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Date : 20080226

Dossier : T-299-07

Référence : 2008 CF 251

Ottawa (Ontario), le 26 février 2008

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

 

 

ENTRE :

HARHUMESH BOPARAI, PARDAMAN BOPARAI

et SURJIT K. BOPARAI

demandeurs

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire a été déposée par un couple marié, Pardaman Boparai et Surjit K. Boparai (les parents), ainsi que par leur fils adulte, Harhumesh Boparai (Harhumesh). En janvier 1999, les demandeurs ont fait l’objet d’une vérification par l’Agence des douanes et du revenu du Canada (maintenant l’Agence du revenu du Canada, ci-après appelée l’ARC) qui a conclu qu’ils devaient environ 44 450 $ en TPS, plus 14 768,69 $ en intérêts et 12 001,99 $ en pénalités.

 


[2]               Bien que la partie de leur dette relative à la TPS ait par la suite été presque entièrement acquittée, les demandeurs devaient encore des intérêts et des pénalités à l’ARC. En décembre 2004, les demandeurs ont demandé d’être relevés de l’obligation de payer les intérêts et les pénalités en invoquant les dispositions d’équité de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15. L’ARC a rejeté leur demande dans une lettre en date du 18 juillet 2006 (la première décision en matière d’équité). Une deuxième révision a été effectuée plus tard au cours de la même année, et la demande d’allègement pour raison d’équité a de nouveau été rejetée, cette fois dans une décision rendue par le directeur adjoint du Recouvrement des recettes (le directeur adjoint), du Bureau des services fiscaux de Vancouver de l’ARC, en date du 4 décembre 2006 (la seconde décision en matière d’équité).

 

[3]               Les demandeurs demandent à la Cour d’infirmer la seconde décision en matière d’équité.

 

II.        Question préliminaire – Requête en récusation

 

[4]               Au début de l’audience, l’avocat des demandeurs, Me Osborne Barnwell, a demandé que je me récuse et que je renonce à entendre la présente demande de contrôle judiciaire. À la suite des observations appuyant cette requête, j’ai informé verbalement Me Barnwell que je rejetterais la requête pour les motifs ci-après énoncés.

 

[5]               Ma première réserve, c’est que cette requête aurait pu et aurait dû être présentée plus tôt. Les parties et leurs avocats peuvent obtenir le nom du juge qui présidera l’audience auprès du greffe de la Cour deux semaines avant l’audience. En ce qui concerne la Cour fédérale, c’est le cas depuis le 4 mai 2004, lorsque le juge en chef a fait publier un avis aux parties et à la communauté juridique. Dans l’avis, qu’il est facile de consulter (notamment sur le site Web de la Cour fédérale : « Avis aux parties et à la communauté juridique », à l’adresse : <http://cas-ncr-nter03.cas-satj.gc.ca/portal/page/portal/fc_cf_fr/Notices>), la Cour fédérale déclare que :

Durant les deux semaines précédant la date prévue de l'audience, vous pourrez vous informer auprès du Greffe quant à l'identité du juge ou du protonotaire qui présidera. Cette politique ne s'applique pas aux requêtes présentées en séances générales ni aux requêtes urgentes.

 

[6]               Me Barnwell allègue qu’il n’était pas au courant de l’existence de l’avis à la communauté juridique et donc qu’il ne savait pas que j’allais entendre la demande jusqu'à ce qu’il arrive à la Cour. Ce n’est pas une excuse que d’invoquer son ignorance d’un tel avis, surtout lorsque celui-ci est en vigueur depuis presque quatre ans. Par ailleurs, étant donné que Me Barnwell a des idées bien arrêtées sur cette question, je me serais attendue à ce qu’il fasse tout ce qui est en son pouvoir pour découvrir l’identité du juge qui présidera. Vu les circonstances, il est raisonnablement loisible à la Cour de refuser d’entendre la requête au motif qu’elle n’a pas été déposée plus tôt.

 

[7]               Malgré mes réserves concernant l’omission de l’avocat de soulever cette question plus tôt, j’ai examiné ses allégations et j’estime qu’elles sont sans fondement. Me Barnwell affirme que je devrais me récuser en raison d’une crainte raisonnable de partialité. Cet argument se fonde sur une plainte qu’il a déposée en août 2007 devant le Conseil canadien de la magistrature (CCM), dans laquelle il alléguait que j’étais [traduction] « manifestement partiale » dans la manière dont je décide des questions d’immigration. Deux décisions en matière d’immigration ont été citées expressément. Cette plainte a été rejetée, tant à l’égard des questions précises qui ont été soulevées que des allégations générales de partialité. Néanmoins, Me Barnwell allègue que les observations qu’il a présentées à l’appui de cette plainte subsistent encore, ce qui amènerait une personne raisonnable à conclure que je ne peux pas rendre une décision juste lorsqu’il est l’un des avocats au dossier.

 

[8]               Le critère de récusation est celui énoncé dans un arrêt récent de la Cour suprême du Canada, Bande indienne Wewaykum c. Canada, [2003] 2 R.C.S. 259, au paragraphe 60 :

En droit canadien, une norme s’est maintenant imposée comme critère de récusation. Ce critère, formulé par le juge de Grandpré dans Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie, précité [[1978] 1 R.C.S. 369], p. 394, est la crainte raisonnable de partialité : [page 289]

 

... la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

 

[9]               Il ne faut pas oublier que l’allégation de crainte de partialité vise un juge qui est lié par un serment d’office et qui a la lourde responsabilité de demeurer impartial. Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, [1999] 3 R.C.S. 851, au paragraphe 2 : « Le critère applicable à la crainte de partialité tient compte de la présomption d’impartialité. Une réelle probabilité de partialité doit être établie ». Finalement, je souligne le rappel formulé par mon collègue, le juge Teitelbaum, dans Nation et Bande des Indiens Samson c. Canada, [1998] 3 C.F. 3 (1ère inst.), aux paragraphes 73 à 75, concernant la solennité du serment judiciaire et l’impartialité qui en découle.

 

[10]           Relativement à la requête en récusation selon laquelle je ne devrais pas entendre la présente demande, je dois me demander si une personne bien renseignée, « qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique » en arriverait à la conclusion qu’il soit suffisamment justifié de me récuser en l’espèce.

 

[11]           Me Barnwell n’a pas tenté, dans la présent requête, d’expliquer comment une plainte liée à des questions d’immigration pouvait engendrer une crainte raisonnable de partialité relativement à une question découlant de la Loi sur la taxe d’accise (ni, d’ailleurs, relativement à d’autres questions d’immigration). En outre, Me Barnwell reconnaît que la plainte a été rejetée par le CCM.

 

[12]           Les arguments de Me Barnwell semblent s’appuyer sur l’allégation selon laquelle, parce qu’il a déposé une plainte auprès du CCM, je suis généralement prédisposée à rendre une décision défavorable à ses clients. Si Me Barnwell a raison, je serais forcée de me retirer de tout dossier dans lequel Me Barnwell est l’un des avocats. En effet, il ressort des observations de Me Barnwell que, lorsqu’une plainte est déposée auprès du CCM – peu importe son bien-fondé ou son objet – un juge sera présumé être partial dans tout dossier où la partie devant lui a déposé une plainte auprès du CCM. Il s’agit d’un résultat absurde, lequel a été expressément discrédité par la jurisprudence.

 

[13]           Dans l’arrêt P.S.-M. c. A.J.-L.C. (1993), 101 D.L.R. (4th) 345, Droit de la famille – 1559, [1993] R.J.Q. 625 (C.A. Québec), un époux a présenté une requête en récusation du juge qui présidait l’instance au motif qu’il existait une crainte raisonnable de partialité. La requête reposait en partie sur le fait que tant l’époux que le psychologue dont il avait retenu les services à titre de témoin expert avaient déposé des plaintes à l’encontre du juge auprès du CCM. La majorité de la Cour d’appel du Québec était d’avis que la simple existence de plaintes déposées auprès du CCM ne justifiait pas la récusation, et elle a affirmé ce qui suit, à la page 360 :

Le Tribunal n'est pas disposé à accréditer le principe que toute plainte, de nature déontologique, à l'encontre d'un juge, devrait entraîner, de soi, son retrait du dossier; autrement, on peut imaginer, sans peine, les manœuvres déloyales d'un justiciable qui désirerait paralyser le processus, ou tenterait d'échapper à une décision qu'il anticipe lui être défavorable.

 

Voir aussi : Allain Sales & Services Ltd. c. Cie d’assurance Guardian du Canada, [1996] A.N.‑B. no 346 (B.R.) (QL); Suresh c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1764 (1ère inst.) (QL), conf. par [2000] A.C.F. no 1026 (C.A.) (QL).

 

[14]           En conclusion, la crainte de partialité alléguée par Me Barnwell n’est pas fondée. Une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, ne croirait pas que, selon toute vraisemblance, consciemment ou non, je ne rendrai pas une décision juste. La requête en récusation est rejetée.

 

III.       Caractère raisonnable de la seconde décision en matière d’équité

 

[15]           J’examinerai maintenant le bien-fondé de la demande de contrôle judiciaire.

 

A.        Le régime législatif

 

[16]           En vertu de la Loi sur la taxe d’accise, le ministre du Revenu national (le ministre) peut, à sa discrétion, annuler les intérêts (paragraphe 281.1(1)) ou les pénalités (paragraphe 281.1(2)), ou y renoncer. Ces dispositions sont communément appelées les « dispositions d’équité ».

 

[17]           Bien que les dispositions d’équité de la Loi sur la taxe d’accise ne fassent aucune mention des critères que doit appliquer le ministre dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le Mémorandum sur la TPS no 500‑3‑2‑1 Annulation ou renonciation - Pénalités et intérêts (Mémorandum sur la TPS 500‑3‑2‑1) indique dans quelles circonstances le ministre peut décider d’exercer son pouvoir discrétionnaire. Les situations décrites dans le Mémorandum sont les suivantes :

 

·                    des circonstances extraordinaires qui pourraient empêcher une personne de faire un paiement dans les délais exigés, comme une inondation ou un incendie, ou une maladie grave dans la famille (Mémorandum sur la TPS 500‑3‑2‑1, paragraphe 6);

 

·                    lorsque les pénalités et intérêts découlent principalement d'actions attribuables à l’ARC, notamment des retards de traitement (Mémorandum sur la TPS 500‑3‑2‑1, paragraphe 7);

 

·                    lorsqu’il y a incapacité de verser les montants dus (Mémorandum sur la TPS 500‑3‑2‑1, paragraphe 8).

 

[18]           Lorsque des « circonstances extraordinaires indépendantes de la volonté d'une personne ont empêché celle-ci de se conformer à la Loi », le paragraphe 9 du Mémorandum énumère plusieurs facteurs qui « seront » pris en considération pour déterminer si l’ARC devrait renoncer aux pénalités et intérêts. Il est important de souligner que les facteurs énumérés sont obligatoires seulement lorsque le ministre conclut à l’existence de circonstances indépendantes de la volonté de la personne, tel que le prévoit le paragraphe 6 du Mémorandum sur la TPS 500‑3‑2‑1. Par contre, en ce qui concerne les allégations quant au retard imputable au ministère ou à l’incapacité de verser les montants dus, en vertu des paragraphes 7 et 8 du Mémorandum, il n’y a aucune liste de facteurs. À cet égard, le Mémorandum sur la TPS 500‑3‑2‑1 diffère d’un mémorandum semblable en matière d’équité qui s’applique lorsqu’une personne demande la renonciation aux pénalités et aux intérêts imposés conformément aux dispositions d’équité de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (voir : Circulaire d’information 92‑2 – Lignes directrices concernant l'annulation des intérêts et des pénalités [Circulaire d’information 92‑2]).

 

[19]           En somme, le ministre dispose d’un large pouvoir discrétionnaire qui lui permet de décider de l’opportunité d’accorder pour raison d’équité une dispense du paiement des intérêts et des pénalités imposés conformément à la Loi sur la taxe d’accise. Il est guidé par le Mémorandum sur la TPS 500‑3‑2‑1 mais, bien entendu, il n’est pas lié par celui-ci.

 

B.         La norme de contrôle judiciaire

 

[20]           Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable à une décision en matière d’équité est celle de la décision raisonnable simpliciter (Vitellaro et al. c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 166, au paragraphe 5; Lanno c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 153, aux paragraphes 3 à 7). Selon cette norme, je peux infirmer la seconde décision en matière d’équité seulement si je conclus que la décision n’est étayée par aucun motif capable de résister à « un examen assez poussé » (Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, au paragraphe 56).

 

C.        Conclusions non susceptibles de faire l’objet d’un contrôle judiciaire

 

[21]           En l’espèce, je ne suis pas convaincue que certaines des erreurs qui, selon les demandeurs, existeraient dans la seconde décision en matière d’équité constituent en fait des erreurs susceptibles de contrôle. Plus précisément, après avoir examiné le dossier et les observations des parties, j’arrive à la conclusion que :

 

1.                  Le directeur adjoint n’a pas commis d’erreur en omettant de tenir compte de l’encours de la dette totale lorsqu’il a déterminé s’il y avait des difficultés financières. Contrairement à l’arrêt Nail Centre, précité, invoqué par les demandeurs, il n’y a, en effet, aucune dette impayée au titre de la TPS en l’espèce. Tous les montants dus à ce stade-ci consistent en des intérêts et en des pénalités.

 

2.                  Il était raisonnable que le directeur adjoint tienne compte de la maison des demandeurs en Inde. Malgré les demandes, les demandeurs ont omis de fournir des documents prouvant sa valeur ou les problèmes allégués en lien avec la vente d’immeubles en Inde.

 

3.                  Le directeur adjoint n’a pas commis d’erreur en omettant de mentionner explicitement les facteurs énumérés au paragraphe 9 du Mémorandum sur la TPS 500‑3‑2‑1. Étant donné que les raisons invoquées par les demandeurs ne concernaient pas des circonstances indépendantes de leur volonté, le paragraphe 9 ne s’appliquait pas. Une distinction peut être faite d’avec l’affaire Gandy c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2006 CF 862, invoquée par les demandeurs, puisque Gandy concerne une décision rendue en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. Comme je l’ai déjà mentionné, les exigences de la Circulaire d’information 92‑2 diffèrent de celles du Mémorandum sur la TPS 500‑3‑2‑1.

 

4.                  Vu les faits de l’espèce, il n’était pas déraisonnable pour le directeur adjoint de n’accorder aucune importance à un retard de l’ARC.

 

5.                  Le critère des difficultés financières sur lequel s’est fondé le directeur adjoint n’était pas trop exigeant. Plus précisément, les conclusions du directeur adjoint n’étaient nullement déraisonnables en ce qui concerne la valeur nette de la maison familiale de Harhumesh ou les frais afférents à l’école privée pour ses enfants.

 

6.                  Le directeur adjoint a agi de façon raisonnable en accordant peu d’importance aux observations des demandeurs relativement à la manière dont est née la créance de TPS.

 

[22]           Dans l’ensemble, j’estime que l’approche adoptée par le directeur adjoint et l’ARC pour examiner la demande d’allègement était appropriée. Le directeur adjoint n’a pas fait abstraction d’éléments de preuve et n’a pas tenu compte de facteurs non pertinents lorsqu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire. Cependant, comme nous le verrons plus loin, j’ai encore de sérieuses réserves au sujet de la seconde décision en matière d’équité.

 

D.        Évaluation des revenus et dépenses mensuels

 

[23]           Dans les observations qu’ils ont présentées à l’ARC, les demandeurs soutenaient essentiellement qu’ils n’avaient pas la capacité financière de rembourser les intérêts et les pénalités compte tenu de leurs dépenses quotidiennes. En réponse à l’argument des demandeurs qu’ils éprouveraient des difficultés financières, les fonctionnaires de l’ARC (à juste titre selon moi) se sont concentrés sur les revenus et dépenses mensuels du ménage des demandeurs. Ce qui me pose problème, c’est l’omission des fonctionnaires de l’ARC de donner des explications satisfaisantes quant à la façon dont cette analyse a été effectuée.

 

[24]           Dans le cadre de ce processus, les fonctionnaires de l’ARC ont examiné tous les documents et ont préparé un « sommaire de la demande fondée sur l’équité ». Il est évident que ce sommaire de la demande fondée sur l’équité a été présenté au directeur par intérim et, à mon avis, il fait partie des motifs. À la lecture du sommaire de la demande fondée sur l’équité, je remarque qu’une partie considérable est consacrée à l’analyse des données financières fournies par les demandeurs. Une partie de ces données a été résumée dans un « relevé des revenus et des dépenses mensuels » (désigné par l’ARC sous l’acronyme ERAP). L’importance de cet ERAP est démontrée par les passages suivants du sommaire de la demande fondée sur l’équité :

[traduction]

L’ERAP indique que le revenu mensuel total du ménage s’élève à 4 197 $ et que ses dépenses mensuelles totales sont de 9 308,54 $, ce qui laisse un déficit de 5 161,54 $ par mois. Cependant, après un examen plus approfondi de l’ERAP, il ressort que le revenu de l’épouse n’était pas inclus et que certaines des dépenses font partie de la dette totale et ne sont pas des dépenses mensuelles. De plus, des REEE, des REER et les frais de scolarité des enfants pour l’école privée font partie de la liste de dépenses mensuelles.

 

L’agent chargé du dossier a aussi emprunté les déclarations T1 de Hargurmesh ainsi que de son épouse, Harinderpreet. Lorsqu’elle a examiné les déclarations de revenus de travail indépendant de l’épouse, elle a remarqué que des dépenses similaires étaient réclamées sur l’ERAP ainsi que sur la déclaration T1. Par conséquent, nous avons refusé certaines de ces dépenses sur l’ERAP.

 

L’ERAP que nous acceptons est révisé afin d’afficher un excédent d’environ 4 000 $ par mois...

 

[25]           Les notes manuscrites sur l’ERAP déposé semblent expliquer comment les fonctionnaires de l’ARC ont modifié le document. Tel que mentionné dans le passage précité, certaines des dépenses réclamées par les demandeurs faisaient partie de la dette totale et non des dépenses mensuelles; j’accepte sans difficulté ces redressements. Cependant, je n’arrive pas à comprendre comment les calculs pour l’ERAP ont été effectués par rapport à l’inclusion du revenu de l’épouse de Harhumesh et aux rajustements des autres dépenses.

 

[26]           Le premier problème que me pose l’analyse de l’ERAP concerne le revenu déclaré de l’épouse. Dans l’ERAP initial, le revenu de l’épouse indiqué était de 1500 $. Cela va à l’encontre de ce qu’ont déclaré les fonctionnaires de l’ARC dans le sommaire de la demande fondée sur l’équité, soit que [traduction] « le revenu de l’épouse n’était pas inclus ». Bien qu’il fût loisible aux fonctionnaires d’être en désaccord avec le montant indiqué de 1500 $, ils ont commis une erreur en déclarant qu’aucun revenu n’était inclus.

 

[27]           Ce qui me préoccupe encore plus, ce sont les calculs qu’ont effectués les fonctionnaires de l’ARC lorsqu’ils ont apporté des ajustements à l’ERAP afin de refléter le revenu de l’épouse de Harhumesh. Pour ce faire, ils se sont fondés sur un sommaire de la déclaration de revenus au dossier (appelé une déclaration T1 dans le sommaire de la demande fondée sur l’équité) pour l’épouse. Apparemment, s’appuyant sur cette déclaration T1, les fonctionnaires ont fait passer le revenu de l’épouse de 1 500 $ à 5 138 $. Je ne vois pas très bien comment les fonctionnaires de l’ARC sont arrivés au montant de 5 138 $, même s’il est arithmétiquement près du revenu brut total de l’épouse indiqué dans sa déclaration T1 (T1, ligne 166), plus son remboursement d’impôt sur le revenu (T1, ligne 486), divisé par 12. Selon moi, les fonctionnaires de l’ARC ont refusé toutes les dépenses qui avaient été déduites du revenu brut de 60 000 $ sur la déclaration T1 de l’épouse. Cependant, hors contexte, je ne suis pas en mesure d’examiner le caractère raisonnable du montant fixé par l’ARC pour l’épouse de Harhumesh.

 

[28]           Enfin, je me demande si les fonctionnaires de l’ARC ont déduit ou refusé certaines dépenses deux fois. La première déduction a été appliquée sur le revenu indiqué dans l’ERAP. Comme je l’ai dit plus haut, les fonctionnaires de l’ARC ont refusé les dépenses réclamées par l’épouse tel qu’indiqué à sa déclaration T1. À la suite de ce refus, le revenu de l’épouse a été augmenté d’un montant égal aux dépenses refusées. Cependant, il semble également que les mêmes montants aient été déduits des dépenses réclamées sur l’ERAP, ce qui a réduit les dépenses du ménage. J’arrive à cette conclusion en me fondant sur les propos de la fonctionnaire de l’ARC, cités plus haut, selon lesquels :

Lorsqu’elle a examiné les déclarations de revenus de travail indépendant de l’épouse, elle a remarqué que des dépenses similaires étaient réclamées sur l’ERAP ainsi que sur la déclaration T1. Par conséquent, nous avons refusé certaines de ces dépenses sur l’ERAP. [Non souligné dans l’original.]

 

[29]           Si j’ai interprété correctement les notes et commentaires que renferme le sommaire de la demande fondée sur l’équité, les fonctionnaires de l’ARC ont refusé les mêmes dépenses deux fois. Les montants refusés auraient pu servir à augmenter le revenu ou à réduire les dépenses dans l’ERAP, mais pas les deux. Par conséquent, les calculs de l’ARC par rapport au revenu mensuel total du ménage moins les dépenses mensuelles totales du ménage seraient faussés.

 

[30]           Peut-être existe-t-il des explications raisonnables aux ajustements apportés à l’ERAP. Cependant, vu le dossier dont la Cour est saisie, je ne suis pas en mesure de reprendre les calculs des fonctionnaires de l’ARC et je ne peux donc pas effectuer un examen « assez poussé ». Étant donné l’importance de l’ERAP pour évaluer la capacité des demandeurs de payer les intérêts et les pénalités, je suis d’avis qu’il s’agit d’une erreur fatale dans la seconde décision en matière d’équité et je suis disposée à accueillir la présente demande de contrôle judiciaire.

 

IV.       Conclusion

 

[31]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, avec dépens en faveur des demandeurs.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

 

2.                  La seconde décision en matière d’équité est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre décideur pour qu’il rende une nouvelle décision;

 

3.                  Les dépens sont adjugés en faveur des demandeurs, ces dépens sont taxés selon le milieu de la fourchette prévue à la colonne III du tarif B.

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Edith Malo, LL.B.

 


 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-299-07

 

INTITULÉ :                                       HARHUMESH BOPARAI ET AL.

                                                            c.

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 4 FÉVRIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS:                       LE 26 FÉVRIER 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Osborne Barnwell                                                                     POUR LES DEMANDEURS

 

Fozia Chaudary                                                                        POUR LA DÉFENDERESSE

 

                                       

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Osborne Barnwell

Avocat

Toronto (Ontario)                                                                     POUR LES DEMANDEURS

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                                           POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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