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Date : 20080220

Dossier : IMM-1891-07

Référence : 2008 CF 222

Toronto (Ontario), le 20 février 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HUGHES

 

 

ENTRE :

WALTER DOS REIS LIMA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur est un citoyen adulte du Brésil. Il est entré au Canada et y a présenté une demande d’asile qui a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés. La demande d’autorisation de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée. Le demandeur a présenté une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire qui a été rejetée. La demande d’autorisation de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée. En octobre 2006, le demandeur a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (l’ERAR) et, par lettre datée du 19 mars 2007, il a été avisé que sa demande avait été rejetée. La demande d’autorisation de contrôle judiciaire de cette décision a été accueillie. Il s’agit en l’espèce de ce contrôle judiciaire. Pour les motifs qui suivent, je conclus que la demande sera rejetée.

 

[2]               Le demandeur se décrit comme Afro-Brésilien. La preuve démontre qu’environ 45 % des Brésiliens peuvent s’identifier comme tel. Le demandeur est entré au Canada en juillet 2002, laissant son épouse et ses deux enfants au Brésil. L’allégation selon laquelle le demandeur craint de retourner au Brésil n’est pas fondée sur des circonstances qui lui sont propres, mais plutôt sur une allégation plus générale de violation des droits de la personne, de violence et de discrimination au Brésil, particulièrement à l’égard des Afro-Brésiliens. Les questions précises soulevées dans le présent contrôle judiciaire sont énoncées dans le mémoire de l’avocat du demandeur :

[traduction] Nous faisons respectueusement valoir que la présente demande soulève quatre questions, qui peuvent être énoncées comme suit :

 

a) L’agent d’examen des risques avant renvoi, R. North (l’agent), a commis une erreur de droit en omettant de tenir compte des circonstances de ceux qui se trouvaient dans une situation semblable à celle du demandeur, et du fait que les conditions générales en vigueur au Brésil peuvent en effet constituer un risque pour le demandeur en l’absence d’une « protection de l’État » adéquate, si le demandeur devait retourner dans ce pays;

 

b) L’agent a commis une erreur de droit en se fondant sur des éléments de preuve extrinsèque déterminants sans que le demandeur n’en soit au courant et sans lui donner l’occasion de présenter des observations quant à ces éléments de preuve;

 

c) L’agent a commis une erreur de droit en attendant plus d’un mois avant d’aviser le demandeur du rejet de sa demande d’ERAR, et en ne lui donnant ensuite que trois semaines pour prendre toutes les dispositions nécessaires afin de quitter le Canada;

 

d) L’agent a commis une erreur de droit en traitant la demande d’ERAR présentée par le demandeur à l’unité d’ERAR à Vancouver, en Colombie-Britannique, à l’insu du demandeur.

 

 

[3]               L’avocat du demandeur a abandonné les questions c) et d) à l’audience.

 

NORME DE CONTRÔLE

[4]               Le demandeur soutient et le défendeur convient que la norme de contrôle applicable dans une affaire qui traite de questions de fait et de droit est la décision raisonnable simpliciter.  Le juge O’Keefe, au paragraphe 9 de la décision Pruma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 805, a accepté dans une situation semblable que la question de savoir si certaines circonstances constituaient de la persécution était une question de fait et de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable simpliciter.

 

QUESTION A) SITUATION DE FAITS SEMBLABLE

[5]               La première question soulevée par le demandeur est de savoir si l’agent d’ERAR a tenu compte des facteurs appropriés; plus précisément, il s’agit de déterminer si les conditions générales en vigueur dans le pays peuvent constituer un risque et si la protection de l’État était adéquate.

 

[6]               Le demandeur allègue que l’agent d’ERAR, en tenant compte de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), n’a pas suffisamment tenu compte de l’article 96 de la Loi et n’a pas fait de distinction claire entre les exigences de l’article 96 et celles de l’article 97 dans ses motifs. L’avocat du demandeur se fonde sur l’arrêt Salibian c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 C.F. 250, aux pages 258 et 259, rendu par la Cour d’appel fédérale et cité dans la décision Fi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1125, au paragraphe 16 :

16     Par conséquent, une demande d’asile présentée dans un contexte de violence généralisée dans un pays donné doit satisfaire aux mêmes exigences que toute autre demande. Le contenu de ces exigences n’est pas différent pour une telle demande et celle-ci ne fait pas l’objet d’exigences supplémentaires ou de déchéance. À la différence de l’article 97 de la LIPR, en vertu de l’article 96 de la LIPR, il n’y a aucune obligation que le demandeur démontre que sa crainte de la persécution est « personnalisée » s’il peut démonter autrement qu’elle est « entretenue par un groupe auquel il est associé ou, à la rigueur, par tous les citoyens en raison d’un risque de persécution fondé sur l’un des motifs énoncés dans la définition [de réfugié au sens de la Convention] » (Salibian, susmentionnée, page 258).

 

[7]               En l’espèce, l’agent d’ERAR ne disposait d’aucun élément de preuve substantiel qui lui aurait permis de conclure raisonnablement que le demandeur avait subi ou subirait des manœuvres d’intimidation ou des mauvais traitements généralisés, ou même des manœuvres d’intimidation ou des mauvais traitements le visant particulièrement. L’agent d’ERAR a conclu raisonnablement que la discrimination pouvant exister contre les Afro-Brésiliens au Brésil ne constituait pas de la persécution. L’agent d’ERAR a conclu, par exemple :

[traduction] Comme le demandeur a présenté peu d’éléments de preuve établissant qu’il avait fait l’objet de persécution du fait qu’il est Afro-Brésilien, je conclus qu’il n’a pas été en mesure d’établir que la discrimination qu’il a subie au Brésil constituait de la persécution. En outre, vu que le risque de violence criminelle au Brésil semble toucher tous les citoyens, le demandeur n’a pas fait de lien, à mon avis, entre les circonstances au Brésil et les motifs prévus dans la Convention. Pour ces motifs, je ne peux conclure que le demandeur répond aux critères de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

 

 

[8]               Pour ce qui est de la question de savoir si le Brésil peut offrir une protection adéquate à ses citoyens, l’agent d’ERAR a conclu :

[traduction] Selon mon interprétation des éléments de preuve contenus dans les rapports du Département d’État des États-Unis et les reportages de la BBC (particulièrement le reportage de la BBC publié en mai 2006 fourni par le demandeur), les autorités brésiliennes ont de la difficulté à faire face au taux élevé de crimes, mais elles n’ont ni déclaré forfait ni laissé des régions de leur pays sombrer dans l’anarchie : en d’autres mots, la protection de l’État au Brésil est loin d’être parfaite, mais elle existe. Deux reportages de la BBC (publiés en décembre 2006 et janvier 2007) font état des efforts déployés par les autorités en vue d’arrêter et de poursuivre en justice les policiers corrompus et les membres mêmes des gangs trafiquant de la drogue, et le troisième reportage (publié en février 2007) établit que les autorités peuvent garantir la sécurité des personnes lors d’événements de très grande envergure tels que le Carnaval de Rio. À mon sens, le témoignage du demandeur offre peu d’éléments de preuve contredisant cette évaluation.

 

 

[9]               La jurisprudence établit que la protection de l’État n’a pas besoin d’être parfaite, tant et aussi longtemps qu’elle est adéquate (Zalzali c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 126 N.R. 126 (C.A.F.)).

 

[10]           Je conclus que les conclusions tirées par l’agent d’ERAR à la lumière de la preuve étaient raisonnables, même s’il n’a pas toujours clairement et expressément attribué ses conclusions aux exigences des articles 96 et 97, et de leurs paragraphes.

 

QUESTION B) PREUVE EXTRINSÈQUE

[11]           La deuxième question soulevée par le demandeur est de savoir si l’agent d’ERAR a fait un usage inapproprié d’éléments de preuve extrinsèque. Je sais que le juge O’Keefe s’est fondé sur cette question lorsqu’il a sursis à l’exécution de la mesure de renvoi du Canada prise contre le demandeur jusqu’à ce qu’une décision soit rendue à l’égard du présent contrôle judiciaire. Le juge O’Keefe a jugé que cette question était suffisante pour justifier le sursis à l’exécution de la mesure de renvoi, mais il ne s’agit là ni d’une décision sur la question ni d’une conclusion contraignante quant à cette question. Cela signifie simplement que le seuil moins élevé applicable aux demandes de sursis a été atteint. Dans le présent contrôle, la Cour doit examiner la question à nouveau.

 

[12]           Les documents dont a fait état l’agent d’ERAR sont énumérés à la fin de la décision. Il s’agit de documents accessibles au public couramment utilisés dans des instances comme celle en l’espèce. Les documents en question sont les suivants : un World Report d’Amnistie Internationale, des reportages publiés sur le site Web de la British Broadcasting Corporation (la BBC), des Conseils aux voyageurs donnés par Affaires étrangères et Commerce international Canada, un Country Summary de Human Rights Watch et des Country Reports on Human Rights Protection du Département d’État des États-Unis.

 

[13]           L’agent d’ERAR a l’obligation d’examiner les sources d’information les plus récentes et n’est pas limité aux pièces produites par le demandeur (Hassaballa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 489, le juge Blais, au paragraphe 33). L’agent d’ERAR n’a pas l’obligation de divulguer, avant de prendre une décision, toutes les sources d’information consultées lorsqu’elles constituent de l’information publique couramment consultée par opposition à de l’information inédite et importante qui risque d’avoir une incidence sur l’issue du dossier (Mancia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.A.), [1998] 3 C.F. 461, le juge Décary, au paragraphe 22).

 

[14]           L’avocat du demandeur s’est opposé en particulier au fait que l’agent d’ERAR ait consulté trois reportages du site Web de la BBC qui avaient été publiés après que le demandeur eut présenté ses observations. Je conclus que ces reportages ne satisfont pas aux critères établis dans l’arrêt Mancia, précité. Premièrement, les reportages de la BBC sont du même type que ceux invoqués par le demandeur même qui, par l’intermédiaire de son avocat, a présenté des observations à l’agent d’ERAR. Il n’est donc pas surprenant que l’agent d’ERAR ait continué de tenir compte de ces reportages.

 

[15]           Deuxièmement, les renseignements contenus dans les reportages confirment les conclusions tirées par l’agent d’ERAR à la lumière d’autres éléments de preuve, à savoir que la protection offerte par la police était adéquate. Les renseignements ne sont pas inédits ou d’une importance telle qu’ils auraient une incidence sur l’issue du dossier.

 

CONCLUSION

[16]           La demande sera rejetée. Les avocats des parties ont convenu qu’il n’y a aucune question aux fins de certification. Aucuns dépens ne seront adjugés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

            1.         La demande est rejetée.

            2.         Il n’y a aucune question aux fins de certification.

3.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

 

              « Roger T. Hughes »              

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Isabelle D’Souza, LL.B., M.A.Trad. jur.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-1891-07            

 

 

INTITULÉ :                                                               WALTER DOS RIOS LIMA

                        c.

                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

                        DE L’IMMIGRATION

                                                                                                                                     

                                                                                                           

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 19 FÉVRIER 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LE JUGE HUGHES

 

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 20 FÉVRIER 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert Blanshay                                                           POUR LE DEMANDEUR

 

Kevin Lunney                                                               POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                                           

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robert Blanshay Law Office                                         POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario)                                                                    

                                                                                               

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                                          

 

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