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Date : 20080204

Dossier : IMM-793-07

Référence : 2008 CF 145

Ottawa (Ontario), le 4 février 2008

En présence de Monsieur le juge Orville Frenette

 

 

Entre :

NADIYA KOVAL’OK

demanderesse

 

et

 

le ministre de la citoyenneté et de l’immigration

défendeur

 

 

 

motifs du jugement et jugement

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) datée du 30 janvier 2007. Dans cette décision, la Commission a rejeté la demande d’asile présentée par la demanderesse en vertu de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, et ses modifications (la LIPR), concluant que la demanderesse n’était pas une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger parce qu’il n’y avait aucun fondement crédible à sa demande aux termes du paragraphe 107(2) de la LIPR.

 

[2]               Pour les motifs énoncés ci-après, je conclus que les conclusions de la Commission n’étaient pas manifestement déraisonnables et, par conséquent, je rejetterai la présente demande.

 

I. Les faits

 

[3]               La demanderesse est une citoyenne adulte de l’Ukraine. Elle est arrivée au Canada le 25 décembre 2005, grâce à un visa de visiteur valide pour six mois, obtenu au motif qu’elle avait l’intention de rendre visite à sa sœur au Canada [traduction] « pendant environ un mois pour fêter l’arrivée de la nouvelle année ». À l’expiration du visa de la demanderesse six mois plus tard, elle a présenté une demande de prolongation qui a été refusée. Elle a présenté une demande d’asile quelques jours plus tard, fondée sur la crainte de mauvais traitements de la part de son ancien conjoint de fait en Ukraine.

 

[4]               À l’appui de ses allégations, la demanderesse a relaté cinq incidents de violence précis qui ont eu lieu entre janvier 2004 et octobre 2005. La demanderesse a déclaré qu’elle a été hospitalisée lors de quatre des cinq incidents et elle a présenté des dossiers médicaux sous la forme d’extraits de son « carnet de santé » pour corroborer sa description des incidents qui se sont produits en mai 2004, en août 2005 et en octobre 2005.

 

[5]               Les dossiers médicaux traduits révèlent qu’en mai 2004, la demanderesse a subi des brûlures au second degré sur les membres inférieurs. La demanderesse allègue, et le dossier le corrobore, qu’elle a subi les brûlures après avoir été poussée par son ancien époux dans un feu de camp alors qu’ils campaient. Le second ensemble d’extraits du « carnet de santé » révèle qu’en août 2005, la demanderesse a subi des blessures au visage et une [traduction] « fracture de la pointe du coude droit », qui a été immobilisée au moyen d’un plâtre pendant six semaines. Selon la demanderesse, ses blessures se sont produites après que son époux l’eut poussée, entraînant un séjour de huit jours à l’hôpital. Le troisième incident consigné dans les extraits du dossier médical a eu lieu en octobre 2005 et avait résulté en des ecchymoses au visage, aux bras et aux jambes. La demanderesse a déclaré avoir subi ces blessures après avoir été giflée et, à cette occasion, elle a passé trois jours à l’hôpital.

 

[6]               Le formulaire de renseignements personnels (FRP) de la demanderesse et les notes du rapport d’examen décrivent également un incident qui a eu lieu en août 2004 au cours duquel la demanderesse a été poussée et s’est blessée au bas du dos et à la taille. Selon les allégations de la demanderesse, elle s’est rendue à l’hôpital pour des radiographies, qui n’ont révélé aucune blessure. Aucun extrait du « carnet de santé » dans le dossier ne porte sur cet incident. Elle a présenté deux photographies de deux personnes sans dire qui elles étaient ni le moment où les photos avaient été prises, et sans prouver l’identité de ces personnes.

 

II. La décision de la Commission

 

[7]               La Commission a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité de la demanderesse, s’appuyant sur plusieurs omissions évidentes du FRP de la demanderesse et sur des parties de son témoignage qui étaient incompatibles avec la connaissance spécialisée de la commissaire sur l’Ukraine.

 

[8]               Plus particulièrement, la Commission a souligné que le FPR de la demanderesse omettait de mentionner plusieurs faits qu’elle a abordés dans son témoignage, y compris l’influence de sa mère sur sa décision de retourner chez son époux, les liens étroits de l’époux avec la police et le maire et l’hospitalisation de la demanderesse après avoir été poussée dans le feu de camp en mai 2004. Il y avait également des incohérences concernant qui avait communiqué avec la police pour le compte de la demanderesse au cours de l’incident d’octobre 2005.

 

[9]               Lorsqu’à l’audience on a attiré son attention sur les omissions et les incohérences, la demanderesse a déclaré à plus d’une reprise qu’elle avait fourni les renseignements omis à son avocat. La Commission a rejeté cet argument, soulignant qu’elle connaissait l’avocat de la demanderesse et qu’il était un avocat réputé.   

 

[10]           Outre les incohérences énoncées ci-dessus, la commissaire s’est également appuyée sur sa connaissance spécialisée pour conclure que la demanderesse n’était pas crédible. À titre d’exemple, la Commission a conclu que si la demanderesse avait été hospitalisée en raison de mauvais traitements, elle aurait su que les médecins avertissent la police, qui se rend à l’hôpital pour obtenir des renseignements sur les circonstances en cause. La demanderesse a déclaré que même si le médecin avait communiqué avec les policiers, ceux-ci avaient refusé de se rendre à l’hôpital, disant au médecin qu’ils ne s’occupaient pas de problèmes familiaux. La Commission a également noté que si la demanderesse avait vécu avec son époux, elle aurait eu en sa possession le document d’enregistrement pertinent le prouvant. La demanderesse a déclaré dans son témoignage que sa mère avait tenté d’obtenir cet enregistrement auprès des autorités en matière de logement et qu’il lui avait été refusé. La Commission a refusé d’accepter cette explication, disant que l’avocat de la demanderesse aurait su recourir à une procuration pour obtenir des documents comme celui-là.

 

[11]           En plus des questions énoncées plus haut, la Commission a également mis en doute l’opportunité du moment de la demande d’asile de la demanderesse. La Commission a noté que la demanderesse avait déposé sa demande d’asile plusieurs jours après le rejet de sa demande de prolongation de visa. Dans son témoignage, la demanderesse a déclaré qu’elle n’avait pas présenté une demande d’asile immédiatement à son arrivée au Canada car elle croyait que son époux l’oublierait. Cependant, pendant le séjour de la demanderesse au Canada, sa mère l’avait informée que son époux continuait à la rechercher et qu’il avait proféré des menaces de mort à son endroit. La Commission a rejeté cette explication et a conclu qu’il n’était pas raisonnable qu’une réfugiée dans la situation de la demanderesse présente une demande d’asile uniquement après le refus de la prolongation de son visa.

 

[12]           Dans l’ensemble, la Commission a conclu que la demanderesse n’était aucunement crédible. En conséquence de sa conclusion défavorable quant à la crédibilité, la Commission n’a accordé aucun poids aux éléments de preuve médicale que la demanderesse avait présentés. Au bout du compte, la Commission a rejeté la demande d’asile de la demanderesse.

 

III. Les questions en litige

 

[13]           La demanderesse a soulevé les deux questions suivantes :

1.         La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en appuyant sa conclusion défavorable quant à la crédibilité sur plusieurs omissions qui ne sont pas essentielles à la question?

2.         La Commission a-elle indûment écarté des éléments de preuve documentaire?

 

IV. Analyse

 

A. La norme de contrôle

 

[14]           Il est bien établi qu’il faut faire preuve de retenue à l’égard des conclusions de la Commission en matière de crédibilité et de plausibilité et que la norme de contrôle applicable à ces conclusions est la décision manifestement déraisonnable (Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 N.R. 315, au paragraphe 4 (C.A.F.)).

 

B. Les éléments de preuve déposés avec la demande de contrôle judiciaire

 

[15]           Avant de me pencher sur le bien-fondé des arguments des parties, je ferai de brefs commentaires concernant les éléments de preuve déposés par la demanderesse avec la présente demande de contrôle judiciaire. Plus particulièrement, la demanderesse a déposé deux affidavits, l’un souscrit par la demanderesse et l’autre souscrit par un adjoint juridique du bureau de son avocat. Ces affidavits, dont la Commission n’a pas été saisie, répondent à divers aspects de la décision de la Commission et examinent l’utilisation des dossiers médicaux en Ukraine, l’authenticité des dossiers médicaux de la demanderesse et contiennent des observations sur la terminologie médicale utilisée dans les dossiers médicaux. Deux « pièces » sont jointes à l’affidavit de l’adjoint juridique et consistent en l’impression de documents obtenus dans Internet. 

 

[16]           Ces éléments de preuve ne sont pas régulièrement admissibles et je ne leur ai accordé aucun poids dans ma décision. Les renseignements que contiennent les affidavits vont au-delà des connaissances personnelles de leurs auteurs et aucun d’eux n’a été présenté comme spécialiste médical ou spécialiste de l’Ukraine.

 

Question 1 - La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en appuyant sa conclusion défavorable quant à la crédibilité sur plusieurs omissions qui ne sont pas essentielles à la question?

 

[17]           La demanderesse allègue que la Commission a commis une erreur en appuyant sa conclusion défavorable quant à sa crédibilité sur des omissions dans don FRP, qui ne sont pas essentielles à la question. Plus précisément, la demanderesse mentionne les commentaires de la Commission concernant l’influence de sa mère et l’omission de la demanderesse de mentionner dans son FRP les liens étroits de son époux avec la police.

 

[18]           À l’audience, la demanderesse a déclaré dans son témoignage que sa mère avait eu une influence déterminante sur sa décision de retourner chez son ancien époux après l’incident du feu de camp. Toutefois, il n’y avait aucune indication de l’influence de sa mère dans son FRP. La commissaire a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse avait ajouté ces détails le jour de l’audience pour renforcer sa demande d’asile.

 

[19]           De même, la demanderesse a affirmé dans son témoignage que son ancien époux avait des liens étroits avec la police. Elle ne les a toutefois pas mentionnés dans son FRP. À une occasion lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle n’avait pas remarqué cette omission dans son FRP, la demanderesse a déclaré ce qui suit : [traduction] « Mon état est tel que je me sens moi-même très mal et je suis ravagée par l’émotion et je veux oublier [mon époux]. » La Commission a rejeté cette explication comme n’étant pas crédible et a conclu que l’omission concernant les liens étroits de l’époux avec la police était une omission importante, plus particulièrement parce que ces liens étroits avec la police étaient le fondement de l’argument de la demanderesse selon lequel elle n’avait pas de possibilité de refuge intérieur dans son pays.

 

[20]           La demanderesse soutient que les conclusions de la Commission sur ces questions reviennent à scruter les éléments de preuve à la loupe, ce contre quoi la Cour d’appel fédérale a fait une mise en garde dans l’arrêt Attakora c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 99 N.R. 168 (C.A.F.) :

J'ai parlé du zèle mis par la Commission à déceler des contradictions dans le témoignage du requérant. Bien que la Commission ait une tâche difficile, elle ne devrait pas manifester une vigilance excessive en examinant à la loupe les dépositions de personnes qui, comme le présent requérant, témoignent par l'intermédiaire d'un interprète et rapportent des horreurs dont il existe des raisons de croire qu'elles ont une réalité objective.

 

 

[21]           Toutefois, il est arrivé que l’arrêt Attakora soit déclaré non applicable à l’espèce. Par exemple, dans la décision Sefeen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 380, au paragraphe 15, la Cour a jugé que l’examen de la Commission n’avait pas été fait à la loupe, mais qu’elle avait simplement examiné les éléments de la relation des faits du demandeur. En l’espèce, je conclurais de même que l’approche de la Commission ne constituait pas un examen à la loupe. Comme le témoignage de la demanderesse était relativement bref et axé sur un petit nombre de faits distincts, la commissaire avait le droit d’interroger la demanderesse sur ces faits et de tirer les conclusions pertinentes en s’appuyant sur les réponses de la demanderesse à ces questions.

 

[22]           La demanderesse s’appuie également sur la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Richards, 2004 CF 1218, dans laquelle la Cour a jugé que l’omission de certains détails dans un FRP ne mène pas nécessairement à la conclusion selon laquelle le demandeur n’est pas crédible. Plus précisément, la Cour a statué comme suit aux paragraphes 18 et 19 :

[18]      Les conclusions favorables quant à la crédibilité tirées par la Commission relevaient de sa compétence et n'étaient pas manifestement déraisonnables ou même simplement déraisonnables. La Commission s'est correctement abstenue de faire un examen à la loupe lorsqu'elle a apprécié la preuve et lorsqu'elle a tiré ses conclusions : arrêt Attakora c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 99 N.R. 168 (C.A.F.), et arrêt Owusu-Ansah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] A.C.F. no 442 (C.A.) (QL). La Commission disposait d'éléments de preuve documentaire provenant de la police jamaïcaine qui corroboraient le fait qu'il avait signalé que des brutes avaient tiré des coups de feu sur lui et l'avaient attaqué. Le fait que ces renseignements n'étaient pas mentionnés dans son FRP ou dans les notes consignées au point d'entrée n'amène pas inexorablement à conclure que la seule interprétation raisonnable de la preuve est la conclusion selon laquelle M. Richards n'est pas digne de foi.

 

[19]      Bien qu'il lui soit totalement loisible de tirer des conclusions défavorables du fait que certains détails divulgués dans le témoignage de vive voix ne sont pas inclus dans l'exposé narratif du FRP d'un demandeur d'asile, ou ne sont pas mentionnés par un individu au point d'entrée, la Commission n'est pas tenue de voir défavorablement l'absence de tels détails et de l'utiliser contre la crédibilité d'un demandeur d'asile. Les trois sources ne se contredisent pas directement, mais plutôt il est évident que le témoignage de vive voix de M. Richards expose et fournit beaucoup plus de détails que ceux contenus dans le très bref exposé narratif du FRP et les notes d'entrevue passablement brèves consignées au point d'entrée. La déclaration de la Commission selon laquelle les notes consignées au point d'entrée sont compatibles avec l'exposé narratif du FRP et le témoignage de vive voix du demandeur d'asile et de son épouse, qui a rendu un témoignage lors de l'audience, n'est pas une conclusion manifestement déraisonnable.

 

Voir également De Seram c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1123, [2007] A.C.F. no 1487 (1re inst.) (QL).

 

[23]           En s’appuyant sur cette jurisprudence, la demanderesse soutient que la commissaire n’aurait pas dû tirer de conclusions défavorables fondées sur des omissions dans son FRP, en particulier parce que son témoignage oral ne contredisait pas les renseignements que contenait son FRP.

 

[24]           Toutefois, même la Cour souligne, dans l’extrait ci-dessus de la décision Richards, qu’il est loisible à la Commission de tirer des conclusions défavorables fondées sur des omissions dans le FRP d’un demandeur. Le ministre a également mentionné plusieurs décisions qui autorisaient de telles conclusions défavorables (voir par exemple Karikari c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 169 N.R. 131, aux paragraphes 8 à 14 (C.A.F.); Veerakathy c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 220, au paragraphe 2 (1re inst.) (QL)).

 

[25]           Je suis conscient du fait que mon rôle est limité dans le contrôle de la décision de la Commission, particulièrement le contrôle de ses conclusions quant à la crédibilité. Contrairement à la commissaire, je n’ai pas eu l’occasion de voir et d’entendre moi-même le témoignage de la demanderesse. Je peux uniquement intervenir si la Commission a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle dispose.

 

[26]           Même si je n’aurais pas forcément tiré la même conclusion que la commissaire, je conclus qu’il lui était loisible de tirer des conclusions défavorables fondées sur des omissions dans le FRP de la demanderesse. Il lui était également loisible de conclure que des facteurs tels que l’influence de la mère et les liens étroits de l’époux avec la police constituaient des omissions importantes, particulièrement compte tenu de l’ensemble du témoignage de la demanderesse. De plus, il n’est pas nécessaire que chaque omission individuelle soit suffisamment importante pour attaquer la crédibilité de la demanderesse, pourvu que l’accumulation des omissions étaye une conclusion défavorable quant à la crédibilité (voir Nejme c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 1822, au paragraphe 2 (1re inst.) (QL)). Compte tenu des nombreuses omissions et incohérences dans le récit de la demanderesse, je conclus que la conclusion de la commissaire quant à la crédibilité n’était pas manifestement déraisonnable.

 

Question 2 - La Commission a-elle indûment écarté des éléments de preuve documentaire?

 

[27]           La demanderesse allègue que la commissaire a indûment écarté des éléments de preuve documentaire. La demanderesse soutient plus particulièrement que si la Commission avait des réserves concernant l’admissibilité du rapport médical, elle aurait dû les exprimer à l’audience. De plus, la demanderesse prétend que la Commission a commis une erreur en n’examinant pas l’ensemble de la preuve, n’ayant pas examiné les photographies présentées en preuve ni fait de commentaire à leur sujet.

 

[28]           En ce qui a trait à la preuve de nature médicale, la Commission a déclaré dans sa décision que puisqu’elle concluait à l’absence de crédibilité de la demanderesse, elle n’accordait aucun poids au rapport médical. Nonobstant cette conclusion, la commissaire a poursuivi en s’interrogeant sur l’absence apparente de terminologie médicale utilisée dans les dossiers médicaux et a noté l’absence de certains détails, comme le changement quotidien des pansements qui était nécessaire pendant 30 jours suivant la brûlure. Compte tenu de la décision, la question de savoir si la Commission n’était pas d’accord avec l’authenticité des rapports mêmes ou si elle ne croyait pas que les faits décrits dans les rapports découlaient de la violence conjugale, n’est pas claire.

 

[29]           Même si la Commission commet une erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle omet de tenir compte d’un rapport médical, ce n’est pas le cas en l’espèce. La commissaire a tenu compte du rapport, mais n’y a accordé aucun poids en raison de sa conclusion selon laquelle la demanderesse n’était pas crédible. Bien que la Cour ait statué qu’une fois qu’une décision quant à la crédibilité a été prise, la Commission a le droit d’utiliser cette conclusion dans son évaluation du poids à accorder à d’autres éléments de preuve (voir par exemple Songue c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1996] A.C.F. no 1020, au paragraphe 12 (1re inst.) (QL)), l’applicabilité de ce raisonnement peut être fonction du type des « autres éléments de preuve » en cause. En ce qui a trait aux rapports médicaux indépendants, l’analyse du juge Blanchard dans la décision Ameir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 876, au paragraphe 27, est instructive :

La Commission ne tient pas compte des deux rapports médicaux. D'abord, le rapport psychologique du Dr Devin qui fait état des symptômes du demandeur provoqués par le mauvais traitement que celui-ci prétend avoir reçu de la part des autorités tanzaniennes. Puis, l'opinion clinique du Dr Hirsz selon lequel le demandeur avait subi une voie de fait et que ses cicatrices concordaient avec les allégations de trauma. Aucune valeur probante n'a été accordée à ces deux rapports parce que la Commission avait conclu que le demandeur n'avait pas établi de manière crédible le bien-fondé de sa revendication. Le demandeur soutient que ces rapports touchent à sa crédibilité et que la Commission aurait dû en tenir compte dans son appréciation. Le demandeur soutient que la Commission a plutôt fondé sa décision de rejeter les rapports sur sa conclusion quant à son manque de crédibilité. Ce n'est pas à l'expert médical qu'il incombe d'apprécier et de déterminer la crédibilité d'un demandeur de statut; c'est la fonction de la Commission. La Commission peut n'accorder aucune valeur probante à un rapport médical lorsqu'il est essentiellement fondé sur les allégations, qu'elle ne croit pas, du revendicateur. Cependant, il arrive que des rapports reposent aussi sur les observations cliniques qui sont tirées indépendamment de la crédibilité du revendicateur. En l'espèce, le rapport médical du Dr Hirsz repose, au moins en partie, sur des examens indépendants et objectifs. Dans de tels cas, les rapports d'experts peuvent servir de preuve corroborante pour décider de la crédibilité d'un revendicateur et il faut donc en traiter avant de les rejeter. En l'espèce, la Commission a, toutefois, rejeté les deux rapports sur le seul fondement de sa conclusion que le demandeur n'était généralement pas crédible. Étant donné ma décision que la Commission a commis une erreur dans sa décision touchant la crédibilité, il s'ensuit que sa conclusion sur ces deux rapports ne tient pas.

 

[30]           À la lumière de cette jurisprudence, il aurait pu être inapproprié que la Commission écarte le rapport médical, qui fournissait des renseignements médicaux indépendants, en se fondant uniquement sur la conclusion quant à la crédibilité.

 

[31]           Toutefois, en l’espèce, la Commission est allée plus loin et a exprimé de brefs commentaires sur le rapport même, mentionnant l’absence apparente de terminologie médicale et l’omission de détails comme le fait que la demanderesse était tenue de se présenter tous les jours pour faire changer ses pansements. Bien que je trouve discutables les conclusions de la Commission à l’égard de l’utilisation de la terminologie médicale, compte tenu que la Commission ne possède pas d’expertise médicale, la preuve appuie clairement ses conclusions concernant l’absence de mention du changement quotidien des pansements.

 

[32]           De plus, après un examen rapide des extraits de rapports médicaux contenus dans le dossier, je suis convaincu que la commissaire avait des motifs de mettre en doute leur valeur à titre de preuve corroborante. Je constate que l’inscription concernant les brûlures ne comporte pas le tampon officiel de l’hôpital qui apparaît sur les autres pages et semble être une version tronquée de l’ensemble du rapport. En outre, le texte mentionne qu’une explication des mauvais traitements est jointe, mais aucune traduction de cette explication n’a été versée au dossier. Par ailleurs, aucun extrait ne mentionne que la demanderesse a passé la nuit à l’hôpital et aucun extrait du dossier médical ne corrobore les allégations de la demanderesse selon lesquelles elle s’est rendue à l’hôpital en août 2004 pour des radiographies.

 

[33]           Bien que la commissaire eût pu énoncer son raisonnement et ses conclusions plus clairement sur la question du rapport médical, je ne peux conclure qu’elle a omis de tenir compte de la preuve documentaire ou que ses conclusions sur cette question étaient manifestement déraisonnables.

 

[34]           À l’égard des éléments de preuve documentaire, la demanderesse présente un deuxième argument. Elle soutient que l’omission de la Commission de mentionner les deux photographies qu’elle a présentées constitue une omission de tenir compte de la totalité de la preuve et, par conséquent, constitue une erreur en droit (voir par exemple, Toro c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1981] 1 C.F. 652, aux paragraphes 1 et 2 (C.A.); Irarrazabad-Olmedo c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1982] 1 C.F. 125 (C.A.)). La demanderesse affirme que cela est particulièrement accablant, car elle a uniquement présenté trois éléments de preuve documentaire au total et les photographies contredisent directement la conclusion de la Commission concernant l’incident du feu de camp.

 

[35]           À mon humble avis, la présente affaire se distingue des autres mentionnées par la demanderesse. Les photographies sur lesquelles la demanderesse s’appuie montreraient la demanderesse et son ancien époux au site de camping le jour de l’incident du feu de camp. Selon la demanderesse, les photographies corroborent son récit, puisqu’elles montrent que ces jambes étaient découvertes.

 

[36]           Contrairement à l’affirmation de la demanderesse, ces photographies ne constituent pas des éléments de preuve importants ou pertinents. Il n’existe pas de preuve indépendante établissant la date à laquelle les photographies ont été prises ni que l’homme sur les photographies est l’ancien époux de la demanderesse. De plus, ces photographies ne montrent pas que la demanderesse a subi des brûlures ou que les brûlures ont été causées parce qu’elle a été poussée dans le feu.

 

[37]           La Commission est présumée avoir tenu compte de toute la preuve, qu’elle affirme ou non qu’elle l’a fait (Hassan v. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.)). Compte tenu que les photographies n’ont pas réellement de valeur, pour peu qu’elles en aient, pour corroborer le récit de la demanderesse, l’omission de la Commission de les mentionner n’est pas fatale, en particulier lorsque l’élément de preuve ne contredit pas directement ses conclusions.

 

V. Conclusion

 

[38]            Compte tenu des motifs exposés ci-dessus, la demande sera rejetée. Aucune partie n’a présenté de question à certifier, donc aucune ne le sera. Aucuns dépens ne seront adjugés.

 

 


JUGEMENT

Pour les motifs exposés,

La cour statue QUE :

                        1.         la demande est rejetée;

                        2.         aucune question n’est certifiée;

                        3.         aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

                      


 

 

 

 

 

Cour fédérale

 

Avocats inscrits au dossier

 

 

 

Dossier :                                        IMM-793-07

 

Intitulé :                                       Nadiaya Koval’ok

                                                            c.

                                                            LE ministre de la citoyenneté et de l’immigration

 

 

Lieu de l’audience :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 15 janvier 2008

 

Motifs du jugement

Et jugement :                              le juge suppléant Frenette

 

Date des motifs :                      le 4 février 2008

 

 

 

Comparutions :

 

Inna Kogan

 

Pour la demanderesse

Claire LeRiche

 

Pour le défendeur

 

Avocats inscrits au dossier :

 

Inna Kogan

Avocate

120, avenue Eglinton Est

Bureau 303

Toronto (Ontario)  M4P 1E2

 

Pour la demanderesse

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

 

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