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Date : 20080201

Dossier : IMM-3152-07

Référence : 2008 CF 124

Ottawa (Ontario), le 1er février 2008

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

 

ENTRE :

SHAOYONG YANG

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur est un citoyen de la Chine qui réside aux États-Unis où il travaille en tant que développeur Web. En 2005, le demandeur a retenu les services d’un consultant en immigration et a présenté sa demande de résidence permanente au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).

 

[2]               Dans une lettre datée du 14 novembre 2006 envoyée au consultant du demandeur, des agents de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) ont demandé au demandeur et à son épouse d’obtenir un certificat du F.B.I., une preuve de fonds suffisants pour l’établissement et une preuve qu’ils avaient subi des examens médicaux. Dans les mois qui ont suivi, même si le demandeur répondait apparemment aux exigences de la demande, rien de plus n’a été envoyé à CIC ou reçu par CIC. Le 27 mars 2007, une autre lettre aurait été envoyée au demandeur par une agente de CIC. La lettre du 27 mars exigeait que tous les renseignements soient soumis dans les 60 jours de la date de cette lettre et avisait le demandeur que [traduction] « si vous [le demandeur] omettez de fournir les renseignements exigés, votre demande pourra être évaluée sur le fondement des renseignements dont nous disposons et je pourrai rejeter votre demande ». Comme le demandeur n’a pas fourni les documents demandés dans la période de temps allouée, l’agente l’a avisé, dans une lettre datée du 1er juin 2007, que sa demande de résidence permanente avait été rejetée. Le motif du refus était que les renseignements demandés dans la lettre du 14 novembre n’avaient pas été fournis.


 

[3]               Le demandeur allègue que son consultant n’a jamais reçu la lettre du 27 mars. Par conséquent, le demandeur soutient qu’il y a eu un manquement à l’obligation d’équité par l’agente et que sa décision rendue le 1er juin 2007 devrait être annulée.

 

[4]               La seule question qui se pose dans la présente demande est de savoir s’il y a eu un manquement au droit du demandeur à l’équité procédurale.

 

[5]               Il ne fait aucun doute que CIC doit aviser l’intéressé avant de prendre sa décision. En l’espèce, avant de conclure que la demande devait être rejetée en raison de l’omission de fournir les documents requis dans une période de temps précise, l’agente devait aviser le demandeur que l’omission de fournir les documents entraînerait le rejet de sa demande. La question dont je suis saisie, en l’espèce, est de savoir jusqu’où doit aller le ministère de CIC ou un de ses agents lorsqu’il donne cet avis.

 

[6]               À mon avis, les propos du juge O’Reilly dans l’affaire Ilahi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1399, au paragraphe 7, décrivent correctement l’obligation qu’a le défendeur en ce qui a trait à l’avis. Dans la décision Ilahi, le demandeur du statut de résident permanent alléguait que, puisqu’il n’avait jamais reçu un avis d’entrevue, sa demande avait été rejetée injustement. Le juge O’Reilly a indiqué :

Je reconnais que les agents ont l’obligation d’envoyer un avis d’entrevue. Mais je ne suis pas d’accord avec M. Ilahi que le défendeur doit prouver que le demandeur a bien reçu l’avis. Cependant, le défendeur doit prouver que l’agent a envoyé un avis d’entrevue au demandeur : Canada (Procureur général) c. Herrera, [2001] A.C.F. no 120 (C.A.) (QL). [Non souligné dans l’original.]

 

[7]               La demande de contrôle judiciaire dans l’affaire Ilahi, précitée, a finalement été accueillie, puisque le défendeur n’avait pas pu produire une copie de la lettre envoyée au demandeur ou tout autre preuve directe établissant que l’avis avait été envoyé à la bonne adresse. Une approche semblable à la question de l’obligation de l’agent a été adoptée dans deux autres affaires de demande de résidence permanente. Voir les décisions Sawnani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 206; Shah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 207.

 

[8]               Ayant examiné le dossier dont je dispose, je suis convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que la lettre du 27 mars a été envoyée, par courrier ordinaire, à l’adresse donnée par le demandeur. Une copie de la lettre figure dans le dossier. L’adresse qui y est indiquée est correcte. Les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration font explicitement mention de l’envoi de la lettre du 27 mars. Bien qu’il ait présenté des éléments de preuve selon lesquels son consultant n’avait pas reçu la lettre du 27 mars, le demandeur n’a pas présenté de preuve qui me permettrait de douter du fait que la lettre a été envoyée à la bonne adresse par des moyens fiables.

 

[9]               Compte tenu de ces faits et conformément aux motifs de la Cour dans les affaires Ilahi, Shaw et Sawnani, je suis convaincue qu’on s’est conformé à l’obligation de donner l’avis.

 

[10]           Le demandeur se fonde sur la décision Anwar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1202, pour appuyer sa position. Dans l’affaire Anwar, la décision visée par le contrôle judiciaire avait été prise par un tribunal de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, lequel avait conclu au désistement de la demande d’asile. Le demandeur a allégué que ni lui ni son avocat n’avait reçu avis de l’audience relative au désistement. Le juge Mosley a apprécié la preuve au dossier du tribunal indiquant que le demandeur avait reçu signification par « courrier ordinaire affranchi », en tenant compte de l’affidavit du demandeur dans lequel il avait attesté ne pas avoir reçu l'avis (Anwar, précité, aux paragraphes 18 et 19). Le juge Mosley n’a pas été en mesure de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur avait reçu un avis suffisant et a donc annulé la décision de la Commission. En ce faisant, le juge Mosley a mentionné :

Il n’y a aucune preuve au dossier du tribunal que le demandeur ou son avocat ait réellement reçu l’avis de comparaître malgré l’enquête effectuée par l’ancien avocat du défendeur. En outre, il faut peut-être tenir compte du fait que le demandeur et son avocat ont réagi rapidement quand ils ont reçu les motifs de la Commission concernant le désistement de la demande. (Anwar, précité, au paragraphe 21.)

 

[11]           Le demandeur soutient que sa situation est exactement la même que celle dont était saisie la Cour dans l’affaire Anwar. Le demandeur est incapable de discerner le fondement de principe sur lequel la Cour a exigé la preuve de réception de l’avis dans l’affaire Anwar, alors que la Cour dans les affaires Ilahi, Sawnani et Shah était satisfaite par la preuve que l’avis avait été envoyé à la bonne adresse.

 

[12]           Le défendeur fait une distinction d’avec l’affaire Anwar au motif que la décision portait sur une audience relative au désistement dans le cadre d’une demande d’asile, alors que dans les affaires Ilahi, Sawnani et Shah, la décision portait sur une demande de résidence permanente.

 

[13]           En ce qui a trait à l’affaire Anwar, j’ai deux observations à formuler. Premièrement, la Cour dans cette affaire devait examiner le désistement dans le cadre d’une demande d’asile. La notion d’équité procédurale est « souple et variable » (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 22), et dans une audience relative au désistement, l’obligation d’équité procédurale applicable peut très bien être différente de celle applicable dans une demande de résidence permanente.

 

[14]           Deuxièmement, il existe de bonnes raisons d’accorder préférence au point de vue du juge O’Reilly compte tenu des faits de l’affaire dont je suis saisie. Une des raisons porte sur le nombre seul de demandes traitées chaque jour par de multiples bureaux de CIC. S’assurer que chaque avis a été reçu imposerait un fardeau insurmontable à CIC et aurait, sans aucun doute, une incidence négative sur l’aptitude de CIC de traiter rapidement les demandes.

 

[15]           De plus, le demandeur peut immédiatement présenter une autre demande. Bien que je n’essaie pas de minimiser l’importance pour le demandeur d’avoir à perdre deux autres années dans ses démarches en vue d’entrer au Canada, abstraction faite de la perte de temps et du fait qu’il aura à payer d’autres frais de traitement, il n’a pas présenté d’éléments de preuve à la Cour établissant que cette décision lui avait causé un préjudice.

 

[16]           Comme j’ai conclu que l’agente a rempli son obligation en ce qui a trait à l’envoi d’un avis, il n’y a rien de plus à trancher. Néanmoins, je désire préciser que j’ai tenu compte de la preuve du demandeur selon laquelle il n’a pas reçu la lettre du 27 mars. Plus précisément, j’ai tenu compte de la déclaration du consultant du demandeur selon laquelle la lettre du 27 mars n’a pas été reçue. Même si la preuve du consultant est pertinente, elle me pose problème. Notamment, je peux raisonnablement présumer que le consultant a de nombreux clients et qu’il reçoit chaque jour de nombreuses lettres liées à ses dossiers d’immigration en cours. Cependant, ni le demandeur ni le consultant n’a fourni de renseignements quant aux systèmes utilisés par ce dernier pour faire en sorte que son courrier ne soit pas égaré.

 

[17]           Il peut y avoir des situations où la preuve met sérieusement en doute la déclaration du défendeur selon laquelle un avis a été envoyé, mais ce n’était pas le cas en l’espèce.

 

[18]           En conclusion, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Les parties ont été avisées verbalement de cette décision et se sont fait demander si l’une ou l’autre d’entre elles désirait proposer une question à certifier. Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé une question aux fins de certification.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Isabelle D’Souza, LL.B., M.A.Trad. jur.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-3152-07

 

INTITULÉ :                                                               SHAOYONG YANG

                                                                                    c.

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                                    ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         VANCOUVER

                                                                                    (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 15 JANVIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 1ER FÉVRIER 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Gabriel F. Chand

 

    POUR LE DEMANDEUR

Helen Park

 

   POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Chand & Company

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

   POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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