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Date : 20080130

Dossier : IMM-59-07

Référence : 2008 CF 91

ENTRE :

Virginia PASION

 

Demanderesse

 

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

Défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Pinard

[1]          Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel de l’immigration (la SAI), statuant que le mariage entre la demanderesse et son époux (ci-après le requérant) n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (la Loi).

 

* * * * * * *

 

[2]          La demanderesse est une Canadienne et le requérant est un citoyen des Philippines. La demanderesse et le requérant se sont mariés le 7 janvier 2005. En avril 2005 la demanderesse a déposé une demande pour qu’elle puisse parrainer le requérant et sa fille. Cette demande a été refusée le 8 mars 2006. La demanderesse a fait appel de cette décision à la SAI qui, malgré la recommandation positive du conseil du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le Ministre), a déterminé que :

[4]     . . . the appellant has not succeeded in proving, on a balance of probabilities, that the relationship is genuine and was not entered into primarily for the purposes of acquiring any status or privilege under the IRPA, and accordingly, the appeal is dismissed.

 

 

 

[3]          La SAI a basé sa décision sur les nombreuses incohérences, contradictions et invraisemblances qu’elle a notées dans la preuve, particulièrement en regard des témoignages de la demanderesse et du requérant :

[23]     Overall, the tribunal found that many of the applicant’s answers were evasive and sometimes contradictory. The tribunal was not convinced of the credibility of the applicant and feels that many questions were not answered to the tribunal’s satisfaction.

 

 

 

[4]          Par conséquent, la SAI a déterminé que le requérant était exclu de la catégorie de « membre de la famille » tel que défini au paragraphe 1(3) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) et n’était pas membre de la classe familiale en vertu de l’alinéa 117(1)a) du Règlement.

 

[5]          La demanderesse s’en prend fondamentalement à l’appréciation des faits faite par la SAI en regard des conclusions de cette dernière à l’effet que le requérant ne soit pas crédible et que le mariage entre ce dernier et la demanderesse ne soit pas authentique.

 

[6]          Toutefois, comme le souligne le défendeur, la SAI a bien soulevé les nombreux éléments déficients suivants :

-                La rapidité avec laquelle le requérant a demandé la demanderesse en mariage, soit avant même qu’il n’ait vu et rencontré cette dernière;

-                Les circonstances entourant la première demande en mariage;

-                La présence au Canada de la sœur du requérant comme facteur pouvant être un incitatif pour ce dernier à venir au Canada;

-                La réponse fournie par le requérant lorsqu’on lui a demandé s’il s’était marié avec la demanderesse dans le but d’immigrer au Canada. Il a répondu : « pas particulièrement »;

-                Les contradictions dans les réponses fournies par le requérant eu égard à la date où il aurait demandé la demanderesse en mariage la deuxième fois;

-                Le choix de faire un mariage civil aux Philippines plutôt que religieux alors que le requérant se dit très religieux et les différentes explications contradictoires fournies par le requérant pour justifier ce choix;

-                L’absence de la mère de la demanderesse et des parents du requérant au mariage;

-                Les contradictions dans la preuve soumise eu égard au nombre de personnes présentes au mariage et à la réception;

-                L’absence de contacts fréquents et réguliers entre la demanderesse et le requérant. Ils se parlaient deux fois par mois au téléphone et s’échangeaient des courriels. Or, aucun courriel n’a été déposé en preuve. De plus, la demanderesse n’aurait jamais visité le requérant depuis leur mariage;

-                La contradiction entre le témoignage de la demanderesse et celui du requérant quant à savoir s’ils ont discuté des plans pour leur futur si l’appel échouait.

 

[7]          Ainsi, après révision de la preuve, il appert que la SAI s’est basée sur de nombreuses incohérences, contradictions et invraisemblances.

 

[8]          Or, il incombe à la demanderesse de démontrer, selon la prépondérance de la preuve, que son mariage avec le requérant est authentique et ne vise pas principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi (Morris c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CF 369, [2005] A.C.F. no 469 (1re inst.) (QL)). La question de l’authenticité du mariage est essentiellement factuelle et la norme de contrôle applicable à cette question est celle de la décision manifestement déraisonnable (Froment c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 1002, [2006] A.C.F. no 1273 (1re inst.) (QL)). Il est aussi bien établi que la SAI peut baser sa décision sur les incohérences, contradictions et invraisemblances dans la preuve (voir, entre autres, Nguyen c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2004 CF 709, [2004] A.C.F. no 882 (1re inst.) (QL) et Grewal c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2003 CF 960, [2003] A.C.F. no 1223 (1re inst.) (QL)).

 

[9]          En l’espèce, dans les circonstances, la Cour n’a pas à substituer sa propre appréciation des faits à celle faite par la SAI.

 

[10]      Par ailleurs, la demanderesse reproche en quelque sorte à la SAI d’avoir fait preuve de partialité en raison de ses commentaires et de son esprit fermé vis-à-vis des parties.

 

[11]      Le test applicable pour savoir s’il y a accroc à l’équité procédurale à cause de partialité est de se demander si une personne raisonnable et bien informée de la communauté percevrait de la partialité (voir Mohamed c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 696, [2006] A.C.F. no 881 (1re inst.) (QL)). À mon avis, la demanderesse n’a pas réussi à démontrer qu’une personne raisonnable percevrait de la partialité en l’espèce. Il me semble plutôt que la demanderesse s’en prend au poids qu’a donné la SAI à certains éléments, notamment le fait que la fille du requérant appelle la demanderesse « Mommy » et le fait que la demanderesse envoyait de l’argent au requérant.

 

[12]      La demanderesse reproche aussi à la SAI d’avoir attendu jusqu’à 4 heures du matin aux Philippines pour contacter le requérant pour qu’il puisse témoigner. Je note, cependant, que c’est le conseil de la demanderesse qui avait demandé à la SAI d’appeler le requérant, et ce, sans jamais mentionner l’heure tardive aux Philippines. De plus, la SAI n’a pas jugé nécessaire d’entendre le témoignage des autres témoins et la demanderesse n’a soulevé aucune objection à cet égard. Dans les circonstances, à mon avis, une personne raisonnable ne percevrait pas de partialité en l’espèce.

 

[13]      La demanderesse soutient enfin que la SAI lui a imposé un fardeau de preuve plus lourd que celui de la prépondérance de la preuve.

 

[14]      Le fardeau de la preuve applicable à la question de l’authenticité du mariage est une question de droit et donc, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte (Pushpanathan c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982). À mon avis, il n’y a rien dans les motifs de la SAI qui indique qu’elle cherchait de la certitude concernant l’authenticité du mariage de la demanderesse avec le requérant. La seule fois où la SAI fait référence à la certitude c’est lorsqu’elle considère les soumissions du conseil du Ministre. À plusieurs reprises, la SAI mentionne bien que la demanderesse ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve de la « balance of probabilities ». Je suis donc d’avis que la SAI a appliqué le bon fardeau de la preuve.

 

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[15]      Pour toutes ces raisons, l’intervention de cette Cour n’est pas justifiée et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 30 janvier 2008

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-59-07

 

INTITULÉ :                                       Virginia PASION c. LE MINISTRE DE LA

                                                            CITOYENNETÉ ET DE  L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 9 janvier 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 30 janvier 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Annie Kenane                                POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Suzon Létourneau                          POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Étude Kenane                                                               POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

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