Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20080208

Dossier : IMM-6397-05

Référence : 2008 CF 169

Ottawa (Ontario), le 8 février 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SUPPLÉANT BARRY STRAYER

 

 

ENTRE :

HUBERT PETER GOMES, GEETA GLORIA GOMES

LIRA MARIA GOMES, FLORA ADRIANA GOMES

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

INTRODUCTION

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) rendue le 30 septembre 2005, rejetant les demandes du statut de réfugié présentées par les demandeurs, ainsi que leurs demandes de protection fondées sur l’article 97.

 

FAITS

 

[2]               Le demandeur principal, Hubert Peter Gomes, et son épouse, Geeta Gloria Gomes, sont des citoyens du Bangladesh. Leurs deux enfants, Lira et Flora, sont nées aux Bermudes, mais sont également citoyennes du Bangladesh. Les parents soutiennent qu’ils sont chrétiens, un fait que la Commission ne semble pas remettre en question. Les demandeurs ont résidé à l’extérieur du Bangladesh à divers moments depuis 1991, lorsque le demandeur principal est parti travailler en Arabie saoudite. Il y a demeuré pendant deux ans et est ensuite retourné au Bangladesh. Il a quitté le Bangladesh en 1995 pour aller travailler à Bahreïn pendant deux ans et demi avant de retourner dans son pays en 1997. La même année, il est parti aux Bermudes où il a travaillé pendant sept ans. Il semblerait que son épouse y était aussi, du moins pendant un certain temps. Le demandeur principal affirme être retourné au Bangladesh à deux reprises, pendant cinq semaines en 2000 et pendant deux mois en 2004. À chaque fois, il aurait été attaqué par des [traduction] « hommes de main du Jamat et du BNP » (qui seraient apparemment des groupes politiques qui considèrent les chrétiens comme leurs opposants politiques). Il aurait été battu ([traduction] « sans pitié » la deuxième fois) et menacé lors des deux incidents. Selon l’épouse du demandeur principal, en 2000, les mêmes personnes ou des personnes semblables auraient fait invasion chez eux à la recherche du demandeur principal. Ces personnes les auraient alors menacés, son époux et elle, et auraient fait d’autres menaces à cette dernière en 2004. Le demandeur principal et son épouse ont tous deux affirmé qu’ils avaient signalé ces incidents à la police, mais qu’elle n’avait rien fait. Ils ont demeuré aux Bermudes jusqu’en mars 2005, lorsqu’ils sont entrés au Canada munis de visas de visiteurs afin d’assister au baptême du fils d’un ami. Ils prévoyaient se rendre en vacances au Bangladesh après leur visite au Canada. Cependant, le demandeur principal a affirmé que quelques jours après leur arrivée au Canada, il avait téléphoné à sa mère au Bangladesh et elle lui avait dit avoir reçu des menaces à son égard. Elle lui a indiqué qu’il serait préférable pour sa famille et lui de ne pas retourner au Bangladesh. Le 31 mars 2005, les demandeurs ont tous présenté des demandes d’asile au Canada.

 

[3]               La Commission, après avoir entendu les témoignages, a rejeté les demandes au motif que les demandeurs n’étaient pas crédibles et qu’ils n’avaient pas établi l’existence d’une crainte subjective de préjudice grave ou de persécution s’ils devaient retourner au Bangladesh.

 

ANALYSE

 

[4]               Dès le début de l’audience, les demandeurs ont retiré leurs arguments de manquement à l’équité dont aurait fait preuve la Commission en procédant à leur interrogatoire en premier.

 

[5]               À mon avis, les questions qui se posent sont essentiellement des questions relatives à la crédibilité et des questions de fait auxquelles s’applique la norme de contrôle de la décision manifestement déraisonnable : Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 39, au paragraphe 14; Sinan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 87, aux paragraphes 8 et 11.

 

[6]               Ayant examiné attentivement les critiques qu’a formulées l’avocate des demandeurs à l’égard de la décision de la Commission, dont certaines qui étaient valables, je ne peux affirmer que la conclusion de la Commission est manifestement déraisonnable sur ces points.

 

[7]               Je suis d’avis que certains des motifs énoncés par la Commission à l’appui de sa conclusion selon laquelle les demandeurs n’étaient pas suffisamment crédibles sont plutôt tirés par les cheveux. La Commission a souligné certaines contradictions entre le témoignage des demandeurs et leurs Formulaires de renseignements personnels. Par exemple, le demandeur principal a témoigné qu’un ami aurait été attaqué avec lui en février 2000, et qu’ils avaient tous deux porté plainte à la police. Il n’y avait mention ni de cet ami dans le Formulaire de renseignements personnels du demandeur principal ni du fait que son ami avait aussi porté plainte à la police. Le demandeur principal a offert une explication à cet égard qui, à mon avis, était vraisemblable. La Commission avait des doutes quant à l’affirmation du demandeur principal et de son épouse selon laquelle ils avaient signalé les incidents à la police, mais qu’ils ne pouvaient pas fournir une copie du rapport de police puisqu’ils n’en avaient reçu aucune. La Commission a trouvé douteux le fait que le demandeur principal et son épouse, dans leurs formulaires respectifs intitulés « Annexe 1 : Renseignements de base » avaient donné les noms des personnes qu’ils craignaient au Bangladesh, mais ne l’avaient pas fait dans leurs Formulaires de renseignements personnels. La Commission avait aussi des doutes quant au fait que les demandeurs avaient attendu du 17 mars 2005 au 31 mars 2005 avant de déposer une demande d’asile alors qu’ils se trouvaient au Canada. (Les demandeurs se trouvaient au Canada légalement et ne risquaient pas d’être renvoyés à l’époque. Selon eux, ils n’avaient pris la décision de présenter des demandes d’asile que quelques jours après leur arrivée, lorsque le demandeur principal avait parlé à sa mère.) De plus, la Commission a souligné que les demandeurs avaient obtenu le renouvellement de leurs passeports bangladais du consulat du Bangladesh à New York en 1999, et elle croyait manifestement que ce fait nuisait à leurs demandes. Il m’est difficile de comprendre pourquoi ce fait a mis en doute l’allégation d’absence de protection de l’État des demandeurs : le renouvellement des passeports avait eu lieu un an avant que le demandeur principal ait été attaqué au Bangladesh; en outre, les demandeurs ne se sont pas plaints de la persécution de la part de leur État, mais de l’omission de ce dernier de leur assurer une protection, ce qui est entièrement compatible avec la délivrance de nouveaux passeports par l’État en 1999 à New York.

 

[8]               Selon moi, tous ces doutes avaient peu de valeur et si j’avais eu à trancher l’affaire, j’aurais peut-être tiré une conclusion différente à l’égard de ces questions.

 

[9]               Cependant, compte tenu des autres éléments de preuve dont disposait la Commission, à mon avis, il existait des motifs solides permettant de douter que les demandeurs avaient établi une crainte subjective de retourner au Bangladesh : quoique le demandeur principal et son épouse avaient été menacés et que le demandeur principal avait été agressé physiquement au Bangladesh en 2000 et en 2004, ils prévoyaient en fait, en mars 2005, se rendre au Bangladesh à la suite de leur séjour au Canada. Il est vrai qu’ils ont affirmé que le demandeur principal, après leur arrivée au Canada, avait téléphoné à sa mère, qui lui avait dit avoir récemment reçu des menaces à son égard. Toutefois, ces menaces étaient très semblables aux blessures subies par le demandeur principal et aux menaces qu’il avait déjà reçues en 2000 et en 2004, en dépit desquelles sa famille et lui prévoyaient aller en vacances au Bangladesh en 2005. La Commission a aussi trouvé peu vraisemblable, avec raison à mon avis, que les demandeurs seraient pris pour cibles par des opposants politiques ou religieux au Bangladesh, compte tenu qu’ils avaient seulement demeurés dans ce pays trois mois au total dans les huit dernières années. Lorsque j’examine la décision dans son ensemble, je ne peux conclure qu’elle est manifestement déraisonnable : elle n’a pas été prise de façon arbitraire ou sans tenir compte de la preuve dont disposait la Commission.

 

DISPOSITIF

 

[10]           Par conséquent, je vais rejeter la demande de contrôle judiciaire. Les avocats n’ont proposé aucune question aux fins de certification et aucune question ne sera certifiée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié rendue le 30 septembre 2005 est rejetée.

 

 

« Barry Strayer »

Juge suppléant

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Isabelle D’Souza, LL.B., M.A.Trad. jur.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-6397-05

 

INTITULÉ :                                                               HUBERT PETER GOMES, GEETA

                                                                                    GLORIA GOMES, LIRA MARIA GOMES,

                                                                                    FLORA ADRIANA GOMES

                                                                                    c.

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

                                                                                    DE L’IMMIGRATION           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 30 JANVIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LE JUGE STRAYER

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 8 FÉVRIER 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Krassina Kostadonov

        POUR LES DEMANDEURS

 

Amy Lambiris

  POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates

Avocats

 

       POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.