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Date :  20080205

Dossier :  IMM-2613-07

Référence :  2008 CF 135

Ottawa (Ontario), le 5 février 2008

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

DAVID ANTONIO GARZA GALAN

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               L’Agent d’Examen des risques avant renvoi (ERAR) reconnaît que le Guatemala est un pays faisant face à des bouleversements politiques depuis plus d’un demi-siècle et qu’il fait face à de très sérieux problèmes de violence dû aux gangs de rues. Cependant, il fait abstraction que le demandeur est membre actif d’une communauté religieuse et qu’il a été membre d’un groupe de jeune qui enseigne d’autres opinions que la délinquance et devenir un membre d’un gang. En conséquence, cette position fait en sorte qu’il est une personne plus ciblée que le restant de la population qui est déjà sous l’emprise d’un risque sérieux. (Voir « Human Rights Watch, January 2007 , Country Summary », qui fait parti du dossier : ce document met en doute sérieux la protection d’État soulevée par l’Agent ERAR pour appuyer sa décision dans ce cas d’espèce.)

 

PROCÉDURE JUDICIAIRE

[2]               Il s’agit d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision de l’Agent ERAR, rendue le 8 mai 2007, rejetant la demande déposée par le demandeur.

 

FAITS

[3]               Le demandeur, monsieur David Antonio Garza Galan, est citoyen du Guatemala. Il allègue avoir une crainte de persécution de la part d’un groupe de criminels connu sous le nom de Maras Salvatruchas.

 

[4]               Au soutien de sa demande ERAR, monsieur Garza Galan a soumis uniquement deux documents, tel qu’il appert de la page 3 des motifs de la décision ERAR.

 

[5]               Le premier document était un rapport de « Human Rights Watch » sur les conditions générales au Guatemala. Le deuxième document était un rapport de « American Association for the Advancement of Science » qui portait sur la violence générale au Guatemala.

 

[6]               L’Agent ERAR a rejeté la demande après avoir conclu que monsieur Garza Galan ne s’était pas déchargé de son fardeau de démontrer que son renvoi l’exposerait à des risques.

[7]               De plus, l’Agent ERAR a également conclu qu’il existait au Guatemala une protection étatique adéquate.

 

POINT EN LITIGE

[8]               La question en litige est de savoir si l’Agent ERAR a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’il n’a pas convoqué le demandeur à une audience compte tenu des circonstances des conditions du pays non pris en considération, comme le demandeur n’a jamais été entendu auparavant par aucune instance (ceci est un cas d’espèce à cause des faits).

 

ANALYSE

[9]               L’Agent ERAR a décidé que monsieur Garza Galan n’avait pas apporté de preuves suffisantes afin de considérer la situation de ce dernier dans l’éventualité d’un retour au Guatemala. Il a procédé à une analyse erronée de la demande ERAR en ne prenant pas soin d’analyser les faits et le contexte du pays.

 

[10]           Monsieur Garza Galan a expliqué dans sa demande ERAR, que, dès son plus jeune âge, il a pris le leadership de sa famille suite à l’assassinat de son père. L’Agent ERAR ne prend pas en considération le contexte tumultueux du pays dans lequel monsieur Garza Galan a vécu sa jeunesse.

 

[11]           De plus, monsieur Garza Galan mentionne qu’il est la cible des Maras car il est membre d’un groupe religieux; qu’il s’occupait d’un groupe de jeunes à implanter des programmes sociaux et amélioré les conditions de vie dont leur donné d’autres options que la délinquance et devenir membre d’un gang de rues.

 

[12]           Monsieur Garza Galan mentionne également qu’il a été menacé par des appels au téléphone, qu’il a été physiquement et mentalement torturé et qu’on a attenté à sa vie en lui tirant dessus.

 

[13]           L’Agent ERAR ne donne pas de poids au récit de monsieur Garza Galan car, essentiellement, il n’est pas soutenu par une preuve documentaire.

 

[14]           Le demandeur soumet que l’Agent ERAR a commis une erreur en ne tenant pas une audience en vertu de l’alinéa 113b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) et de l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (Règlement). En effet, le demandeur soumet qu’il respecte les critères énoncés à l’article 167 pour la tenue d’une audience, à savoir, l’existence de preuves relatives aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la LIPR qui soulève une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur.

 

[15]           L’article 113 de la LIPR se lit comme suit :

113.      Il est disposé de la demande comme il suit :

 

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

 

 

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

 

 

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

 

 

 

d) s’agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3), sur la base des éléments mentionnés à l’article 97 et, d’autre part :

 

 

(i) soit du fait que le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité constitue un danger pour le public au Canada,

 

 

(ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.

113.      Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

 

(c) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of sections 96 to 98;

 

(d) in the case of an applicant described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of the factors set out in section 97 and

 

(i) in the case of an applicant for protection who is inadmissible on grounds of serious criminality, whether they are a danger to the public in Canada, or

 

(ii) in the case of any other applicant, whether the application should be refused because of the nature and severity of acts committed by the applicant or because of the danger that the applicant constitutes to the security of Canada.

 

[16]           L’article 167 du Règlement se lit comme suit:

167.      Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

 

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

 

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

 

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

167.      For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

 

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant's credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

 

 

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

 

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

[17]           Monsieur Garza Galan n’a jamais été entendu par un tribunal ou une autorité administrative.

 

[18]           En effet, monsieur Garza Galan s’est rendu à la frontière canadienne, le 30 janvier 2006, et on lui mentionne qu’il n’était pas éligible car il ne respectait pas l’alinéa 101(1)e) de la LIPR (i.e. le concept du « Pays tiers sûr ».)

[19]           Lorsque monsieur Garza Galan se présente de nouveau à la frontière, en compagnie de son épouse, le 20 juillet 2006, on lui refuse sa demande de réclamation du statut de réfugié selon l’alinéa 101(1)b) de la LIPR. Cependant, on lui remet les documents ERAR dont il soumet à Immigration Canada, le 25 août 2006.

 

[20]           La crédibilité de monsieur Garza Galan n’a jamais été évaluée ou jugée par aucune autorité ou tribunal.

 

[21]           Dans l’arrêt Singh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1 R.C.S. 177, la Cour Suprême du Canada spécifie :

Le contenu de la justice fondamentale sur le plan de la procédure dans un cas donné dépend de la nature des droits en cause et de la gravité des conséquences pour les personnes concernées. Les menaces à la vie ou à la liberté de la part d'une puissance étrangère sont pertinentes en ce qui concerne le genre d'audition justifiée dans les circonstances.

 

Les revendications du statut de réfugié par les appelants ont été rejetées sans qu'ils aient pu bénéficier d'une audition complète à aucun moment au cours des procédures devant l'un ou l'autre des organismes ou fonctionnaires habilités à statuer sur le fond de leurs revendications. Pour se conformer à l'al. 2e), il aurait fallu tenir une telle audition. En vertu de la Loi sur l'immigration de 1976, un réfugié au sens de la Convention a le droit de "demeurer" au Canada, ou s'il est impossible d'obtenir un permis du Ministre, au moins le droit de ne pas être renvoyé dans un pays où sa vie et sa liberté sont menacées et le droit de rentrer au Canada si aucun pays n'est disposé à l'accepter. Ces droits sont d'une importance vitale pour les appelants. De plus, lorsque la vie ou la liberté peut dépendre de conclusions de fait et de la crédibilité, la possibilité de soumettre des observations écrites, même assortie de la possibilité de répondre par écrit aux allégations de fait et de droit défavorables, est insuffisante.

 

 

[22]           Dans l’affaire Vlad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 260, [2004] A.C.F. no 292 (QL), la juge Anne Mactavish, reprenant les commentaires du juge Yvon Pinard, dit ce qui suit :

[29]      [...] À cet égard, je souscris aux commentaires que le juge Pinard a émis dans la décision Canada (M.C.I.) c. Dhaliwal-Williams, [1997] A.C.F. no 567 : "Il est [...] acquis que l'équité procédurale exige, au minimum, que l'on donne à chacune des parties l'occasion de faire valoir ses arguments et à chacune des parties l'occasion d'être entendue".

 

 

[23]           Dans la présente affaire, le demandeur soumet que l’Agent ERAR aurait dû exiger une audition. Le demandeur soumet qu’il respecte toutes les conditions de l’article 167 du Règlement pour la tenue d’une audition. Premièrement, il y a l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnées aux articles 96 et 97 de la LIPR qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur. Deuxièmement, l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection. En effet, sans entendre le demandeur, il est impossible de déterminer la crédibilité de ce dernier. Troisièmement, si ces éléments de preuve sont admis, ils justifieraient que soit accordée la protection.

 

[24]           L’Agent ERAR reconnaît que le Guatemala est un pays faisant face à des bouleversements politiques depuis plus d’un demi-siècle et qu’il fait face à de très sérieux problèmes de violence dû aux gangs de rues. Cependant, il fait abstraction que monsieur Garza Galan est membre actif d’une communauté religieuse et qu’il a été membre d’un groupe de jeune qui enseigne d’autres opinions que la délinquance et devenir un membre d’un gang. En conséquence, cette position fait en sorte qu’il est une personne plus ciblée que le restant de la population qui est déjà sous l’emprise d’un risque sérieux. (Voir « Human Rights Watch, January 2007, Country Summary », qui fait parti du dossier : ce document met en doute sérieux la protection d’État soulevée par l’Agent ERAR pour appuyer sa décision dans ce cas d’espèce.)

 

[25]           L’affaire présente est un cas particulier, et, comme mentionné dans Galan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 749, [2007] A.C.F. no 998 (QL):

[1]        [...] Comme les décisions quasi judiciaires et judiciaires ne peuvent pas se faire à une chaîne de montage, un cas d'espèce exige la réflexion, la patience, l'art d'écoute actif et l'ouverture d'esprit. Pour s'assurer que la justice naturelle règne et que l'équité procédurale soit apparente, c'est hasardeux de tirer des conclusions générales à partir d'une prémisse particulière.

 

... dans l'arrêt Harrison c. Carswell, [1976] 2 S.C.R. 200, le juge Laskin qualifie l'affaire Peters, (1971), 17 D.L.R. (3d) 128, de cas d'espèce indiscutablement relié aux faits particuliers qui lui ont été soumis et dont on ne peut, par conséquent, tirer une affirmation générale qui constituerait un précédent. Le cas d'espèce étant non prévu par la loi, il commande que le tribunal l'examine à la lumière de règles particulières que ne régissent pas nécessairement les règles générales. "Il incombe aux tribunaux de déterminer dans chaque cas d'espèce s'il y a violation du droit à l'assistance d'un avocat et, le cas échéant, quelle réparation, s'il en est, s'impose vu les circonstances."

 

CONCLUSION

[26]           Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est retournée pour redétermination par un autre Agent.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et l’affaire soit retournée pour redétermination par un autre Agent.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2613-07

 

INTITULÉ :                                       DAVID ANTONIO GARZA GALAN

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal, Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 22 janvier 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 5 février 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Claude Brodeur

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Simone Truong

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

CLAUDE BRODEUR, Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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