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Date : 20080226

Dossier : IMM-2203-07

Référence : 2008 CF 253

Ottawa (Ontario), le 26 février 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SUPPLÉANT BARRY STRAYER

 

 

ENTRE :

WENYI ZHOU

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction

 

[1]               La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 30 mars 2007 par un agent d'examen des risques avant renvoi (l’agent), qui a établi que la demanderesse ne serait pas exposée à un risque de persécution, à un risque de torture, à une menace pour sa vie ou son intégrité physique ni à un risque de subir des peines ou traitements cruels et inusités si elle était renvoyée en Chine.

 

Les faits

 

[2]               La demanderesse est née en Chine en 1973 et elle est de nationalité chinoise. Elle est arrivée au Canada en septembre 1999 à la faveur d’un visa d’étudiant. Elle a déposé une demande d’asile à ce moment-là, mais l’a retirée en février 2000 parce qu’elle dit aujourd’hui qu’elle était fondée sur une histoire inventée. Elle a, semble-t-il, retiré sa demande d’asile afin de présenter une demande de résidence permanente. Après le refus de cette dernière demande, elle a tenté d’obtenir la prorogation de son visa de visiteur. Elle a alors présenté une nouvelle demande d’asile au motif que, depuis son arrivée au Canada, elle était devenue chrétienne, qu’elle était maintenant connue ainsi de son entourage et qu’elle craignait de subir la persécution comme chrétienne si elle retournait en Chine. Cette demande d’asile fut rejetée le 25 août 2003 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission). Après avoir entendu le témoignage de la demanderesse et observé son comportement, et après avoir examiné les lettres de recommandation de l’administrateur d’une publication chrétienne appelée Herald Monthly, les témoignages de membres de son Église, outre certaines contradictions dans son témoignage portant sur l’endroit où elle avait travaillé avant 1999 en Chine, la Commission estimait qu’elle n’était « aucunement crédible ni digne de foi ». Elle jugeait « tout à fair invraisemblable le scénario décrit par la demandeure d’asile ». La Commission a donc rejeté sa demande d’asile, ajoutant qu’elle n’était pas une personne à protéger. Au début de 2007, la demanderesse a fait une demande en vue d’être déclarée personne à protéger.

 

[3]               L’agent qui a étudié cette demande a relevé que la demanderesse invoquait essentiellement les mêmes risques que ceux qu’elle avait exposés devant la Commission : elle est une fervente chrétienne et travaille comme journaliste pour le Herald Monthly, et elle craint les autorités chinoises en cas de retour en Chine. L’agent a reconnu qu’elle avait produit un cartable volumineux de documents se rapportant aux conditions ayant cours en Chine, et il a confirmé qu’il avait lu ces documents. Il s’est aussi référé à de nombreuses lettres d’autres personnes, qui confirmaient qu’elle est une authentique chrétienne qui se met au service de la communauté et travaille comme journaliste pour des journaux chrétiens en langue chinoise, qu’elle a une bonne réputation et une bonne connaissance de la Bible. L’agent a pris note aussi de documents précisant que la demanderesse donne de l’argent à son Église. Il disposait aussi d’articles en langue chinoise, rédigés par la demanderesse pour une revue chrétienne, mais ils n’étaient pas accompagnés d’une traduction. L’agent a pu ainsi confirmer que la demanderesse avait écrit certains articles, mais il n’avait aucune idée de ce que renfermaient ces articles et n’a pas trouvé qu’ils pouvaient accroître le risque auquel s’exposerait la demanderesse si elle retournait en Chine. Il a fait observer que « l’existence d’articles additionnels ne prouve pas que le risque s’est accru ». La demanderesse a présenté des photographies d’elle-même prises en diverses circonstances, la plupart, sinon la totalité, de caractère religieux, et l’une d’elles au moins remontant à son baptême en 2000, bien avant que la Commission n’entende sa demande d’asile. L’agent a conclu que les photos antérieures à l’audience tenue devant la Commission n’étaient pas des « preuves nouvelles » et que celles qui étaient postérieures à ladite audience, qui montraient la demanderesse chantant dans la chorale et assistant à un rassemblement, n’attestaient pas un accroissement du risque ni ne prouvaient que la demanderesse était une chef de file chrétienne dont le profil risquait d’attirer l’attention des autorités chinoises. S’agissant des rapports sur la situation ayant cours dans le pays, l’agent n’a pas jugé que la situation des chrétiens en Chine s’était aggravée notablement depuis que la Commission avait statué sur sa demande d’asile. Il a relevé que la preuve documentaire montrait, entre autres choses, que le gouvernement chinois reconnaît plusieurs religions, y compris la religion protestante et la religion catholique, et qu’il donne son agrément pour certains endroits consacrés au culte. Il n’empêche pas les familles de faire leurs dévotions chez elles, mais il peut interdire les rassemblements constitués à cette fin dans des lieux non agréés ou non enregistrés. Il intervient quelquefois en arrêtant les responsables et en harcelant les fidèles. Les pièces produites mentionnaient aussi que l’étendue de la liberté de religion varie encore considérablement à l’intérieur de la Chine, que les événements religieux bénéficiant d’une approbation officielle continuent d’augmenter dans la plupart des régions et que ces événements se sont accrus non seulement parmi les cinq religions reconnues, mais dans d’autres religions également. L’agent a relevé qu’il n’avait pas la preuve que la demanderesse entendait participer à des activités religieuses non autorisées plutôt qu’à des cérémonies ayant reçu l’agrément des autorités. Il a donc conclu que les preuves nouvelles produites par la demanderesse ne l’avaient pas persuadé que des risques nouveaux étaient apparus depuis que la demande d’asile présentée par la demanderesse avait été rejetée en août 2003.

 

[4]               La demanderesse conteste cette décision pour deux raisons. D’abord, elle dit que l’agent a manqué à l’équité procédurale et a commis une erreur de droit parce qu’il ne lui a pas accordé le bénéfice d’une audience. Deuxièmement, l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle parce qu’il n’a pas tenu compte de la preuve documentaire et des arguments de la demanderesse, tout en se fondant d’une manière sélective sur des rapports concernant la Chine qui renfermaient une preuve contraire.

 

Analyse

 

[5]               À mon avis, la décision correcte est la norme de contrôle à appliquer à la question de savoir si la demanderesse aurait dû bénéficier d’une audience : il s’agit soit d’une question de droit, soit d’une question d’équité, et, dans les deux cas, c’est la norme de la décision correcte qui est applicable. Cela dit, je suis convaincu que l’agent n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle.

 

[6]               La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés dispose ainsi :

Il est disposé de la demande comme il suit :

 

[…]

 

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

 

Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

 

 

Les « facteurs réglementaires » sont exposés ainsi dans le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés :

167. Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

 

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

 

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

 

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

 

167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

 

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant's credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

 

 

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

 

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

 

Il convient de noter que, parmi les facteurs qui appellent la tenue d’une audience, il y a celui qui concerne la crédibilité de la demanderesse.

 

[7]               Il importe d’abord de rappeler l’objet de la décision prise par un agent d'ERAR. Il est bien reconnu qu’une telle décision vise à évaluer les risques auxquels une personne pourrait être exposée si elle était renvoyée dans son pays d’origine, compte tenu des faits nouveaux qui sont apparus après la décision de la Commission concernant la demande d’asile. La demande d’ERAR n’est pas censée être un appel formé contre la décision de la Commission : Perez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. n° 1778; Kaybaki c. Canada (Solliciteur général du Canada), [2004] A.C.F. n° 27; Raza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. n° 1779. Comme l’indique la décision Kaybaki, la preuve présentée à l’agent d'ERAR doit être une preuve nouvelle et non une preuve qui aurait dû être présentée à la Commission. Elle doit permettre de mesurer le risque après qu’il a été statué sur la demande d’asile, et elle ne saurait constituer une deuxième audition de la demande d’asile. En l’espèce, l’agent n’examinait pas si la Commission s’était trompée et si la demanderesse devrait dès lors être jugée crédible. Il devait plutôt se demander si de nouveaux risques étaient apparus depuis août 2003.

 

[8]               Je suis persuadé que, dans l’accomplissement de sa tâche, l’agent n’était pas tenu de se prononcer une nouvelle fois sur la crédibilité de la demanderesse. Si tel était son rôle, l’examen qu’il fait équivaudrait à un appel formé contre la conclusion de la Commission sur cet aspect. En réalité, la demanderesse écrit, au paragraphe 61 de son exposé des faits et du droit, que l’agent ne s’est pas prononcé sur sa crédibilité, et j’estime que l’agent s’est abstenu à bon droit de tirer de telles conclusions. En conséquence, l’agent n’était saisi d’aucune question de crédibilité qui le contraignait à tenir une audience.

 

[9]               S’agissant de savoir si l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle dans sa manière d’apprécier la preuve, il s’agit là d’une question de fait à laquelle s’applique la norme de la décision manifestement déraisonnable. Je ne vois rien de manifestement déraisonnable dans les conclusions qu’a tirées l’agent au vu des preuves susmentionnées. Plus précisément, je ne vois, dans la volumineuse preuve documentaire, aucun élément attestant, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse sera victime de persécution à son retour en Chine. Le tableau de la situation est inégal et varie d’une région du pays à une autre. Nous n’avons aucune idée du rôle que la demanderesse entend jouer dans la communauté chrétienne chinoise. L’agent était certainement fondé à tirer la conclusion à laquelle il est arrivé.

 

Dispositif

 

[10]           Je rejetterai donc la demande de contrôle judiciaire. Les avocats ont évoqué la possibilité de certifier une question, mais ils sont convenus qu’aucune ne s’imposait, et aucune ne sera certifiée.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                    La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

« B.L. Strayer »

Juge suppléant

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-2203-07

 

INTITULÉ :                                                   WENYI ZHOU

                                                                        c.                                                                    

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION                                                                                                             

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 13 FÉVRIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE SUPPLÉANT STRAYER

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 26 FÉVRIER 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Cathryn Sawicki

 

POUR LA DEMANDERESSE

Margherita Braccio

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Green and Spiegel

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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