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Date : 20080228

Dossier : IMM-2018-07

Référence : 2008 CF 263

ENTRE :

SAMIRA WILSON BINYAMIN

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

 

INTRODUCTION

[1]               Les présents motifs font suite à l’instruction, à Toronto, le 19 février 2008, de la demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a refusé de reconnaître à la demanderesse la qualité de réfugiée au sens de la Convention et celle de personne à protéger au Canada. La décision à l’examen est datée du 11 avril 2007.

 

CONTEXTE

[2]               La demanderesse est une citoyenne de l’Iraq. Elle fonde sa demande d’asile sur le fait qu’elle a été renvoyée de l’Iraq parce qu’elle est de nationalité assyrienne et de religion chrétienne et du fait de ses opinions politiques, en l’occurrence qu’elle serait contre l’« occupation » américaine et le gouvernement iraquien actuel. La demanderesse dit craindre en outre les « insurgés ». Elle affirme par ailleurs craindre d’être renvoyée en Australie [traduction] « […] à cause des violences que j’ai subies de la part de mon mari en Australie ».

 

[3]               La demanderesse allègue être née en Iraq au sein d’une famille très religieuse et conservatrice. Elle n’a pas beaucoup d’instruction. Elle dit que cette réalité s’explique par le conservatisme de son père.

 

[4]               La demanderesse a épousé un dénommé Sargon Kenna, un Assyrien iraquien qui est également citoyen de l’Australie. Peu de temps après le mariage, le mari de la demanderesse est retourné en Australie. Il était convenu que la demanderesse irait le rejoindre en Australie.

 

[5]               Au début d’avril 2004, la demanderesse a fait l’objet d’une tentative d’enlèvement. Elle allègue que, par suite de cet événement, ses parents ont décidé de l’envoyer en Syrie, où elle est demeurée pendant presque deux ans, jusqu’à son départ pour l’Australie, le 18 mars 2006.

 

[6]               Malheureusement, le bref séjour de la demanderesse en Australie n’a pas répondu à ses attentes, malgré son statut assuré de résidente temporaire. Elle a découvert que son mari était sans emploi, qu’il vivait de l’aide sociale et qu’il avait un mode de vie sur lequel elle ne pouvait fermer les yeux. À ses dires, son mari était [traduction] « très dominateur et violent envers [elle] tant en paroles que physiquement ». Elle relate dans l’exposé circonstancié de son Formulaire de renseignements personnels que son mari l’a battu à trois reprises au cours de la brève période qu’elle a passée en Australie.

 

[7]               Un des leurs amis se mariait au Canada et les a invités, elle et son mari, à venir au Canada. La demanderesse et son mari ont accepté l’invitation et sont arrivés au Canada le 18 juin 2006, exactement trois mois après l’arrivée de la demanderesse en Australie.

 

[8]               La demanderesse et son mari ont assisté au mariage le 24 juin 2006. Le jour du mariage, le mari de la demanderesse s’est mal comporté. La demanderesse a décidé de le quitter et de demeurer au Canada. Elle a ensuite revendiqué au Canada le statut de réfugiée au sens de la Convention ou celui de personne à protéger.

 

[9]               Le mari de la demanderesse est rentré en Australie avec le billet de vol de retour de la demanderesse, qui a demandé le divorce.

 

[10]           Le mari de la demanderesse avait parrainé la demande de résidence en Australie de la demanderesse, qui a obtenu le statut de résidente « provisoire » le 27 février 2006, peu de temps avant de quitter la Syrie pour l’Australie. Voici un extrait de son visa :

 

[traduction] Le(la)(les) titulaire(s) est(sont) autorisé(e)(s) à entrer en Australie et à y demeurer jusqu’à ce qu’une décision soit prise au sujet de la demande de visa de résident permanent ou que la demande de visa de résident permanent soit retirée. Entrées et sorties multiples[1].

 

[11]           Par lettre datée du 21 novembre 2006, la demanderesse a été informée par l’avocat qui représentait son mari que ce dernier avait décidé de ne plus appuyer la demande qu’elle avait présentée en vue d’obtenir un statut plus permanent en Australie[2].

 

[12]           Par lettre datée du 15 janvier 2007, la demanderesse a été informée par le ministère australien de l’Immigration et des Affaires multiculturelles que son mari lui avait effectivement retiré son appui. Elle a été informée de ce qui suit :

 

[traduction] Avant qu’une décision ne soit prise au sujet de votre demande, vous avez la possibilité de répondre [à l’avis envoyé par le mari de la demanderesse], d’expliquer votre situation actuelle et les raisons qui ont amené l’échec de votre union.

 

[…]

 

Il vous est loisible de retirer votre demande, à condition de le faire par écrit. Si vous retirez votre demande, il vous sera délivré (ou vous aurez déjà) un visa de transition qui vous permettra de demeurer en Australie pour une période de 28 jours après le retrait de votre demande. Durant cette période, vous devrez quitter l’Australie, à moins que vous n’ayez obtenu un autre visa que le visa de transition susmentionné. Si vous vous trouvez à l’extérieur de l’Australie, aucun visa de transition ne vous sera délivré[3].

 

[13]           La demanderesse a retiré sa demande visant à obtenir un statut plus permanent en Australie. Par lettre datée du 12 mars 2007, le ministère australien de l’Immigration et de la Citoyenneté l’a informée de ce qui suit :

 

[traduction]  Nous vous remercions de nous avoir informés par écrit de votre décision de retirer votre demande. Votre dossier est désormais classé et porte la mention DÉSISTEMENT[4].

 

[14]           J’interprète l’avis qui précède comme signifiant qu’en date du 12 mars 2007, c’est-à-dire avant la date de la décision à l’examen, la demanderesse était en situation irrégulière en Australie. 

 

DÉCISION À L’EXAMEN

[15]           D’entrée de jeu, la SPR écrit ce qui suit, dans les motifs de sa décision, sous la rubrique « DÉCISION » :

Après avoir examiné toute la preuve, le tribunal conclut que la demandeure d’asile n’a pas qualité de réfugié au sens de la Convention, car elle ne craint pas la persécution pour un motif de la Convention au Canada, ni qualité de personne à protéger pour les motifs suivants. 

 

En bref, le tribunal estime que, d’après la preuve dont il dispose, la demandeure d’asile est une résidente des États-Unis. Par conséquent, l’exclusion prévue à la section 1E s’applique.

 

Le tribunal conclut que la demandeure d’asile ne serait pas exposée à une menace à sa vie, à un risque de traitements ou peines cruels et inusités ou à un risque de torture si elle retournait dans son pays de résidence.

 

 

[16]           De toute évidence, la mention des États-Unis dans l’extrait précité n’est rien d’autre qu’une erreur technique. C’est l’Australie qui aurait dû être nommée, le pays où elle avait résidé antérieurement, bien que très brièvement.

 

[17]           La SPR n’a pas conclu de façon générale à un manque de crédibilité de la part de la demanderesse. Elle a toutefois estimé que trois points précis de son témoignage étaient invraisemblables et que deux autres points de son témoignage n’étaient pas crédibles. La SRP n’a pas émis de doutes en ce qui concerne le sentiment de dépaysement que la demanderesse a éprouvé en Australie, et je suis disposé à prendre connaissance d’office du fait que la culture australienne est radicalement différente de celle des pays du Moyen-Orient où la demanderesse avait vécu jusque­‑là. Qui plus est, il semble qu’elle ne parlait pas la langue de la majorité en Australie. De même, aucun doute n’a été exprimé au sujet de ses affirmations que son mari l’avait encouragé lorsqu’elle s’était montrée intéressée à l’accompagner au Canada. Aucun doute n’a par ailleurs été formulé en ce qui concerne l’objet de leur visite au Canada ou les agissements de son mari au Canada qui auraient constitué selon elle l’incident culminant qui l’a convaincue de le quitter et de ne pas rentrer en Australie. Essentiellement, pour déterminer que la demanderesse était exclue par application de l’article 1E de la Convention, la SPR a tout simplement estimé que la demanderesse cherchait le tribunal « le plus accommodant ».

 

[18]           Vu la décision relative à l’exclusion, la SPR a décidé de ne pas examiner la demande d’asile de la demanderesse en fonction de ses craintes de retourner en Iraq. Ceci étant dit, si elle est confirmée, la décision de la SPR aura pour effet d’obliger maintenant la demanderesse à retourner en Iraq, bien que les renvois vers l’Iraq soient « temporairement » suspendus[5].

 

RÉGIME LÉGISLATIF

[19]           L’article 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés[6] a pour effet de refuser toute protection, et notamment la protection de la Convention, aux personnes visées à la section E et à la section F de l’article 1 de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et le protocole afférent, signé à New York le 31 janvier 1967. Ces sections de l’article 1 de la Convention sont reproduites dans l’annexe de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

[20]           L’article 1E dispose :

E. Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.

 

E. This Convention shall not apply to a person who is recognized by the competent authorities of the country in which he has taken residence as having the rights and obligations which are attached to the possession of the nationality of that country.

 

 

QUESTIONS EN LITIGE

[21]           Dans le mémoire déposé pour le compte de la demanderesse dans le cas qui nous occupe, l’avocat de la demanderesse cerne deux questions que je paraphraserai ainsi : premièrement, la Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que la demanderesse était exclue par application de l’article 1E de la Convention sur les réfugiés et, en second lieu, la SPR a-t-elle outrepassé sa compétence et commis une erreur de droit en examinant la demande d’asile de la demanderesse en fonction de l’Australie? À l’audience que j’ai présidée, l’avocat de la demanderesse a reformulé ces questions et les a divisées en trois. Je suis convaincu qu’une seule question se pose dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire et je la formulerais de façon générale comme suit : la SPR a-t-elle commis une erreur qui justifie notre intervention en déclarant que la demanderesse était exclue par application de l’article 1E de la Convention sur les réfugiés?

 

ANALYSE

            a)         Norme de contrôle

[22]           Dans le jugement Romero c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)[7], ma collègue la juge Snider, qui était saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’exclusion fondée sur l’article 1E écrit ce qui suit, au paragraphe 6 de ses motifs :

 

Je dois d’abord déterminer la norme de contrôle qui s’applique à la décision de la Commission sur la question de l’exclusion. Les demanderesses avaient le statut de résidente permanente, comme le montrent leurs cartes de résidente permanente. On a dit que ces cartes étaient « conditionnelles » parce qu’elles expiraient deux ans après leur délivrance, mais leur durée de validité pouvait être prolongée en vertu de l’article 216 de l’Immigration and Naturalization Act des États‑Unis. Aussi, pour rendre sa décision, la Commission devait notamment analyser et interpréter les dispositions pertinentes de cette loi. À mon avis, cet aspect particulier de la décision de la Commission est une question de droit à laquelle la norme applicable est la décision correcte. Cependant, si l’interprétation donnée par la Commission à cette loi est correcte, ses conclusions concernant la question de savoir si les demanderesses sont visées par l’article 98 de la LIPR seront examinées à la lumière de la décision manifestement déraisonnable.

 

[Renvois omis, non souligné dans l’original.]

 

 

Je suis d’accord avec ce raisonnement et je le fais mien.

 

 

b)         La charge de la preuve

[23]           Dans le jugement Romero, la juge Snider poursuit, au paragraphe 8 :

 

La jurisprudence récente sur cette question a établi le fardeau de preuve qui incombe à chaque partie lorsqu’il faut décider si la section 1E s’applique (Hassanzadeh, précitée; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Choovak, [2002] A.C.F. no 767 (1re inst.); Shahpari c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 429 (1re inst.)). Selon ces décisions, le ministre doit d’abord démontrer que, à première vue, un demandeur peut retourner dans un pays où il jouit des droits des citoyens de ce pays. Le demandeur doit démontrer ensuite pourquoi, ayant laissé son statut de résident permanent expirer, il n’aurait pas pu demander et obtenir une nouvelle carte de résident permanent.

[Renvois omis.]

 

[24]           Vu les faits de la présente affaire, le ministre n’a pas pris part aux débats devant la SPR. La SPR a été laissée à elle-même, vraisemblablement sans avoir en main les dispositions législatives australiennes concernant la question du droit de la demanderesse de retourner en Australie à la date pertinente, ce qui nous amène à nous interroger sur la « date pertinente » qui permet de définir le droit de retour.

 

c)         Date pertinente à retenir pour définir le droit de retour

[25]           Dans l’affaire Mahdi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)[8], la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur la question de la date à retenir pour prononcer l’exclusion par application de l’article 1E de la Convention. Se fondant sur les faits de l’affaire, le juge Pratte écrit ce qui suit, au nom de la Cour, au paragraphe 12 :

 

[…] la question véritable que la Commission devait trancher dans cette affaire était la suivante: l'intimée était-elle, lorsqu'elle a demandé son admission au Canada, une personne qui était encore reconnue par les autorités compétentes des États-Unis comme un résident permanent de ce pays […]  [Non souligné dans l’original.]

 

 

 

Vu l’ensemble des faits de la présente affaire, il est indubitable, si l’on remplace les États-Unis par l’Australie dans la citation qui précède, que la demanderesse avait le statut de résidente australienne « lorsqu’elle a demandé son admission au Canada » et ce, même si son visa était temporaire.

 

[26]           Dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Manoharan[9], j’ai formulé des commentaires au sujet de la décision Mahdi à la lumière de la décision subséquente rendue par notre Cour dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Choovak[10]. Voici ce que j’écris au paragraphe 28 de mes motifs :

 

Selon la preuve présentée à la Cour, lorsque le défendeur a demandé l'admission au Canada, il était, pour paraphraser le libellé de la section 1E de la Convention, une personne considérée par les autorités compétentes de l'Allemagne comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays. Cela dit, les termes de l'arrêt Mahdi ne sont pas absolus à mon avis. Je préfère interpréter ces termes d'une manière conforme au raisonnement suivi par le juge Rouleau dans la décision Choovak. Il faut interpréter la section 1E non seulement de manière à empêcher la recherche abusive du pays le plus favorable, mais également, selon les termes du juge Rouleau, d'une façon « plus conforme à son objet, qui est de fournir un refuge sûr à ceux qui en ont vraiment besoin ». Une telle interprétation est conforme au premier élément de l'objet de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés qui est décrit comme suit au paragraphe 3(2) : « de reconnaître que le programme pour les réfugiés vise avant tout à sauver des vies et à protéger les personnes de la persécution ». Cet élément n'était pas un objet du droit canadien des réfugiés à l'époque de l'arrêt Mahdi et de la décision Choovak […] Cela dit, je suis convaincu, compte tenu des faits très particuliers de l'espèce, que cette décision était correcte et qu'une distinction peut être établie avec l'arrêt Mahdi en raison des faits différents et du nouvel élément de l'objet de la Loi mentionné ci-dessus.  

 

[Certains passages ont été omis.]

 

Dans l’affaire Manoharan, l’avocat du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, qui agissait dans cette affaire comme défendeur, réclamait la certification de la question d’interprétation de la décision Mahdi soulevée dans le paragraphe précité.  J’ai refusé de certifier la question proposée au motif que le paragraphe en question avait un caractère de remarque incidente dans le contexte de cette décision.

 

[27]           Voici ce que la SPR écrit au sujet de cette question, dans ce contexte :

 

Le premier facteur à considérer est la capacité de retourner et de demeurer dans le pays supposément visé par la section 1E, avant que cette disposition puisse être invoquée aux fins d’exclusion de la protection pouvant être offerte en vertu de la Convention sur les réfugiés. La disposition ne se limite pas à un examen des pays où le demandeur d’asile a résidence en tant que réfugié.

 

La demandeure d’asile a rejoint son mari en Australie, après avoir obtenu la permission d’entrer dans ce pays et avoir été parrainée par son mari. 

 

Le tribunal estime que la demandeure d’asile est exclue en vertu de la section 1E.

 

 [Non souligné dans l’original.]

 

[28]           Bien que la SPR cite la décision Mahdi en liaison avec le premier paragraphe du bref passage précité, elle ne le fait pas en rapport avec l’élément de l’arrêt Mahdi de la Cour d’appel fédérale qui se rapporte à la date à retenir pour déterminer l’applicabilité de l’article 1E. D’ailleurs, la SPR passe sous silence la question de la date à retenir ainsi que les réserves que j’avais exprimées dans l’affaire Manoharan, précitée, au sujet des incidences du premier objectif énoncé au paragraphe 3(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Bien que j’aie exprimé l’avis que l’extrait précité du jugement Manoharan avait, dans le contexte de cette décision, valeur de remarque incidente, et que j’aie pour cette raison refusé de certifier la question proposée sur le fondement de ce paragraphe, il ne s’ensuit pas pour autant que la SPR doit faire entièrement fi de la question de la « date effective ».

 

[29]           Je suis convaincu que la question de la date effective est cruciale lorsqu’il s’agit de déterminer si l’exclusion prévue à l’article 1E s’applique, vu l’ensemble des faits de l’espèce.

 

[30]           Il est incontestable que la demanderesse a obtenu son visa australien conditionnel avec l’appui de son mari et, pourrait-on soutenir, uniquement à cause de l’appui de son mari. Lorsqu’elle a demandé l’asile au Canada, son visa était toujours en cours de validité, ce qui veut dire qu’elle avait un droit de retour et un droit de résidence en Australie, bien que pour un temps limité. Son mari lui a retiré son appui en décidant de ne plus la soutenir dans les démarches qu’elle avait entreprises pour obtenir un visa de résidente permanente en Australie. Compte tenu de ce fait, les autorités australiennes ont prié la demanderesse de leur préciser ses intentions. La demanderesse a alors retiré sa demande de résidente permanente en Australie. Il semble que son visa de résidente temporaire est par conséquent devenu caduc avant que son audience n’ait lieu devant la SPR, de sorte que, à la date de l’audience de la SPR, et certainement à la date de la décision à l’examen, elle n’avait peut-être plus de droit de résidence en Australie. Si tel est le cas, et si la date de l’audience de la SPR ou celle de la décision de la SPR constitue effectivement la date à retenir, la décision à l’examen aurait pour effet de priver la demanderesse de tout droit de retourner ailleurs qu’en Iraq, un des pays où elle craint d’être persécutée, suivant les allégations de sa demande d’asile qui n’ont jamais été examinées.

 

CONCLUSION

[31]           Compte tenu de la brève analyse qui précède, je conclus que, peu importe la norme de contrôle que l’on pourrait appliquer, la SPR a commis une erreur qui justifie notre intervention en se livrant à une analyse incomplète et entachée d’irrégularités et en concluant en réponse à la demande d’asile de la demanderesse que cette dernière était exclue par application de l’article 1E de la Convention sur les réfugiés. La décision à l’examen sera annulée et l’affaire sera renvoyée à la SPR pour qu’elle tienne une nouvelle audience et rende une nouvelle décision. Vu l’extrait précité du jugement Romero, suivant lequel le fardeau de preuve qui incombe au ministre est celui de démontrer d’abord que, à première vue, un demandeur d’asile comme la demanderesse peut retourner dans un pays où il jouit des droits des citoyens de ce pays, le défendeur voudra peut-être réfléchir à l’opportunité pour lui de prendre une part active lors de la prochaine instruction de la présente affaire.

 

QUESTION À CERTIFIER

[32]           À la clôture de l’audience, je me suis engagé à offrir aux avocats la possibilité de formuler des observations au sujet de la certification d’une question. Les présents motifs leur seront remis. L’avocat du défendeur aura dix jours à compter de la date des présents motifs pour déposer et signifier des observations écrites. Par la suite, l’avocat de la demanderesse aura sept jours pour déposer et signifier des observations en réponse. Le défendeur aura ensuite trois jours pour déposer et signifier des observations en réplique.

 

 

« Frederick E. Gibson »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 28 février 2008

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-2018-07

 

INTITULÉ :                                                   SAMIRA WILSON BEINYAMIN c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 19 FÉVRIER 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              LE JUGE GIBSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 28 FÉVRIER 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Michael Crane

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me David Joseph

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Michael Crane

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

M. John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 



[1] Dossier du tribunal, à la page 82.

[2] Dossier du tribunal, à la page 107.

[3] Dossier du tribunal, à la page 109.

[4] Dossier du tribunal, à la page 128.

[5] Citoyenneté et Immigration Canada, « Suspension temporaire des mesures de renvoi » (7 décembre 2006) : Fiches de renseignements sur les questions liées aux réfugiés <http ://www.cic.gc.ca/francais/ministere/lois-politiques/réponses.asp>.

[6] L.C. 2001, ch. 27.

[7] [2006] A.C.F. no 647, 21 avril 2006.

[8] (1995), 191 N.R. 170 (C.A.F.).

[9] [2005] A.C.F. no 1398, 22 août 2005.

[10] [2002] A.C.F. no 767 (QL).

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