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Date: 20080221

Dossier: IMM-3306-07

Référence: 2008 CF 230

Ottawa (Ontario), le 21 février 2008

En présence de Monsieur le juge Simon Noël 

 

ENTRE :

MOHAMMED HATTOU

Demandeur

et

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

Défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire déposée en vertu de l'article 72 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 ( « LIPR » ) d'une décision de monsieur Michel Venne, datée du 25 juillet 2007, rendue par la Section de la protection des réfugiés ( « SPR » ), selon laquelle monsieur Mohammed Hattou (le demandeur) n’est ni un réfugié, ni une personne à protéger puisqu’il existe une possibilité de refuge interne (PRI) à Alger.

 

 

 

 

I.          Question en litige

[2]               La seule question devant la Cour est de déterminer si la SPR a erré en fait ou en droit lorsqu’elle a conclu qu’il y avait la possibilité d’un refuge interne. 

 

II.        Contexte factuel

[3]               Le demandeur est né à Mostaganem en Algérie, le 1er  février 1976. Il a fait toutes ses études dans sa ville natale et devient comédien de profession.

 

[4]               Bien qu’il travaille du mois d’octobre 1999 au mois de mai 2005, comme agent de bureau à l’Agence de Shipping Ouazani Ghali, à Mostaganem, le demandeur est aussi un acteur. Du 2 janvier 1998 au 31 août 2005, il a exercé ses talents de comédien au théâtre Ibn Sina à Oran, source de ses craintes du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC).

 

[5]               En effet, le demandeur allègue que le14 avril 2005, il a joué dans une pièce de Medjehri Missoum intitulée « Shams El Hak », qui donnait une critique acerbe du rôle dévastateur qu’ont joué les groupes islamistes armés (« GIA ») et le GSPC sur la société algérienne. Il interprétait le rôle d’Omar, un jeune garçon issu d’une famille pauvre dont le frère aîné fut endoctriné par les groupes terroristes et qui a été abattu par les forces de l’ordre. Dans son interprétation du rôle, le demandeur déplorait le déchirement de sa famille tout en évoquant des critiques sévères contre les terroristes qui ont ravagé la vie des innocents dans l’ensemble du pays depuis les années 1990.

 

[6]               En sortant du théâtre du palais de la culture, le 14 avril 2005, le demandeur est intercepté par trois individus qui lui reprochent d’avoir critiqué le GSPC, qui selon eux menait un combat noble contre la tyrannie et que ses propos méritaient la mort. Ils l’ont battu et s’apprêtaient à l’égorger lorsqu’une voiture est passée près d’eux. Croyant que c’était la police, ses trois agresseurs se sont enfuis. Le chauffeur de la voiture s’est arrêté et lui est venu en aide. Il l’a emmené au poste de police. Les policiers ont pris sa déposition et ayant peur pour sa vie, ils l’ont gardé pour qu’il y passe la nuit en sécurité.

 

[7]               Le lendemain, le demandeur rentre chez lui à Mostaganem. Il téléphone au directeur du théâtre et l’informe de l’agression de la veille pour qu’il puisse en informer les autres acteurs du danger. Il demande également de l’aide du directeur  pour fuir le pays. Le directeur l’inscrit dans la délégation de comédien qui participait au festival international du théâtre amateur ayant lieu au Canada, dans la ville de Québec. Avant le départ en 2005, le demandeur vécut en cachette pendant quatre mois chez sa tante à Alger.

 

[8]               Muni d’un visa canadien, le demandeur arrive avec ses collègues comédiens algériens le 9 septembre 2005, à Québec. Il participe au festival et demande l’asile le 14 septembre 2005.

 

[9]               Lors de la première audience du 6 mars 2007, la SPR affirma que le GSPC était devenu un groupe « moribond » et qu’il était présent que dans les régions marginales du pays et non dans les villes comme la capitale Alger; ainsi, le demandeur pouvait se prévaloir d’une PRI.  Le dossier révélait qu’il avait passé quatre mois chez sa tante dans cette ville avant de venir au Canada.

 

 

 

[10]           De façon professionnelle et soutenue, le procureur du demandeur s’est objecté à cette affirmation et insista pour avoir l’opportunité de déposer de la documentation démontrant la présence active du GSPC dans les villes de l’Algérie y incluant la capitale.  La SPR ajourna et permit au demandeur de déposer de la preuve supplémentaire, ce qu’il fit.

 

[11]           La deuxième audience eut lieu le 5 juin 2007 et on traita du contenu des documents remis par le demandeur (les documents D1-D22). Il s’agit de multiples articles de presse y compris des journaux Le Monde, Reporters sans Frontières et les plus grands quotidiens de l’Algérie. Cette nouvelle preuve fait état incontestablement de la présence du GSPC à Alger et sa responsabilité pour des attentats terroristes en Alger et ses environs entre 2005 et 2007.  Suite à l’audition, la SPR conclua que les activités du GSPC à Alger ciblaient les autorités militaires, les postes de police ainsi que les étrangers.  On nota qu’il y avait eu un seul civil assassiné pendant cette période. En conséquence, le demandeur ne risquait rien en retournant à Alger. Il y avait donc possibilité de refuge interne.

 

 

 

 

 

III.       Analyse

 

[12]           Les Cours fédérales ont à maintes reprises déterminé que la norme de contrôle applicable dans des questions purement factuelles telles que la possibilité d’un refuge interne est celle de la décision manifestement déraisonnable (voir Sivasamboo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] 1 C.F. 741; Chorny c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1263; Kumar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 601, [2004] A.C.F. no 731 (QL); Camargo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 472, [2006] A.C.F. no 601 (QL); Shimokawa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 445, [2006] A.C.F. no 555 (QL); Bhandal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 426, [2006] A.C.F. no 527 (QL) et Ako c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2006] A.C.F. no 836, 2006 CF 647).

 

[13]           Le demandeur prétend que la SPR, en ayant accepté le dépôt de documents pour contredire l’affirmation que le GSPC était un mouvement limité qu’à une présence marginale dans le pays, avait créé une expectative que si la documentation démontrait le contraire, il n’y aurait pas de refuge interne et en conséquence, sa demande serait acceptée.

 

 

 

 

[14]           Ayant étudié le procès-verbal de l’audition, la Cour note que la SPR invita le demandeur à soumettre de la nouvelle documentation et qu’il y aurait une nouvelle audience par la suite pour en discuter.  Celle-ci a eu lieu et le demandeur et son avocat eurent l’occasion de soumettre leurs prétentions.  En aucun temps la SPR s’engagea à accorder la demande si la preuve révélait que le GSPC était actif dans les villes y incluant Alger.  La SPR n’a pas donné d’expectative que la demande serait accordée.  La Cour note que la SPR a abordé lors de la deuxième audition le fait que les civils n’étaient pas ciblés et le demandeur émit son opinion à ce sujet. 

 

[15]           Tenant compte de l’ensemble de la situation et en particulier de la nouvelle documentation soumise, est-ce que la SPR a pris en considération cette dernière et est-ce reflété dans la décision?

 

[16]           Tout en se basant sur un document (T-1) expliquant que la situation dans les grandes villes comme Alger et Constantine était calme, la SPR note à la lumière de la nouvelle documentation soumise que le GSPC était actif à plusieurs endroits en Algérie et qu’il y a eu des attentats dans la banlieue d’Alger.  Elle constate qu’il y a eu un seul attentat contre un civil en octobre 2006.

 

[17]           La SPR ajoute que le GSPC se livre à des attentats en Algérie principalement au sud et à l’est de la ville d’Alger mais ceux-ci sont dirigés vers des symboles (édifices gouvernementaux, gendarmeries, militaires, postes de police …) et que les civils ne sont pas visés.

 

[18]           Cette analyse permit à la SPR de conclure qu’il y avait une possibilité de refuge interne.

 

[19]           La Cour constate que la SPR reconnut l’importance des activités du GSPC, contrairement à l’opinion initiale mais aussi que pour y arriver elle fit une analyse minutieuse de la nouvelle documentation.  Elle opina qu’à la lumière de cette information, le GSPC visait les symboles plutôt que les civils.

 

[20]           Ayant revu la décision de la SPR, le procès-verbal des deux jours d’audience, la Cour n’a aucune raison pour intervenir.

 

[21]           Suite à l’invitation du tribunal, les parties n’ont pas soumis de questions pour fin de certification.

 

 

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

 

-           La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

-           Aucune question ne sera certifiée.

 

« Simon Noël »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3306-07

 

INTITULÉ :                                       MOHAMMED HATTOU c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 MONTRÉAL

 

DATE DE L’AUDIENCE :               13 février 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               L’Honorable juge Simon Noël 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 21 février 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Alain Joffe

514-288-2240

 

POUR LE(S) DEMANDEUR(ERESSE)(S)

Me Isabelle Brochu

514-283-8772

 

POUR LE(S) DÉFENDEUR(ERESSE)(S)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Alain Joffe

Montréal (Québec)

 

POUR LE(S) DEMANDEUR(ERESSE)(S)

John H. Sims, c.r.

Sous-Procureur Général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE(S) DÉFENDEUR(ERESSE)(S)

 

 

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