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Date : 20080130

Dossier : IMM-6468-06

Référence : 2008 CF 121

Ottawa (Ontario), le 30 janvier 2008

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

 

ALI IRFAN KHAN

 

 

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        La présente demande de contrôle judiciaire ne soulève qu’une seule question : l’agente des visas a-t-elle enfreint le devoir d’équité qu’elle avait envers M. Khan en ne donnant pas à ce dernier l’occasion de répondre à ses réserves, selon lesquelles les diplômes universitaires de celui-ci n’avaient pas été délivrés par des établissements accrédités? J’ai conclu que l’agente s’était bel et bien conformée à son devoir d’équité; la demande de contrôle judiciaire est en conséquence rejetée.

 

[2]        Les questions d’équité en matière de procédure sont susceptibles de contrôle judiciaire selon la norme de la décision correcte. Il en est ainsi parce qu’il appartient à la Cour de déterminer si l’auteur de la décision a suivi les principes d’équité en matière de procédure. La Cour n’a pas à faire preuve de déférence à son égard.

 

[3]        La question de l’équité procédurale se pose en l’espèce dans le contexte suivant.

 

[4]        M. Khan a fait une demande de visa de résident permanent à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).

 

[5]        Les demandeurs de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) sont évalués sur la base des exigences minimales prévues au paragraphe 75(2) et des critères prévus au paragraphe 76(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement). Les critères visent les facteurs suivants : l’âge, les études, les compétences linguistiques, l’expérience, l’exercice d’un emploi réservé et la capacité d’adaptation. Le facteur des études permet d’obtenir un maximum de 25 points et le paragraphe 78(2) du Règlement énonce le nombre de points susceptibles d’être attribués pour des « diplômes » particuliers. Ces dispositions du Règlement figurent en annexe des présents motifs.

 

[6]        L’article 73 du Règlement définit comme suit le mot « diplôme » utilisé à son paragraphe 78(2) :

[…] Tout diplôme, certificat de compétence ou certificat d’apprentissage obtenu conséquemment à la réussite d’un programme d’études ou d’un cours de formation offert par un établissement d’enseignement ou de formation reconnu par les autorités chargées d’enregistrer, d’accréditer, de superviser et de réglementer les établissements d’enseignement dans le pays de délivrance de ce diplôme ou certificat.

 

[7]        Dans sa demande de visa, M. Khan a demandé des points pour son baccalauréat en administration des affaires (marketing), obtenu à l’Université de Newport (campus de Dubaï), et pour sa maîtrise en administration des affaires (marketing), obtenue à l’Université américaine d’Hawaï (campus de Dubaï).

 

[8]        Le 24 mars 2006, après avoir reçu et examiné la demande de visa de M. Khan, l’agente des visas a écrit à l’expert-conseil de ce dernier pour obtenir plus de renseignements. En ce qui concerne le niveau d’études, elle lui a demandé de [traduction] « fournir la preuve que l’établissement ayant délivré le diplôme est accrédité par les autorités du pays de délivrance de ce diplôme ».

 

[9]        L’expert-conseil de M. Khan a répondu en reconnaissant que l’Université américaine d’Hawaï n’avait pas encore été reconnue par un organisme accréditif des États-Unis. Il a présenté les pièces suivantes relativement à l’Université de Newport :

 

·        Une lettre de l’Université de Newport déclarant que le State of California Bureau for Private Postsecondary and Vocational Education (BPPVE) avait approuvé qu’elle délivre des diplômes.

·        Un certificat du BPPVE attestant que l’Université de Newport [traduction] « a[vait] obtenu du Bureau for Private Postsecondary and Vocational Education (le Bureau) l’agrément pour fonctionner. Par cet agrément, le Bureau entend qu’il a conclu et certifié que l’établissement répond à des normes minimales d’intégrité, de stabilité financière et de qualité d’enseignement, en assurant notamment un enseignement solide par un corps professoral qualifié et l’évaluation appropriée des résultats des étudiants préalablement à ses programmes, puis pendant ceux-ci et à la fin de ceux-ci. »

·        Trois imprimés d’écran extraits du site Internet du BPPVE, déclarant que [traduction] « le Bureau fixe des normes d’enseignement qui se veulent des normes minimales pour la qualité de l’enseignement et la stabilité institutionnelle des établissements privés d’enseignement postsecondaire en Californie. Le Bureau répond aux plaintes des étudiants et supervise un fonds visant à aider les étudiants à être remboursés de leurs frais de scolarité au cas où un établissement viendrait à fermer de façon inattendue. » Il y était également indiqué que [traduction] « à compter du 1er janvier 2004, les établissements accrédités par des organismes accréditifs régionaux particuliers, reconnus par le ministère de l’Éducation des Etats‑Unis, peuvent offrir de nouveaux programmes de diplôme ou de certificat sans autre examen ou enquêtede la part du Bureau ».

 

[10]      Selon les notes inscrites au Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration, l’agente a étudié ces informations comme suit :

[traduction] AUCUNE DES UNIVERSITÉS MENTIONNÉES PAR LE DEMANDEUR – L’UNIVERSITÉ DE NEWPORT ET L’UNIVERSITÉ AMÉRICAINE D’HAWAÏ - NE SATISFAIT AU CRITÈRE DE L’ARTICLE 73 DU RÈGLEMENT. AUCUNE NE FIGURE DANS LA BASE DE DONNÉES DU CHEA DES INSTITUTIONS ET DES PROGRAMMES ACCRÉDITÉS PAR LES ORGANISMES ACCRÉDITIFS RECONNUS DES ÉTATS-UNIS. À SIGNALER QUE L’UNIVERSITÉ DE NEWPORT SEMBLE ÊTRE UN ÉTABLISSEMENT D’ENSEIGNEMENT PRIVÉ RECONNU (L’EXPERT‑CONSEIL A FOURNI DES RENSEIGNEMENTS SELON LESQUELS L’UNIVERSITÉ FIGURE DANS LA BASE DE DONNÉES DU BUREAU FOR PRIVATE POST SECONDARY AND VOCATIONAL EDUCATION. CE BUREAU RELÈVE DU MINISTÈRE DE LA CONSOMMATION DE LA CALIFORNIE ET ÉTABLIT DES NORMES QUI SE VEULENT DES NORMES MINIMALES POUR LA QUALITÉ DE L’ENSEIGNEMENT ET LA STABILITÉ INSTITUTIONNELLE DES ÉTABLISSEMENTS PRIVÉS D’ENSEIGNEMENT POSTSECONDAIRE EN CALIFORNIE). CELA NE PROUVE PAS QUE L’INSTITUTION SATISFAIT AUX EXIGENCES DU PARAGRAPHE 73 DU RÈGLEMENT. CINQ POINTS ATTRIBUÉS POUR LES ÉTUDES.

 

[11]      Le « CHEA », mentionné dans les notes de l’agente, est l’acronyme du Council for Higher Education Accreditation des États-Unis. Le CHEA alimente une base de données sur plus de 7000 établissements, certains délivrant des diplômes, d’autres non, et sur plus de 17 000 programmes agréés par des organismes accréditifs des États-Unis, eux-mêmes reconnus soit par le CHEA, soit par le ministère de l’Éducation des États-Unis, soit par les deux.

 

[12]      Dans sa plaidoirie, l’avocat de M. Khan a clairement fait valoir que ce qui est mis en cause n’est pas le caractère raisonnable de la décision de l’agente, mais uniquement l’équité de la procédure. Il a soutenu que la requête adressée par l’agente à M. Khan lui demandant plus de renseignements n’était pas suffisamment claire; c’est-à-dire que la demande n’expliquait pas que les réserves de l’agente portaient sur le point de savoir si M. Khan avait obtenu ses diplômes dans des établissements accrédités. Une fois l’information complémentaire reçue, a‑t‑il soutenu, l’agente aurait dû informer M. Khan que l’Université de Newport n’était pas dans la base de données du CHEA afin que ce dernier puisse avoir la possibilité de répondre à ses réserves.

 

[13]      À mon avis, l’agente s’est conformée aux exigences de l’équité en matière de procédure. Sa lettre du 24 mars 2006 était suffisante pour informer M. Khan qu’elle avait des doutes sur l’« accréditation » des établissements ayant délivré ses diplômes. Les renseignements que M. Khan lui a adressés en réponse n’ont pas suffi, selon l’agente des visas, à établir que l’Université de Newport était accréditée au sens de l’article 73 du Règlement, particulièrement à la lumière du fait qu’elle ne figurait dans aucune base de données reconnue d’établissements et de programmes accrédités.

 

[14]      La Cour a établi toute une jurisprudence selon laquelle l’équité en matière de procédure n’oblige pas les agents des visas à fournir aux demandeurs un « résultat intermédiaire » de leur demande. De même, «  l’agent n’est pas tenu de donner avis de ses préoccupations lorsqu’elles sont directement liées à la Loi et aux Règlements que l’agent est tenu de suivre scrupuleusement dans son évaluation du requérant ». Voir par exemple Parmar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1997), 139 F.T.R. 203, au paragraphe 36. À mon avis, le même raisonnement s’applique en l’espèce.

 

[15]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[16]      Les avocats n’ont pas soulevé de question à certifier et je suis d’accord qu’aucune question ne se pose en l’espèce.

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 

 


ANNEXE

 

            Les paragraphes 75(2), 76(1) et 78(2) du Règlement sont rédigés comme suit :

75(2) Est un travailleur qualifié l’étranger qui satisfait aux exigences suivantes :

a) il a accumulé au moins une année continue d’expérience de travail à temps plein au sens du paragraphe 80(7), ou l’équivalent s’il travaille à temps partiel de façon continue, au cours des dix années qui ont précédé la date de présentation de la demande de visa de résident permanent, dans au moins une des professions appartenant aux genre de compétence 0 Gestion ou niveaux de compétences A ou B de la matrice de la Classification nationale des professions — exception faite des professions d’accès limité;

b) pendant cette période d’emploi, il a accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession dans les descriptions des professions de cette classification;

c) pendant cette période d’emploi, il a exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession figurant dans les descriptions des professions de cette classification, notamment toutes les fonctions essentielles.

 

 

 

[…]

76(1) Les critères ci-après indiquent que le travailleur qualifié peut réussir son établissement économique au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) :

a) le travailleur qualifié accumule le nombre minimum de points visé au paragraphe (2), au titre des facteurs suivants :

(i) les études, aux termes de l’article 78,

(ii) la compétence dans les langues officielles du Canada, aux termes de l’article 79,

(iii) l’expérience, aux termes de l’article 80,

(iv) l’âge, aux termes de l’article 81,

(v) l’exercice d’un emploi réservé, aux termes de l’article 82,

(vi) la capacité d’adaptation, aux termes de l’article 83;

b) le travailleur qualifié :

(i) soit dispose de fonds transférables — non grevés de dettes ou d’autres obligations financières — d’un montant égal à la moitié du revenu vital minimum qui lui permettrait de subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille,

(ii) soit s’est vu attribuer le nombre de points prévu au paragraphe 82(2) pour un emploi réservé au Canada au sens du paragraphe 82(1).

 

[…]

 

78(2) Un maximum de 25 points d’appréciation sont attribués pour les études du travailleur qualifié selon la grille suivante :

a) 5 points, s’il a obtenu un diplôme d’études secondaires;

b) 12 points, s’il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant une année d’études et a accumulé un total d’au moins douze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

c) 15 points, si, selon le cas :

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant une année d’études et a accumulé un total de treize années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

(ii) il a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant une année d’études et a accumulé un total d’au moins treize années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

d) 20 points, si, selon le cas :

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant deux années d’études et a accumulé un total de quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

(ii) il a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant deux années d’études et a accumulé un total d’au moins quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

e) 22 points, si, selon le cas :

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant trois années d’études à temps plein et a accumulé un total de quinze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

(ii) il a obtenu au moins deux diplômes universitaires de premier cycle et a accumulé un total d’au moins quinze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

f) 25 points, s’il a obtenu un diplôme universitaire de deuxième ou de troisième cycle et a accumulé un total d’au moins dix-sept années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein.

 

 

 

 

 

 

 

75(2) A foreign national is a skilled worker if

 

(a) within the 10 years preceding the date of their application for a permanent resident visa, they have at least one year of continuous full-time employment experience, as described in subsection 80(7), or the equivalent in continuous part-time employment in one or more occupations, other than a restricted occupation, that are listed in Skill Type 0 Management Occupations or Skill Level A or B of the National Occupational Classification matrix;

 

(b) during that period of employment they performed the actions described in the lead statement for the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification; and

 

(c) during that period of employment they performed a substantial number of the main duties of the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification, including all of the essential duties.

 

[…]

 

 

76(1) For the purpose of determining whether a skilled worker, as a member of the federal skilled worker class, will be able to become economically established in Canada, they must be assessed on the basis of the following criteria:

(a) the skilled worker must be awarded not less than the minimum number of required points referred to in subsection (2) on the basis of the following factors, namely,

(i) education, in accordance with section 78,

(ii) proficiency in the official languages of Canada, in accordance with section 79,

(iii) experience, in accordance with section 80,

(iv) age, in accordance with section 81,

(v) arranged employment, in accordance with section 82, and

(vi) adaptability, in accordance with section 83; and

(b) the skilled worker must

(i) have in the form of transferable and available funds, unencumbered by debts or other obligations, an amount equal to half the minimum necessary income applicable in respect of the group of persons consisting of the skilled worker and their family members, or

(ii) be awarded the number of points referred to in subsection 82(2) for arranged employment in Canada within the meaning of subsection 82(1).

 

[…]

 

78(2) A maximum of 25 points shall be awarded for a skilled worker’s education as follows:

(a) 5 points for a secondary school educational credential;

(b) 12 points for a one-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 12 years of completed full-time or full-time equivalent studies;

(c) 15 points for

(i) a one-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 13 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or

(ii) a one-year university educational credential at the bachelor’s level and a total of at least 13 years of completed full-time or full-time equivalent studies;

(d) 20 points for

(i) a two-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 14 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or

(ii) a two-year university educational credential at the bachelor’s level and a total of at least 14 years of completed

full‑time or full-time equivalent studies;

(e) 22 points for

(i) a three-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 15 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or

(ii) two or more university educational credentials at the bachelor’s level and a total of at least 15 years of completed full-time or full-time equivalent studies; and

(f) 25 points for a university educational credential at the master’s or doctoral level and a total of at least 17 years of completed full-time or full-time equivalent studies.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-6468-06

 

INTITULÉ :                                                   ALI IRFAN KHAN

                                                                        c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 17 JANVIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 30 JANVIER 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mario D. Bellissimo                                          POUR LE DEMANDEUR

 

Michael Butterfield                                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ormston, Bellissimo, Rotenberg                        POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

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