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Date : 20080115

Dossier : IMM-192-07

Référence : 2008 CF 51

Ottawa (Ontario), le 15 janvier 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

 

 

ENTRE :

KARIM BADRUDIN PARSHOTTAM

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

[1]               M. Parshottam avait le statut de résident permanent aux États-Unis. Après avoir vécu dix‑huit dans ce pays, il a présenté une demande d’asile au Canada. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu qu’il était frappé d’exclusion en application de la section E de l’article premier de la Convention des Nations Unis relative au statut de réfugié (la Convention). Une agente d’examen des risques avant renvoi (l’agente d’ERAR) a conclu qu’il ne serait exposé à aucun risque s’il retournait aux États-Unis. M. Parshottam sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

 

[2]               M. Parshottam est musulman, homosexuel et, de naissance, citoyen ougandais de descendance indienne orientale. Les membres de sa famille ont été bannis par le régime de Idi Amin en 1972. Ils se sont établis au Pakistan et y sont demeurés jusqu’en 1986, après quoi M. Parshottam est allé vivre chez une tante au Texas. En 1988, il a obtenu la résidence temporaire aux États-Unis dans le cadre d’un programme spécial visant les travailleurs agricoles, laquelle a été changée en résidence permanente en 1990. M Parshottam a affirmé qu’il a pu obtenir la résidence permanente en ayant recours à de fausses déclarations. Sa vie aux États-Unis a été marquée par plusieurs accusations de crimes mineurs, un bref mariage arrangé et des incidents qu’il a décrits comme étant à caractère homophobe.

 

[3]               M. Parshottam a confié qu’après le 11 septembre 2001 il a commencé à craindre que son statut lui soit retiré et d’être expulsé vers l’Ouganda ou vers le Pakistan. Il affirme avoir retenu les services d’un avocat qui l’aurait avisé qu’il ne serait pas en mesure d’obtenir la citoyenneté aux États‑Unis en raison de son casier judiciaire et qu’il avait le choix de rester indéfiniment dans ce pays à craindre pour lui-même ou de le quitter. Il a décidé de venir au Canada en février 2004 et d’y présenter une demande d’asile. À cette époque, sa « carte verte », qui témoignait de son statut de résident ayant le droit de travailler aux États-Unis, était valide jusqu’en juin 2004.

 

[4]               Dans une décision rendue le 9 janvier 2006, la Section de la protection des réfugiés (SPR) a retenu l’allégation de M. Parshottam selon laquelle il serait exposé à de la persécution en tant qu’homosexuel en Ouganda. Cependant, le tribunal a conclu qu’étant donné que les États-Unis le reconnaissaient comme résident permanent à l’époque de son admission au Canada, M. Parshottam ne pouvait demander le statut de réfugié au Canada, en application de l’article 1E de la Convention et de l’article 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). On a soutenu dans des observations déposées à la suite de l’audience que le demandeur ne pourrait pas retourner aux États-Unis, en raison de l’expiration de sa carte verte, de ses antécédents judiciaires et des fausses déclarations faites à l’appui de sa demande de résidence en 1988.

 

[5]               Le commissaire a conclu que la carte verte aurait pu être renouvelée et que, selon la preuve, notamment des renseignements obtenus des autorités des États‑Unis, il était peu probable que le statut de M. Parshottam dans ce pays lui eût été retiré. Les déclarations de culpabilité pour des délits mineurs et l’accusation de vol à l’étalage en suspens remontaient toutes à plus de dix ans. Selon le tribunal, la preuve n’étayait pas la conclusion selon laquelle les autorités des États‑Unis voudraient expulser le demandeur en raison de ces faits ou de la fraude qu’il aurait commise en vue d’obtenir son statut. Le commissaire a conclu que la preuve concernant les fausses déclarations n’était pas crédible. L’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire a été refusée.

 

[6]               M. Parshottam a par la suite présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (l’ERAR). Dans le cadre de cette demande, il a déposé des éléments de preuve relatifs à son statut aux États-Unis qui n’avaient pas été déposés devant la SPR. L’avocat représentant M. Parshottam lors de cette audience a déclaré dans un affidavit qu’il n’avait pas prévu que la SPR en viendrait à la conclusion que son client était toujours un résident permanent des États-Unis. Les nouveaux éléments de preuve consistaient en des lettres provenant d’un avocat membre du barreau de New-York et provenant du consulat général des États‑Unis, lesquelles renfermaient leur analyse du statut de M. Parshottam aux États-Unis de même que le dénouement que pourrait connaître sa cause dans ce pays.

 

[7]               En application de l’alinéa 113a) de la LIPR, l’agente d’ERAR a rejeté les documents nouvellement déposés, lesquels étaient antérieurs à l’audience de la SPR. L’agente a analysé d’autres éléments de preuve documentaire se rapportant aux façons de faire des États‑Unis et conclu qu’il n’y avait aucune preuve que M. Parshottam était frappé d’une mesure de renvoi dans ce pays ou bien qu’il y perdrait automatiquement sa résidence permanente. Elle a pris en compte une lettre d’un agent des États‑Unis datée du 31 juillet 2006 dans laquelle il mentionnait qu’en se fondant sur les renseignements fournis par les fonctionnaires de l’Agence des services frontaliers du Canada et en présumant qu’il n’y avait aucun autre motif d’interdiction de territoire, M. Parshottam pourrait retourner aux États-Unis selon les dispositions prévues à l’Accord de réciprocité concernant l’échange de personnes expulsées entre les États-Unis d’Amérique et le Canada de 1987 (la lettre de consentement). Le demandeur ne connaissait pas l’existence de la lettre de consentement avant que l’agente rende sa décision.

 

[8]               L’agente a conclu que l’asile qui peut être obtenu aux États‑Unis est une protection suffisamment efficace pour empêcher que le demandeur ne soit expulsé au Pakistan ou en Ouganda et que la preuve était insuffisante pour étayer son allégation selon laquelle il serait exposé à un risque aux États‑Unis en raison de son orientation sexuelle, de sa religion ou de son état mental. Elle a tranché que M. Parshottam ne serait pas exposé à un risque de persécution ou de torture, à une menace à sa vie ou encore à un risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il retournait aux États‑Unis.

 

[9]               Au cours de la présente instance, le demandeur a déposé un élément de preuve supplémentaire concernant les façons de faire aux États-Unis, lequel consistait en une lettre de Stephen Tills, avocat pratiquant aux États‑Unis, datée du 25 septembre 2007, qui était jointe à un affidavit du 1er octobre 2007 préparé par un adjoint de l’avocat du demandeur. La lettre renfermait un avis sur le droit et les façons de faire aux États-Unis ainsi qu’une déclaration attribuée au consulat des États-Unis à Montréal.

 

[10]           À la clôture de l’audience, j’ai reporté le prononcé de ma décision. Dans une directive donnée le 5 décembre 2007, j’ai demandé aux avocats de fournir des observations écrites supplémentaires relativement à la décision Conseil canadien pour les réfugiés et al. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1262, rendue par le juge Phelan. Les deux parties ont déposé des observations écrites supplémentaires selon lesquelles cette décision n’a aucune incidence dans la présente affaire pour divers motifs qui sont repris ci-dessous dans l’analyse des questions en litige.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE :

 

[11]           Les questions en litige soulevées par les parties sont les suivantes :

1.                  La nouvelle preuve déposée par le demandeur devrait-elle être acceptée par la Cour?

 

2.                  L’agente d’ERAR a-t-elle commis une erreur de droit en appliquant le mauvais critère d’exclusion?

 

3.                  L’agente d’ERAR a-t-elle commis une erreur de droit relativement à la preuve dont elle disposait concernant le statut du demandeur aux États-Unis?

 

4.                  L’agente d’ERAR a-t-elle contrevenu à la justice naturelle en omettant de divulguer l’existence de la lettre de consentement?

 

 

LES DISPOSITIONS LÉGALES PERTINENTES

 

[12]           La section 1E de la Convention des Nations Unis relative au statut de réfugié est jointe à titre d’annexe à la LIPR :

 

 

E. Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.

 

 

E. This Convention shall not apply to a person who is recognized by the competent authorities of the country in which he has taken residence as having the rights and obligations which are attached to the possession of the nationality of that country.

 

 

[13]           L’article 98 de la LIPR dispose qu’une personne mentionnée dans la section 1E de l’article premier de la Convention n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger.

 

[14]           L’agente d’ERAR a appliqué les restrictions concernant le dépôt de nouveaux éléments de preuve établies à l’alinéa 113a) de la LIPR :

 

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

 

a) le demandeur d'asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n'étaient alors pas normalement accessibles ou, s'ils l'étaient, qu'il n'était pas raisonnable, dans les circonstances, de s'attendre à ce qu'il les ait présentés au moment du rejet

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection

 

 

[15]           L’article 312 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, autorise le dépôt d’éléments de preuve supplémentaires dans le cadre d’un contrôle judiciaire :

 

312. Une partie peut, avec l’autorisation de la Cour :

 

a) déposer des affidavits complémentaires en plus de ceux visés aux règles 306 et 307;

b) effectuer des contre-interrogatoires au sujet des affidavits en plus de ceux visés à la règle 308;

c) déposer un dossier complémentaire.

312. With leave of the Court, a party may

 

(a) file affidavits additional to those provided for in rules 306 and 307;

(b) conduct cross-examinations on affidavits additional to those provided for in rule 308; or

(c) file a supplementary record.

 

 

ANALYSE

           

            La norme de contrôle

 

[16]           À la suite d’une analyse pragmatique et fonctionnelle de la norme de contrôle applicable aux divers aspects d’une décision rendue par un agent d’ERAR, j’ai conclu, au paragraphe 19 de la décision Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 437, [2005] A.C.F. no 540, que la norme de contrôle applicable aux questions de fait est, de manière générale, la décision manifestement déraisonnable, que celle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est la décision raisonnable simpliciter et que celle applicable aux questions de droit est la décision correcte. 

 

[17]           Je souscris également à la conclusion tirée par le juge Luc J. Martineau dans la décision Figurado c. Canada, 2005 CF 347, [2005] A.C.F. no 458, selon qui la norme de contrôle applicable lorsque la décision de l’agent d’ERAR est examinée « dans sa totalité » est la décision raisonnable.

 

[18]           Le choix effectué par l’agent d’ERAR lorsqu’il détermine le critère juridique applicable soulève une question de droit, et l’application de ce critère à un ensemble donné de faits soulève une question mixte de fait et de droit : Rai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 12, [2007] A.C.F. no 12. Dans le premier cas, on doit appliquer la décision correcte comme norme alors que dans le second cas la norme, c’est la décision raisonnable.

 

La preuve ultérieure à la décision

 

[19]           Il n’est pas contesté que l’agente d’ERAR ne disposait pas de la lettre du 25 septembre 2007 rédigée par Me Tills lorsqu’elle a rendu sa décision. Me Tills avait semble‑t‑il été engagé pour mettre à l’épreuve les conclusions de l’agente en présentant des demandes au nom de M. Parshottam au consulat des États‑Unis qui devaient permettre de déterminer son statut. La lettre mentionne des renseignements reçus des consulats de Toronto et de Montréal. Le demandeur cherche à obtenir l’admission en preuve de la lettre pour contester les motifs pour lesquels l’agente d’ERAR a refusé de se pencher sur le bien-fondé de son allégation à l’égard de l’Ouganda; pour contester les allégations selon lesquelles il était en « quête du meilleur pays d’asile » et pour montrer que le fait que l’agente s’était fondée sur des renseignements qui ont été réfutés par de nouveaux éléments de preuve constituait un manquement à la justice naturelle.

[20]           Le défendeur conteste le dépôt de la preuve au motif qu’en l’absence de circonstances spéciales, la cour chargée du contrôle doit s’en tenir au dossier dont disposait le tribunal : Nejad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1444, [2006] A.C.F. no 1810. Par ailleurs, advenant qu’on en accepte le dépôt, une preuve tel un affidavit ou une lettre jointe à un affidavit de pure forme qui n’éclaire en rien la situation devrait se voir accorder peu de poids lorsque, de fait, il soustrait sa source à un contre-interrogatoire : 594872 Ontario Inc. c. Canada, 55 F.T.R. 215, [1992] A.C.F. no 253.

 

[21]           Le demandeur soutient que le critère applicable à l’admissibilité d’affidavits supplémentaires est de savoir si le dépôt de tels documents est dans l’intérêt de la justice, aide la cour et ne cause pas de préjudice à grave à l’autre partie : Mazhero c. Canada (Conseil canadien des relations industrielles), 2002 CAF 295, [2002] A.C.F. no 1112. Dans la présente affaire, le demandeur allègue que la preuve réfute les renseignements sur lesquels l’agente s’est fondée, que cette preuve n’existait pas au moment de la décision en cause et que le défendeur ne subira aucun préjudice étant donné qu’il a eu l’occasion de l’examiner et d’y répondre.

 

[22]           Les décisions citées par le demandeur à l’appui de l’allégation selon laquelle le dépôt de la preuve est nécessaire dans l’intérêt de la justice ne portent pas directement sur cette question. Dans la décision Ou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 235, 48 Imm. L.R. (2d) 131, la Cour a permis l’audition d’un nouveau témoignage très pertinent d’un témoin qui avait par mégarde donné des renseignements erronés à la Commission avant une audience sur le désistement. De même, dans la décision Bouguettaya c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 1 C.F. 3, [2000] A.C.F. no 992, le tribunal avait commis une erreur en concluant que le fait qu’il s’était fondé sur des renseignements factuels erronés ne constituait pas un manquement à la justice naturelle, lorsque cela avait été porté à son attention lors d’une requête en réouverture de l’audience.

 

[23]           La Cour devrait être très prudente quant à l’admission d’un élément de preuve qui n’a pas été pris en compte par le décideur. Le demandeur aurait pu obtenir la preuve contestée avant que l’agente d’ERAR ne prenne sa décision. Il avait appris, dans les observations du défendeur devant la SPR en mai 2005, qu’il pouvait y avoir un problème quant à son statut aux États-Unis. La question aurait alors été de savoir si la preuve était admissible d’après l’alinéa 113a) de la LIPR, et, le cas échéant, quel poids l’agente d’ERAR devait lui accorder; ces conclusions auraient alors pu faire l’objet d’un contrôle par la Cour. Dans les faits, le demandeur a contourné ce processus en obtenant et en déposant la preuve après que l’agente eut pris sa décision.

 

[24]           Il n’est pas certain que la lettre de Me Tills puisse aider la Cour ou soit dans l’intérêt de la justice en l’espèce. Premièrement, la lettre renferme des renvois à de la correspondance et à des déclarations attribuées à des tiers qui ne sont pas présents devant la Cour et qu’on ne peut interroger. Deuxièmement, la forme dans laquelle la preuve a été déposée, soit une lettre jointe à un affidavit préparé par un adjoint qui n’a aucune connaissance personnelle quant à la lettre, signifie que la preuve aurait effectivement été à l’abri d’un contre‑interrogatoire si le défendeur avait voulu se prévaloir de cette procédure. Troisièmement, même si l’on concluait qu’elle est admissible en preuve, la lettre ne prouve pas que les conclusions de l’agente d’ERAR étaient erronées, parce que son contenu est fondé sur un scénario hypothétique selon lequel M. Parshottam devait présenter une demande de visa d’immigrant spécial pour retourner aux États-Unis étant donné qu’on lui aurait refusé un permis de rentrée. Comme je l’ai déjà souligné, les autorités des États‑Unis ont délivré une lettre de consentement qui lui permet de retourner dans ce pays.

 

[25]           Étant donné ces considérations, je ne peux conclure que l’affidavit aidera la cour, et je suis d’avis que d’en accorder le dépôt causera un préjudice sérieux au défendeur.

 

Le critère d’exclusion prévu par la section 1E

 

[26]           Le demandeur soutient qu’on peut trouver plusieurs erreurs dans la décision de l’agente d’ERAR. La première de ces erreurs est de ne pas avoir appliqué correctement le critère d’exclusion prévu par la section 1E de la Convention, qui dispose qu’une personne à qui l’on reconnaît un droit de résidence dans un pays sûr ne peut demander l’asile dans aucun autre pays en se fondant sur la Convention. Il soutient que l’agente a estimé qu’il était exclu en application de la section 1E en se fondant seulement sur l’absence de conclusions défavorables des autorités des États-Unis relativement à son statut et sur l’absence de procédure de renvoi prise contre lui.

 

[27]           Le défendeur souligne en réponse que la date qu’il convient d’utiliser pour déterminer le statut d’un demandeur pour l’application de la section 1E est celle de l’admission au Canada du demandeur d’asile. À la date pertinente, la SPR a conclu que M. Parshottam était un résident permanent des États-Unis et l’agente d’ERAR n’a pas commis de faute en se fondant sur cette conclusion de fait.  

 

[28]           Il est de jurisprudence constante que la date pertinente lors d’une analyse effectuée dans le cadre la section 1E est celle de l’admission au Canada. Je souscris également a l’opinion incidente formulée par le juge Paul U.C. Rouleau dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Choovak, 2002 CFPI 573, [2002] A.C.F. no 767, selon laquelle l’examen du statut du demandeur dans un pays tiers en date de l’analyse de la demande d’asile, ou même par la suite en date de la demande d’ERAR, donnerait la possibilité au demandeur de manipuler de façon délibérée son statut en retardant l’avancement du dossier. Cela n’irait pas dans le sens de la Convention, qui a pour objet une aide à ceux qui affrontent de réels dangers.

 

[29]           Je ne peux conclure que l’agente d’ERAR a commis l’erreur de ne pas appliquer le bon critère d’exclusion.

 

La preuve concernant le statut du demandeur aux États-Unis

 

[30]           Le demandeur soutient que l’ensemble de la preuve qu’il a déposée à l’appui de sa demande d’asile à l’égard des États-Unis aurait dû être prise en compte par l’agente d’ERAR à titre de nouvelle preuve étant donné que, dans le cadre de sa demande d’asile devant la SPR, il avait essentiellement plaidé contre l’Ouganda. Il allègue que l’agente d’ERAR aurait dû considérer l’ensemble de la preuve déposée à l’égard des États-Unis comme étant nouvelle pour l’application de l’alinéa 113a).

 

[31]           Les principaux éléments de preuve mentionnés par le demandeur ont trait au fait qu’il puisse être détenu en tant que demandeur d’asile aux États-Unis et aux effets que cela pourrait avoir sur lui, musulman homosexuel extrêmement vulnérable psychologiquement.

 

[32]           Le défendeur réplique en affirmant que l’agente d’ERAR a renvoyé à la preuve déposée par le demandeur, parfois même de façon explicite. Par conséquent, l’agente n’a pas écarté des éléments de preuve ou des allégations. Le demandeur tente simplement d’obtenir une nouvelle appréciation de la preuve, ce qui n’est pas du ressort de la Cour.

 

[33]           J’ai constaté que M. Parshottam avait bien fait des allégations à l’égard des États‑Unis à l’audience devant la SPR. Ces allégations ont été examinées par la SPR et elle a conclu qu’elles n’étaient pas crédibles. L’agente d’ERAR avait le droit de s’appuyer sur ces conclusions comme données de départ pour sa décision. La preuve, qui existait et que M. Parshottam aurait raisonnablement pu être en mesure de fournir avant l’audience devant la SPR sur ses allégations de risques aux États-Unis, a donc été qualifiée à juste titre par l’agente comme n’étant pas « survenu[e] depuis le rejet » pour l’application de l’alinéa 113a). Je conclus que l’agente d’ERAR n’a commis aucune erreur relativement à cette conclusion.

 

L’omission de divulguer la lettre de consentement

 

[34]           Enfin, le demandeur soutient que l’agente d’ERAR a manqué à l’équité procédurale en omettant de divulguer qu’elle allait se fonder sur la lettre de consentement liant le Canada et les États-Unis dans le cadre de l’Accord de réciprocité en tant que preuve de son statut aux États-Unis. Le demandeur allègue qu’il aurait pu présenter des observations au sujet de la lettre s’il avait su qu’on en avait obtenu dans la présente affaire; il aurait pu montrer qu’elle n’avait aucune incidence sur son statut aux États‑Unis. Il a reconnu qu’une telle lettre est chose courante dans les renvois du Canada vers les États‑Unis et vers d’autres pays.

 

[35]           Le fait que le demandeur reconnaisse que la lettre de consentement est une procédure normale dans les cas de renvoi tel que le sien mine l’argument selon lequel on l’a empêché d’y répondre parce qu’il n’avait pas été informé de son existence. La question du statut de M. Parshottam aux États‑Unis était clairement une question sérieuse en suspens depuis la décision de la SPR, et il aurait pu fournir à l’agente d’ERAR une preuve semblable à celle qu’il a tenté de faire accepter dans la présente instance. Je ne peux conclure que l’appréciation de la preuve effectuée par l’agente, preuve qui, bien qu’elle n’ait pas été directement divulguée au demandeur, était manifestement connue par lui comme étant une étape normale dans le processus d’évaluation des risques lors d’un renvoi, équivalait à lui refuser l’occasion de connaître les arguments avancés contre lui et d’y répondre.

 

[36]           Pour tous ces motifs, je conclus que l’agente d’ERAR n’a pas commis d’erreur de droit, manquée à l’équité procédurale ou tiré une conclusion déraisonnable au point de nécessiter l’infirmation de sa décision.

 

[37]           Étant donné que les parties ont demandé un délai pour décider si elles allaient proposer des questions aux fins de certification à la suite de la réception des motifs de la décision, je demande aux avocats de signifier et de déposer toute observation concernant la certification dans les sept jours suivant la réception des présents motifs. Chaque partie aura trois jours de plus pour signifier et déposer toute réponse aux observations de l’autre partie. À la suite de quoi, le jugement sera rendu.

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Martin, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-192-07

 

INTITULÉ :                                                   KARIM BADRUDIN PARSHOTTAM

 

                                                                        c.

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 27 NOVEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 15 JANVIER 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Leigh Salsberg

 

POUR LE DEMANDEUR

David Joseph

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

LEIGH SALSBERG

Jackman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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