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Date : 20080229

Dossier : IMM-2383-07

Référence : 2008 CF 271

Ottawa (Ontario), le 29 février 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SUPPLÉANT ORVILLE FRENETTE

 

 

ENTRE :

SAQUIB HAMEED &

ADEELA BASHIR

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision du Haut‑commissariat du Canada en date du 2 avril 2007 par laquelle l’agent chargé d’examiner la demande présentée par le demandeur en vue d’obtenir le réexamen du refus qui lui avait été signifié le 20 février 2007 de sa demande de résidence permanente au Canada dans la catégorie des travailleurs qualifiés a confirmé ce refus en expliquant que le demandeur ne satisfaisait pas aux conditions prévues par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) et par le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) pour pouvoir immigrer au Canada.

 

I. Les faits

[2]               Le demandeur, M. Saquib Hameed, est un citoyen du Pakistan. En octobre 2001, il a soumis une demande en tant que travailleur qualifié (fédéral) en indiquant la profession d’« agent aux achats », code no 1225 de la Classification nationale des professions (CNP), mais sans préciser si son épouse ou ses enfants l’accompagneraient au Canada et sans acquitter de frais de traitement pour eux. Il n’a donc pas été tenu compte des renseignements relatifs à son épouse lors de l’examen de sa demande.

 

[3]               L’agent des visas chargé d’examiner le dossier du demandeur a fondé sa décision sur une évaluation du demandeur qui reposait tant sur les dispositions de l’ancienne Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (la Loi sur l’immigration) que sur celles de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). Le demandeur n’a pas recueilli suffisamment de points sous le régime de l’une ou l’autre loi pour avoir droit à un visa de résident permanent.

 

[4]               Le 2 août 2006, l’agent a attribué cinq points au demandeur pour ses études. L’agent a conclu que le demandeur avait obtenu son baccalauréat en tant qu’étudiant inscrit à des cours privés, de sorte qu’on ne pouvait en tenir compte. Il a également conclu que la maîtrise en administration des affaires dont le demandeur était titulaire lui avait été décernée par un établissement qui n’était pas agréé par la Commission des études supérieures du Pakistan, de sorte qu’on ne pouvait non plus en tenir compte (Dossier du demandeur, notes versées au système STIDI, aux pages 91-92).

 

[5]               Le demandeur a été reçu en entrevue le 1er février 2007. Avant le début de l’entrevue, le demandeur a expliqué qu’il souhaitait que l’on tienne compte des renseignements relatifs à son épouse malgré le fait qu’il n’avait pas payé les frais requis. Le demandeur a ajouté qu’il désirait connaître les résultats de l’entrevue avant de payer. On a expliqué au demandeur qu’il devait acquitter les frais prescrits s’il voulait que l’on tienne compte des renseignements relatifs à son épouse lors de l’entrevue et on lui a alors accordé la possibilité de régler les frais en question. Le demandeur a déclaré qu’il pouvait les payer, mais qu’il n’avait pas assez d’argent sur lui. L’agent a refusé d’attendre les deux heures dont le demandeur affirmait avoir besoin pour obtenir l’argent (Dossier du demandeur, notes versées au système STIDI, à la page 93).

 

[6]               Au cours de l’entrevue, l’agent est arrivé à la même conclusion, au sujet des diplômes du demandeur, que celle qui avait déjà été tirée. Il a fait part de ses réserves au demandeur, qui s’est dissocié des explications fournies par l’agent. Le demandeur a également soulevé la question de savoir pourquoi l’agent n’avait pas tenu compte des renseignements relatifs à son épouse lors de son évaluation. L’agent lui a rappelé qu’il n’avait pas acquitté les frais prescrits pour son épouse. Il a également expliqué au demandeur que, même s’il avait été tenu compte des renseignements relatifs à son épouse, il n’aurait toujours pas rempli les conditions requises pour obtenir un visa de travailleur qualifié (Dossier du demandeur, notes versées au système STIDI, aux pages 93 et 94).

 

[7]               Une lettre de refus datée du 6 février 2007 a été envoyée au demandeur. Le 12 mars 2007, l’agent des visas a été saisi d’une demande de réexamen.

 

[8]               Peu de temps après avoir été avisé de la décision défavorable, le nouvel avocat du demandeur a écrit au bureau de traitement des cas d’Islamabad, au Pakistan. Il a fait valoir que l’on avait à tort attribué au demandeur seulement cinq points sur un total de 25 pour ses études, alors qu’en réalité, il aurait dû obtenir 15 points de plus dans cette catégorie. Se fondant sur son examen des diplômes et du relevé de notes du demandeur, l’avocat soutenait que son client aurait dû obtenir, non pas cinq, mais 20 points pour ses études.

 

[9]               Par lettre datée du 2 avril 2007, un agent des visas chargé d’examiner les demandes de réexamen a informé le demandeur que sa demande avait été réexaminée, mais qu’elle avait été examinée sur le fond dans une lettre datée du 6 février 2007 et que, malgré les renseignements complémentaires soumis, le demandeur ne satisfaisait toujours pas aux exigences prescrites, de sorte que le refus était confirmé. L’agent des visas a répété qu’il n’y avait pas lieu d’accorder des points au demandeur pour le baccalauréat qui lui avait été décerné. L’agent des visas a également expliqué que le dossier était clos et qu’il n’y aurait pas d’autre correspondance à ce sujet (Dossier du demandeur, à la page 43).

 

[10]           Le 20 avril 2007, l’avocat du demandeur a écrit à l’agent des visas pour lui faire valoir que cette conclusion ne tenait pas compte de la façon dont les diplômes sont conférés par l’université du Pendjab, et que cette conclusion n’avait pas d’incidence sur le nombre de points qui devaient être attribués au demandeur (affidavit de Lynda DeBraga, dossier du demandeur, onglet 5, annexe F).

 

[11]           Aucune autre lettre n’a été envoyée par le Bureau des visas, d’où la présente demande de contrôle judiciaire, introduite en juin 2007.

 

II. La décision contestée

[12]           Dans une lettre datée du 6 février 2007, l’agent des visas a informé M. Hameed qu’après avoir évalué sa demande de visa de résident permanent dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) conformément à l’article 85.1 du Règlement précité, il avait été décidé qu’il ne satisfaisait pas aux exigences requises pour immigrer au Canada et que sa demande était, en conséquence, refusée.

 

[13]           Voici l’évaluation que l’agent des visas a faite sous le régime de la Loi sur l’immigration, précitée :

 

Points attribués

Maximum

Âge

10

10

Facteur professionnel

01

10

Études et formation

15

18

Expérience

06

08

Emploi réservé

00

10

Facteur démographique

08

08

Études

10

16

Connaissance de l’anglais

02

09

Connaissance du français

00

06

Prime

00

05

Personnalité

03

10

Total

55

100

 

Comme l’ancienne loi exigeait que l’intéressé recueille 70 points, le demandeur a été considéré comme n’ayant pas satisfait à l’exigence minimale.

L’agent des visas a par la suite évalué le cas du demandeur sous le régime de la LIPR. Voici son évaluation :

 

Points attribués

Maximum

Âge

10

10

Études

05

25

Expérience

21

21

Emploi réservé

00

10

Compétence linguistique (connaissance des langues officielles)

anglais

français

07

24

Capacité d’adaptation

Diplômes de l’époux, épouse ou conjoint de fait qui l’accompagneÉtudes antérieures au Canada / Travail antérieur au Canada Emploi réservé / Proches parents au Canada

00

10

Points

43

100

 

[14]           Comme le demandeur n’avait obtenu au total que 43 points, alors que le nombre minimum requis est de 67, l’agent a également déterminé que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences prévues par la LIPR.

 

[15]           En conséquence, l’agent des visas a conclu qu’il n’était pas convaincu que le demandeur serait en mesure de réussir son établissement économique au Canada, et il a finalement refusé la demande de résidence permanente du demandeur (Motifs du Haut-commissariat du Canada, Dossier du demandeur, aux pages 3 et 4).

 

[16]           De plus, par lettre datée du 2 avril 2007, un agent de réexamen a confirmé la décision initiale en expliquant au demandeur que, malgré les renseignements complémentaires qu’il avait soumis, il ne pouvait obtenir de points pour son diplôme ès arts parce qu’il avait terminé ce cours en tant que candidat privé (lettre du Haut-commissariat du Canada en date du 2 avril 2007, affidavit de Lynda DeBraga, annexe E, dossier du demandeur, à la page 43).

 

III. Prétentions et moyens des parties

            Prétentions et moyens du demandeur

[17]           Le demandeur affirme que l’agent des visas n’a pas tenu compte de la façon dont l’université du Pendjab confère ses diplômes et qu’il a ainsi accordé un poids démesuré à ce facteur lorsqu’il a déterminé le nombre de points devant être attribués au demandeur.

 

[18]           Il ajoute que l’université du Pendjab, qui lui a décerné ce diplôme, n’est pas un établissement fréquenté par des étudiants du premier cycle. Elle fait plutôt passer des examens à des étudiants qui ont fréquenté d’autres établissements d’enseignement et elle leur confère des diplômes en conséquence, ce qui ne veut pas dire que M. Hameed n’a pas obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant deux années d’études ou qu’il n’a pas accumulé un total d’au moins quatorze années d’études. Le diplôme et le relevé de notes de M. Hameed confirment qu’il a obtenu son diplôme universitaire après avoir fréquenté l’Islamia College Civil Lines, Lahore. La lettre de la Commission des études supérieures du Pakistan confirme d’ailleurs que ce diplôme reconnaît que M. Hameed a accumulé un total d’au moins quatorze années d’études à temps plein complètes, satisfaisant ainsi aux exigences du sous-alinéa 79(1)d)(ii) du Règlement (annexe F de l’affidavit de Lynda DeBraga).

 

Prétentions et moyens du défendeur

[19]           Le défendeur affirme que le demandeur n’a pas accumulé suffisamment de points, que l’on applique l’un ou l’autre régime, pour remplir les conditions nécessaires pour obtenir un visa de résident permanent dans la catégorie des travailleurs qualifiés. C’est pourquoi sa demande a été rejetée (Mémoire du défendeur, au paragraphe 10).

 

[20]           Le défendeur ajoute que le demandeur a fourni des éléments de preuve tendant à démontrer qu’il avait obtenu son baccalauréat ès arts de l’université du Pendjab en tant qu’étudiant externe. Il fait observer qu’on entend par étudiant externe celui qui se présente à un examen en vue d’obtenir un diplôme ou un certificat en tant que candidat privé, c’est-à-dire en tant que personne qui, au moment où elle subit l’examen final, ne fréquentait pas à temps plein l’établissement d’enseignement chargé de décerner le diplôme, ni un collège reconnu affilié à cet établissement (affidavit de Georges Ménard, au paragraphe 2).

 

IV. Question en litige

[21]           La seule question en litige devant la Cour est la suivante :

            (1)        L’agent des visas a-t-il commis une erreur en se fondant sur des renseignements non pertinents ou étrangers pour déterminer qu’il ne pouvait tenir compte du baccalauréat ès arts du demandeur parce qu’il avait achevé ses études en tant qu’étudiant privé?

 

V. Analyse

            Norme de contrôle

[22]           Dans le cas qui nous occupe, l’agent des visas devait déterminer si le demandeur remplissait les conditions prévues par la loi pour pouvoir obtenir des points d’appréciation pour ses études. Bien qu’il soit appelé jusqu’à un certain point à interpréter la loi, l’agent des visas s’est surtout attardé en l’espèce à tirer des conclusions de fait. Les conclusions de fait tirées par un tribunal spécialisé commandent la retenue judiciaire.

 

[23]           Dans le jugement Hua, cité ci-après, la Cour a conclu que la norme de contrôle à appliquer dans le contexte d’une décision générale de l’agent des visas est celle de la décision manifestement déraisonnable (Hua c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 2106, au paragraphe 28 (QL)).

 

[24]           La Cour a également discuté de la question dans le jugement Kniazeva, cité ci-après, où elle déclare ce qui suit :

15     […] La Cour a constamment jugé que l’expertise particulière des agents des visas exige la retenue dans le contrôle de leurs décisions. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que l’appréciation d’une personne qui demande la résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) relève de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire à l’égard duquel la Cour doit faire preuve d’une très grande retenue. Dans la mesure où cette appréciation a été faite de bonne foi, en respectant les principes de justice naturelle applicables et sans l’intervention de facteurs extrinsèques ou étrangers à la question, la norme de contrôle applicable à la décision de l’agent des visas devrait être celle de la décision manifestement déraisonnable [renvois omis]

 

(Kniazeva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. no 336, au paragraphe 15 (QL))

 

[25]           La juge Elizabeth Heneghan a également estimé, à la suite d’une analyse pragmatique et fonctionnelle, qu’il y a lieu de faire preuve d’un degré élevé de retenue envers les décisions prises par les agents des visas en matière de délivrance de visas. Elle explique ce qui suit :

[15]      Tout compte fait, les quatre facteurs appellent la Cour à faire preuve d’un degré élevé de retenue envers la décision de l’agente des visas. Je conclus que la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision manifestement déraisonnable.

 

(Tervinder Singh Tiwana c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 100)

 

[26]           Dans le cas qui nous occupe, je dois tenir compte du fait que Sean Carey, l’agent des visas qui a rendu la décision du 2 avril 2007, possédait peu d’expérience dans le domaine. La transcription du contre-interrogatoire qu’il a subi au sujet de son affidavit indique qu’il n’avait reçu qu’une journée et demie de formation et qu’il n’avait accumulé que peu d’expérience au moment où il a rédigé sa décision (de janvier à mars 2007, à titre temporaire et avant de reprendre ses fonctions le 13 août 2007).

 

[27]           Je dois également reconnaître que, saisi d’une demande de réexamen, Georges Ménard, un agent expérimenté, a confirmé la décision. Il n’en demeure pas moins que la conclusion a été tirée par M. Carey, un fonctionnaire sans expérience.

            Cadre législatif

[28]           L’article 12 de la LIPR régit les demandes de résidence permanente fondées sur des motifs économiques. En voici le texte :

12. (2) Immigration économique – La sélection des étrangers de la catégorie « immigration économique » se fait en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada.

12. (2) Economic immigration – A  foreign national may be selected as a member of the economic class on the basis of their ability to become economically established in Canada.

 

[29]           Les articles 73 à 85 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, précité, régissent l’évaluation des demandes de résidence permanente présentées dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).

 

[30]           Les dispositions pertinentes du Règlement sont celles qui se rapportent à l’évaluation des études.

 

[31]           L’article 73 du Règlement est ainsi libellé :

73. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente section.

 « diplôme » Tout diplôme, certificat de compétence ou certificat d’apprentissage obtenu conséquemment à la réussite d’un programme d’études ou d’un cours de formation offert par un établissement d’enseignement ou de formation reconnu par les autorités chargées d’enregistrer, d’accréditer, de superviser et de réglementer les établissements d’enseignement dans le pays de délivrance de ce diplôme ou certificat. (educational credential)

 

73. The definitions in this section apply in this Division.

 “educational credential” means any diploma, degree or trade or apprenticeship credential issued on the completion of a program of study or training at an educational or training institution recognized by the authorities responsible for registering, accrediting, supervising and regulating such institutions in the country of issue. (diplôme)

 

[32]           L’alinéa 78(2)d) du Règlement porte :

78. (2) Un maximum de 25 points d’appréciation sont attribués pour les études du travailleur qualifié selon la grille suivante :

[…]

d) 20 points, si, selon le cas :

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant deux années d’études et a accumulé un total de quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

(ii) il a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant deux années d’études et a accumulé un total d’au moins quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

[…]

78. (2) A maximum of 25 points shall be awarded for a skilled worker's education as follows:

[…]

(d) 20 points for

(i) a two-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 14 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or

(ii) a two-year university educational credential at the bachelor's level and a total of at least 14 years of completed full-time or full-time equivalent studies;

[…]

(1) L’agent des visas a-t-il commis une erreur en se fondant sur des renseignements non pertinents ou étrangers pour déterminer qu’il ne pouvait tenir compte du baccalauréat ès arts du demandeur parce qu’il avait achevé ses études en tant qu’étudiant privé?

 

 

[33]           L’agent des visas a estimé que le demandeur avait obtenu son baccalauréat en tant que « étudiant privé ou externe » et qu’il n’avait donc pas accumulé un total « d’au moins quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein » contrairement à ce qu’exige l’alinéa 78(2)(ii) du Règlement, précité.

 

[34]           Le défendeur ne prétend pas que le demandeur n’a pas accumulé quatorze années d’études. On peut répartir comme suit les études suivies par le demandeur :

-                     Diplôme d’études secondaires (10 années) (dossier du demandeur, p. 30);

-                     Études collégiales  - Government College, Baghbanpura, Lahore (2 ans) (dossier du demandeur, p. 31);

-                     Baccalauréat ès art (décerné par l’université du Pendjab) (2 ans) (dossier du demandeur, p. 33).

 

[35]           De plus, une lettre émanant de la Commission des études supérieures du Pakistan qui a été portée à l’attention de l’agent des visas après l’entrevue du demandeur confirmait que le baccalauréat ès arts que le demandeur avait obtenu de l’université du Pendjab correspondait à un baccalauréat décerné dans le domaine pertinent au terme de quatorze années d’études (dossier du demandeur, à la page 41).

 

[36]           L’agent des visas n’a toutefois attribué aucun point pour les études de niveau universitaire que le demandeur avait suivies pendant deux ans et il ne lui a accordé que cinq points d’appréciation pour ses études. L’agent des visas a fondé sa conclusion sur le fait que le demandeur était un étudiant privé ou externe et qu’il n’avait en conséquence pas accumulé quatorze années d’études à temps plein complètes. Cette décision est incompatible avec la définition du terme « diplôme » que l’on trouve à l’article 73 du Règlement :

73. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente section.

 « diplôme » Tout diplôme, certificat de compétence ou certificat d’apprentissage obtenu conséquemment à la réussite d’un programme d’études ou d’un cours de formation offert par un établissement d’enseignement ou de formation reconnu par les autorités chargées d’enregistrer, d’accréditer, de superviser et de réglementer les établissements d’enseignement dans le pays de délivrance de ce diplôme ou certificat. (educational credential)

73. The definitions in this section apply in this Division.

 “educational credential” means any diploma, degree or trade or apprenticeship credential issued on the completion of a program of study or training at an educational or training institution recognized by the authorities responsible for registering, accrediting, supervising and regulating such institutions in the country of issue. (diplôme)

 

 

[37]           En ce qui concerne l’allégation du défendeur, le demandeur relève que l’agent des visas n’a pas tenu compte de la façon dont les diplômes sont conférés par l’université du Pendjab (lettre de l’avocat du demandeur en date du 20 avril 2007, dossier du demandeur, à la page 46).

 

[38]           Le demandeur affirme tout d’abord que l’université du Pendjab, qui lui a décerné ce diplôme, n’est pas un établissement « fréquenté » par des étudiants du premier cycle. Cette université fait plutôt passer des examens à des étudiants qui ont fréquenté d’autres établissements d’enseignement et elle leur confère des diplômes en conséquence, ce qui ne veut cependant pas dire que le demandeur n’a pas obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant deux années d’études ou qu’il n’a pas accumulé un total d’au moins quatorze années d’études (lettre de l’avocat du demandeur en date du 20 avril 2007, dossier du demandeur, à la page 46).

 

[39]           Contrairement à ce que la juge Danièle Tremblay-Lamer a conclu dans l’affaire Cela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 1324 (QL), dans  laquelle l’agente avait refusé la demande de résidence permanente au Canada présentée par le demandeur parce qu’elle n’était pas convaincue que le demandeur satisfaisait aux conditions prescrites par la loi, le demandeur a, dans le cas qui nous occupe, fourni au défendeur une attestation d’études au sujet de son baccalauréat. La juge Tremblay-Lamer fait observer ce qui suit :

[8]        L'agente a reconnu que la demanderesse avait suivi un cours d'éducation aux adultes en comptabilité alors qu'elle vivait au Canada. Toutefois, compte tenu que la demanderesse n'a pas démontré que le cours était l'un de ceux dont la description figure au paragraphe 78(2) des Règles, l'agente n'a pas conclu que le cours de comptabilité justifiait l'accord de points supplémentaires.

[9]       Je ne conclus pas que l'agente a commis une erreur dans son appréciation des études de la demanderesse. La demanderesse a présenté des relevés de notes provenant du Yorkdale Adult Learning Centre attestant qu'elle avait suivi des cours de comptabilité. Toutefois, aucun de ces documents n'indique que la demanderesse avait reçu un titre de compétences pour ses études. Par conséquent, je conclus que l'agente a évalué d'une manière raisonnable les éléments de preuve qui ont été présentés et a accordé à la demanderesse un nombre de points suffisant pour ses études.

 

(Jugement Cela, précité, aux paragraphes 8 et 9).

 

[40]           Par ailleurs, le défendeur ne conteste pas le fait que le demandeur est titulaire d’un baccalauréat et il ne prétend pas que le demandeur n’a pas accumulé quatorze années d’études. Le défendeur soutient que le demandeur n’était pas un étudiant à temps plein à l’époque où son diplôme lui a été décerné et il affirme que le demandeur était un étudiant qui suivait des cours privés. Le demandeur a toutefois expliqué ce qui suit au cours de l’entrevue :

[TRADUCTION]

 

[…] Je n’étais pas d’accord avec l’agent des visas. J’avais le diplôme avec moi et j’ai essayé sans succès de le lui montrer (que l’on trouve à la page 33 du dossier de la demande). J’ai également essayé de montrer à l’agent mon relevé de notes de l’université du Pendjab (que l’on trouve à la page 32 du dossier de la demande) ainsi que mon attestation de bonne vie et mœurs délivré par le Government of Islamia College, Civil Lined, Lahore (que l’on trouve à la page 49 du dossier de la demande), qui confirmaient que j’avais été inscrit à ce collège de 1981 à 1983 et que j’y avais suivi des études menant à l’obtention d’un baccalauréat ès arts. J’ai suivi ces cours avant de me présenter aux examens du baccalauréat ès arts à l’université du Pendjab en 1984, ce qui est tout à fait normal et fréquent, étant donné que l’université du Pendjab n’est pas un établissement fréquenté par des étudiants du premier cycle. Les étudiants du premier cycle suivent plutôt leurs cours dans un établissement reconnu affilié à l’université du Pendjab (comme celui que j’ai fréquenté, en l’occurrence le Government Islamia College, Civil Lines, Lahore) et passent ensuite leurs examens du baccalauréat à l’université du Pendjab.

 

(Affidavit de Sean Carey, au paragraphe 4; affidavit souscrit le 14 décembre 2007 par Saqib Hameed, au paragraphe 3).

 

[41]           Le demandeur explique en outre ce qui suit :

[TRADUCTION]

 

6. Je constate que le diplôme que l’université du Pendjab m’a décerné indique que j’étais un « étudiant externe », alors que celui de ma conjointe ne porte pas cette mention. Dans son affidavit du 8 août 2007, Georges Ménard explique que le fait que j’étais qualifié d’étudiant externe signifiait que je ne fréquentais pas à temps plein un collège affilié au moment où je me suis présenté à mes examens finaux. C’est exact, étant donné que j’ai achevé mes études à temps plein vers juin 1983 et que j’ai subi mes examens finaux un an plus tard afin de mieux me préparer pour les examens. C’est la raison pour laquelle j’étais considéré comme un étudiant externe, contrairement à mon épouse, qui s’est présentée à ses examens du baccalauréat à l’université du Pendjab la même année que celle où elle a terminé ses études au Queen Mary College, Lahore (un autre établissement reconnu affilié à l’université du Pendjab).

 

(Affidavit souscrit le 14 décembre 2007 par Saqib Hameed, au paragraphe 6)

 

[42]           Au cours du contre-interrogatoire, l’agent des visas a confirmé l’assertion du demandeur sur les facteurs servant à désigner une personne d’« étudiant privé ou externe ». L’agent a expliqué ce qui suit :

[TRADUCTION]

 

17. Q. Et si une personne fréquente ce collège affilié à temps plein et se présente ensuite à l’université du Pendjab pour subir ses examens, cette personne serait-elle considérée comme un étudiant privé ou externe?

R. Tout dépend du moment où elle se présente à ses examens.

18. Q. D’accord. Expliquez-moi la chose.

A. Si un candidat fréquente le collège à temps plein, termine tous ses cours, prend un congé et se présente à ses examens à la fin, il se présente encore à ses examens en tant que candidat privé parce qu’il ne fréquentait pas un établissement à temps plein au moment où il a terminé ses études.

 

(Contre-interrogatoire de Sean Carey, aux pages 4 et 5)

 

 

[43]           Le demandeur a en conséquence satisfait aux deux critères lui permettant d’obtenir 20 points pour ses études : 1) il était titulaire d’un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant deux années d’études et 2) ainsi que le confirment la lettre de la Commission des études supérieures et les déclarations faites par Sean Carey lors de son contre-interrogatoire, le demandeur avait accumulé quatorze années d’études à temps plein complètes malgré le fait que son diplôme le qualifiait d’étudiant privé ou externe.

 

[44]           M. George Ménard, agent de réexamen, allègue que le demandeur s’est inscrit simplement pour se présenter aux examens finaux nécessaires pour pouvoir obtenir son baccalauréat de l’université du Pendjab et qu’il n’a pas complété les études à temps plein requises pour pouvoir obtenir son baccalauréat de l’établissement chargé de décerner le diplôme ou d’un établissement affilié reconnu. La preuve présentée par le demandeur démontre toutefois le contraire. L’attestation de bonne vie et mœurs du demandeur délivrée par le Government Islamia College, Civil Lines, Lahore, et dont l’agent des visas disposait, confirmait que le demandeur avait été inscrit de 1981 à 1983 à l’université et qu’il avait suivi un programme d’études menant à un baccalauréat ès arts. En outre, ainsi que la Commission des études supérieures l’a confirmé, le baccalauréat ès arts conféré au demandeur par l’université du Pendjab a été reconnu comme l’équivalent du baccalauréat correspondant décerné par d’autres universités et établissements à charte au terme de quatorze années d’études (affidavit de Georges Ménard, au paragraphe 2; affidavit souscrit le 14 décembre 2007 par Saqib Hameed, au paragraphe 8).

 

[45]           Vu ce qui précède, la Cour estime que la conclusion de l’agent des visas suivant laquelle le demandeur avait obtenu son diplôme en qualité d’étudiant privé n’avait rien à voir avec la conclusion qu’il devait tirer aux termes du sous-alinéa 78(2)d)(ii) du Règlement, qui exige seulement que le demandeur démontre qu’il a un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant deux années d’études et qu’il a accumulé au total au moins quatorze années d’études à temps plein complètes équivalentes.

 

[46]           Cette conclusion semble aller complètement à l’encontre du Guide des programmes des travailleurs qualifiés (fédéral) (OP6), qui prévoit ce qui suit :

L’évaluation des programmes d’études et l’attribution des points sont basées sur les normes existantes dans le pays où les études ont été faites. Le Règlement ne prévoit pas de comparaisons avec le système scolaire canadien.

 

(Citoyenneté et Immigration Canada, OP6 Guide des travailleurs qualifiés (fédéral), www.cic.gc.ca/francais/ressources/guides/op/op06f.pdf)

 

[47]           Ainsi que la juge Heneghan de la Cour fédérale le signale dans une décision récente :

[23]        La définition de « diplôme » dans le RIPR est claire : l’obtention de points à ce titre, conformément au sous-alinéa 78(2)d)(ii), exige la réussite d’un programme et la délivrance d’un diplôme ou d’un certificat.

 

(Tiwana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 100)

 

[48]           Il est évident que les normes auxquelles il faut satisfaire au Pakistan pour pouvoir obtenir un baccalauréat universitaire ont été respectées et ce, peu importe que le demandeur ait fréquenté l’université du Pendjab en tant que candidat privé ou en une autre qualité.

 

[49]           En résumé, en interprétant erronément des documents et une lettre d’explications qui émanaient d’autorités universitaires compétentes et dont l’authenticité n’a pas été remise en question et en ne donnant pas effet à ces documents, l’agent a commis une erreur qui justifie notre intervention.

 

[50]           De plus, le défaut du tribunal administratif de tirer des inférences et des conclusions fondées sur la rationalité ou la bonne décision peut être qualifié d’erreur manifestement déraisonnable (voir les jugements Zhang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 550, [2006] A.C.F. no 692 (QL), au paragraphe 31; Lim. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 657, [2005] A.C.F. no 810, aux paragraphes 21 et 22).

 

V. Dispositif

[51]           Vu ce qui précède, la Cour conclut que l’agent des visas a commis une erreur en refusant la demande de résidence permanente au Canada présentée par le demandeur. La présente demande de contrôle judiciaire est par conséquent accueillie. Aucune question n’est certifiée.

JUGEMENT

LA COUR ACCUEILLE la présente demande de contrôle judiciaire. Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2383-07

 

INTITULÉ :                                       Saquib Hameed et autre

                                                            c.

                                                            MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 13 FÉVRIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SUPPLÉANT FRENETTE

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 29 FÉVRIER 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me David Orman

 

POUR LES DEMANDEURS

Me Judy Michaely

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me David Orman

70, rue Bond, bureau 500

Toronto (Ontario)  M5B 1X3

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

                                                                                                           

 

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