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Date : 20080208

Dossier : IMM-705-07

Référence : 2008 CF 170

Ottawa (Ontario), le 8 février 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SUPPLÉANT BARRY STRAYER

 

 

ENTRE :

TARUN CHADHA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

INTRODUCTION

 

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire vise une décision, transmise au demandeur par lettre datée du 12 décembre 2006, par laquelle une agente des visas a rejeté la demande présentée par ce dernier en vue de l’obtention d’un visa de résident permanent.

 

 

 

LES FAITS

 

[2]               Le demandeur est un citoyen de l’Inde. Le 2 janvier 2004, son consultant en immigration à Toronto a envoyé en son nom une lettre au Consulat général du Canada (le Consulat général) à Buffalo en vue de l’obtention d’un visa de résident permanent. On peut supposer que le demandeur a présenté une demande à Buffalo parce qu’il ne pouvait pas le faire au Canada. Dans la lettre, le demandeur est décrit comme une personne [traduction] « qui travaille actuellement au Canada et qui est en train d’acquérir une expérience canadienne précieuse […] » Le 5 octobre 2004, le Consulat général à Buffalo a répondu qu’il avait complété l’évaluation initiale de la demande et qu’il [traduction] « prévoyait terminer le traitement de la demande sans recevoir le demandeur en entrevue ». Dans cette lettre, on demandait au demandeur de fournir des documents supplémentaires. Le 10 août 2005, le Consulat général a envoyé une autre lettre dans laquelle il demandait d’autres renseignements. Le 8 septembre 2005, le nouveau conseil du demandeur a envoyé des renseignements supplémentaires. Le 6 mars 2006, le Consulat général a informé le demandeur qu’il serait nécessaire de le recevoir en entrevue, et la date de l’entrevue a été fixée au 5 décembre 2006. Le 28 mars 2006, le conseil a transmis d’autres renseignements et demandé que l’entrevue soit annulée. Cependant, le 10 août 2006, le Consulat général a envoyé au demandeur un avis de convocation officiel confirmant la date et le lieu où l’entrevue se tiendrait à Buffalo, comme il avait déjà été prévu. Selon le dossier du demandeur dans la présente instance, son conseil a envoyé au Consulat général le 17 août 2006 une autre lettre faisant mention de l’avis de convocation à l’entrevue. Le conseil y précise que le demandeur et son épouse se sont déjà vu refuser des visas de visiteurs aux États-Unis et qu’il est donc improbable que le demandeur puisse se rendre à Buffalo pour subir son entrevue. Il demande que le dossier soit plutôt transféré à New Delhi puisque le demandeur et son épouse doivent y retourner. La lettre ne figure pas dans le dossier du tribunal et les notes du STIDI n’accusent pas réception de cette lettre par le Consulat général. Le 22 août 2006, le Consulat général a écrit au conseil sans faire mention de la lettre manquante et a indiqué que l’entrevue du demandeur était toujours prévue pour le 5 décembre 2006. Il a informé le demandeur qu’il pouvait choisir de se présenter à l’entrevue prévue ou de retirer sa demande du bureau de Buffalo en vue de la présenter à un autre bureau. Il a avisé le demandeur que sa demande pourrait être rejetée s’il ne se présentait pas à son entrevue. Le 23 novembre 2006, environ deux mois après l’envoi de la dernière lettre du Consulat général qui proposait au demandeur l’option de se présenter à l’entrevue ou de retirer sa demande en vue de la présenter ailleurs, le conseil a envoyé au Consulat général un courriel dans lequel il demandait encore une fois que l’entrevue soit annulée et donnait diverses raisons pour lesquelles, selon lui, la demande de visa devait être approuvée. Rien n’était demandé en ce qui concerne le transfert du dossier. Le 27 novembre 2006, le Consulat général a répondu à ce courriel en indiquant qu’une entrevue de sélection était toujours nécessaire et qu’il ne pouvait pas intervenir auprès des autorités américaines pour aider le demandeur à se rendre à Buffalo. Le demandeur ne s’est pas présenté à l’entrevue en question. Le 12 décembre 2006, l’agente des visas a écrit au demandeur pour lui dire qu’elle n’était pas convaincue qu’il satisfaisait aux exigences prévues au paragraphe 75(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et que, par conséquent, sa demande de visa de résident permanent était rejetée.

 

[3]               Le demandeur cherche maintenant à obtenir le contrôle judiciaire de cette décision. À l’appui de sa demande de contrôle, il invoque que l’agente a manqué à l’obligation d’équité procédurale en insistant pour qu’il subisse une entrevue à Buffalo alors qu’elle savait qu’il était dans l’impossibilité de se rendre à ce bureau des visas.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[4]               Les questions en litige sont les suivantes :

1.             L’agente des visas a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale en insistant pour que le demandeur subisse une entrevue à Buffalo alors qu’elle savait qu’il ne pouvait pas s’y rendre?

 

2.             La demande en vue de faire transférer le dossier à un autre bureau a-t-elle été rejetée de façon inéquitable?

 

L’ANALYSE

 

La norme de contrôle

 

[5]               On ne me demande pas de procéder au contrôle de la décision par laquelle l’agente a refusé le visa, mais plutôt d’examiner si la procédure suivie par cette dernière respectait les principes d’équité procédurale. Comme il s’agit d’une question d’équité, il n’est pas nécessaire d’appliquer l’analyse pragmatique et fonctionnelle habituelle : Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, aux paragraphes 101 à 103. En matière d’équité, les cours sont tenues de reconnaître le droit fondamental des tribunaux de choisir leur propre procédure, mais elles n’ont pas à faire preuve de beaucoup de retenue à l’égard de la décision d’un tribunal lorsqu’elles ont à trancher si la procédure suivie dans une affaire en particulier était équitable.

 

La convocation à une entrevue à Buffalo constituait-elle un manquement à l’obligation d’équité procédurale?

 

[6]               La Cour a affirmé à maintes reprises qu’une décision d’un agent des visas quant au lieu de l’entrevue n’est pas en soi susceptible de contrôle judiciaire (Dotsenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 789), et que la détermination du lieu de l'entrevue demeure à la discrétion de l'agent des visas (Ponomarenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 374, au paragraphe 11 (et la jurisprudence qui y est citée)). Dans les circonstances particulières de l'espèce, je crois toutefois que la Cour peut intervenir si l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire a entraîné un manquement à l’obligation d’agir équitablement. Sur ce point, le demandeur allègue qu’il était fondamentalement inéquitable que l’agente des visas insiste pour que l’entrevue ait lieu à Buffalo alors qu’elle savait qu’il n’était pas en mesure de s’y rendre.

 

[7]               Après avoir examiné la suite des faits,  je ne suis pas convaincu que l’agente a agi inéquitablement. Tout d’abord, le demandeur a choisi d’envoyer sa demande par la poste du Canada à Buffalo. Il était bien entendu tenu de présenter sa demande de visa de résident permanent de l’extérieur du Canada. Il aurait pu présenter sa demande en Inde, son pays de citoyenneté, mais il ne l’a pas fait. Il a plutôt présenté sa demande aux États-Unis, pays où il n’avait aucun droit d’entrée, et sans savoir s’il pouvait y obtenir un visa de visiteur. Dès le mois de mars 2006, il a été avisé qu’une entrevue était prévue pour le 5 décembre 2006, c’est-à-dire environ neuf mois plus tard. Au cours du même mois de mars, le conseil du demandeur a demandé pour la première fois l’annulation de l’entrevue, mais celle-ci a été confirmée par le Consulat général dans une lettre envoyée le 10 août 2006 et confirmée de nouveau dans une autre lettre, datée du 22 août 2006, qui indiquait que l’entrevue était toujours nécessaire, mais dans laquelle on proposait au demandeur de retirer sa demande avant qu’elle ne soit rejetée et de la présenter à un autre bureau. Une seule réponse a été fournie, deux mois plus tard, dans une lettre envoyée par l’avocat du demandeur qui sollicitait encore une fois l’annulation de l’entrevue. Une fois de plus, le 27 novembre 2006, l’agente des visas a confirmé qu’il serait nécessaire de tenir une entrevue le 5 décembre 2006. Le demandeur a donc clairement été averti que, s’il ne se présentait pas à son entrevue au bureau de Buffalo, où il avait choisi de présenter sa demande, celle-ci était susceptible d’être rejetée. La proposition voulant qu’il retire la demande et la présente ailleurs a été soumise au demandeur plus de trois mois avant la date prévue de l’entrevue. Sous réserve des observations qui suivront concernant le transfert possible du dossier, je ne crois pas que l’agente des visas pouvait faire davantage dans les circonstances après avoir conclu, comme elle avait le droit de le faire, qu’une entrevue était nécessaire.

 

La demande de transfert du dossier a-t-elle été rejetée de façon inéquitable?

 

[8]               De toute évidence, l’agent des visas n’est pas tenu de prendre l’initiative de transférer un dossier lorsque cela n’est pas demandé. Habituellement, les dossiers sont traités au bureau où ils ont été déposés. La question clé est de savoir s’il y a eu une demande claire pour que le dossier soit transféré à New Delhi, comme l’affirme le demandeur. La seule preuve du dépôt d’une telle demande consiste en la copie d’une lettre, datée du 17 août 2006, qui aurait été envoyée par l’avocat du demandeur au Consulat général et qui a été versée au dossier d’appel du demandeur. Le défendeur soutient que le Consulat général n’a jamais reçu cette lettre. La lettre ne figure pas dans le dossier du tribunal et on ne trouve pas d’affidavit au dossier confirmant son envoi. L’avocat du demandeur n’a de plus jamais réitéré la demande ou demandé au Consulat général comment il entendait donner suite à cette demande envoyée, selon les allégations, le 17 août 2006. Dans la lettre qui a suivi, datée du 23 novembre 2006, l’avocat n’a rien indiqué au sujet du départ du demandeur pour l’Inde (la raison initiale pour laquelle il aurait demandé le transfert du dossier). Par conséquent, je ne suis pas convaincu que la demande de transfert a été déposée, et on ne saurait reprocher à l’agente des visas d’avoir rejeté une demande que son bureau n’a jamais reçue.

 

[9]               Je demeure quelque peu troublé par le présent dossier car, bien que la conduite des agents respecte les exigences de la loi, ces derniers semblent avoir fait preuve de peu d’initiative pour trouver une solution raisonnable à l’impasse créée par la convocation à une entrevue dans un pays où le demandeur n’avait pas de droit d’entrée. Il ressort clairement de certaines des décisions rendues par la Cour que les agents des visas peuvent s’arranger pour que des entrevues se tiennent dans des bureaux autres que ceux où la demande a initialement été déposée. Si le demandeur avait présenté une demande claire et motivée visant à obtenir une entrevue, par exemple, dans son propre pays,  cela aurait très bien pu se faire. Aucune demande de ce genre n’a été présentée et l’agente des visas n’était pas tenue de prendre l’initiative de le proposer. Cependant, l’agente a effectivement proposé une solution – le retrait de la demande et le dépôt d’une nouvelle demande ailleurs – mais je ne comprends pas clairement pourquoi, si elle pouvait formuler une telle suggestion (suggestion qui, si elle avait été suivie, aurait entraîné d’autres années d’attente pour le demandeur), elle ne pouvait pas tout simplement proposer de tenir l’entrevue dans un autre bureau.

 

CONCLUSION

 

[10]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Les avocats n’ont proposé aucune question aux fins de certification et aucune question ne sera certifiée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire de la décision, rendue le 12 décembre 2006, par laquelle l’agente des visas a refusé d’accorder au demandeur le visa de résident permanent, est rejetée.

 

 

 

« Barry L. Strayer »

Juge suppléant

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B., B.A.Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-705-07

 

INTITULÉ :                                                               TARUN CHADHA

c.                                                                                 LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION     

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 29 JANVIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LE JUGE STRAYER

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 8 FÉVRIER 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Wennie Lee

   POUR LE DEMANDEUR

 

Gordon Lee

                  POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lee & Company

Avocats

 

   POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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