Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date :  20080208

Dossier :  IMM-443-08

Référence :  2008 CF 172

Ottawa (Ontario), le 8 février 2008

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

WAGNER SANABRIA CASTILLO

demandeur

et

 

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

1.         Introduction

[1]               Le demandeur ne s’est pas présenté à son renvoi le 7 octobre 2006. Un mandat d’arrestation a été émis contre lui le 23 octobre 2006. Ce mandat d’arrestation a été exécuté le 31 octobre 2007, soit un an plus tard.

 

[2]               Son défaut de se présenter à l’aéroport, le 7 octobre 2006, suffit, en lui seul, de rejeter la présente requête en sursis.

[3]               Nul ne devrait être capable de profiter de sa propre turpitude. C’est la raison pour laquelle la Cour refuse régulièrement d’entendre des personnes qui ne se présentent pas devant elle avec les mains propres :

[2]        … Moreover, as the applicant failed to present himself to an interview with Citizenship and Immigration Canada officials, a warrant for arrest was issued against him on July 17, 2002 and executed almost six months later on January 14, 2003. Clearly, the applicant is not presenting himself with clean hands before the Court…

(Mohar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 952, [2005] A.C.F. no 1179 (QL); également, Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1464, [2003] A.C.F. no 1901 (QL), par. 3.)

 

PROCÉDURE JUDICIAIRE

[4]               Il s’agit d’une requête présentée par le demandeur qui vise à obtenir une ordonnance afin de surseoir à l’exécution de son renvoi du Canada vers le Costa Rica prévu pour le 9 février 2008. La requête est greffée à une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de l’agent d’exécution de la loi, monsieur Yee Loch Cheung, à l’emploi de l’Agence des services frontaliers du Canada, rendue le 8 janvier 2008, d’effectuer le renvoi du demandeur.

 

2.         Faits

[5]               Le défendeur renvoie aux faits qui ressortent de l’affidavit de madame Aleksandra Wojciechowski et des pièces au soutien de cet affidavit ainsi que des faits ressortant de l’affidavit de l’agent Cheung.

3.         Points en litige

[6]               (1)        Est-ce que la Cour devrait exercer son pouvoir extraordinaire afin d’entendre un demandeur qui ne se présente pas devant elle avec les mains propres?

(2)        Est-ce que le demandeur a démontré l’existence d’une question sérieuse, d’un préjudice irréparable et a-t-il démontré que la balance des inconvénients est en sa faveur?

 

4.         Analyse

A)        Le demandeur n’a pas les mains propres

[7]               Le demandeur ne s’est pas présenté à son renvoi le 7 octobre 2006. Un mandat d’arrestation a été émis contre lui le 23 octobre 2006. Ce mandat d’arrestation a été exécuté le 31 octobre 2007, soit un an plus tard.

 

[8]               Son défaut de se présenter à l’aéroport le 7 octobre 2006 suffit en lui seul de rejeter la présente requête en sursis.

 

[9]               Nul ne devrait être capable de profiter de sa propre turpitude. C’est la raison pour laquelle la Cour refuse régulièrement d’entendre des personnes qui ne se présentent pas devant elle avec les mains propres :

[2]        … Moreover, as the applicant failed to present himself to an interview with Citizenship and Immigration Canada officials, a warrant for arrest was issued against him on July 17, 2002 and executed almost six months later on January 14, 2003. Clearly, the applicant is not presenting himself with clean hands before the Court…

(Mohar, ci-dessus; également, Chen, ci-dessus.)

B)        CRITÈRES APPLICABLES AUX DEMANDES DE SURSIS

[10]           Dans le but d'obtenir un sursis à l'exécution de la mesure de renvoi, le demandeur doit satisfaire aux trois éléments du critère à triple volets énoncé dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 6 Imm. L.R. (2d) 123 (C.A.F.). Il doit démontrer :

a)         que sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire soulève une question sérieuse;

b)         qu’il risque de subir un préjudice irréparable si le sursis n’est pas octroyé; et

c)         que la balance des inconvénients penche en sa faveur compte tenu de la situation globale des deux parties.

 

i)           Absence de question sérieuse

[11]           Dans les cas où un sursis accorderait les mesures de redressement sollicitées dans la demande sous-jacente, le fait que la question soulevée ne soit ni futile, ni vexatoire, ne suffit pas à remplir la condition de la "question sérieuse". Lorsqu'une requête en sursis est présentée à l'égard d'un refus de reporter un renvoi, le juge saisi de la requête doit aller plus loin que l'application du critère de la "question sérieuse" et examiner de près le fond de la demande sous-jacente. (Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2001 CFPI 148, [2001] A.C.F. no 295 (QL); Padda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1081, [2003] A.C.F. no 1353 (QL), par. 6; Kanagasabapathy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 441, [2004] A.C.F. no 544 (QL), par. 6.)

 

[12]           Dans son mémoire, le demandeur fait valoir que l’agent de renvoi a omis d’exercer son pouvoir discrétionnaire. De plus, le demandeur prétend que le dépôt d’une demande de résidence permanente pour des motifs humanitaires justifie le report de son renvoi.

 

[13]           Or, tel qu’il appert de l’affidavit de l’agent Cheung, le demandeur n’a jamais demandé, lors des rencontres des 8 et 22 janvier 2008, que son renvoi soit reporté pour quelque raison que ce soit.  

 

[14]           De plus, il appert des notes d’entrevue, du 8 janvier, que l’épouse du demandeur n’a pas expérimenté de complications avec sa grossesse durant les deux derniers mois (pièce K de l’affidavit de Aleksandra Wojciechowski).

 

[15]           Une demande pendante invoquant des motifs d’ordre humanitaire n’est pas un motif suffisant en soi pour reporter un renvoi. (Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 936, par. 12; Wang, ci-dessus, , par. 45; Kaur c. (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 741, [2001] A.C.F. no 1082, par. 18.)

 

[16]           Dans ces circonstances, il n’a pas été démontré par le demandeur que la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire qu’il a déposée en ce qui concerne l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'agent des renvois avait vraisemblablement des chances d’être accueillie.

 

 

 

ii)         Absence de préjudice irréparable

[17]           Le demandeur indique que, s’il est renvoyé du Canada, son épouse risque de subir un avortement si elle est privée de l’aide de son époux qui va à l’encontre de la preuve selon les éléments considérés à l’intérieur de ce dossier.

 

[18]           Premièrement, la preuve présentée dans la requête est insuffisante à démontrer que le demandeur, lui-même, subira un préjudice irréparable s’il est renvoyé au Costa Rica.

 

[19]           Or, la jurisprudence de cette Cour, dans sa majorité, porte que le préjudice irréparable doit être personnel au demandeur. (Csanyi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 758 (QL) (1re inst.), par. 4.)

 

[20]           Deuxièmement, les notes d’entrevue, du 8 janvier, révèlent qu’à cette date, l’épouse du demandeur n’avait pas eu de complications depuis deux mois.

 

[21]           Troisièmenent, le demandeur n’a, en aucun temps, demandé que son renvoi soit reporté en raison de problèmes liés à la grossesse de son épouse lors de sa rencontre avec l’agent Cheung, que ce soit le 8 ou le 22 janvier 2008 (voir l’affidavit de l’agent Cheung).

 

[22]           Dans l’affaire Tobar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 399; [2002] A.C.F. no 500 (QL), le juge J. François Lemieux a conclu:

[12]      En l'instance, il ressort de la preuve que la famille ferait face à de grandes difficultés si le demandeur était renvoyé. Il existe de nombreuses causes présentées devant notre Cour qui ont statué qu'une telle preuve ne suffit pas à satisfaire au critère du préjudice irréparable.

 

 

[23]           Dans Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 261, [2004] A.C.F. no 1200 (QL), la Cour d’appel fédérale a conclu comme suit:

[13]      Le renvoi de personnes qui sont demeurées au Canada sans statut bouleversera toujours le mode de vie qu'elles se sont donné ici [...].Néanmoins, les difficultés qu'entraîne généralement un renvoi ne peuvent à mon avis constituer un préjudice irréparable au regard du critère exposé dans l'arrêt Toth, car autrement il faudrait accorder un sursis d'exécution dans la plupart des cas dès lors qu'il y aura une question sérieuse à trancher [...]

 

 

[24]           En l’espèce, il n'y a aucune preuve au dossier qui démontrerait l’existence d’un préjudice irréparable si le demandeur est renvoyé au Costa Rica.

 

iii)        Balance des inconvénients

[25]           En l’absence d’une question sérieuse et de preuve crédible de torture ou de persécution, la balance des inconvénients favorise le Ministre, qui a intérêt à ce que l’ordonnance de renvoi soit exécutée à la date qu’il a fixée. (Morris c. M.C.I., IMM-301-97, 24 janvier 1997 (C.F.).)

 

[26]           En effet, le paragraphe 48(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27, prévoit qu’une mesure de renvoi doit être exécutée dès que les circonstances le permettent.

Mesure de renvoi

 

48.     (1) La mesure de renvoi est exécutoire depuis sa prise d’effet dès lors qu’elle ne fait pas l’objet d’un sursis.

Conséquence

 

(2) L’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être appliquée dès que les circonstances le permettent.

Enforceable removal order

 

48.      (1) A removal order is enforceable if it has come into force and is not stayed.

Effect

Effect

 

(2) If a removal order is enforceable, the foreign national against whom it was made must leave Canada immediately and it must be enforced as soon as is reasonably practicable.

 

5.         Conclusion

[27]           Pour l’ensemble de ces motifs, la demande de sursis du demandeur est rejetée.

 

 


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de sursis du demandeur soit rejetée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-443-08

 

INTITULÉ :                                       WAGNER SANABRIA CASTILLO c.

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                                            ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa, Ontario

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 8 février 2008 (par téléconférence)

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 8 février 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Claude Brodeur

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Lisa Maziade

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

CLAUDE BRODEUR, Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-Procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.