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Date : 20080206

Dossier : T-1137-07

Référence : 2008 CF 153

Ottawa (Ontario), le 6 février 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

 

 

ENTRE :

SERGEY PASHKURLATOV

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               M. Pashkurlatov est un citoyen russe qui a été déclaré coupable de voies de fait graves et de vol qualifié à la suite de son plaidoyer de culpabilité. Il a été condamné à une peine d’emprisonnement de cinq ans et huit mois. Au moment de la perpétration du crime, le demandeur se trouvait illégalement au Canada.

 

[2]               Le demandeur avait sollicité la libération conditionnelle totale auprès de la Commission nationale des libérations conditionnelles (la CNLC) en prévision de son renvoi en Russie, une perspective qu’il envisageait de façon positive. La demande de libération conditionnelle a été rejetée au départ et ce rejet a été confirmé lors d’un appel interjeté auprès de la Section d’appel.

 

[3]               Les questions principales dont la Section d’appel était saisie portaient sur les conclusions de fait de la CNLC relatives au crime et sur son évaluation du risque que le demandeur présentait pour la société. La Section d’appel a jugé que la conclusion de la CNLC était raisonnable. Il s’agit du contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section d’appel.

 

[4]               Dans le présent contrôle judiciaire, le demandeur allègue :

1)         que la Section d’appel a outrepassé sa compétence en déplaçant le fardeau de la preuve visant à établir que la personne mise en liberté serait surveillée dans le pays d’accueil;

2)         qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale puisque la Section d’appel a fait mention d’une dispute ayant eu lieu le jour avant l’audience devant la CNLC, dispute pour laquelle il n’y avait eu ni accusation ni déclaration de culpabilité, au moment de l’audience en question;

3)         que la Section d’appel a commis une erreur en confirmant la conclusion de la CNLC selon laquelle l’agression de la victime (l’objet de la déclaration de culpabilité) avait duré trois heures plutôt que trente secondes, comme l’avait soutenu le demandeur. On allègue que cette conclusion est manifestement déraisonnable.

II.         CONTEXTE FACTUEL

[5]               Le 7 mai 2004, le demandeur et un complice se sont introduits par effraction dans la maison du propriétaire d’une bijouterie. Pendant trois heures, ils ont détenu la victime dans son appartement et l’ont battu afin d’obtenir les clés de la bijouterie, le code du système d’alarme et la combinaison du coffre-fort. Ils ont donné des coups de poing au visage de la victime et lui ont frappé la tête à plusieurs reprises à l’aide d’un haltère de 20 livres. La victime a reçu 30 agrafes pour fermer la plaie à sa tête et 15 points de suture pour réparer son oreille.

 

[6]               À son procès, le demandeur a plaidé coupable à des infractions de voies de fait graves, de vol qualifié et d’introduction par effraction dans le dessein de commettre un acte criminel. Il avait déjà un casier judiciaire au Canada pour avoir possédé des biens volés, commis de la fraude et proféré des menaces. Il avait également fait l’objet de déclarations de culpabilité en Russie.

 

III.       ANALYSE

[7]               La norme de contrôle applicable aux questions de compétence et d’équité procédurale a été établie comme la décision correcte, et celle applicable aux conclusions de fait comme la décision manifestement déraisonnable (voir l’arrêt Cartier c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 384). Compte tenu des propos du juge Major dans l’arrêt Voice Construction Ltd. c. Construction & General Workers’ Union, Local 92, [2004] 1 R.C.S. 609, selon lesquels la norme de la décision manifestement déraisonnable ne devrait être appliquée que rarement, même si on appliquait la norme de la décision raisonnable en l’espèce, le résultat serait le même.

A.        Compétence

[8]               En décidant d’autoriser la libération conditionnelle, la CNLC est guidée par un certain nombre de principes prévus à l’article 101 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, dont deux qui sont particulièrement pertinents en l’espèce :

a)         la protection de la société;

b)         le règlement des cas doit être le moins restrictif possible.

 

[9]               Il n’y a eu aucun déplacement du fardeau de la preuve comme l’a allégué le demandeur, mais on a plutôt conclu que la preuve était insuffisante quant au plan de surveillance du demandeur en Russie suivant sa libération conditionnelle. La CNLC doit être diligente lorsqu’elle met des personnes en liberté avant l’expiration de leur peine ou avant leur libération d’office.

 

[10]           Il semble absurde qu’un détenu étranger puisse obtenir sa libération conditionnelle sans qu’il soit tenu compte de la surveillance ultérieure suivant son renvoi, alors qu’un détenu canadien ferait l’objet de surveillance au pays.

 

[11]           Je ne peux conclure à aucune erreur de compétence à cet égard.

 

 

 

 

 

B.         Équité procédurale

[12]           Le demandeur conteste la conclusion selon laquelle sa fierté a constitué un obstacle à sa réadaptation et continue d’être un facteur dans sa prédisposition à la violence. Il soutient qu’il était inapproprié de tenir compte d’une dispute pour laquelle, au moment de l’audience devant la CNLC, il n’avait fait l’objet d’aucune accusation ni d’aucune déclaration de culpabilité.

 

[13]           La conclusion relative à la fierté du demandeur était fondée sur plusieurs facteurs, notamment que le crime violent avait été perpétré afin d’obtenir de [traduction] « l’argent à étaler aux yeux de tous », un symbole de succès. La dispute constituait un facteur, puisque le demandeur avait admis qu’elle avait eu lieu. Il existait au dossier un fondement raisonnable à l’appui de la conclusion selon laquelle le demandeur n’avait pas fait preuve d’assez de discipline personnelle pour se tirer de cette situation.

 

[14]           Il n’y avait rien d’injuste à se pencher sur l’importance de la dispute, fait que le demandeur n’a d’ailleurs pas nié. Le demandeur débat de la conclusion qui aurait dû être tirée, mais il ne s’agit pas là d’une question d’équité procédurale.

 

C.        Conclusion de fait

[15]           Enfin, le demandeur allègue qu’une conclusion de fait a été tirée selon laquelle il avait battu sa victime pendant trois heures, alors qu’en fait, il l’aurait battu pendant trente secondes seulement.

 

[16]           Compte tenu du fait que l’agression (autre que les gifles au visage) avait été de frapper la victime à la tête et aux alentours de celle-ci à l’aide d’un haltère de 20 livres, toute proposition selon laquelle il aurait été conclu que l’agression à l’aide de cet objet avait duré trois heures sans arrêt est ridicule. Rien au dossier ne tend à indiquer que la CNLC ou la Section d’appel a tiré cette conclusion.

 

IV.       CONCLUSION

[17]           Je conclus que le présent contrôle judiciaire n’a absolument aucun fondement. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée avec dépens.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Isabelle D’Souza, LL.B., M.A.Trad. jur.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                T-1137-07

 

INTITULÉ :                                                               SERGEY PASHKURLATOV

                                                                                    c.

                                                                                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU

                                                                                    CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 4 FÉVRIER 2008

                                                           

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 6 FÉVRIER 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

John L. Hill

 

POUR LE DEMANDEUR

Shain Widdifield

 

              POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John L. Hill

Avocat

Toronto (Ontario)

 

              POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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