Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Date : 20080128

Dossier : IMM-7530-05

Référence : 2008 CF 108

Toronto (Ontario), le 28 janvier 2008

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN

 

 

ENTRE :

PAUL ENRIQUE HERNANDEZ MARTINEZ

(alias Paul Enrique Ma Hernandez)

JENNY CLANCIVETTE PINEDA DE HERNANDEZ

(alias Jenny Clancivet Pineda De Hernandez)

GABRIELA ESTHEFANIA HERNANDEZ PINEDA

(alias Gabriela Esthef Hernandez Pineda)

 

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), visant la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) rendue le 21 novembre 2005, selon laquelle les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger en vertu des articles 96 et 97, respectivement, de la Loi.

[2]               M. Paul Enrique Hernandez (le demandeur principal), son épouse Jenny Clancivette Pineda de Hernandez et leur fille Gabriela Esthefania Hernandez Pineda (collectivement, les demandeurs) sont citoyens du Salvador. Le demandeur principal craint d’être persécuté du fait de ses opinions politiques, et son épouse et sa fille craignent quant à elles d’être persécutées du fait de leur appartenance à un groupe social, soit la famille.

 

[3]               Le demandeur principal dit qu’il est devenu sympathisant du Front Farabundo Marti de libération nationale (le FMLN) en 1992, au moment où il étudiait à l’université. Il est devenu membre actif du FMLN en 2001. En avril 2004, il a reçu deux appels téléphoniques insultants et intimidants au cours desquels on lui a dit qu’il devait mettre fin à ses activités au sein du FMLN, sinon il en subirait les conséquences. Par la suite, tandis qu’il se rendait à son travail en voiture, une autre voiture a tenté de le forcer à s’immobiliser, mais il a réussi à échapper à ses poursuivants. Il a déclaré l’incident aux services policiers, qui ont répondu qu’ils feraient enquête, mais que ce serait difficile puisqu’ils ne disposaient pas du numéro de la plaque d’immatriculation de la voiture en question.

 

[4]               Le demandeur principal s’est rendu en Italie après cet incident et a tenté sans succès d’obtenir un permis de travail, n’ayant pas présenté de demande d’asile dans ce pays. Il est rentré au Salvador pour un mois, puis s’est rendu aux États-Unis. Pendant son séjour au Salvador, sa famille et lui ont habité chez sa belle-mère et ne sont jamais retournés dans leur résidence. 

 

[5]               Les demandeurs n’ont pas présenté de demande d’asile aux États-Unis, car le demandeur principal avait entendu dire que les chances qu’une demande d’asile soit accueillie au Canada étaient meilleures. En août 2004, les demandeurs sont entrés au Canada et ont demandé l’asile.

 

[6]               Dans sa décision datée du 21 novembre 2005, la Commission a conclu qu’il existait en l’espèce une protection adéquate de l’État pour le demandeur principal et sa famille.

 

[7]               La Commission a accepté que le demandeur principal avait reçu deux appels téléphoniques menaçants et qu’on avait tenté de faire quitter la route à son véhicule. Toutefois, le demandeur principal n’a pas pu expliquer de façon concluante au tribunal qui étaient ceux qui le persécutaient. La Commission a conclu que bien que le moment où avait eu lieu l’incident de la route semblait indiquer un lien avec les appels téléphoniques menaçants, le demandeur principal n’avait pas été en mesure d’affirmer que ces deux événements étaient liés.

 

[8]               La Commission a dit que quoiqu’il ne soit pas possible d’établir de lien direct, les services policiers semblent avoir pris ces incidents au sérieux. Ils ont cherché la voiture qui avait poursuivi le demandeur, ont donné au demandeur instruction de faire une déclaration au poste de police et lui ont dit que le dossier serait traité en priorité, vu les appels téléphoniques et l’incident de la route.

 

[9]               Le Salvador a été reconnu comme état démocratique et pour cette raison, la Commission a conclu que les demandeurs ne s’étaient pas acquittés de leur fardeau de démontrer qu’ils avaient demandé la protection de l’État. Le demandeur principal n’a jamais fait de suivi auprès des services policiers. En fait, il a quitté sa résidence, accompagné de sa famille, quelques jours après l’incident et a mis fin à son service téléphonique. Les demandeurs ne disposaient d’aucun renseignement permettant de conclure que les services policiers ne faisaient pas enquête sur les menaces et il semblait improbable que ces derniers puissent contacter les demandeurs.

 

 

[10]           Dans Chaves c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2005), 45 Imm. L. R. (3d) 58 (C.F.), au paragraphe 11, la Cour énonce que les décisions quant à la protection de l’État sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable simpliciter. Ainsi, la décision résistera à l’examen « si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux de la cour de révision » (Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, au paragraphe 55).

   

[11]           La question déterminante en l’espèce a trait à la conclusion de la Commission selon laquelle la protection de l’État est suffisante au Salvador. Selon les éléments de preuve présentés par le demandeur principal, les services policiers ont indiqué qu’ils feraient enquête sur l’incident où un véhicule a tenté de le faire quitter la route. Vu qu’il n’a pu fournir le numéro de la plaque d’immatriculation, l’enquête était difficile. Les services policiers ont cependant dit qu’ils accorderaient la priorité au dossier. Les demandeurs soutiennent qu’une seule tentative d’obtenir une protection policière, sans succès, suffit à établir que l’État n’offre pas de protection.

 

[12]           Le fardeau de prouver l’absence de protection étatique saccroît avec le degré de démocratie atteint chez l’État en cause : plus l’État sera démocratique, plus le demandeur devra avoir épuisé tous les recours qui s’offrent à lui; voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Kadenko, [1996] 143 D.L.R. (4th) 532 (C.A. F.) à la page 534. En outre, la Cour d’appel fédérale a précisé, dans cet arrêt, que « le revendicateur doit aller plus loin que de simplement démontrer qu’il s’est adressé à certains membres du corps policier et que ses démarches ont été infructueuses ».

 

[13]           Il est vrai que ce n’est pas une protection parfaite qui est visée; voir Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Villafranca (1992), 150 N.R. 232 (C.A.F.). Cependant, l’État doit déployer des efforts sérieux de protection sur le terrain; voir Garcia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 79, [2007] A.C.F. no 118 (QL), au paragraphe 15.

 

[14]           Les demandeurs contestent les conclusions de la Commission relativement à la protection de l’État au motif qu’on leur reproche d’avoir agi d’une manière conforme à une crainte subjective, c’est-à-dire de ne pas être restés plus longtemps dans leur résidence et de ne pas avoir fait en sorte que les services policiers puissent les joindre (interruption du service de téléphone mobile du demandeur). Les demandeurs soutiennent que le demandeur ne peut être tenu de rester au même endroit à seule fin d’établir si la protection de l’État s’exerce ou non.

 

[15]           Je suis d’accord avec les demandeurs : ils ne sont aucunement tenus de rester au même endroit pour établir si la protection de l’État s’exerce ou non. Toutefois, en raison de l’absence d’éléments de preuve quant à l’enquête policière au Salvador, il était loisible à la Commission de conclure que les demandeurs jouissaient en l’espèce d’une protection suffisante de l’État.

 

[16]           En conséquence, je conclus que la Commission n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle judiciaire lorsqu’elle a examiné la question de la protection de l’État et la demande de contrôle judiciaire de sa décision est rejetée. L’affaire ne soulève aucune question à certifier.

 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire visant la décision de la Commission est rejetée. L’affaire ne soulève aucune question à certifier.

 

 

 

« E. Heneghan »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 

 


 

COUR FÉDÉRALE

                                                                

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        IMM-7530-05

 

INTITULÉ :                                       PAUL ENRIQUE HERNANDEZ MARTINEZ ET AL.

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 22 JANVIER 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 28 janvier 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Geraldine Macdonald                           POUR LES DEMANDEURS

 

Angela Marinos                                    POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Geraldine MacDonald                           POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.