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Date : 20080201

Dossier : IMM-2978-07

Référence : 2008 CF 123

Ottawa (Ontario), le 1er février 2008

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

 

ENTRE :

JASVIR KAUR SAHOTA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               La demanderesse, Mme Jasvir Kaur Sahota, est une citoyenne de l’Inde qui est arrivée au Canada en 1997. Depuis son arrivée, elle a eu recours à un certain nombre de processus différents afin de pouvoir rester au Canada. Jusqu’ici, toutes ses initiatives ont été vaines. Tout récemment, Mme Sahota a présenté une demande de résidence permanente dans le cadre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada (la demande de conjoint au Canada), en application des dispositions de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). Sa demande de conjoint au Canada était fondée sur son union de fait alléguée avec M. Pritpal Narwal, avec qui, soutient-elle, elle a eu une fille.

 

[2]               Dans une décision datée du 4 juillet 2007, une agente d’immigration (l’agente) a rejeté la demande de conjoint au Canada au motif qu’elle n’était pas convaincue que l’union de fait alléguée était authentique et que cette union n’avait pas été conclue principalement dans le but d’acquérir un statut aux termes de la LIPR. Mme Sahota souhaite faire annuler la décision de l’agente.

 

II.        Les questions en litige

 

[3]               Mme Sahota soulève un certain nombre de questions dans le cadre de la présente demande :

 

1.                  L’agente a-t-elle commis une erreur en ne traitant pas de l’intérêt supérieur de l’enfant de Mme Sahota ou en n’appréciant pas la relation parent-enfant qui existe entre M. Narwal et la fille de Mme Sahota?

 

2.                  L’agente a-t-elle commis une erreur en se fondant sur la crédibilité de Mme Sahota pour rejeter la demande de conjoint au Canada?

 

3.                  L’agente a-t-elle commis une erreur en ne faisant pas état à Mme Sahota de ses préoccupations au sujet du comportement de cette dernière et ne lui donnant pas la chance d’y répondre?

 

4.                  L’agente a-t-elle commis une erreur en ne prenant pas en considération la preuve qu’a fournie le fils de M. Narwal?

 

[4]               Le défendeur soulève également une question préliminaire : étant donné que Mme Sahota ne s’est pas présentée devant la Cour [traduction] « les mains nettes », la Cour devrait-elle exercer son pouvoir discrétionnaire et ne pas entendre le fond de l’affaire?

 

III.       Le contexte

 

[5]               Comme il a été mentionné plus tôt, Mme Sahota a eu recours, sans succès toutefois, à un certain nombre de processus différents dans ses efforts pour rester au Canada. Les rapports qu’elle a eus avec les autorités canadiennes de l’Immigration sont pertinents à l’égard du présent contrôle judiciaire et j’en résume ici les points saillants :

 

·                    Dans une décision datée du 21 janvier 1999, un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié – Section du statut de réfugié (SSR) a conclu que Mme Sahota n’était pas une réfugiée au sens de la Convention, et ce, pour cause de manque de crédibilité.

 

·                    Malgré la décision de la SSR, Mme Sahota a continué de vivre au Canada sans statut. Elle a censément commencé à travailler pour M. Narwal et son épouse en novembre 2000, en tant qu’aide familiale.

 

·                    Le 17 décembre 2004, la vie clandestine que menait Mme Sahota a pris brusquement fin lorsqu’elle a été appréhendée par des agents de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC). Elle a plus tard présenté une demande de réouverture de sa demande d’asile et a été mise en liberté sous réserve de diverses conditions, dont celle de vivre au lieu de résidence de sa caution. Lors de sa détention, Mme Sahota a fait une déclaration solennelle dans laquelle elle a attesté s’être désistée de sa demande d’asile antérieure et que la relation qu’elle entretenait avec M. Narwal [traduction] « a toujours été simplement celle d’une personne de compagnie dans la maison, sans aucun aspect intime ».

 

·                    Dès sa mise en liberté, Mme Sahota a aussitôt enfreint les conditions imposées en retournant vivre chez M. Narwal.

 

·                    Dans une décision datée du 24 janvier 2005, un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande de Mme Sahota concernant la réouverture de sa demande d’asile. Le tribunal a conclu qu’il n’avait en main [traduction] « absolument aucune preuve crédible » et que, contrairement à l’argument de Mme Sahota et à son affidavit établi sous serment, celle-ci ne s’était pas désistée de sa demande antérieure. Le tribunal a fait remarquer que Mme Sahota avait plutôt eu une audience complète et qu’à la suite de celle-ci, sa demande avait été rejetée au motif qu’il s’agissait d’une invention.

 

·                    Le 5 août 2005, Mme Sahota a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). Cette demande a été suivie d’une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire en octobre 2005. Après le rejet de ces deux demandes en mars 2007, Mme Sahota a présenté une demande de contrôle judiciaire concernant la décision relative aux motifs d'ordre humanitaire, laquelle demande a plus tard été l’objet d’un désistement.

 

·                    Le 25 avril 2007 – un mois après le rejet de sa demande d’ERAR et de sa demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire – Mme Sahota a déposé la demande de conjoint au Canada.

 

[6]               J’ouvre ici une parenthèse pour signaler un certain nombre de détails importants qui figurent dans la demande de conjoint au Canada de Mme Sahota. Premièrement, elle a inclus dans sa demande un affidavit de M. Narwal, où celui-ci soutient être le père de l’enfant de Mme Sahota et déclare qu’il est disposé à subir un test d’ADN. Cependant, pour des raisons qu’ignore l’agente, cette offre a plus tard été retirée. Deuxièmement, dans sa demande, Mme Sahota a déclaré qu’elle vivait en union de fait avec M. Narwal depuis novembre 2004.

 

[7]               En mai 2007, Mme Sahota et M. Narwal ont été interrogés ensemble et séparément par l’agente, en présence de leur conseil.

 

[8]               Enfin, le 4 juillet 2007, la décision sur laquelle porte le présent contrôle judiciaire a été rendue : l’agente a rejeté la demande de conjoint au Canada de Mme Sahota. Dans un document d’environ huit pages de notes dactylographiées et à interligne simple, qui constitue les motifs de sa décision, l’agente signale ce qui suit :

 

·                    les antécédents de non-conformité de Mme Sahota avec les dispositions de la LIPR;

 

·                    les antécédents de fausses déclarations de Mme Sahota;

 

·                    le manque d’interaction entre Mme Sahota et M. Narwal à l’occasion de l’entrevue de mai 2007;

 

·                    les diverses incohérences et contradictions qui sont survenues lors de l’entrevue tenue en mai 2007;

 

·                    le fait que Mme Sahota et M. Narwal ont refusé de subir un test d’ADN, alors qu’ils avaient offert de le faire.

 

[9]               En résumé, l’agente n’a pas été convaincue que Mme Sahota et M. Narwal entretenaient une relation de nature conjugale. Elle a donc conclu que, selon la prépondérance de la preuve, l’union de Mme Sahota n’était pas authentique et avait été principalement formée en vue d’acquérir un statut ou un privilège aux termes de la LIPR.

 

IV.       La question préliminaire

 

[10]           Avant d’analyser le bien-fondé des questions soulevées par Mme Sahota, je me dois d’examiner si, comme le soutient le défendeur, la Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire et ne pas entendre la demande de contrôle judiciaire de Mme Sahota en raison de ses longs antécédents de violation des lois canadiennes en matière d’immigration et de mensonge aux autorités de l’immigration.

 

[11]           Il n’est pas contesté que Mme Sahota a menti et a violé le droit canadien de l’immigration à maintes reprises quand cela faisait son affaire. En résumé, en 1999, la SSR a conclu que la demande de statut de réfugié de Mme Sahota était une invention. Au lieu de quitter le Canada ou de recourir à d’autres voies juridiques pour demeurer au pays, elle est restée ici illégalement. Ce n’est qu’après sa mise en détention, à la fin de 2004, qu’elle a poursuivi d’autres recours aux termes de la LIPR. Cependant, même là, au lieu d’essayer honnêtement de normaliser son statut au Canada, sa première réaction à sa mise en détention a été d’inventer qu’elle n’avait jamais pu bénéficier d’une audience en règle concernant le statut de réfugié. En outre, même si elle déclare aujourd’hui que sa relation avec M. Narwal a débuté en novembre 2004, au moment de sa mise en détention, en décembre 2004, elle a déclaré solennellement qu’elle n’entretenait avec cet homme aucune relation intime. Enfin, elle a délibérément fait abstraction de l’une des conditions de sa mise en liberté en n’allant pas vivre chez sa caution.

 

[12]           La question de savoir si Mme Sahota fait preuve d’honnêteté dans le cadre de sa demande de conjoint au Canada est également douteuse. Je note, en particulier, que l’un des principaux arguments soumis à l’agente était que M. Narwal est le père de son enfant. Cependant, dans un affidavit présenté à la Cour, Mme Sahota avoue maintenant avoir eu une aventure avec un autre homme, qui serait peut-être le père de l’enfant. Cet affidavit ne sera pas pris en considération en rapport avec le bien-fondé du présent contrôle judiciaire, mais il est certes pertinent à l’égard de la question préliminaire, laquelle consiste à savoir si Mme Sahota se présente « les mains nettes » au présent contrôle judiciaire.

 

[13]           Dans Thanabalasingham c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 14, aux paragraphes 9 et 10, la Cour d’appel fédérale fait remarquer ce qui suit :

[…] La jurisprudence donne […] à entendre que, si la juridiction de contrôle est d'avis qu'un demandeur a menti, ou qu'il est d'une autre manière coupable d'inconduite, elle peut rejeter la demande sans la juger au fond ou, même ayant conclu à l'existence d'une erreur sujette à révision, elle peut refuser d'accorder la réparation sollicitée.

Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour doit s'efforcer de mettre en balance d'une part l'impératif de préserver l'intégrité de la procédure judiciaire et administrative et d'empêcher les abus de procédure, et d'autre part l'intérêt public dans la légalité des actes de l'administration et dans la protection des droits fondamentaux de la personne. Les facteurs à prendre en compte dans cet exercice sont les suivants : la gravité de l'inconduite du demandeur et la mesure dans laquelle cette inconduite menace la procédure en cause, la nécessité d'une dissuasion à l'égard d'une conduite semblable, la nature de l'acte prétendument illégal de l'administration et la solidité apparente du dossier, l'importance des droits individuels concernés, enfin les conséquences probables pour le demandeur si la validité de l'acte administratif contesté est confirmée.

 

[14]           En l’espèce, l’inconduite de Mme Sahota est fort grave, elle dure depuis plusieurs années et il faudrait l’empêcher. Il y a néanmoins des facteurs qui font pencher la balance en faveur de l’audition de la présente demande de contrôle judiciaire. Je suis disposée à examiner cette affaire sur le fond.

 

V.        Analyse

 

[15]           Aux termes de la LIPR, de son règlement d’application et de divers documents de politique de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), le conjoint de fait d’un citoyen canadien peut être admissible au statut de résident permanent au Canada en qualité de membre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada. Cependant, un étranger ne peut pas être considéré comme un conjoint de fait si la relation « n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la [LIPR] » (Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, article 4).

 

[16]           En général, quand un agent d’immigration décide qu’un mariage n’est pas authentique, cette décision est soumise à une norme de contrôle élevée. Mme Sahota soutient que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable simpliciter. Il n’est pas nécessaire de se prononcer de manière définitive sur la norme de contrôle applicable car, en l’espèce, et pour les motifs qui suivent, je suis persuadée que la décision de l’agente résiste à un examen assez poussé. Je signale en passant, toutefois, que s’il est allégué que l’agente a omis d’observer les principes de l’équité en faisant abstraction d’éléments de preuve ou en omettant de faire part de ses préoccupations à Mme Sahota, cette allégation sera contrôlée selon la norme de la décision correcte.

 

[17]           Gardant à l’esprit ces principes, voyons maintenant les allégations précises que Mme Sahota a soulevées.

 

A.        L’intérêt supérieur de l’enfant

 

[18]           Le premier argument – et le plus sérieux – de Mme Sahota est que l’agente a omis d’apprécier l’intérêt supérieur de son enfant, ainsi que l’exigent divers instruments internationaux concernant les droits de l’enfant. Il est possible de résumer comme suit les observations qu’elle a faites sur ce point :

 

·                    Mme Sahota a fait expressément référence à l’intérêt supérieur de son enfant et a demandé à l’agente de le prendre en considération en joignant à sa demande de conjoint au Canada une copie de sa demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire.

 

·                    Les guides opérationnels de CIC obligeaient l’agente à apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant de Mme Sahota.

·                    L’intérêt supérieur de son enfant est directement lié à l’authenticité de son mariage.

 

·                    Il convient d’interpréter que l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 436, ne s’applique qu’à une demande d’ERAR.

 

[19]           Selon moi, aucun de ces arguments n’est fondé. Je signale tout d’abord que le simple fait d’annexer une demande antérieure à la demande de conjoint au Canada n’intègre pas à celle‑ci la totalité des observations faites antérieurement. Ces observations ont été soumises à un décideur différent, dans le contexte d’une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire. On ne peut pas s’attendre à ce que l’agente présume que ces observations lui étaient également adressées, ou que Mme Sahota voulait qu’elles soient prises en considération, sans autres détails additionnels, dans le contexte d’un processus tout à fait différent. Par ailleurs, Mme Sahota n’a pas demandé expressément que l’on procède à une analyse distincte de l’intérêt supérieur de son enfant.

 

[20]           Cependant, plus important encore, l’agente n’était nullement tenue de procéder à un examen distinct de l’intérêt supérieur de l’enfant de Mme Sahota. Même s’ils peuvent être pertinents (Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475, au paragraphe 30), les guides opérationnels de CIC auxquels Mme Sahota a fait référence n’ont pas force de loi et ne créent aucune attente ou aucun droit substantif : Mpula c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 456, au paragraphe 25. En outre, et contrairement aux observations de Mme Sahota, aucun de ces guides n’indique qu’il est obligatoire de prendre en considération l’intérêt supérieur d’un enfant au moment de traiter une demande de conjoint au Canada. Mme Sahota n’a cité aucune jurisprudence à l’appui d’une telle thèse, qui, je le signale, amoindrirait considérablement l’importance que l’on attache à la relation à Mme Sahota avec son répondant, M. Narwal.

 

[21]           Je suis convaincue aussi que les obligations internationales du Canada n’obligent pas à prendre en considération, à ce stade-ci, l’intérêt supérieur de l’enfant de Mme Sahota. Comme le déclare succinctement le juge Evans dans l’affaire Varga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 394, au paragraphe 13 :

Ni la Charte ni la Convention relative aux droits de l’enfant [20 novembre 1989, [1992] R.T. Can. No 3] n’exigent que l’intérêt des enfants touchés soit examiné dans le cadre de toutes les dispositions de la LIPR : De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2006] 3 R.C.F. 655 (C.A.F.), 2005 CAF 436, au paragraphe 105. Si une loi fournit une possibilité réelle d’examiner l’intérêt des enfants touchés, y compris ceux nés au Canada, comme le fait la LIPR en son paragraphe 25(1), cet intérêt n’a pas à être pris en compte dans chaque décision qui peut les toucher défavorablement. […]

 

[22]           Dans la présente affaire, l’intérêt de l’enfant de Mme Sahota a été pris en considération dans le contexte de sa demande antérieure fondée sur des motifs d'ordre humanitaire. Exiger que l’on reconsidère cet intérêt dans le cadre de la demande de conjoint au Canada ferait double emploi et risquerait de mener à des conclusions contradictoires.

 

B.         La relation parent-enfant

 

[23]           Au dire de Mme Sahota, même si l’agente n’était pas tenue de prendre en considération l’intérêt supérieur de son enfant, il lui fallait tenir compte de la preuve de l’existence d’une relation parent-enfant entre M. Narwal et l’enfant de Mme Sahota. Je suis d’accord que la relation entre un conjoint prétendu et un enfant est pertinente pour ce qui est de déterminer le caractère authentique d’une union de fait. C’est en fait ce qui est indiqué dans les guides opérationnels de CIC. Cependant, comme les guides le mentionnent clairement, il ne s’agit là que d’un seul des facteurs à prendre en considération. Une relation positive avec un enfant n’est pas forcément déterminante en rapport avec l’authenticité d’une union de fait, et cet aspect doit être soupesé avec d’autres facteurs pertinents.

 

[24]           Mme Sahota soutient que l’agente n’a pas pris en considération la relation parent-enfant. Je ne suis pas d’accord. Après avoir examiné les motifs de l’agente, je suis convaincue qu’elle l’a fait. L’agente n’a tout simplement pas apprécié la preuve relative à la relation entre M. Narwal et l’enfant de Mme Sahota comme la demanderesse l’aurait fait.

 

C.        Le comportement

 

[25]           L’argument suivant de Mme Sahota est que l’équité procédurale exigeait que l’agente l’informe de ses préoccupations à propos de la façon dont M. Narwal et elle s’étaient comportés lors de l’entretien tenu en mai 2007. À l’appui de cet argument, Mme Sahota explique son comportement de plusieurs façons différentes.

 

[26]           Il est bien établi qu’un agent d’immigration a le droit d’examiner le comportement d’un demandeur, ses réactions ainsi que les réponses qu’il donne aux questions. En fait, selon la Cour, un agent d’immigration est la personne la mieux placée pour examiner de tels facteurs : Ho c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1250, au paragraphe 7. En outre, la Cour a décrété que l’existence d’autres explications possibles pour le comportement d’un demandeur ne rendent pas déraisonnables les conclusions d’un agent : Sinan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 87, au paragraphe 11. En résumé, la jurisprudence indique donc que la Cour ne s’immiscera pas à la légère dans les conclusions d’un agent pour des questions de comportement.

 

[27]           En l’espèce, l’agente a conclu que [traduction] « le manque d’interaction entre le répondant et la demanderesse […] est digne de mention ».

 

[28]           À mon avis, l’agente était en droit de consigner ses observations sur le manque d’interaction entre Mme Sahota et son répondant. De plus, comme l’agente a seulement fait remarquer que le comportement de Mme Sahota était [traduction] « digne de mention » – une remarque qui n’est ni positive ni négative – je ne crois pas que l’agente était tenue d’en faire part à Mme Sahota.

 

D.        La crédibilité

 

[29]           L’agente a fait référence un certain nombre de fois aux antécédents de Mme Sahota en matière d’immigration ainsi qu’aux problèmes de crédibilité qui ont surgi. Mme Sahota ne conteste pas l’exactitude du résumé que l’agente a fait de ses antécédents au Canada, mais elle affirme que tous les gestes qu’elle a posés cadrent avec l’existence d’une union authentique entre M. Narwal et elle. Autrement dit, Mme Sahota soutient que l’agente aurait dû considérer que ses gestes étayaient l’existence d’une union authentique.

 

[30]           Premièrement, l’interprétation que propose Mme Sahota à propos des gestes qu’elle a posés est, à mon avis, bel et bien tirée par les cheveux. Cependant, même si l’on peut interpréter de cette façon certains éléments de la preuve, Mme Sahota fait abstraction des autres problèmes de crédibilité soulevés par ses antécédents en matière d’immigration, lesquels n’ont aucun rapport avec une union alléguée avec M. Narwal. En outre, le simple fait que Mme Sahota propose une autre façon de considérer la preuve ne veut pas dire que l’interprétation de l’agente soit déraisonnable. Comme il est signalé dans la décision Sinan, précitée, au paragraphe 11, le fait qu’il existe d’autres interprétations possibles de la preuve ne signifie pas que la décision de l’agente soit déraisonnable.

 

[31]           En considérant la décision dans son ensemble, je conclus que l’agente s’est fondée sur les nombreux problèmes documentés de crédibilité de Mme Sahota pour mettre en doute l’authenticité de son union alléguée avec M. Narwal. Il n’est pas déraisonnable de faire un lien entre une longue série de préoccupations au sujet de la crédibilité et l’authenticité d’une union – car si un demandeur n’est généralement pas digne de foi, tout ce qu’il (ou elle, en l’occurrence) allègue au sujet de son union laisse planer un doute.

 

E.         L’affidavit du fils

 

[32]           Le dernier argument de Mme Sahota est que l’agente n’a pas tenu compte d’éléments de preuve pertinents. Elle se reporte en particulier à une déclaration du fils de M. Narwal, Joven Narwal, qui dit croire que Mme Sahota et son père vivent en tant que mari et femme. Je conviens que l’agente n’a pas explicitement fait référence à la déclaration de Joven, mais je ne considère pas qu’il s’agit là d’une erreur susceptible de contrôle.

 

[33]           La déclaration de Joven n’est pas faite sous serment et, pour ce qui est de l’élément primordial de l’existence d’une union conjugale, cette déclaration repose sur ce que son père lui a dit. J’estime donc que la crédibilité et la fiabilité de la déclaration sont douteuses. Certes, il aurait été préférable que l’agente y fasse expressément référence mais, au vu des faits, cette omission ne constitue pas une erreur susceptible de contrôle.

 

VI.       Conclusion

 

[34]           En général, les motifs et la décision de l’agente dénotent que cette dernière a analysé la preuve en détail et avec soin. Après avoir examiné les motifs de l’agente, le dossier qui m’a été soumis et les arguments invoqués par les parties, je suis persuadée que les motifs résistent à un examen assez poussé. La demande sera rejetée. Les parties n’ont pas proposé de question à certifier.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-2978-07

 

INTITULÉ :                                                               JASVIR KAUR SAHOTA c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 10 JANVIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 1er FÉVRIER 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Douglas Cannon                                                           POUR LA DEMANDERESSE

 

Caroline Christiaens                                                      POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Elgin, Cannon & Associates                                          POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général

Ottawa (Ontario)

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