission, elle dispose du pouvoir d’élaborer un plan de suivi et de veiller à son application. (par. 38(2)). Les résultats du programme de suivi peuvent être utilisés pour mettre en oeuvre des mesures de gestion adaptative ou pour améliorer la qualité des évaluations environnementales futures (par. 38(5)).

 

Principes fondamentaux

[29]           Les pouvoirs conférés pour l’application de la LCEE doivent être exercés « de manière à protéger l'environnement et la santé humaine et à appliquer le principe de la prudence »

(par.  4(2)). 

 

[30]            Des modifications apportées récemment à l’art. 4 de la LCEE imposent spécifiquement au « gouvernement du Canada, au ministre, à l'Agence et aux organismes assujettis aux dispositions de celle-ci, y compris les autorités fédérales et les autorités responsables » l’obligation d’agir, dans l’application de cette loi, de manière compatible avec le principe de précaution.

 

[31]           Dans l’arrêt 114957 Canada Lteé (Spraytech, Société d’arrosage) c. Hudson (Ville), [2001] 2 R.C.S. 241, [2001] A.C.S. no 42 (QL), au par. 31, la Cour suprême du Canada a cité la définition du principe de précaution tirée de la Déclaration ministérielle de Bergen sur le développement durable (1990) :

Un développement durable implique des politiques fondées sur le principe de précaution. Les mesures adoptées doivent anticiper, prévenir et combattre les causes de la détérioration de l’environnement. Lorsque des dommages graves ou irréversibles risquent d’être infligés, l’absence d’une totale certitude scientifique ne devrait pas servir de prétexte pour ajourner l’adoption de mesures destinées à prévenir la détérioration de l’environnement.

 

 

[32]           La « gestion adaptative » est une approche qui s’est développée de concert avec le principe de précaution. Dans l’arrêt Canadian Parks and Wilderness Society c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien), 2003 CAF 197, [2003] A.C.F. no 703, au par. 24, le juge Evans a dit que « [l]e concept de “gestion adaptative” est fondé sur le fait qu'il est difficile, sinon impossible, de prédire toutes les conséquences environnementales d'un projet avec les données connues » et il a aussi indiqué que ce principe a pour but de pallier les effets paralysants potentiels du principe de précaution. Je suis donc d’avis que la gestion adaptative permet à des projets dont les effets environnementaux négatifs sont incertains, quoique potentiellement présents, d’aller de l’avant en s’appuyant sur des stratégies de gestion dotées d’une souplesse d’adaptation aux renseignements nouveaux sur les effets environnementaux négatifs dès lors que des renseignements suffisants sur ces effets et des mesures d’atténuation possibles existent.       

 

 

[33]           En conséquence, il faut apprécier la portée des attributions qui incombent à une commission d’examen à travers le prisme des principes fondamentaux suivants : le principe de précaution et celui de la gestion adaptative. En tant qu’instrument de planification hâtif, l’évalutation environnementale a pour mission de gérer les risques futurs, de sorte qu’une commission d’examen a le devoir de recueillir les renseignements nécessaires à l’accomplissement de cette attribution. 

 

[34]           En résumé, la LCEE constitue un régime législatif sophistiqué pour l’examen de l’incertitude entourant les effets environnementaux. À cet égard, elle impose aussi bien une évaluation hâtive des conséquences environnementales que des mesures d’atténuation, jumelées à la souplesse du processus de suivi pouvant s’adapter à de nouveaux renseignements et à des changements circonstanciels. La dynamique et la fluidité du processus impliquent que rien n’oblige d’en arriver à une certitude absolue en matière d’effets environnementaux.

 

 

 

QUESTIONS EN LITIGE

[35]           La présente demande vise à déterminer si la Commission a commis des erreurs susceptibles de contrôle en omettant de prendre en compte les éléments énumérés aux par. 16(1) et 16(2) de la LCEE, plus particulièrement en s’appuyant sur des mesures d’atténuation qui n’étaient pas réalisables, sur les plans technique et économique, et en omettant de respecter l’exigence de fournir une justification de ses recommandations conformément à l’al. 34(c)i) de la LCEE.

 

[36]            Les appelantes se concentrent particulièrement sur les erreurs susceptibles de contrôle en lien avec les trois éléments suivants :

A)           la Cumulative Effects Management Association (CEMA), la gestion de bassin versant et la remise en état du paysage;

B)            les espèces en voie de disparition,

C)            les émissions de gaz à effet de serre.

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[37]           Dans la mesure où les questions soulevées ont trait à l’interprétation de la LCEE, toutes les parties conviennent que celles-ci, en tant que questions de droit, sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Friends of West Country Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), [2000] C.F. 263, [1999] A.C.F. no 1515 (QL), au par. 10; Bow Valley Naturalists Society c. Canada (Ministre de Patrimoine canadien), [2001] 2 C.F. 461, [2001] A.C.F. no 18 (QL), au par. 55). Toutefois, les questions concerant l’appréciation de la portée de la preuve et des conclusions tirées de cette preuve, y compris l’importance d’un effet environnemental, sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable simpliciter (Bow Valley, précitée, au par. 55; Inverhuron, précitée, aux par. 39 et 40).

 

[38]           En l’instance, le noeud de la décision sur la norme de contrôle repose sur la qualification des erreurs reprochées. Les appelantes soutiennent que le rapport de la Commission renferme de nombreuses erreurs de droit concernant l’interprétation de la LCEE qui sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte.Toutefois, les intimés soulignent que ces erreurs présumées découlent en fait des conclusions tirées des éléments de preuve présentés devant la Commission et qu’elles sont, en conséquence, susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

 

[39]           Comme l’a souligné le juge Campbell dans la décision Cardinal River Coals Ltd., précitée, au par. 24, « il est important de caractériser de la façon appropriée une présumée omission de satisfaire [aux exigences de la LCEE], à savoir s'il s'agit d'une question de droit ou simplement d'une contestation de la "qualité" de la preuve et, par conséquent, le "bien-fondé" des conclusions tirées à partir de cette preuve » (voir aussi Express Pipelines Ltd., précitée, au

par. 10).

 

[40]            En ce qui concerne les arguments relatifs au fait que la Commission s’est appuyée sur des mesures d’atténuation qui n’étaient pas réalisables sur le plan technique et économique, rien dans le rapport n’indique que la Commission n’a pas saisi correctement l’interprétation juridique de telles mesures d’atténuation. Essentiellement, la contestation des appelantes se fonde sur l’exhaustivité ou la qualité des éléments de preuve en cause qui, selon elles, n’étaient pas suffisantes pour autoriser la Commission à conclure comme elle l’a fait compte tenu des incertitudes entourant toujours le projet. En conséquence, cette question est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable simpliciter.

 

[41]            En ce qui a trait à la question des motifs au soutien des conclusions et recommandations de la Commission, cette question relève de l’interprétation des exigences de l’al. 34(c)i) de la LCEE. Les appelantes ne contestent pas les justifications fournies; elles demandent plutôt si la Commission en a réellement fournies. Déterminer si la Commission a justifié ou pas ses conclusions et recommandations est une question de droit qui est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

 

ANALYSE

A)  CEMA, gestion de bassin versant et remise en état du paysage

 

i. CEMA

[42]           Les appelantes font valoir que même si la Commission a reconnu que la CEMA jouait un rôle essentiel pour l’examen des projets d’exploitation des sables bitumineux et qu’elle avait la responsabilité de se pencher sur la plupart des défis cruciaux liés aux effets cumulatifs dans la région des sables bitumineux de l’Atabaska, elle a aussi exprimé de profondes inquiétudes sur l’incapacité de la CEMA d’« [traduction] établir et [de] maintenir une priorité pour des sujets cruciaux tels le cadre de gestion des eaux pour la rivière Atabaska, le plan de gestion intégré du bassin versant de la rivière Muskeg et le cadre de gestion régional terrestre et des ressources fauniques ». Elle a aussi donné des exemples précis où la CEMA n’a pas respecté des délais et n’a pas achevé son travail.

 

[43]           L’intimée, Imperial Oil, soutient que l’affirmation des appelantes se fonde sur une interprétation stricte du rapport limitée à la portion ne traitant que de la planification intégrée du bassin versant, une des nombreuses questions examinées par la Commission. Je suis d’accord.

 

[44]           L’analyse de la CEMA par la Commission était étroitement liée à la planification régionale de la gestion du bassin versant. En sa qualité d’association régionale regroupant aussi bien des représentants de l’industrie et du gouvernement que des intervenants de la communauté et de la  société civile, on s’attendait de la CEMA qu’elle se penche sur les objectifs de la planification de la gestion du bassin versant. Compte tenu de ce rôle important dans la gestion des effets régionnaux, il était donc de mise pour la Commission de soulever des question sur le mode de fonctionnement de la CEMA. En me fondant sur le rapport, je n’ai pu conclure que la Commission a perçu la CEMA comme une mesure d’atténuation, mais plutôt comme le véhicule approprié pour la conception de cadres de travail en gestion environnementale.

 

[45]           Bien que la Commission ait analysé en détail la CEMA et ait mis en évidence les nombreux problèmes liés à son fonctionnement, elle a aussi formulé des recommandations détaillées à l’égard de ses activités en vue d’assurer son bon fonctionnement futur et de procurer au décideur ultime une évaluation concrète provenant de cette association d’intervenants clés. Je signale également les commentaires de la Commission concernant le soutien réglementariste de l’Alberta Environment (AENV) dans le cas où la CEMA serait incapable de respecter ses délais pour les cadres de gestion. Je conclus que cela est compatible avec le principe de précaution; si la CEMA est incapable de terminer un plan de gestion pour mars 2008, on devrait pouvoir s’en remettre à l’organisme de réglementation pour prévenir d’éventuels effets environnementaux négatifs.

 

ii. Gestion du bassin versant

[46]           En ce qui a trait à la gestion du bassin versant, je suis convaincue que la Commission a pris en considération des mesures d’atténuation qui étaient à la fois réalisables tant sur le plan technique qu’économique. Une lecture objective du rapport montre que la Commisssion s’est attardée longuement sur la question des eaux de surface. En fait, la Commission a examiné la question sous trois angles distincts, soit les besoins en débits minimaux réservés, la planification intégrée du bassin versant et la qualité de l’eau, et enfin les poissons et leur habitat.

 

[47]           Contrairement à l’argument des appelantes selon lequel aucun élement de preuve, ou même la moindre preuve, ne permetttait d’évaluer l’existence, la nature et l’efficacité des mesures d’atténuation, les recommandations de la Commission sur la question de la qualité de l’eau renvoient à de telles mesures formulées dans l’EIE d’Imperial Oil et aussi dans les conditions d’approbation aux termes de l’Environmental Protection and Enhancement Act, R.S.A. 2000,

ch. E-12 (EPEA). La Commission conclut :

 

[...] la Commission estime qu’il est peu probable que le projet Kearl aura des effets environnementaux négatifs importants sur la qualité de l’eau si Imperial Oil met en oeuvre un plan exhaustif de surveillance, respecte les conditions d’approbation du projet aux termes de l’EPEA et applique les recommandations de la Commission ainsi que les mesures d’atténuation qu’elle a elle-même proposées dans son EIE. [Non souligné dans l’original.] (p. 92 du rapport)

 

 

En outre, en ce qui concerne les ressources aquatiques, la Commission a conclu :

[...] La Commission conclut qu’avec l’application des mesures d’atténuation proposées par Imperial Oil, le parachèvement d’un PAPN à la satisfaction du MPO et ses propres recommandations, le projet Kearl ne devrait pas avoir d’effets environnementaux négatifs importants sur les ressources aquatiques. [Non souligné dans l’original.] (p. 96 du rapport) 

 

 

[48]           Plus précisément, les mesures d’atténuation suivantes ont été mentionnées par Imperial Oil  dans son EIE aux fins de la gestion des eaux souterraines :

a)                  recyclage des eaux de procédé et des eaux de ruissellement dans le périmètre du projet Kearl, dans un système en circuit fermé pendant les opérations;

 

b)                  acheminement des eaux de drainage du Muskeg et des eaux provenant des morts-terrains dans des lagunes tertiaires équipées d’un déshuileur, s’il y a lieu;

 

c)                  dérivation des eaux d’amont naturelles de façon à ce qu’elles contournent les zones de construction et d’exploitation minière et rejet dans les cours d’eau récepteurs sans qu’elles entrent en contact avec les sables bitumineux ou les eaux de procédé;

 

d)                  utilisation d’un fossé périphérique et d’un système de pompage pour intercepter et repomper les eaux d’infiltration et de ruissellement provenant du site de stockage externe des résidus durant les opérations;

 

e)                  utilisation d’un système de drainage pour intercepter les eaux d’infiltration et de ruissellement provenant du site de stockage externe des résidus et les diriger vers des milieux humides et des lacs de kettle où elles séjourneront suffisamment longtemps après la remise en état du site de stockage externe des résidus;

 

f)                    pendant et après la fermeture, utilisation de milieux humides et de lacs de kettle aux fins de la biorestauration et de la décantation des matières en suspension dans les eaux de récupération avant leur rejet;

 

g)                  conception de lacs de kettle de manière à ce que le temps de rétention soit suffisant pour favoriser la décantation et la biorestauration des eaux de récupération;

 

h)                  utilisation des eaux de récupération accumulées dans la fosse comme eau de procédé jusqu’à la mise en application du système de gestion de la fermeture de la mine;

 

i)                    dépôt des résidus uniquement dans le lac de kettle central qui est caractérisé par un fort volume et un long temps de rétention;

 

j)                    mise en place de matériaux naturels peu perméables entre le lac Kearl et les fosses environnantes afin de réduire au minimum toute infiltration dans le lac.

 

·            EIE, Volume 6,  p. 5-38 et 5-39 [dossier d’Imperial, vol 2, onglet 4b), p. 312 et 313]

 

[49]           De plus, en ce qui concerne les ressources aquatiques, Imperial Oil a mentionné des mesures d’atténuation dans son EIE  :

a)                  création d’un habitat de compensation par l’aménagement d’un nouvel habitat, conformément aux exigences et lignes directrices des organismes de réglementation compétents, tel que le MPO;

 

b)                  par augmentation du débit, réduction maximale des modifications possibles de l’écoulement dans la rivière Muskeg en aval de la zone de développement du projet durant les phases d’exploitation;

 

c)                  aménagement de canaux de dérivation et de systèmes de drainage permanents pour favoriser le développement d’écosystèmes aquatiques durables et réduire ainsi les pertes d’habitat dans les cours d’eau naturels;

 

d)                  établissement de régimes d’écoulement dans le ruisseau Wapasu de manière à réduire les débits susceptibles de modifier le chenal ou d’accroître la sédimentation en aval ou les matières en suspension;

 

e)                  intégration dans le projet Kearl d’un système de protocoles de gestion environnementale et de méthodes de construction conçues pour réduire le plus possible les effets sur le milieu aquatique.

 

·            EIE, Volume 6, p. 6-36 à 6-38 [dossier d’Imperial, vol. 2, onglet 4c), p. 314 à 316]

 

[50]           Donc, contrairement à ce que les appelantes font valoir, j’estime que la Commission disposait d’éléments de preuve lui permettant d’évaluer de façon raisonnable les mesures techniquement et économiquement réalisables qui atténueraient tout effet environnemental négatif important découlant du projet sur le bassin versant de la rivière Muskeg ainsi que sur les poissons et leur habitat.

 

[51]           Appelées lors de l’audience à fournir des exemples précis de mesures d’atténuation examinées par la Commission qui ne seraient pas techniquement et économiquement réalisables, les appelantes en ont mentionné deux, à savoir la technologie des résidus consolidés et les lacs de kettle.  

 

[52]           Premièrement, en ce qui concerne les résidus consolidés, les appelantes soutiennent que  la Commission a conclu que cette mesure était réalisable sur le plan technique, mais pas sur le plan économique; elle s’est néanmoins appuyée sur cette technologie dans son évaluation, contrevenant ainsi à la LCEE. 

 

[53]           Toutefois, comme l’a expliqué l’avocat d’Imperial Oil, M. Ignasiak, et comme le révèle une lecture objective du procès-verbal de l’audience, il est clair que la Commission n’était pas préoccupée par la technologie des résidus, mais par l’épaississeur de résidus proposée par Imperial Oil pour améliorer la technologie utilisée dans d’autres installations. C’est l’épaississeur de résidus, et non la technologie des résidus consolidés, qui n’a pas été éprouvé sur le marché. La Commission a alors conclu que si la technologie des résidus, dont l’épaississeur n’était qu’une amélioration proposée, était appliquée, il était peu probable que le projet aurait des effets environnementaux négatifs importants.

 

[54]           En conséquence, je ne suis pas d’accord avec les appelantes pour dire que la Commission s’est appuyée sur une technologie qui n’était pas encore établie. Comme l’a judicieusement fait remarquer l’intimée, Imperial Oil, si l’argumentation des appelantes devait être retenue, cela signifirait qu’en vertu du processus établi par la LCEE les promoteurs doivent soumettre à la Commission les seules technologies qui ont été utilisées dans le passé. À mon avis, cela mettrait un frein à l’innovation sur le terrain qui pourrait un jour s’avérer bénéfique pour l’environnement.

 

[55]           Deuxièmement, en ce qui a trait aux lacs de kettle, les appelantes font valoir qu’en recommandant que les prévisions modélisées fassent l’objet d’autres vérifications, la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a décidé que cette mesure d’atténuation était réalisable sur les plans technique et économique. Je ne peux retenir cet agument. J’estime que la Commission a adopté une approche prudente en exigeant qu’un exploitant valide les prévisions modélisées et mette à l’essai la technologie des lacs de kettle.

 

[56]           En effet, cette approche est largement compatible avec les principes de gestion adaptative. Comme le juge Evans a déclaré dans l’arrêt Canadian Parks and Wilderness Society, précité, au par. 24, « [l]e concept de “ gestion adaptative ” est fondé sur le fait qu'il est difficile, sinon impossible, de prédire toutes les conséquences environnementales d'un projet avec les données connues. » Ce qui demeure vrai pour l’évaluation des mesures d’atténuation. Bien qu’une certaine incertitude entoure toujours la technologie de fermeture des lacs de kettle, son niveau n’est pas de nature à paralyser tout le projet.

 

[57]           Ainsi, en se fondant sur l’information dont elle disposait, y compris les prévisions modélisées, la Commission a conclu que la mesure était réalisable tant sur les plans technique qu’économique. Le fait qu’il subsiste des incertitudes au sujet des lacs de kettle dans la région des sables bitumineux est compréhensible compte tenu que ces lacs ne seront opérationnels qu’après la fermeture des sites miniers. En conséquence, la Commission a recommandé de valider les résultats de la modélisation, d’entreprendre un essai physique type et de poursuivre les recherches bien avant la fermeture projetée dans 60 ans.   

 

[58]           À mon avis, la Commission est autorisée à formuler ce type de recommandations et elle en a même le mandat; ces recommandations devraient de plus inclure des études permanentes sur la possibilité d’effets sur des composants importants de l’environnement ainsi que sur l’élaboration de stratégies d’atténuation additionnelles. Ceci cadre avec la nature permanente et dynamique de l’évaluation environnementale susmentionnée et fait en sorte que de nouveaux renseignements circulent pour ainsi favoriser l’adaptation de la mise en œuvre de projet, s’il y a lieu.

 

iii. Remise en état

[59]           Les appelantes allèguent également que les mesures d’atténuation liées à certains aspects de la mise en valeur des sables bitumineux, par exemple la remise en état des tourbières, ne sont pas connues même de façon générale. Les programmes de suivi ne peuvent se substituer aux mesures d’atténuation aux termes de la LCEE et ne doivent pas être considérés comme des véhicules aux fins d’élaboration de mesures d’atténuation futures. Les appelantes fondent leur argument sur l’affaire Union of Nova Scotia Indians, précitée. Dans cette affaire, les mesures d’atténuation étaient génénéralement connues, mais il restait à déterminer les détails des mesures précises. De l’avis des appelantes, s’appuyer sur la gestion adaptative pour lever les incertitudes et réduire les risques futurs exige d’avoir au moins une connaissance générale du système d’atténuation en cause dès le départ.

 

[60]            Les intimés font valoir que la nature dynamique des mesures de suivi et de la gestion adaptative permettra de lever les incertitudes initiales. En outre, la Commission disposait de suffisamment de renseignements pour raisonnablement conclure comme elle l’a fait. Je suis d’accord. Les recommandations ne sont pas nécessairement sans fondement parce que la preuve ne permet pas de lever toutes les incertitudes. La Commission disposait de renseignements lui indiquant que si la remise en état des milieux humides tourbeux restait incertaine, une expérience considérable en matière de reconstruction des milieux humides et des marais était disponible et que le plan de fermeture d’Imperial Oil prévoyait la reconstruction d’environ 900 hectares de marais. Ce type de remplacement est conforme au par. 2(1) de la LCEE qui définit les mesures d’atténuation comme toute « maîtrise efficace, réduction importante ou élimination des effets environnementaux négatifs d’un projet, éventuellement assortie d’actions de rétablissement notamment par remplacement ou restauration ».

 

[61]           Une fois de plus, je souligne que la Cour d’appel fédérale a expliqué dans l’arrêt Express Pipelines Ltd., précité, que le rôle de la Commission consistait de par sa nature à faire des prédictions, il est douteux qu’on puisse jamais en arriver à une évaluation environnementale définitive et infaillible. Le juge Hugessen a déclaré au par. 10 :

Aucun élément d'information portant sur les effets futurs probables d'un projet ne saurait jamais être complet ou exclure toutes les conséquences possibles. C'est à juste titre au jugement de la Commission qu'il convient de laisser le soin de décider si ces éléments de preuve sont suffisants. On peut en effet s'attendre à ce que la Commission possède - comme la présente Commission - une expertise poussée dans les questions environnementales. Qui plus est, le principal critère établi par la loi est l'" importance " des effets environnementaux du projet. Il ne s'agit pas là d'un critère entièrement fixe ou objectif; il fait largement appel au jugement et à l'opinion de la Commission. Des personnes raisonnables peuvent ne pas être du même avis - et ne le sont effectivement pas - sur la question de savoir si des éléments de preuve qui prévoient certaines répercussions à venir sont suffisants et exhaustifs et sur l'importance de ces répercussions sans soulever par le fait même des questions de droit.

 

Et il ajoute au par. 14 :

Finalement, on nous demande de conclure que la Commission a irrégulièrement délégué certaines de ses fonctions lorsqu'elle a recommandé que certaines autres études et rapports en cours destinés à l'Office national de l'énergie soient réalisés avant, pendant et après les travaux de construction. Cet argument démontre que les requérants comprennent mal la fonction de la commission, qui joue simplement un rôle de cueillette d'éléments d'information et de formulation de recommandations. La Cour se refuse de modifier à la légère l'opinion de la Commission suivant laquelle elle disposait de suffisamment d'éléments de preuve pour pouvoir s'acquitter de cette fonction " le plus tôt possible au stade de la planification du projet, avant la prise d'une décision irrévocable " (voir le paragraphe 11(1)). De par sa nature, le rôle de la Commission consiste à faire des prévisions et il n'est pas étonnant que la loi envisage explicitement la possibilité de programmes " de suivi ". D'ailleurs, compte tenu de cette tâche, nous doutons qu'on puisse jamais en arriver à une évaluation environnementale définitive et infaillible.

 

La Commission serait dans l’impossibilité d’effectuer une évaluation environnementale au début des périodes de planification d’un projet si elle devait éliminer toute incertitude et qu’elle était empêchée de commenter les programmes de suivi.

 

[62]           Donc, même s’il subsistait des incertitudes à l’égard de la remise en état des milieux humides tourbeux, celles-ci pourraient être atténuées par une gestion adaptative compte tenu de l’existence de mesures de remplacement généralement connues et se trouvant dans le plan de fermeture de la mine d’Imperial Oil. En effet, il convient de préciser que la Commission a cité et approuvé dans son rapport les jalons de remise en état mentionnés dans la demande d’Imperial Oil.

 

B)  Espèces en voie de disparition

 

[63]           Les appelantes soutiennent que la Commission a négligé de prendre en considération l’importance des effets environnementaux négatifs sur les espèces en voie de disparition, notamment sur le Râle jaune (inscrit au registre de la Loi sur les espèces en péril, L.C. 2002, ch. 29) (LEP)), de fournir à l’autorité responsable les renseignements requis à ce sujet, d’examiner des mesures d’atténuation réalisables sur les plans technique et économique et de motiver sa conclusion.

[64]           Les appelantes renvoient au mémoire écrit que le gouvernement fédéral a présenté à la Commission chargée de l’examen du projet Kearl et dans lequel il est indiqué ceci :

 

[traduction] Il y a 1 093  [hectares] de tourbières (fens) à graminoïdes dans la zone visée par le projet Kearl qui pourraient fournir un bon habitat au Râle jaune. On ne connaît pas la taille ni la répartition de la population locale; il est donc difficile de tirer des conclusions sur les effets potentiels sur l’espèce ou de recommander des mesures d’atténuation

 

Compte tenu des renseignements dont elle disposait, la Commission a recommandé que le gouvernement de l’Alberta réalise un examen régional des effets cumulatifs sur le Râle jaune au cours des deux prochaines années.

 

[65]           Selon les appelantes, l’art. 79 de la LEP impose des exigences, outre celles énoncées dans la LCEE, aux autorités chargées de veiller à ce qu’une évaluation environnementale soit faite pour « déterminer les effets nocifs du projet sur l’espèce et son habitat essentiel, si le projet est réalisé, [pour] veiller à ce que des mesures soient prises en vue de les éviter ou de les amoindrir et les contrôler ».

 

[66]           Le gouvernement fédéral soutient que la Commission a clairement exprimé ses inquiétudes concernant le Râle jaune et a recommandé la tenue d’un examen régional des effets cumulatifs afin de déterminer les options en matière d’atténuation ainsi que la réalisation de relevés avant les travaux de mise en valeur par Imperial Oil. Compte tenu de la nature permanente et dynamique du processus d’évaluation environnementale, il n’était pas nécessaire de fournir des détails exhaustifs à cette étape : la Commission a soulevé des préoccupations, fourni des renseignements et formulé des recommandations, et la décision finale incombait au MPO. Imperial Oil abonde dans le sens du gouvernement fédéral et indique que, d’après les éléments de preuve présentés, les conclusions et recommandations formulées par la Commission étaient éclairées et justifiées.

 

[67]           La Commission aurait certes pu fournir plus de renseignements sur les préoccupations d’Environnement Canada au sujet du Râle jaune, en particulier sur le fait qu’un habitat propice à l’espèce se trouve dans certaines parcelles un peu partout dans la région et que cet habitat ne peut être remis en état à l’aide de la technologie actuelle, mais j’estime que l’évaluation de l’importance des effets environnementaux faite dans le rapport de la Commission est raisonnable. À mon avis, la Commission a rempli ses obligations dans la présente affaire en prenant acte des préoccupations exprimées par Environnement Canada au sujet des effets de l’intensité du développement régional sur le Râle jaune. Elle n’a pas réalisé d’évaluation additionnelle puisqu’elle ne disposait pas des renseignements nécessaires pour l’étayer.

 

[68]           La Commission a recommandé qu’au cours des deux prochaines années l’AENV, en collaboration avec Environnement Canada, coordonnent l’examen des effets cumulatifs sur le Râle jaune dans la région des sables bitumineux en effectuant des relevés nocturnes appropriés dans les secteurs de la région représentant un habitat potentiel, et que cette initiative serve à déterminer des mesures d’atténuation pour réduire au minimum les effets sur le Râle jaune. La Commission a également recommandé que toute autorisation délivrée aux termes de l’EPEA par l’AENV soit assortie de l’obligaiton d’appliquer les résultats de l’étude sur le Râle jaune pour la tenue de relevés, la détermination des effets et l’élaboration de stratégies d’atténuation, au besoin. La Commission a indiqué qu’elle s’attendait à ce qu’Imperial Oil réalise des relevés du Râle jaune avant le début des travaux de mise en valeur et intègre des stratégies d’atténuation des effets sur l’habitat dans ses plans de remise en état, à moins que ces questions ne soient réglées à l’échelle régionale. Enfin, la Commission a recommandé que l’AENV enjoigne à Imperial Oil de ne procéder à aucun défrichage du 1er avril au 30 août de chaque année en raison des effets potentiels sur les oiseaux migrateurs.

 

[69]           Or donc, même si je suis d’accord avec les appelantes pour dire que des études additionnelles sur la population du Râle jaune ne peuvent être considérées comme des mesures d’atténuation, je ne crois pas que la recommandation de la Commission était censée en être une. L’approche de la Commission était conforme à la nature dynamique du processus d’évaluation; elle a mis en évidence des préoccupations et a formulé des recommandations compatibles avec les renseignements dont elle disposait. Je conclus à la raisonnabilité de l’approche empruntée pour gérer l’incertitude en cause.

 

C)  Émissions de gaz à effet de serre

 

[70]           Les appelantes soutiennent que la Commission a commis une erreur en négligeant de justifier de façon convaincante sa conclusion portant que les effets environnementaux négatifs des émissions de gaz à effet de serre attribuables au projet seraient négligeables, et en omettant de faire des commentaires sur l’efficacité de l’approche de réduction de l’intensité des émissions. Selon l’EIE d’Imperial Oil, le projet produira annuellement 3,7 millions de tonnes d’équivalents de dioxyde de carbone en moyenne, ce qui correspond aux émissions annuelles de gaz à effet de serre de 800 000 voitures au Canada et représentera 0,51 % et 1,7 %, respectivement, des émissions annuelles de gaz à effet de serre du Canada et de l’Alberta (d’après les données de 2002).

 

[71]           L’intimée, Imperial Oil, soutient que l’EIE présentée à la Commission établissait les émissions annuelles de gaz à effet de serre de même que l’intensité des émissions de gaz à effet de serre par baril durant la phase d’exploitation du projet. En outre, dans sa demande relative au projet, Imperial Oil exposait son approche de gestion des gaz à effet de serre et indiquait qu’elle choisirait la technologie la plus économique et la plus éconergétique ayant été éprouvée sur le marché pour minimiser les émissions. Rien n’indique que la Commission a négligé de prendre en considération la totalité de la preuve soumise à son attention et, même s’il est vrai qu’elle n’a pas fait de commentaires spécifiques sur les effets des émissions de gaz à effet de serre, suivant l’arrêt Cantwell c. Canada (Ministre de l’Environnement), [1991] A.C.F. no 27, le DLDPEEE (prédécesseur de la LCEE) n’impose aucune forme spéciale pour le rapport; par conséquent, il n’appartient pas à la Cour d’exiger que le rapport soit présenté dans une forme particulière en l’espèce. À l’audience, l’avocat d’Imperial Oil a ajouté que la formulation par la Commission de commentaires sur les mesures d’atténuation fondées sur l’intensité des émissions qui ont été proposées ferait basculer le rôle de celle-ci dans la sphère de la recommandation de politique.

 

[72]           Bien que je convienne que le mandat de la Commission ne couvre pas la recommandation de politique, elle se doit néanmoins d’effectuer une évaluation scientifique et factuelle des effets environnementaux potentiellement négatifs d’un projet proposé. Faute d’une telle approche factuelle, les choix politiques des décideurs ultimes ne trouveront aucun champ d’application.   

 

[73]           Je reconnais qu’il serait disproportionné d’imposer à la Commission le fardeau administratif d’expliquer en détail les données scientifiques de toutes ses conclusions et recommandations. Toutefois, compte tenu que le rapport doit servir de fondement objectif à une décision définitive, je crois que la Commission se doit d’expliquer de façon générale pourquoi les effets négatifs possibles seront négligeables, que des mesures d’atténuation soient mises en place ou non.

 

[74]           La Commission devait-elle en venir à la conclusion que les mesures d’atténuation proposées ne  permettraient pas de minimiser les possibles effets environnementaux négatifs, qu’il serait également de son devoir de le faire savoir. L’évaluation des effets environnementaux d’un projet et des mesures d’atténuation proposées déborde du débat des politiques gouvernementales, lequel de par sa nature propre prend en compte une gamme étendue de points de vue et de facteurs additionnels que la Commission écarte d’emblée en se concentrant sur les effets environnementaux liés à un projet. En revanche, l’al. 37(1)a) autorise l’autorité responsable à approuver la mise en œuvre totale ou partielle d’un projet même si celui-ci est susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs si ces effets « sont justifiables dans les circonstances ». En conséquence, c’est au décideur ultime qu’il appartient de prendre en compte des éléments plus vastes de politique affectant le public lors de l’approbation de projet.

 

[75]            Je suis parfaitement consciente du niveau d’expertise que possède la Commission. Le dossier indique que celle-ci disposait d’un matériel considérable concernant la question des émissions des gaz à effet de serre et du changement climatique, de sorte qu’il convient d’accorder une grande retenue à toutes conclusions explicites tirées des éléments de preuve présentés. Cette déférence envers l’expertise n’a cependant lieu d’être que lorsque les conclusions sont justifiées. Dans l’arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, [1996] S.C.J. no 116 (QL), au par. 62, le juge Iacobucci cite avec approbation l’extrait qui suit de Standards of Review Employed by Appellate Court, par Kerans, R.P., (Edmonton:  Juriliber, 1994), p. 17, qui traite de la retenue à l’égard de l’«  expertise » :

[traduction] Dans notre société, les experts ont droit à ce titre précisément parce qu’ils sont capables de tirer des conclusions éclairées et rationnelles.  Si c’est le cas, ils devraient être en mesure d’expliquer à un observateur impartial mais moins bien renseigné qu’eux les raisons justifiant leurs conclusions. S’ils ne sont pas capables de le faire, ce ne sont pas de grands experts.  Si une conclusion vaut la peine d’être connue et mérite qu’on s’y fie, elle vaut la peine d’être exposée. L’expertise ne commande la retenue que si l’expert est cohérent. L’expertise perd le droit à la retenue, lorsque les opinions exprimées sont indéfendables. Cela dit, il semble évident que manifestement [les cours d’appels] doivent accorder un poids considérable aux opinions convaincantes exprimées de la manière indiquée.  [Je souligne.]

 

En conséquence, la retenue à l’égard de l’expetise se fonde sur la formulation convaincante des justifications aux conclusions qui ont été tirées. 

 

[76]           En l’espèce, la Commission a indiqué qu’elle s’attendait à ce qu’Imperial Oil s’engage à :

·        réduire les émissions de NOx par des contrôles de combustion, notamment des brûleurs à faibles émissions de NOx pour les sources stationnaires;

·        acheter et utiliser de l’équipement minier à faibles émissions de NOx dès qu’il sera disponible sur le marché;

·        participer à l’étude d’AENV sur les MTDER (meilleures technologies disponibles économiquement réalisables) et appliquer ses conclusions (p. 65 du rapport).

 

De plus, la Commission était d’accord avec EC et a encouragé Imperial Oil à utiliser du carburant diesel à très faible teneur en soufre pour toutes ses activités de construction et d’exploitation minière, bien avant l’entrée en vigueur des exigences réglementaires (p. 66 du rapport).

 

[77]           Enfin, la Commission a encouragé le gouvernement de l’Alberta à établir des exigences d’approbation appropriées aux termes de l’EPEA concernant les objectifs d’intensité des émissions de gaz à effet de serre :

La Commission encourage le gouvernement de l'Alberta à assujettir l'approbation du projet aux termes de l'EPEA au respect des exigences suivantes :

 

·        réduction des émissions fugitives [programme de détection des fuites et de réparation];

·        surveillance continue du benzène et de l’acroléine;

·        surveillance des émissions de COV [composés organiques volatils];

·        participation aux travaux de la CEMA et de la WBEA [Wood Buffalo Environmental Association] sur les contaminants atmosphériques à l’état de traces, y compris le benzène et l’acroléine;

·        participation aux programmes régionaux de surveillance des dépôts acides et de l’eutrophisation;

·        établissement d’objectifs d’intensité des émissions de GES [gaz à effet de serre].

 

 

La Commission a alors conclu ceci :

Il est peu probable que le projet Kearl ait des effets environnementaux négatifs importants sur la qualité de l'air si les mesures d'atténuation proposées et les recommandations formulées sont appliquées. (p. 67 du rapport)

 

 

 

[78]           La preuve établit que les objectifs d’intensité imposent des limites aux émissions de gaz à effet de serre par baril de bitume produit. La quantité absolue de gaz à effet de serre attribuable à l’exploitation des sables bitumineux continuera d’augmenter avec la mise en œuvre d’objectifs d’intensité en raison de la hausse projetée de la production totale de bitume. La Commission a conclu que les émissions de gaz à effet de serre seraient négligeables sans justifier pourquoi les mesures d’atténuation fondées sur l’intensité des émissions seraient efficaces pour réduire à des niveaux négligeables les émissions de gaz à effet de serre correspondant à celles de 800 000 voitures. Faute de ce lien essentiel, soit l’énoncé clair et convaincant des raisons sur lesquelles la Commission fonde sa conclusion, il n’y a pas lieu de faire preuve de retenue à l’égard de son expertise.

 

[79]           Je conviens que la Commission n’est pas tenue de commenter chacun des détails du projet, mais, compte tenu de la quantité de gaz à effet de serre qui sera émise dans l’atmosphère et compte tenu de la preuve présentée selon laquelle les objectifs fondés sur l’intensité ne s’intéresseront pas au problème des gaz à effet de serre, il incombait à la Commission de justifier sa recommandation sur cette question en particulier. En n’en faisant aucune mention, la Commission court-circuite le processus décisionnel en deux étapes envisagé par la LCEE en vue de la prise d’une décision éclairée par l’autorité responsable. Pour que la décision soit éclairée, elle doit reposer sur une solide connaissance des effets du projet. Par conséquent, vu l’absence d’explication ou de justification, je suis d’avis que la Commission a commis une erreur de droit en omettant de motiver sa conclusion comme l’exige l’al. 34(c)i) de la LCEE.

 

[80]           Étant donné que cette erreur ne concerne qu’une des nombreuses questions que la Commission était chargée d’examiner, je conclus qu’il serait inapproprié et inefficace d’exiger de la Commission qu’elle reprenne son examen en entier (Nanda c. Canada (Comité d’appel de la Commission de la fonction publique), [1972] C.F. 277, au par. 55).  En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie. L’affaire est renvoyée à la même Commission avec instruction de justifier sa conclusion selon laquelle les mesures d’atténuation proposées réduiront les effets négatifs possibles d’émission de gaz à effet de serre du projet à un niveau négligeable.

 

[81]           Tel qu’il a été convenu à l’audience, les parties présenteront des observations par écrit sur la question des dépens. Les appelantes devront présenter et signifier leurs observations dans les quinze jours suivant la date du présent jugement. Les intimés devront présenter et signifier les leurs dans les quinze jours suivant la date de significaton des observations des appelantes.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que

La demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie. L’affaire est renvoyée à la même Commission avec instruction de justifier sa conclusion selon laquelle les mesures d’atténuation proposées réduiront les effets négatifs possibles d’émission de gaz à effet de serre du projet à un niveau négligeable.

 

 

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 

 

            Traduction certifiée conforme

Jean-Jacques Goulet, LL. L.


Annexe

Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, 1992, ch. 37

 

[…]

 

OBJET

Objet

 

4. (1) La présente loi a pour objet :

 

a) de veiller à ce que les projets soient étudiés avec soin et prudence avant que les autorités fédérales prennent des mesures à leur égard, afin qu’ils n’entraînent pas d’effets environnementaux négatifs importants;

 

b) d’inciter ces autorités à favoriser un développement durable propice à la salubrité de l’environnement et à la santé de l’économie;

 

b.1) de faire en sorte que les autorités responsables s’acquittent de leurs obligations afin d’éviter tout double emploi dans le processus d’évaluation environnementale;

 

 

b.2) de promouvoir la collaboration des gouvernements fédéral et provinciaux, et la coordination de leurs activités, dans le cadre du processus d’évaluation environnementale de projets;

 

b.3) de promouvoir la communication et la collaboration entre les autorités responsables et les peuples autochtones en matière d’évaluation environnementale;

 

c) de faire en sorte que les éventuels effets environnementaux négatifs importants des projets devant être réalisés dans les limites du Canada ou du territoire domanial ne débordent pas ces limites;

 

d) de veiller à ce que le public ait la possibilité de participer de façon significative et en temps opportun au processus de l’évaluation environnementale.

 

Mission du gouvernement du Canada

 

(2) Pour l’application de la présente loi, le gouvernement du Canada, le ministre, l’Agence et les organismes assujettis aux dispositions de celle-ci, y compris les autorités fédérales et les autorités responsables, doivent exercer leurs pouvoirs de manière à protéger l’environnement et la santé humaine et à appliquer le principe de la prudence.

1992, ch. 37, art. 4; 1993, ch. 34, art. 19(F); 1994, ch. 46, art. 1; 2003, ch. 9, art. 2.

 

Projets visés

 

5. (1) L’évaluation environnementale d’un projet est effectuée avant l’exercice d’une des attributions suivantes :

 

 

 

 

a) une autorité fédérale en est le promoteur et le met en oeuvre en tout ou en partie;

 

 

 

b) une autorité fédérale accorde à un promoteur en vue de l’aider à mettre en oeuvre le projet en tout ou en partie un financement, une garantie d’emprunt ou toute autre aide financière, sauf si l’aide financière est accordée sous forme d’allègement — notamment réduction, évitement, report, remboursement, annulation ou remise — d’une taxe ou d’un impôt qui est prévu sous le régime d’une loi fédérale, à moins que cette aide soit accordée en vue de permettre la mise en oeuvre d’un projet particulier spécifié nommément dans la loi, le règlement ou le décret prévoyant l’allègement;

 

c) une autorité fédérale administre le territoire domanial et en autorise la cession, notamment par vente ou cession à bail, ou celle de tout droit foncier relatif à celui-ci ou en transfère à Sa Majesté du chef d’une province l’administration et le contrôle, en vue de la mise en oeuvre du projet en tout ou en partie;

 

d) une autorité fédérale, aux termes d’une disposition prévue par règlement pris en vertu de l’alinéa 59f), délivre un permis ou une licence, donne toute autorisation ou prend toute mesure en vue de permettre la mise en oeuvre du projet en tout ou en partie.

 

Projets nécessitant l’approbation du gouverneur en conseil

 

(2) Par dérogation à toute autre disposition de la présente loi :

 

a) l’évaluation environnementale d’un projet est obligatoire, avant que le gouverneur en conseil, en vertu d’une disposition désignée par règlement aux termes de l’alinéa 59g), prenne une mesure, notamment délivre un permis ou une licence ou accorde une approbation, autorisant la réalisation du projet en tout ou en partie;

 

b) l’autorité fédérale qui, directement ou par l’intermédiaire d’un ministre fédéral, recommande au gouverneur en conseil la prise d’une mesure visée à l’alinéa a) à l’égard du projet :

 

(i) est tenue de veiller à ce que l’évaluation environnementale du projet soit effectuée le plus tôt possible au stade de la planification de celui-ci, avant la prise d’une décision irrévocable,

 

(ii) est l’autorité responsable à l’égard du projet pour l’application de la présente loi — à l’exception du paragraphe 11(2) et des articles 20 et 37 — et de ses règlements,

 

(iii) est tenue de prendre en compte les rapports et observations pertinents visés aux articles 20 et 37,

 

(iv) le cas échéant, est tenue d’exercer à l’égard du projet les attributions de l’autorité responsable prévues à l’article 38 comme si celle-ci était l’autorité responsable à l’égard du projet pour l’application des alinéas 20(1)a) et 37(1)a).

 

[…]

 

Éléments à examiner

 

16. (1) L’examen préalable, l’étude approfondie, la médiation ou l’examen par une Commissiond’un projet portent notamment sur les éléments suivants :

 

a) les effets environnementaux du projet, y compris ceux causés par les accidents ou défaillances pouvant en résulter, et les effets cumulatifs que sa réalisation, combinée à l’existence d’autres ouvrages ou à la réalisation d’autres projets ou activités, est susceptible de causer à l’environnement;

 

b) l’importance des effets visés à l’alinéa a);

 

c) les observations du public à cet égard, reçues conformément à la présente loi et aux règlements;

 

d) les mesures d’atténuation réalisables, sur les plans technique et économique, des effets environnementaux importants du projet;

 

 

 

e) tout autre élément utile à l’examen préalable, à l’étude approfondie, à la médiation ou à l’examen par une commission, notamment la nécessité du projet et ses solutions de rechange, — dont l’autorité responsable ou, sauf dans le cas d’un examen préalable, le ministre, après consultation de celle-ci, peut exiger la prise en compte.

 

Éléments supplémentaires

 

(2) L’étude approfondie d’un projet et l’évaluation environnementale qui fait l’objet d’une médiation ou d’un examen par une Commissionportent également sur les éléments suivants :

 

a) les raisons d’être du projet;

 

b) les solutions de rechange réalisables sur les plans technique et économique, et leurs effets environnementaux;

 

 

c) la nécessité d’un programme de suivi du projet, ainsi que ses modalités;

 

 

d) la capacité des ressources renouvelables, risquant d’être touchées de façon importante par le projet, de répondre aux besoins du présent et à ceux des générations futures.

 

Obligations

 

(3) L’évaluation de la portée des éléments visés aux alinéas (1)a), b) et d) et (2)b), c) et d) incombe :

 

 

a) à l’autorité responsable;

 

b) au ministre, après consultation de l’autorité responsable, lors de la détermination du mandat du médiateur ou de la Commissiond’examen.

 

 

[…]

 

Décision de l’autorité responsable

 

 

20. (1) L’autorité responsable prend l’une des mesures suivantes, après avoir pris en compte le rapport d’examen préalable et les observations reçues aux termes du paragraphe 18(3) :

 

 

a) sous réserve du sous-alinéa c)(iii), si la réalisation du projet n’est pas susceptible, compte tenu de l’application des mesures d’atténuation qu’elle estime indiquées, d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants, exercer ses attributions afin de permettre la mise en œuvre totale ou partielle du projet;

 

 

 

b) si, compte tenu de l’application des mesures d’atténuation qu’elle estime indiquées, la réalisation du projet est susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants qui ne peuvent être justifiés dans les circonstances, ne pas exercer les attributions qui lui sont conférées sous le régime d’une loi fédérale et qui pourraient lui permettre la mise en oeuvre du projet en tout ou en partie;

 

c) s’adresser au ministre pour une médiation ou un examen par une Commissionprévu à l’article 29 :

 

(i) s’il n’est pas clair, compte tenu de l’application des mesures d’atténuation qu’elle estime indiquées, que la réalisation du projet soit susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants,

 

(ii) si la réalisation du projet, compte tenu de l’application de mesures d’atténuation qu’elle estime indiquées, est susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants et si l’alinéa b) ne s’applique pas,

 

(iii) si les préoccupations du public le justifient.

 

[…]

 

 

 

 

 

 

Examen par une commission

 

25. Sous réserve des alinéas 20(1)b) et c), à tout moment, si elle estime soit que le projet, compte tenu de l’application des mesures d’atténuation qu’elle estime indiquées, peut entraîner des effets environnementaux négatifs importants, soit que les préoccupations du public justifient une médiation ou un examen par une commission, l’autorité responsable peut demander au ministre d’y faire procéder conformément à l’article 29.

 

[…]

 

 

 

 

 

 

 

Commission d’évaluation environnementale

 

34. La commission, conformément à son mandat et aux règlements pris à cette fin :

 

 

a) veille à l’obtention des renseignements nécessaires à l’évaluation environnementale d’un projet et veille à ce que le public y ait accès;

 

b) tient des audiences de façon à donner au public la possibilité de participer à l’évaluation environnementale du projet;

 

c) établit un rapport assorti de sa justification, de ses conclusions et recommandations relativement à l’évaluation environnementale du projet, notamment aux mesures d’atténuation et au programme de suivi, et énonçant, sous la forme d’un résumé, les observations reçues du public;

 

 

 

 

 

d) présente son rapport au ministre et à l’autorité responsable.

 

Pouvoirs de la commission

 

35. (1) La Commissiona le pouvoir d’assigner devant elle des témoins et de leur ordonner de :

 

 

a) déposer oralement ou par écrit;

 

b) produire les documents et autres pièces qu’elle juge nécessaires en vue de procéder à l’examen dont elle est chargée.

 

Pouvoirs de contrainte

 

(2) La Commissiona, pour contraindre les témoins à comparaître, à déposer et à produire des pièces, les pouvoirs d’une cour d’archives.

 

[…]

 

 

Autorité responsable

 

37. (1) Sous réserve des paragraphes (1.1) à (1.3), l’autorité responsable, après avoir pris en compte le rapport du médiateur ou de la Commissionou, si le projet lui est renvoyé aux termes du paragraphe 23(1), le rapport d’étude approfondie, prend l’une des décisions suivantes :

 

 

 

a) si, compte tenu de l’application des mesures d’atténuation qu’elle estime indiquées, la réalisation du projet n’est pas susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants ou est susceptible d’en entraîner qui sont justifiables dans les circonstances, exercer ses attributions afin de permettre la mise en œuvre totale ou partielle du projet;

 

 

 

 

 

 

 

 

 

b) si, compte tenu de l’application des mesures d’atténuation qu’elle estime indiquées, la réalisation du projet est susceptible d’entraîner des effets environnementaux qui ne sont pas justifiables dans les circonstances, ne pas exercer les attributions qui lui sont conférées sous le régime d’une loi fédérale et qui pourraient permettre la mise en oeuvre du projet en tout ou en partie.

 

 

Agrément du gouverneur en conseil

 

(1.1) Une fois pris en compte le rapport du médiateur ou de la commission, l’autorité responsable est tenue d’y donner suite avec l’agrément du gouverneur en conseil, qui peut demander des précisions sur l’une ou l’autre de ses conclusions; l’autorité responsable prend alors la décision visée au titre du paragraphe (1) conformément à l’agrément.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[…]

 

Programme de suivi

Décision au titre de l’al. 20(1)a) : suivi

 

38. (1) Si elle décide de la mise en œuvre conformément à l’alinéa 20(1)a), l’autorité responsable examine l’opportunité d’un programme de suivi dans les circonstances; le cas échéant, elle procède à l’élaboration d’un tel programme et veille à son application.

 

 

Décision au titre de l’al. 37(1)a) : suivi

 

 

(2) Si elle décide de la mise en œuvre conformément à l’alinéa 37(1)a), l’autorité responsable élabore un programme de suivi et veille à son application.

 

[…]

 

Examen conjoint

Définition d’« instance »

 

40. (1) Pour l’application du présent article et des articles 41 et 42, « instance » s’entend notamment :

 

 

a) d’une autorité fédérale;

 

b) du gouvernement d’une province;

 

c) de tout autre organisme établi sous le régime d’une loi provinciale ou fédérale ayant des attributions relatives à l’évaluation des effets environnementaux d’un projet;

 

 

d) de tout organisme, constitué aux termes d’un accord sur des revendications territoriales visé à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, ayant des attributions relatives à l’évaluation des effets environnementaux d’un projet;

 

e) du gouvernement d’un État étranger, d’une subdivision politique d’un État étranger ou de l’un de leurs organismes;

 

f) d’une organisation internationale d’États ou de l’un de ses organismes.

 

Examen conjoint

 

(2) Sous réserve de l’article 41, dans le cas où il estime qu’un examen par une Commissionest nécessaire ou possible, le ministre :

 

a) peut conclure avec l’instance visée à l’alinéa (1)a), b), c) ou d) exerçant des attributions relatives à l’évaluation des effets environnementaux du projet un accord relatif à la constitution conjointe d’une Commissionet aux modalités de l’évaluation environnementale du projet par celle-ci;

 

 

 

b) est tenu, dans le cas d’une instance, au sens du paragraphe 12(5), qui a la responsabilité ou le pouvoir d’entreprendre l’évaluation des effets environnementaux de tout ou partie du projet, d’offrir de consulter et de coopérer avec celle-ci à l’égard de l’évaluation environnementale du projet.

 

[…]

 

Conditions de l’examen conjoint

 

41. Les accords conclus aux termes des paragraphes 40(2) ou (3) et les documents visés au paragraphe 40(2.1) contiennent une disposition selon laquelle l’évaluation environnementale du projet prend en compte les éléments prévus aux paragraphes 16(1) et (2) et est effectuée conformément aux exigences et modalités supplémentaires qui y sont contenues ainsi que les conditions suivantes :

 

 

a) le ministre nomme le président, ou approuve sa nomination, ou nomme le coprésident et nomme au moins un autre membre de la commission;

 

b) les membres de la Commissionsont impartiaux, non en conflit d’intérêts avec le projet et pourvus des connaissances et de l’expérience voulues touchant les effets environnementaux prévus du projet;

 

 

c) le ministre fixe ou approuve le mandat de la commission;

 

d) les pouvoirs et immunités prévus à l’article 35 sont conférés à la commission;

 

e) le public aura la possibilité de participer à l’examen;

 

 

f) dès l’achèvement de l’examen, la Commissionlui présentera un rapport;

 

 

g) le rapport sera publié.

 

1992, ch. 37, art. 41; 1993, ch. 34, art. 32(F); 1998, ch. 25, art. 164; 2003, ch. 9, art. 20.

 

[…]

Canadian Environmental Assessment Act, S.C. 1992, c.37

 

[…]

 

PURPOSES

Purposes

 

4. (1) The purposes of this Act are

 

(a) to ensure that projects are considered in a careful and precautionary manner before federal authorities take action in connection with them, in order to ensure that such projects do not cause significant adverse environmental effects;

 

(b) to encourage responsible authorities to take actions that promote sustainable development and thereby achieve or maintain a healthy environment and a healthy economy;

 

(b.1) to ensure that responsible authorities carry out their responsibilities in a coordinated manner with a view to eliminating unnecessary duplication in the environmental assessment process;

 

(b.2) to promote cooperation and coordinated action between federal and provincial governments with respect to environmental assessment processes for projects;

 

(b.3) to promote communication and cooperation between responsible authorities and Aboriginal peoples with respect to environmental assessment;

 

(c) to ensure that projects that are to be carried out in Canada or on federal lands do not cause significant adverse environmental effects outside the jurisdictions in which the projects are carried out; and

 

(d) to ensure that there be opportunities for timely and meaningful public participation throughout the environmental assessment process.

 

Duties of the Government of Canada

 

(2) In the administration of this Act, the Government of Canada, the Minister, the Agency and all bodies subject to the provisions of this Act, including federal authorities and responsible authorities, shall exercise their powers in a manner that protects the environment and human health and applies the precautionary principle.

1992, c. 37, s. 4; 1993, c. 34, s. 19(F); 1994, c. 46, s. 1; 2003, c. 9, s. 2.

 

 

 

Projects requiring environmental assessment

 

5. (1) An environmental assessment of a project is required before a federal authority exercises one of the following powers or performs one of the following duties or functions in respect of a project, namely, where a federal authority

 

(a) is the proponent of the project and does any act or thing that commits the federal authority to carrying out the project in whole or in part;

 

(b) makes or authorizes payments or provides a guarantee for a loan or any other form of financial assistance to the proponent for the purpose of enabling the project to be carried out in whole or in part, except where the financial assistance is in the form of any reduction, avoidance, deferral, removal, refund, remission or other form of relief from the payment of any tax, duty or impost imposed under any Act of Parliament, unless that financial assistance is provided for the purpose of enabling an individual project specifically named in the Act, regulation or order that provides the relief to be carried out;

 

(c) has the administration of federal lands and sells, leases or otherwise disposes of those lands or any interests in those lands, or transfers the administration and control of those lands or interests to Her Majesty in right of a province, for the purpose of enabling the project to be carried out in whole or in part; or

 

(d) under a provision prescribed pursuant to paragraph 59(f), issues a permit or licence, grants an approval or takes any other action for the purpose of enabling the project to be carried out in whole or in part.

 

 

 

Projects requiring approval of Governor in Council

 

(2) Notwithstanding any other provision of this Act,

 

(a) an environmental assessment of a project is required before the Governor in Council, under a provision prescribed pursuant to regulations made under paragraph 59(g), issues a permit or licence, grants an approval or takes any other action for the purpose of enabling the project to be carried out in whole or in part; and

 

(b) the federal authority that, directly or through a Minister of the Crown in right of Canada, recommends that the Governor in Council take an action referred to in paragraph (a) in relation to that project

 

(i) shall ensure that an environmental assessment of the project is conducted as early as is practicable in the planning stages of the project and before irrevocable decisions are made,

 

(ii) is, for the purposes of this Act and the regulations, except subsection 11(2) and sections 20 and 37, the responsible authority in relation to the project,

 

(iii) shall consider the applicable reports and comments referred to in sections 20 and 37, and

 

(iv) where applicable, shall perform the duties of the responsible authority in relation to the project under section 38 as if it were the responsible authority in relation to the project for the purposes of paragraphs 20(1)(a) and 37(1)(a).

 

[…]

 

Factors to be considered

 

16. (1) Every screening or comprehensive study of a project and every mediation or assessment by a review panel shall include a consideration of the following factors:

 

(a) the environmental effects of the project, including the environmental effects of malfunctions or accidents that may occur in connection with the project and any cumulative environmental effects that are likely to result from the project in combination with other projects or activities that have been or will be carried out;

 

(b) the significance of the effects referred to in paragraph (a);

 

(c) comments from the public that are received in accordance with this Act and the regulations;

 

(d) measures that are technically and economically feasible and that would mitigate any significant adverse environmental effects of the project; and

 

(e) any other matter relevant to the screening, comprehensive study, mediation or assessment by a review panel, such as the need for the project and alternatives to the project, that the responsible authority or, except in the case of a screening, the Minister after consulting with the responsible authority, may require to be considered.

 

Additional factors

 

(2) In addition to the factors set out in subsection (1), every comprehensive study of a project and every mediation or assessment by a review panel shall include a consideration of the following factors:

 

(a) the purpose of the project;

 

(b) alternative means of carrying out the project that are technically and economically feasible and the environmental effects of any such alternative means;

 

(c) the need for, and the requirements of, any follow-up program in respect of the project; and

 

(d) the capacity of renewable resources that are likely to be significantly affected by the project to meet the needs of the present and those of the future.

 

Determination of factors

 

(3) The scope of the factors to be taken into consideration pursuant to paragraphs (1)(a), (b) and (d) and (2)(b), (c) and (d) shall be determined

 

(a) by the responsible authority; or

 

(b) where a project is referred to a mediator or a review panel, by the Minister, after consulting the responsible authority, when fixing the terms of reference of the mediation or review panel.

 

[…]

 

Decision of responsible authority following a screening

 

20. (1) The responsible authority shall take one of the following courses of action in respect of a project after taking into consideration the screening report and any comments filed pursuant to subsection 18(3):

 

(a) subject to subparagraph (c)(iii), where, taking into account the implementation of any mitigation measures that the responsible authority considers appropriate, the project is not likely to cause significant adverse environmental effects, the responsible authority may exercise any power or perform any duty or function that would permit the project to be carried out in whole or in part;

 

(b) where, taking into account the implementation of any mitigation measures that the responsible authority considers appropriate, the project is likely to cause significant adverse environmental effects that cannot be justified in the circumstances, the responsible authority shall not exercise any power or perform any duty or function conferred on it by or under any Act of Parliament that would permit the project to be carried out in whole or in part; or

 

(c) where

 

 

 

(i) it is uncertain whether the project, taking into account the implementation of any mitigation measures that the responsible authority considers appropriate, is likely to cause significant adverse environmental effects,

 

(ii) the project, taking into account the implementation of any mitigation measures that the responsible authority considers appropriate, is likely to cause significant adverse environmental effects and paragraph (b) does not apply, or

 

(iii) public concerns warrant a reference to a mediator or a review panel,

 

the responsible authority shall refer the project to the Minister for a referral to a mediator or a review panel in accordance with section 29.

 

[…]

 

Referral to Minister

 

25. Subject to paragraphs 20(1)(b) and (c), where at any time a responsible authority is of the opinion that

 

(a) a project, taking into account the implementation of any mitigation measures that the responsible authority considers appropriate, may cause significant adverse environmental effects, or

 

(b) public concerns warrant a reference to a mediator or a review panel,

 

the responsible authority may request the Minister to refer the project to a mediator or a review panel in accordance with section 29.

 

[…]

 

Assessment by review panel

 

34. A review panel shall, in accordance with any regulations made for that purpose and with its term of reference,

 

(a) ensure that the information required for an assessment by a review panel is obtained and made available to the public;

 

 

(b) hold hearings in a manner that offers the public an opportunity to participate in the assessment;

 

(c) prepare a report setting out

 

(i) the rationale, conclusions and recommendations of the panel relating to the environmental assessment of the project, including any mitigation measures and follow-up program, and

 

 

(ii) a summary of any comments received from the public; and

 

 

(d) submit the report to the Minister and the responsible authority.

 

Powers of review panel

 

35. (1) A review panel has the power of summoning any person to appear as a witness before the panel and of ordering the witness to

 

(a) give evidence, orally or in writing; and

 

(b) produce such documents and things as the panel considers necessary for conducting its assessment of the project.

 

Enforcement powers

 

(2) A review panel has the same power to enforce the attendance of witnesses and to compel them to give evidence and produce documents and other things as is vested in a court of record.

 

[…]

 

Decision of responsible authority

 

37. (1) Subject to subsections (1.1) to (1.3), the responsible authority shall take one of the following courses of action in respect of a project after taking into consideration the report submitted by a mediator or a review panel or, in the case of a project referred back to the responsible authority pursuant to subsection 23(1), the comprehensive study report:

 

(a) where, taking into account the implementation of any mitigation measures that the responsible authority considers appropriate,

 

(i) the project is not likely to cause significant adverse environmental effects, or

 

(ii) the project is likely to cause significant adverse environmental effects that can be justified in the circumstances,

 

the responsible authority may exercise any power or perform any duty or function that would permit the project to be carried out in whole or in part; or

 

 

(b) where, taking into account the implementation of any mitigation measures that the responsible authority considers appropriate, the project is likely to cause significant adverse environmental effects that cannot be justified in the circumstances, the responsible authority shall not exercise any power or perform any duty or function conferred on it by or under any Act of Parliament that would permit the project to be carried out in whole or in part.

 

Approval of Governor in Council

 

(1.1) Where a report is submitted by a mediator or review panel,

 

(a) the responsible authority shall take into consideration the report and, with the approval of the Governor in Council, respond to the report;

 

(b) the Governor in Council may, for the purpose of giving the approval referred to in paragraph ( a), require the mediator or review panel to clarify any of the recommendations set out in the report; and

 

(c) the responsible authority shall take a course of action under subsection (1) that is in conformity with the approval of the Governor in Council referred to in paragraph (a).

 

[…]

 

Follow-up Program

Consideration of follow-up — decision under paragraph 20(1)(a)

 

38. (1) Where a responsible authority takes a course of action under paragraph 20(1)(a), it shall consider whether a follow-up program for the project is appropriate in the circumstances and, if so, shall design a follow-up program and ensure its implementation.

 

Mandatory follow-up — decision under paragraph 37(1)(a)

 

(2) Where a responsible authority takes a course of action under paragraph 37(1)(a), it shall design a follow-up program for the project and ensure its implementation.

 

[…]

 

Joint Review Panels

Definition of “jurisdiction”

 

40. (1) For the purposes of this section and sections 41 and 42, "jurisdiction" includes

 

(a) a federal authority;

 

(b) the government of a province;

 

 

 

(c) any other agency or body established pursuant to an Act of Parliament or the legislature of a province and having powers, duties or functions in relation to an assessment of the environmental effects of a project;

 

(d) any body established pursuant to a land claims agreement referred to in section 35 of the Constitution Act, 1982 and having powers, duties or functions in relation to an assessment of the environmental effects of a project;

 

(e) a government of a foreign state or of a subdivision of a foreign state, or any institution of such a government; and

 

(f) an international organization of states or any institution of such an organization.

 

Review panels established jointly with another jurisdiction

 

(2) Subject to section 41, where the referral of a project to a review panel is required or permitted by this Act, the Minister

 

(a) may enter into an agreement or arrangement with a jurisdiction referred to in paragraph (1)(a), (b), (c) or (d) that has powers, duties or functions in relation to the assessment of the environmental effects of the project, respecting the joint establishment of a review panel and the manner in which the environmental assessment of the project is to be conducted by the review panel; and

 

(b) shall, in the case of a jurisdiction within the meaning of subsection 12(5) that has a responsibility or an authority to conduct an assessment of the environmental effects of the project or any part of it, offer to consult and cooperate with that other jurisdiction respecting the environmental assessment of the project.

 

[…]

 

Conditions

 

41. An agreement or arrangement entered into pursuant to subsection 40(2) or (3), and any document establishing a review panel under subsection 40(2.1), shall provide that the environmental assessment of the project shall include a consideration of the factors required to be considered under subsections 16(1) and (2) and be conducted in accordance with any additional requirements and procedures set out in the agreement and shall provide that

 

(a) the Minister shall appoint or approve the appointment of the chairperson or appoint a co-chairperson, and shall appoint at least one other member of the panel;

 

(b) the members of the panel are to be unbiased and free from any conflict of interest relative to the project and are to have knowledge or experience relevant to the anticipated environmental effects of the project;

 

(c) the Minister shall fix or approve the terms of reference for the panel;

 

(d) the review panel is to have the powers and immunities provided for in section 35;

 

(e) the public will be given an opportunity to participate in the assessment conducted by the panel;

 

(f) on completion of the assessment, the report of the panel will be submitted to the Minister; and

 

(g) the panel’s report will be published.

 

1992, c. 37, s. 41; 1993, c. 34, s. 32(F); 1998, c. 25, s. 164; 2003, c. 9, s. 20.

 

[…]

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-535-07

 

INTITULÉ :                                       PEMBINA INSTITUTE FOR APPROPRIATE

DEVELOPMENT, PRAIRIE ACID RAIN COALITION,

SIERRA CLUB CANADA et

TOXICS WATCH SOCIETY OF ALBERTA

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

MINISTRE DES PÊCHES ET OCÉANS,

MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT et

IMPERIAL OIL RESOURCES VENTURES LIMITED

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Edmonton (Alberta)

 

DATES DE L’AUDIENCE :             Les 15,16 et 17 janvier 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            La juge TREMBLAY-LAMER

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 5 mars 2008

 

COMPARUTIONS :

 

 Sean Nixon

 Devon Page

 

POUR LES APPELANTES

 James Shaw

 

 Gerald F. Scott,c.r.

 Martin Ignasiak

 

POUR L’INTIMÉ

Procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉE

Imperial Oil

 

 

 

 

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

SIERRA LEGAL

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LES APPELANTES

JOHN H. SIMMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

FRASER MILNER CASGRAIN S.N.E.C.R.L.

Calgary (Alb.)

 

POUR L’INTIMÉ

Procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉE

Imperial Oil

 

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