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Date : 20080220

Dossier : IMM-1887-07

Référence : 2008 CF 232

Toronto (Ontario), le 20 février 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HUGHES

 

 

ENTRE :

LUIS GUILLERMO MANRIQUE FERNANDEZ

ALEXANDRA NOEMI RAMOS BAUSERO

MELANIE CAMILA MANRIQUE RAMOS

GUILLERMO FEDERICO MANRIQUE RAMOS

 

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs sont une famille : le demandeur principal, M. Fernandez, sa conjointe de fait, Mme Bausero, et deux enfants mineurs, Melanie et Guillermo. Ils sont tous Uruguayens. Leurs demandes d’asile ont été refusées. Ils ont déposé une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) en alléguant que la conjointe de fait du demandeur principal a été victime d’une agression sexuelle commise par des criminels de leur quartier en Uruguay et qu’ils craignent que cela ne se reproduise si elle devait y retourner, puisqu’elle ne pourrait pas compter sur la protection de l’État. La demande d’ERAR s’est soldée par une conclusion défavorable exposée dans une décision de l’agent d'ERAR en date du 13 avril 2007. C’est cette décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[3]               Les demandeurs ont soulevé les points suivants dans leur exposé :

1.         L’agent d'ERAR a-t-il commis une erreur lorsqu’il a évalué et appliqué la preuve de nature psychologique et lorsqu’il a établi le risque psychologique qu’entraînerait le renvoi de la famille, notamment parce qu’il n’a pas tenu compte des Directives de la CISR relatives aux revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe?

2.         L’agent d'ERAR a-t-il commis une erreur lorsqu’il a évalué la preuve et appliqué le droit concernant la protection de l’État et lorsqu’il a appliqué le droit aux faits?

3.         L’agent d'ERAR a-t-il commis une erreur lorsqu’il a examiné la possibilité de refuge intérieur?

4.         L’agent d’ERAR a-t-il commis une erreur de droit parce qu’il n’a pas évalué ni cherché à protéger l’intérêt supérieur des demandeurs mineurs?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[4]               La norme de contrôle qu’il convient d’appliquer à la décision d’un agent d'ERAR dans une affaire de ce genre dépend de la nature de la question. Si la question posée est une question de droit, c’est la norme de la décision correcte qui s’applique. Si la question posée est une question de fait, c’est la norme de la décision manifestement déraisonnable qui s’applique. Si la question posée est une question mixte de droit et de fait, qu’il n’est pas aisé de dissocier, c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique. Ces diverses normes ont été résumées par la juge Layden-Stevenson dans la décision Nejad c. Canada (MCI), 2006 CF 1444, au paragraphe 14 :

14.    Dans la décision Nadarajah c. Canada (Solliciteur général) (2005), 48 Imm. L.R. (3d) 43, j’ai adopté l’analyse pragmatique et fonctionnelle faite par le juge Mosley dans la décision Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2005), 272 F.T.R. 62, à propos de la norme de contrôle qui est applicable aux décisions d’ERAR. La norme de contrôle applicable aux questions de fait est la norme de la décision manifestement déraisonnable, celle applicable aux questions mixtes de droit et de fait est la norme de la décision raisonnable, et celle applicable aux questions de droit est la norme de la décision correcte. Lorsque la décision d’ERAR contestée est examinée « dans sa totalité », comme l’écrivait le juge Martineau dans le jugement Figurado c. Canada (Solliciteur général), [2005] 4 R.C.F. 387 (C.F.), la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable.

 

LA QUESTION EN LITIGE N° 1 - LA PREUVE DE NATURE PSYCHOLOGIQUE, LE RISQUE, ET LES DIRECTIVES CONCERNANT LA PERSÉCUTION FONDÉE SUR LE SEXE

[5]               Les demandeurs ont produit, après l’audience tenue devant la Section de la protection des réfugiés, le rapport d’un psychologue, le Dr Day, concernant la demanderesse adulte. Ce rapport a été accepté et examiné par l’agent d'ERAR en tant que preuve nouvelle. Cet examen a été attentif et compatissant. Je ne vois aucune erreur dans l’évaluation que l’agent a faite du rapport. Il s’agit là d’une conclusion de fait, qu’il n’appartient pas à la Cour de modifier.

 

[6]               L’agent ne s’est pas explicitement référé, dans son rapport, aux Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, mais il est clair qu’il a été réceptif et attentif à la situation de la demanderesse adulte et qu’il en a tenu compte avec compréhension et sensibilité. Il n’est pas nécessaire que l’agent se réfère explicitement aux Directives dans son rapport (Quintanar c. Canada (MCI), 2004 CF 677, paragraphes 15 et 16).

 

LA QUESTION EN LITIGE N° 2 – LA PROTECTION DE L’ÉTAT

[7]               Il faut présumer que l’État est en mesure de protéger ses citoyens (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, page 726). C’est aux demandeurs qu’il appartient de prouver qu’une telle protection ne leur était pas raisonnablement accessible.

 

[8]               Comme on peut le lire dans la décision Syed c. Canada (MCI), (2000), 195 F.T.R. 39, au paragraphe 18, et dans la décision Smirnov c. Canada (Secrétaire d’État), [1995] 1 C.F. 780, au paragraphe 11, il faut accepter que la protection de l’État puisse parfois être inefficace ou peu adaptée, car elle n’a pas à être parfaite.

 

[9]               Les demandeurs ont soumis à l’agent d'ERAR, à titre de preuve « nouvelle », un dossier général mis à jour concernant l’Uruguay, ainsi que le compte rendu d’une conversation téléphonique entre le demandeur principal et sa sœur en Uruguay, conversation au cours de laquelle la sœur évoquait les menaces proférées par un individu non identifié. La Cour d'appel fédérale a récemment jugé qu’un agent d'ERAR n’est pas tenu d’étudier des preuves nouvelles qui ne sont pas crédibles ou pertinentes (Raza c. Canada (MCI), 2007 CAF 385, paragraphe 17). La preuve « nouvelle » produite dans la présente affaire est vague et fondée sur des conjectures, et elle n’apporte aucun élément nouveau qui soit pertinent. Je ne vois ici aucune erreur susceptible de contrôle dans la décision de l’agent d'ERAR.

 

LA QUESTION EN LITIGE N° 3 – LA POSSIBILITÉ DE REFUGE INTÉRIEUR

[10]           L’agent d'ERAR a estimé que la région de Montevideo où avaient vécu les demandeurs bénéficiait d’une protection suffisante de la part de l’État. Il a aussi relevé que, partout à Montevideo, et dans le pays en général, on pouvait obtenir la protection de l’État. Je ne vois aucune erreur susceptible de contrôle en l’espèce.

 

POINT N° 4 – INTÉRÊT SUPÉRIEUR DES ENFANTS

[11]           Le dossier montre que les demandeurs n’ont produit aucune preuve autonome concernant les enfants et que les enfants ont fondé leur dossier sur celui des demandeurs adultes. En tout état de cause, comme l’écrivait la juge Dawson dans la décision Ammar c. Canada (MCI), 2006 CF 1041, au paragraphe 16, l’intérêt supérieur des enfants n’a pas à être analysé dans une demande d’ERAR.

 

CONCLUSION

[12]           Je suis d’avis que l’agent d'ERAR n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle. Il n’y a aucune question à certifier.

 

JUGEMENT

Pour les motifs susmentionnés :

            1.         La demande est rejetée;

            2.         Il n’y a aucune question à certifier;

            3.         Il n’est pas adjugé de dépens.

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                       IMM-1887-07

 

INTITULÉ :                                                      LUIS GUILLERMO MANRIQUE FERNANDEZ, ALEXANDRA NOEMI RAMOS BAUSERO, MELANIE CAMILA MANRIQUE RAMOS, GUILLERMO FEDERICO MANRIQUE RAMOS

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                              LE 20 FÉVRIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                             LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                                     LE 20 FÉVRIER 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Daniel M. Fine

 

POUR LES DEMANDEURS

Michael Butterfield

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Daniel M. Fine

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario )

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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