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Date :  20080205

Dossier :  IMM-1019-07

Référence :  2008 CF 140

Ottawa (Ontario), le 5 février 2008

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

MARIA AUXILIO VALENZUELA DEL REAL

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Selon la preuve, la demanderesse, arrive au Canada le 28 avril 2006, est victime de violence conjugale, par son mari, avec qui elle était en union libre depuis 1973 et séparé de fait depuis novembre 2005. Le mari a été diagnostiqué de schizophrénie en 1995.

 

[2]               Selon la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) :

La demandeure aurait été la victime de son conjoint homme machiste, violent, alcoolique et schizophrène, père de ses sept enfants, en plus d’être aussi le père de dix autres enfants qui auraient sensiblement le même âge.

Les persécutions subies auraient pris la forme d’agressions physiques avec coups et blessures, d’humiliations et d’outrages devant ses enfants et les voisins. Ses enfants et des voisins, témoins des cruels sévices vécus par la demandeure, lui auraient conseillé de quitter son conjoint, mais à chaque fois, elle refusa.

 

La demandeure ne s’est jamais vraiment adressée aux autorités, ni à la police, ni au ministère public afin d’obtenir aide et protection, bien qu’à quelques occasions, elle aurait pu profiter de l’aide d’une pharmacienne, d’un médecin et d’une psychologue.

 

(Dossier de la partie demanderesse, Décision de la CISR, p. 8.)

 

[3]               La Section de la protection des réfugiés (SPR) a tenu compte dans son évaluation, du fait que la demanderesse est demeurée passible et qu’elle n’avait pas tenté de poursuivre et d’entreprendre ses démarches auprès des autorités. (Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 391, [2004] A.C.F. no 485 (QL); Madoui c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] A.C.F. no 1372 (QL), par. 5; Eminidis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 700, [2004] A.C.F. no 858 (QL), par. 15.)

 

[4]               En effet, la preuve démontrait que, suite à l’incident du 21 mars 2006, un policier municipal est intervenu, a pris la déclaration de la demanderesse, lui a dit qu’elle devait aller au Ministère public faire une dénonciation et qu’il allait leur passer le rapport. Le policier municipal l’a ensuite emmené au Ministère public et a remis ledit rapport à un employé. Après plusieurs heures d’attente, les agents du Ministère public lui ont demandé ce qu’elle voulait dénoncer et elle leur déclara les mauvais traitements de son ex-mari et la tentative d’assassinat. L’agent lui a dit de revenir le lendemain car il y avait d’autres personnes avec des dénonciations graves comme blessures avec armes à feu et morts et que son cas pouvait se régler facilement avec le Développement Intégral de la Famille (DIF). (Formulaire de renseignements personnels (FRP), par. 14.)

 

[5]               Ainsi, on lui a dit de revenir le lendemain car son cas pouvait facilement se régler au DIF. (FRP, ci-dessus.)

 

[6]               Or, la demanderesse a choisi de ne pas y retourner.

 

[7]               C’est dans ce contexte que la SPR pouvait raisonnablement conclure que « La demandeure ne s’est jamais vraiment adressée aux autorités, ni à la police, ni au ministère public afin d’obtenir aide et protection » et que, conséquemment, elle n’a posé « aucun geste afin d’essayer d’obtenir la protection. » (Motifs, p. 1, par. 5 et p. 3, par. 3.)

 

PROCÉDURE JUDICIAIRE

[8]               Il s’agit d’une Demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision de la SPR de la CISR, rendue le 13 février 2007, et selon laquelle la demanderesse n’a pas la qualité de « réfugié au sens de la Convention », tel que défini à l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), ni la qualité de « personne à protéger » selon l’article 97 de la LIPR, parce qu’elle n’a démontré qu’elle n’avait pas une possibilité de refuge intérieur (PRI).

 

 

 

FAITS

[9]               Selon la preuve, la demanderesse, madame Maria Auxilio Valenzuela Del Real, arrive au Canada le 28 avril 2006, est victime de violence conjugale, par son mari, avec qui elle était en union libre depuis 1973 et séparé de fait depuis novembre 2005. Le mari a été diagnostiqué de schizophrénie en 1995. Les faits allégués se seraient déroulés entre 1974 et avril 2006. La SPR ne mentionne pas si madame Del Real est crédible ou non.

 

[10]           La SPR conclut que madame Del Real dispose d’une possibilité de refuge intérieur (PRI), au Mexique.

 

POINT EN LITIGE

[11]           Est-ce que la décision de la SPR est déraisonnable?

 

ANALYSE

[12]           La question centrale à examiner en l’espèce porte sur le bien-fondé de la conclusion de la SPR que la demanderesse qui serait à risque dans la ville de San Juan « dispose d’une PRI viable à Mexico ». Cette conclusion était suffisante en elle-même pour rejeter sa demande d’asile.

 

[13]           En somme, dans ses procédures, madame Del Real plaide avec vigueur que cette conclusion serait manifestement déraisonnable puisque la SPR n’a tiré aucune conclusion à l’encontre de sa crédibilité et que, par conséquent, elle est « en droit que les conclusions découlant des faits allégués soient établies selon les faits [tels qu’] allégués [par elle].

[14]           Selon les prétentions de madame Del Real, la SPR aurait erré (1) parce que « son mari pourrait la retrouver par ses contacts policiers » et (2) parce qu’elle s’était adressée aux autorités de la ville de Guanajuato qui, malgré le sérieux de sa situation et le danger imminent pour sa vie, lui auraient dit de revenir le lendemain.

 

[15]           Or, si « la demanderesse est en droit d’avoir une décision qui soit en lien avec les faits qu’elle a allégués », alors la conclusion de la SPR qu’elle n’a pas démontré qu’il n’y avait pas une PRI pour elle dans son pays, ne peut pas être renversée étant donné les faits déterminants suivants qu’elle a allégués devant la SPR :

a) La police n’a pas refusé de lui venir en aide (Dossier du Tribunal (DT), pp. 232, 264-267, 303);

b) La demanderesse était au courant qu’il y avait plusieurs organismes qui pouvaient lui venir en aide et plus précisément, elle a admis à plusieurs reprises qu’elle savait que le DIF pouvait lui venir en aide, mais qu’elle n’y est jamais allée (DT, pp. 233-234, 268-269);

c) La demanderesse a expliqué que la raison pour laquelle elle n’est jamais allée se prévaloir de cette aide était qu’elle avait peur de sortir de la maison à Guanajuato où elle se cachait par peur que son mari la retrouve dans cette ville (DT, p. 268);

d) Toutefois, la demanderesse qui prétendait avoir peur de sortir demander la protection à Guanajuato, soit à plusieurs heures de route de sa ville, par peur que son mari la retrouve, a tout de même choisi de retourner dans sa propre ville San Juan pour faire les démarches d’obtention d’un passeport ainsi que les arrangements de son départ, soit dans la même ville où était son prétendu persécuteur (qu’elle plaide devant la Cour « pourrait la retrouver par ses contacts policiers; partout au Mexique) alors que ces arrangements pouvaient très bien se faire ailleurs au pays (DT, pp. 270-271; 273-275, 318).

 

[16]           C’est dans ce contexte que la SPR conclut que madame Del Real « ne s’est jamais vraiment adressée aux autorités ».

 

[17]           Avec égards, la conclusion de la SPR parle d’elle-même:

À la lumière de la preuve documentaire, le tribunal est d’avis que le gouvernement mexicain déploie de sérieux efforts, à Mexico, pour protéger les femmes victimes de violence conjugale et que la protection de l’État sera offerte à la demandeure même si son agresseur est une personne d’influence ou travaillant au sein du système de justice. » (La Cour souligne.)

 

(Motifs, p. 3; DT, p. 6.)

 

[18]           Madame Del Real ne s’est pas acquittée du fardeau de démontrer que, selon la prépondérance des probabilités, il existait une possibilité sérieuse de persécution partout au Mexique et qu’il serait déraisonnable pour elle de chercher le refuge dans une autre partie de son pays. (Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.); [1994] A.C.F. no 1172 (QL).)

 

[19]           Ainsi, considérant l’absence de démonstration du contraire, la conclusion de la SPR quant à la présence d’un refuge interne est ainsi conforme aux principes établis par la jurisprudence et était suffisante pour rejeter la demande d’asile de madame Del Real puisque la présence d’un refuge interne nie la possibilité à la reconnaissance de la qualité de « réfugié » et celle de « personne à protéger » (Fabela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1028; [1994] A.C.F. no 1277 (QL).)

 

[20]           Quant à l’argumentation contenue dans les Mémoires de la demanderesse, bien que madame Del Real ne soit pas d’accord avec la conclusion que la SPR a tirée de la preuve et aurait préféré une interprétation qui lui soit favorable, elle ne démontre toutefois pas que la SPR a rendu une décision absurde, arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait en jaugeant la preuve testimoniale et documentaire soumise et en tirant les inférences qui s’imposaient.

 

[21]           Il incombe à la SPR, à titre de tribunal spécialisé, d’apprécier la preuve soumise et d’en tirer les conclusions qui s’imposent.

 

[22]           Pour ce faire, la SPR peut choisir parmi la preuve celle qui représente le mieux la réalité et ce choix fait parti de son rôle et de son expertise. Sur ce point, La Cour se réfère notamment aux arrêts suivants : Mahendran c. Canada (Ministre de l’Emploi et  de l’Immigration, [1991] A.C.F. no 549 (C.A.) (QL); Mohimani c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 564 (C.A.) (QL); Zhou c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.); [1994] A.C.F. no 1087 (C.A.) (QL).

 

[23]           Il en est de même lorsque la preuve documentaire est contradictoire sur certains aspects (ce qui n’est nullement admis en l’espèce), la SPR pouvant valablement se fonder sur les éléments de preuve qu’elle préfère. (Kanagaratnam c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 1069 (QL); Ganiyu-Giwa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 506 (QL); Omar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 665 (QL); Vasquez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 776 (QL).)

 

[24]           La SPR est présumée, à moins d’une preuve claire et convaincante du contraire, avoir considéré toute la preuve dans un dossier et qu’elle n’a aucune obligation de la commenter en son entier. Ce n’est pas parce que la SPR ne fait pas mention expressément dans ses motifs d’une certaine preuve que cela veut dire qu’elle n’a pas été considérée. (Woolaston c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1973] R.C.S. 102; Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] A.C.F. no 946 (C.A.) (QL); Florea c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.) (QL).)

 

[25]           D’ailleurs, il ne suffit pas pour un demandeur de déposer de la preuve documentaire faisant état de situations problématiques dans son pays pour se voir reconnaître réfugié au sens de la Convention ou personne à protéger. Le demandeur doit démontrer un lien entre cette preuve et sa situation personnelle. En l’espèce, madame Del Real n’a pas établi un tel lien. (Al-Shammari c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 364, [2002] A.C.F. no 478 (QL).)

 

 

 

Crédibilité

[26]           Récemment, dans Garcia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] 4 R.C.F. 385, [2007] A.C.F. no 118 (QL), impliquant une femme victime de violence conjugale et impliquant la question de la protection de l’état, le juge Douglas Campbell s’est prononcée de la façon suivante :

[4]        [...] Puisque la SPR n'a pas dit qu'elle ne croyait pas la demanderesse, j'en déduis qu'elle a tenu pour véridique son témoignage et, sous réserve de deux rectifications, la demande d'asile devra être jugée selon les faits qu'elle a constatés.

 

 

[27]           Par conséquent, les faits allégués sont tenus pour crédibles.

 

Possibilité de refuge interne à Mexico

[28]           Il est bien établi qu’une PRI dans une autre partie du même pays est inhérente à la notion même de réfugié. En fait, la définition de réfugié au sens de la Convention exige que « les demandeurs de statut ne puissent ni ne veuillent, du fait qu'ils craignent d'être persécutés, se réclamer de la protection de leur pays d'origine et ce, dans n'importe quelle partie de ce pays ». (Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 164, [2001] A.C.F. no 2118 (QL).)

 

[29]           Pour en arriver à la conclusion qu’une telle possibilité existe vraiment, la SPR doit être convaincue, selon la norme de la prépondérance des probabilités, que le demandeur est bel et bien à l’abri de la persécution dans telle ou telle région ou ville du pays et qu’il ne serait pas déraisonnable, compte tenu de la situation particulière du demandeur, de s’établir dans ce lieu de refuge interne. (Righi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1032, [2002] A.C.F. no 1351 (QL), par la juge Carolyn Layden-Stevenson, par. 6.)

 

[30]           La barre doit être placée très haute lorsqu’il s’agit de déterminer ce qui serait déraisonnable : « [i]l ne faut rien de moins que l'existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d'un revendicateur tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr. De plus, il faut une preuve réelle et concrète de l'existence de telles conditions. » (Ranganathan, ci-dessus, par. 15.)

 

[31]           Dans Julien c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 313, [2005] A.C.F. no 428 (QL), le juge Pierre Blais a réitéré que le fardeau de preuve revient aux demandeurs de démontrer qu’il est objectivement déraisonnable pour leur part de se prévaloir d’une PRI :

[11]      [...] Par conséquent, s'il existe dans leur propre pays un refuge sûr où ils ne seraient pas persécutés, les demandeurs de statut sont tenus de s'en prévaloir à moins qu'ils puissent démontrer qu'il est objectivement déraisonnable de leur part de le faire. (Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.) au paragraphe 12) (La Cour souligne.)

 

 

[32]           Sur la question de la preuve documentaire, cette Cour a déjà indiqué que bien que la SPR ne mentionne pas spécifiquement dans ses motifs une preuve documentaire, ceci ne rend pas la décision viciée pour autant. (Perrier c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 35, [2002] A.C.F. no 54 (QL), par le juge Yvon Pinard, par. 6; voir aussi Hassan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.A.), [1992] A.C.F. no 946 (QL).)

 

[33]           De plus, cette Cour a conclu qu’il y a présomption, en l’absence d’une preuve claire et convaincante du contraire, que la SPR a considéré la totalité de la preuve. (Florea, ci-dessus.)

 

La décision de la SPR était raisonnable

[34]           En l’espèce, la SPR a considéré l’ensemble de la preuve (tant testimoniale que documentaire) dans son analyse et il était raisonnable pour elle de conclure que madame Del Real disposait d’une PRI viable à Mexico et qu’il n’était objectivement déraisonnable pour elle de se réinstaller à Mexico.

 

[35]           D’abord, la SPR a analysé la preuve documentaire au dossier sur la possibilité d’obtenir un refuge interne et la protection de l’état à Mexico.

 

[36]           Celle-ci démontrait notamment que le gouvernement avait adopté diverses mesures législatives et offrait différents services pour venir en aide aux victimes de violence conjugale. D’ailleurs, la SPR a noté qu’il est possible de s’adresser à plusieurs services gouvernementaux, notamment les tribunaux de la famille et le procureur public; que les victimes disposent de refuges temporaires et qu’il existe des centres où les victimes de violence peuvent obtenir soutien psychologique, conseils et aide juridique. (Motifs, p. 2, par. 3.)

 

[37]           Par ailleurs, la SPR a noté que la preuve documentaire indiquait aussi que pour signaler un crime ou une infraction au Mexique, que ce soit en tant que victime ou en tant que témoin, il faut exposer son cas auprès du bureau le plus proche du Ministère public. Si les autorités ne tiennent pas compte des plaintes ou si elles ne les traitent pas, il est possible d’exercer un recours auprès du contrôleur interne du Bureau du procureur général de la République (PGR), qui a notamment été réorganisé en 2001 afin de mieux lutter contre la corruption interne. (Motifs, p. 2.)

 

[38]           Ensuite, la SPR a analysé les démarches effectuées par madame Del Real afin d’obtenir la protection de la police.

 

[39]           La SPR a tenu compte dans son évaluation, du fait que madame Del Real est demeurée passible et qu’elle n’avait pas tenté de poursuivre et d’entreprendre ses démarches auprès des autorités. (Sanchez, ci-dessus; Madoui, ci-dessus, par. 5; Eminidis, ci-dessus,  par. 15.)

 

[40]           En effet, la preuve démontrait que, suite à l’incident du 21 mars 2006, un policier municipal est intervenu, a pris la déclaration de madame Del Real, lui a dit qu’elle devait aller au Ministère public faire une dénonciation et qu’il allait leur passer le rapport. Le policier municipal l’a ensuite emmenée au Ministère public et a remis à un employé ledit rapport. Après plusieurs heurs d’attente, les agents du Ministère public lui ont demandé ce qu’elle voulait dénoncer et elle leur déclara les mauvais traitements de son ex-mari et la tentative d’assassinat. L’agent lui a dit de revenir le lendemain car il y avait d’autres personnes avec des dénonciations graves comme blessures avec armes à feu et morts et que son cas pouvait se régler facilement avec le DIF. (FRP, par. 14.)

 

[41]           Ainsi, on lui a dit de revenir le lendemain car son cas pouvait facilement se régler au DIF. (FRP, ci-dessus.)

[42]           Or, madame Del Real a choisi de ne pas y retourner.

 

[43]           C’est dans ce contexte que la SPR pouvait raisonnablement conclure que « La demandeure ne s’est jamais vraiment adressée aux autorités, ni à la police, ni au ministère public afin d’obtenir aide et protection » et que, conséquemment, elle n’a posé « aucun geste afin d’essayer d’obtenir la protection. » (Motifs, p. 1, par. 5 et p. 3, par. 3.)

 

[44]           Par conséquent, il est difficile de reprocher aux autorités du Mexique leur inaction alors même que madame Del Real n’est jamais retournée le lendemain pour leur donner la possibilité de la protéger. Tel que mentionné par le juge Yves de Montigny dans Villasenor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1080, [2006] A.C.F. no 1359 (QL) :

[19]      [...] il est raisonnable de s'attendre à ce qu'une personne qui allègue l'incapacité des autorités de la protéger ait préalablement posé un geste qui aurait normalement suscité leur protection. Sauf en des circonstances exceptionnelles, il me semble inconcevable qu'un demandeur puisse reprocher aux autorités de son pays leur inaction alors même qu'il ne les a jamais alertées de sa situation de vulnérabilité et qu'il ne leur a jamais donné la possibilité de le protéger. (La Cour souligne.)

 

(Voir également : Smirnov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1080; Villanueva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1320, [2004] A.C.F. no 1619 (QL).)

 

[45]           Il ne s’agit pas d’une indication de manque de protection mais plutôt d’une réticence de la part de madame Del Real d’y avoir recours. Or, tel qu’indiqué par la jurisprudence de cette Cour, ceci ne rend pas l’État incapable de la protéger :

[10]      De plus, la demanderesse a décidé de refuser que des accusations criminelles soient portées contre son mari parce qu'elle avait peur de sa réaction. Ce comportement est compréhensible compte tenu des circonstances, mais il ne rend pas pour autant la protection étatique insuffisante. Elle a pris la décision de ne pas utiliser le régime instauré par les autorités gouvernementales. Si toutes les victimes d'actes de violence familiale renoncent à utiliser le service offert, le régime ne s'améliorera jamais. (La Cour souligne.)

 

(Ferguson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1212, [2002] A.C.F. n o 1636 (QL); voir également Tenorio c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 63, [2007] A.C.F. no 98 (QL), par. 28.)

 

[46]           Toujours sur la même question, la SPR pouvait également tenir compte dans son analyse, du fait que madame Del Real n’a pas su expliquer de façon raisonnable pourquoi elle ne s’était par réinstallée à Mexico; elle a témoigné n’avoir jamais pensé à s’installer à Mexico. De plus, elle a témoigné qu’elle avait déjà entendu parler du DIF bien qu’elle ait choisi de ne pas s’y adresser. Cette Cour, dans Skelly c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1244, [2004] A.C.F. no 1503 (QL), le juge James Russell, a déjà indiqué :

[51]      [...] Il est donc difficile de reprocher à la Commission d'avoir conclu que la demanderesse n'avait pas réfuté la présomption de disponibilité de la protection de l'État dans sa situation, parce qu'elle [TRADUCTION] "n'a fait aucun effort pour se réclamer de la protection de l'État à Sainte-Lucie, ni même pour déterminer le type de protection qu'elle pouvait obtenir".

 

(Voir également : Jara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 973, [2006] A.C.F. no 1226 (QL), par. 12; Zhuravlvev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 C.F. 3, [2000] A.C.F. no 507 (QL), par. 31.)

 

[47]           Finalement, la SPR pouvait, en dernier lieu, tenir compte du fait que madame Del Real est une commerçante débrouillarde et qui s’exprime bien pour se trouver du travail à Mexico.

[48]           La conclusion de la SPR quant à la présence d’un refuge interne est ainsi conforme aux principes établis par la jurisprudence, s’appuie sur la preuve soumise et est suffisante pour rejeter la demande d’asile de madame Del Real. En effet, la présence d’un refuge interne nie la possibilité de reconnaissance de la qualité de « réfugié » et celle de « personne à protéger ». (Fedomin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 1684 (QL).)

 

CONCLUSION

[49]           Compte tenu de ce qui précède, la demande de contrôle judiciaire de madame Del Real est rejetée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que

1.         La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.         Aucune question grave de portée générale soit certifiée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1019-07

 

INTITULÉ :                                       MARIA AUXILIO VALENZUELA DEL REAL

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 24 janvier 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 5 février 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Michel Le Brun

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Evan Liosis

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MICHEL LE BRUN, avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDEURRESSE

 

 

 

 

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