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Date: 20080219

Dossier: IMM-3027-07

Référence: 2008 CF 215

Ottawa (Ontario), le 19 février 2008

En présence de Monsieur le juge Simon Noël 

 

ENTRE :

DOUNGOUS HASSANE

demandeur

et

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR), datée du 3 juillet 2007, selon laquelle le demandeur n’est pas un « réfugié au sens de la Convention » et n’a pas la qualité de « personne à protéger ».

 

I.         Question en litige

[2]               Est-ce que la SPR a erré en fait ou en droit en déterminant que le demandeur n’était pas crédible?

 

 

[3]               Pour les motifs suivants, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

II.        Les faits

[4]               Citoyen du Tchad, le demandeur allègue qu’il opérait une boutique de vente de matériel informatique de 2004 à 2006. Il voyageait deux ou trois fois par an au Cameroun, au Nigéria et au Bénin pour acheter des produits pour revendre dans son commerce.

 

[5]               Lors d’un tel voyage au Cameroun le 15 février 2006, le demandeur a rencontré des Tchadiens avec qui, comme dans des voyages précédents, il aurait conversé et fait des affaires.

 

[6]               Le 23 février 2006, des militaires auraient fait irruption dans sa boutique sans explication. Les militaires ont battu le demandeur et ont saccagé son commerce. En outre, ils ont saisi ses documents d’affaires et l’ont transporté à la prison de l’Agence nationale de sécurité (ANS), où il a été torturé et accusé d’être un espion pour l’opposition et de fournir de l’information contre le Président Idriss Déby aux opposants au régime tchadien lors de ses déplacements d’affaires en Afrique de l’Ouest.

 

[7]               Grâce à l’aide de son oncle, le 25 mars 2006, le demandeur a réussi à s’évader de prison et à se réfugier chez un ami de son oncle à Doubali. Les militaires de l’ANS se sont présentés au domicile de ses parents et ont fouillé les lieux avant de remettre à la mère du demandeur une convocation policière. Deux jours plus tard, les militaires ont remis à la mère un mandat d’arrêt au nom du demandeur.

 

 

[8]               Il a obtenu un passeport étudiant en 2005 et grâce à son oncle, il a obtenu un visa d’étudiant pour les États-Unis et le demandeur quitta le Tchad le 13 juin 2006. Après un séjour de 24 jours aux États-Unis, le demandeur est arrivé au Canada le 7 juillet 2006 et a demandé asile le même jour. C’est le refus de cette demande d’asile qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

III.      La décision sous étude

 

[9]               Après avoir évalué le témoignage du demandeur et analysé la preuve documentaire au dossier, la SPR a estimé que les allégations du demandeur n’étaient pas crédibles. En effet, la SPR a conclu que le demandeur n’était ni membre d’un parti politique d’opposition, ni une personne divulguant des renseignements nuisibles au Président. En outre, la SPR doutait du fait que le demandeur ait opéré son commerce jusqu’en 2006 puisqu’il ne disposait que de documents pour l’année 2004. Logiquement, il lui aurait été plus facile d’obtenir des documents récents que des documents datant de deux ans. Enfin, la SPR a rejeté les explications du demandeur en ce qui concerne son passeport d’étudiant, jugeant que la possession de ce dernier type de passeport n’aurait pas pu lui être utile dans les circonstances, étant un homme d’affaires. En fait, la SPR a conclu que ce n’était qu’une histoire inventée de toutes pièces.

 

 

 

 

IV.      Analyse

 

[10]           La norme de contrôle applicable lorsqu’il s’agit de la crédibilité du demandeur est celle de la décision manifestement déraisonnable (voir la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (QL), et plus récemment Awad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2008] A.C.F. n o 74, 2008 CF 63, au paragraphe 8).

 

[11]           Le défendeur plaide que la SPR a conclu à bon droit qu’il était invraisemblable que les autorités aient jugé que l’information que le demandeur est soupçonné d’avoir véhiculée soit dangereuse pour le Président étant donné qu’elle est publique et connue de tous. En outre, la SPR a noté que le demandeur n’est pas membre d’un parti politique d’opposition et que ses activités commerciales ne lui permettaient pas d’obtenir de l’information privilégiée qui auraient pu causer préjudice au Président Déby.

 

[12]           En plus, le défendeur soumet que la SPR était en droit de tirer une inférence négative quant à la crédibilité du demandeur en raison de son défaut de produire des pièces au soutien de l’un des éléments centraux de sa demande d’asile.

 

 

 

 

[13]           Au soutien de sa position, le défendeur invite la Cour à suivre la constatation de monsieur le juge François Lemieux dans l’arrêt Quichindo c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. n o 463, 2002 CFPI 350 aux paragraphes 26 et 28, qui suivent :

 

26     La procureure des demanderesses prétend que le tribunal a eu tort d'exiger d'elles une corroboration documentaire considérant que l'Angola était sous le joug d'une guerre civile, que la revendicatrice principale avait perdu tout contact avec ses soeurs depuis 1992 et que ses parents avaient été tués.

 

 

28     Un élément de la conclusion d'un tribunal sur le manque de crédibilité d'un revendicateur/revendicatrice peut se fonder sur l'absence d'efforts d'obtenir une corroboration documentaire. (Voir Muthiyansa c. M.C.I., [2001] A.C.F. no. 162, 2001 FCT 17 et Sinnathamby c. M.C.I., [2001] A.C.F. no 742, 2001 FCT 473.

 

 

[14]           Enfin, il est soumis que les commentaires de la SPR au sujet du passeport étudiant ne sont pas manifestement déraisonnables dans les circonstances.

 

[15]           Le demandeur prétend que la SPR a mal compris la revendication à l’effet que c’était l’association lors de voyages avec des membres du régime tchadien qui était au cœur de celle-ci, et non d’avoir été membre d’un parti politique d’opposition ou encore d’activités ayant permis au demandeur de détenir de l’information qui auraient pu causer préjudice au gouvernement du Tchad.

 

 

 

[16]           Je ne le crois pas. Une lecture attentive de la décision dans son ensemble ainsi que du procès-verbal de l’audience permet de constater que le demandeur n’a tout simplement pas été cru. La SPR remet en question l’existence du commerce jusqu’en 2006 et elle doute même que le commerce fut opérationnel après 2004. Si ceci est une conclusion, il va de soi que l’histoire concernant les rencontres lors de voyages avec des opposants au régime tchadien ne tient pas. Il ne pouvait pas voyager pour les fins commerciales.

 

[17]           Pour la SPR, l’histoire du demandeur n’était pas crédible.

 

[18]           Quant à l’argument concernant l’invitation non finalisée de soumettre des documents pour l’année 2006 du demandeur, il demeure que le fardeau de présenter la demande réside sur les épaules du demandeur. Il n’a pas remis les documents démontrant l’existence du commerce pour 2006, la raison étant selon lui que ces documents auraient été saisis par l’ANS et qu’il les avait demandés à sa famille mais qu’il ne les avait pas reçus.

 

[19]           Toutefois, lors de l’audition, il informe qu’il a tous les documents mais qu’on ne les lui a pas envoyés. Le demandeur tente de blâmer le tribunal pour ne pas avoir insisté sur la remise des documents 2006. Je constate que le fardeau demeure sur les épaules du demandeur et c’était à lui de faire le nécessaire pour informer la SPR en temps opportun. Ceci n’a pas été fait et la SPR peut en tirer des conclusions négatives.

 

[20]           Sur le dernier point, la Cour note que le demandeur obtient un passeport avec mention étudiant en 2005. Le passeport démontre qu’il y a eu des voyages et la preuve veut qu’une telle mention facilite les voyages. Il faut ajouter que selon la version du demandeur, son oncle lui a obtenu en 2006 un visa américain pour étudier dans une institution d’enseignement des États-Unis. La SPR conclut qu’étant donné que le demandeur était propriétaire d’un commerce, il était invraisemblable qu’un passeport étudiant ait pu être utile dans les circonstances. Tenant compte de l’ensemble de la preuve, cette conclusion n’est pas manifestement déraisonnable.

 

[21]           L’évaluation de la crédibilité d’une demande d’asile demeure la responsabilité de la SPR. Ayant étudié la décision de la SPR et ayant lu le procès-verbal de l’audition ainsi que les documents à l’appui de la demande, la Cour n’a aucune raison pour remettre en question les déterminations de la SPR. Elles ne sont pas manifestement déraisonnables.

 

[22]           Les parties furent invitées à soumettre des questions pour fins de certification mais elles ne l’ont pas fait. 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT:

 

-           La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

-           Aucune question ne sera certifiée.

 

Juge

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3027-07

 

INTITULÉ :                                       DOUNGOUS HASSANE et

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                                                                                 L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 12 février 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              L’Honorable juge Simon Noël

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 19 février 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :                       

 

Me Valérie Jolicoeur                                                     POUR LE DEMANDEUR

 

 

Me Michèle Joubert                                                      POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Doyon & Associés                                                       POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

John Sims, c.r.                                                              POUR LE DÉFENDEUR       

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

 

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