Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20080115

Dossier : T-1917-06

Référence : 2008 CF 50

Toronto (Ontario), le 15 janvier 2008

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

LORI AKLADYOUS

demanderesse

et

 

LE CONSEIL CANADIEN DE LA MAGISTRATURE

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Lori Akladyous sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle le président du comité sur la conduite des juges du Conseil canadien de la magistrature a rejeté la plainte qu’elle avait déposée au sujet de la conduite d’un juge nommé par le gouvernement fédéral ainsi que du directeur exécutif et avocat général du Conseil.

 

[2]               Pour les motifs ci‑après énoncés, Mme Akladyous n’a pas réussi à me convaincre que la décision visée par le contrôle devrait être annulée et, par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[3]               Toutefois, avant d’examiner la demande au fond, je parlerai de l’omission de Mme Akladyous de comparaître à l’audience.

 

L’omission de comparaître à l’audience

[4]               La demande de contrôle judiciaire présentée par Mme Akladyous devait être entendue le 9 janvier 2007. Cette date avait été fixée plusieurs mois auparavant. Deux jours avant l’audience, la Cour a reçu une lettre d’une personne qui était à l’étranger et qui agissait censément pour le compte de Mme Akladyous. Cette personne demandait l’ajournement de l’audience.

 

[5]               Le lendemain, le juge en chef de la Cour fédérale a rendu une ordonnance indiquant que l’audience aurait lieu comme prévu.

 

[6]               Il ressort de l’examen du dossier du greffe que Mme Akladyous a été mise au courant de l’ordonnance de la Cour, et que le greffe l’avait informée que l’audience aurait lieu. La chose est en outre confirmée par une lettre reçue de Mme Akladyous après l’audience.

 

[7]               Peu de temps après que le juge en chef eut rendu sa décision, par laquelle il rejetait la demande d’ajournement, quelqu’un qui appelait censément pour le compte de Mme Akladyous a communiqué avec le greffe pour faire savoir que Mme Akladyous ne serait pas présente à l’audience.

 

[8]               Mme Akladyous n’ayant pas comparu à l’heure fixée pour l’audience, la Cour a suspendu l’audience pour quinze minutes, au cas où Mme Akladyous aurait changé d’idée et aurait été retardée. Mme Akladyous n’ayant toujours pas comparu au bout de quinze minutes, l’audience a commencé.

 

[9]               L’avocat du défendeur a alors informé la Cour qu’il se fonderait simplement sur les observations figurant dans son mémoire des faits et du droit. Par conséquent, la présente décision est entièrement fondée sur le dossier et sur les observations des parties.

 

Historique

[10]           Il y a quelques années, Mme Akladyous a fait l’objet de procédures disciplinaires devant le comité de discipline et devant le conseil de l’Association pharmaceutique du Manitoba. Après que l’Association eut décidé de suspendre sa licence, Mme Akladyous a sollicité le contrôle judiciaire de la décision de l’Association devant la Cour du Banc de la Reine du Manitoba.

 

[11]           Le 24 juin 2003, à la fin de l’audition de la demande de contrôle judiciaire, le juge présidant l’audience a rendu sa décision oralement et a rejeté la demande de contrôle judiciaire. Le juge a également ordonné à Mme Akladyous de verser à l’Association des dépens de 1 930 $.

 

[12]           Le juge qui présidait l’audience a ensuite demandé à l’avocat de l’Association de préparer un projet de jugement pour que la cour puisse l’examiner.

 

[13]           L’avocat de l’Association a écrit au greffe de la Cour du Banc de la Reine une lettre datée du 15 octobre 2003 en y joignant un projet de jugement. Dans sa lettre, l’avocat disait également ceci : [traduction] « Auriez‑vous l’obligeance de remettre la lettre et le projet de jugement au juge avec une copie de ce qui est dans l’étui, si le juge le désire? »

 

[14]           Le 6 novembre 2003, un jugement formel a été signé par le juge qui avait présidé l’audience. Le dossier n’indique pas que Mme Akladyous a porté ce jugement en appel.

 

[15]           Au mois de septembre 2005, Mme Akladyous a déposé auprès du Conseil canadien de la magistrature une plainte [la première plainte], dans laquelle elle reprochait au juge qui avait présidé l’audience de ne pas l’avoir laissée parler à l’audience.

 

[16]           Cette première plainte a par la suite été examinée par le juge Robert Pidgeon, juge en chef adjoint de la Cour supérieure du Québec et vice‑président du comité sur la conduite des juges. 

 

[17]           À la demande du juge en chef adjoint Pidgeon, le directeur exécutif et avocat général du Conseil a écrit à Mme Akladyous le 14 mars 2006 pour l’informer que [traduction] « [sa] plainte ne relevait pas du mandat du Conseil, étant donné qu’elle ne se rapportait pas à l’inconduite d’un juge visée par la Loi sur les juges ». Mme Akladyous a donc été informée que le dossier relatif à la plainte serait fermé.

 

[18]           Le 9 mai 2006, Mme Akladyous a écrit au juge en chef Bowman, de la Cour canadienne de l’impôt, alléguant que le juge qui avait présidé l’audition de sa demande de contrôle judiciaire et le directeur exécutif et avocat général du Conseil de la magistrature avaient accepté des pots‑de‑vin et que le directeur exécutif avait induit le juge en chef adjoint Pidgeon en erreur lorsque celui-ci avait examiné sa première plainte. Mme Akladyous a également allégué que d’autres personnes avaient commis une fraude à son détriment et que le système judiciaire était corrompu.

 

[19]           Le juge en chef Bowman a ensuite transmis cette lettre au Conseil canadien de la magistrature.

 

[20]           Par une lettre datée du 26 juin 2006, le directeur exécutif et avocat général du Conseil de la magistrature a écrit à Mme Akladyous en faisant remarquer qu’elle n’avait fourni aucun élément de preuve à l’appui des graves allégations qu’elle avait faites dans sa deuxième plainte. La lettre disait en outre ce qui suit :

[traduction]

J’ai examiné vos allégations ainsi que les renseignements qui ont déjà été versés au dossier au sujet de votre plainte. Étant donné la nature de ces allégations et compte tenu du fait que votre plainte antérieure a été examinée à fond, et puisque le mandat du Conseil vous a minutieusement été expliqué, j’arrive à la conclusion que votre dernière lettre constitue un abus de la procédure de traitement des plaintes. Par conséquent, je n’ouvrirai pas de dossier au sujet de vos dernières allégations.

 

 

[21]           Mme Akladyous a ensuite écrit à la juge en chef de la Cour suprême du Canada pour lui faire part de ses préoccupations au sujet du juge qui avait présidé l’audition de la demande de contrôle judiciaire et au sujet du directeur exécutif et avocat général du Conseil de la magistrature.

 

[22]           Entre autres choses, Mme Akladyous alléguait, dans ses lettres, que le juge qui avait présidé l’audience avait accepté un pot‑de‑vin de l’avocat de l’Association pharmaceutique du Manitoba. À cet égard, Mme Akladyous a allégué que la mention de [traduction] l’« étui », dans la lettre que l’avocat avait envoyée au greffe de la cour le 15 octobre 2003, était en fait une façon secrète d’indiquer qu’un chèque devait être remis au juge.

 

[23]           Dans sa lettre, Mme Akladyous alléguait également que le directeur exécutif et avocat général du Conseil de la magistrature avait été impliqué dans une fraude.

 

[24]           L’adjoint exécutif juridique de la juge en chef a transmis au Conseil canadien de la magistrature les lettres que Mme Akladyous avait envoyées à la juge en chef.

 

[25]           Le Conseil de la magistrature semble avoir considéré ces lettres comme une nouvelle plainte, la troisième. Le juge en chef Richard Scott, en sa qualité de président du comité sur la conduite des juges du Conseil, a ensuite examiné cette troisième plainte.

 

[26]           Le 13 octobre 2006, le juge en chef Scott a écrit à Mme Akladyous pour l’informer qu’il avait examiné la plainte et qu’il avait également demandé à l’avocat indépendant du Conseil de la magistrature d’examiner l’affaire. À la suite de ces deux examens, il avait [traduction] « conclu à l’absence de fondement à l’égard des allégations fort graves qui avaient été faites ».

 

[27]           Le passage essentiel de la lettre du juge en chef Scott se lit comme suit :

[traduction]

Il n’y a pas eu de faute. Il semble plutôt que vous ayez fort mal interprété les communications entre [l’avocat de l’Association] et la cour. La mention [faite par l’avocat] [traduction] d’« une copie de ce qui est dans l’étui » s’entend de la chemise dans laquelle les documents de la cour sont conservés dans les bureaux de la cour. Il n’est aucunement question d’un paiement. [L’avocat] a rédigé un projet de jugement formel. La pratique voulant que la partie qui a gain de cause rédige le projet de jugement formel est bien établie et il s’agit d’une ligne de conduite normale au sein de nos tribunaux. Il n’existe absolument aucun fondement permettant de soutenir qu’il y a eu irrégularité à l’égard de la préparation du jugement formel. Les motifs que [le juge qui a présidé l’audience] a rendus oralement le 24 juin 2003, lesquels ont par la suite été transcrits, indiquent la décision [du juge qui a présidé l’audience]. Les juges rendent couramment leurs motifs de cette façon.

 

Comme vous le savez, le Conseil canadien de la magistrature n’est pas l’instance chargée d’examiner le bien‑fondé d’une décision judiciaire.

 

 

[28]           Le juge en chef Scott a ensuite informé Mme Akladyous qu’[traduction] « aucun dossier ne ser[ait] ouvert et que l’affaire [était] maintenant classée ».

 

[29]           La demande de contrôle judiciaire que Mme Akladyous a présentée devant la Cour se rapporte à cette décision.

 

Les points litigieux

[30]           Si je comprends bien le mémoire des faits et du droit, Mme Akladyous conteste certaines conclusions de fait tirées par le juge en chef Scott. 

 

[31]           Mme Akladyous conteste également le fait que c’était le juge en chef Scott qui examinait l’affaire étant donné que, selon elle, [traduction] « la loi du Conseil de la magistrature » prévoit que les membres du Conseil canadien de la magistrature ne doivent pas examiner les décisions concernant des juges de leur propre province.

 

[32]           Mme Akladyous allègue en outre qu’en rendant sa décision, le juge en chef Scott s’efforçait de [traduction] « protéger » son collègue du Manitoba, ou avait peut‑être lui‑même accepté un pot‑de‑vin.

 

[33]           Le défendeur soulève également la question de l’identité du défendeur concerné. Cette question sera d’abord examinée.

 

L’identité du défendeur concerné

[34]           Mme Akladyous a désigné le Conseil canadien de la magistrature à titre de défendeur en l’espèce. 

 

[35]           L’alinéa 303(1)a) des Règles des Cours fédérales prévoit que le demandeur désigne à titre de défendeur « toute personne directement touchée par l’ordonnance recherchée, autre que l’office fédéral visé par la demande ».

 

[36]           Le paragraphe 303(2) des Règles prévoit ce qui suit : « Dans une demande de contrôle judiciaire, si aucun défendeur n’est désigné en application du paragraphe (1), le demandeur désigne le procureur général du Canada à ce titre. »

 

[37]           Étant donné que le Conseil canadien de la magistrature est le tribunal visé par la demande, je suis d’avis que le Conseil a été désigné par erreur à titre de défendeur et que le procureur général du Canada doit être substitué à celui‑ci à titre de défendeur.

 

[38]           Si j’examine ensuite les questions soulevées par Mme Akladyous, la première se rapporte à la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer à la décision du juge en chef Scott.

 

La norme de contrôle

[39]           Dans la mesure où la demande de contrôle judiciaire présentée par Mme Akladyous se rapporte à l’examen des conclusions de fait tirées par le juge en chef Scott, il faut établir la norme de contrôle appropriée à appliquer à l’égard de ces conclusions.

 

[40]           J’ai procédé à une analyse pragmatique et fonctionnelle dans la décision Cosgrove c. Conseil canadien de la magistrature, 2005 CF 1454, afin de déterminer la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer à l’égard des conclusions de fait tirées par un comité d’enquête constitué par le Conseil canadien de la magistrature.

 

[41]           J’ai conclu que les conclusions de fait du comité d’enquête doivent être examinées selon la norme de la décision manifestement déraisonnable. Ma conclusion sur ce point a par la suite été confirmée par la Cour d’appel fédérale : voir Cosgrove c. Conseil canadien de la magistrature, 2007 CAF 103, demande d’autorisation d’appel rejetée, [2007] C.S.C.R. 242.

 

[42]           Il est question ici d’une décision rendue par le président du comité sur la conduite des juges du Conseil canadien de la magistrature, plutôt que par un comité d’enquête constitué par le Conseil, mais je suis d’avis que l’analyse que j’ai effectuée dans la décision Cosgrove s’applique également en l’espèce et que les conclusions factuelles ici en cause devraient également être examinées selon la norme de la décision manifestement déraisonnable.

 

[43]           L’allégation de Mme Akladyous selon laquelle le juge en chef Scott n’aurait pas dû examiner une affaire dans laquelle un juge de sa propre province était en cause soulève peut‑être bien une question de droit ou une question de compétence. Il n’est pas nécessaire de déterminer la norme de contrôle applicable à cette question puisque je suis convaincue que cet argument est dénué de fondement, et ce, quelle que soit la norme de contrôle qui est appliquée.

 

[44]           Enfin, l’allégation de corruption et de partialité que Mme Akladyous a faite à l’encontre du juge en chef Scott soulève une question d’équité procédurale – à savoir si elle a bénéficié d’une audience équitable auprès d’un décideur impartial.

 

[45]           Il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse pragmatique et fonctionnelle des questions d’équité procédurale – il appartient à la Cour de décider si la procédure qui a été suivie dans un cas donné était équitable, eu égard à toutes les circonstances pertinentes : Sketchley c. Canada (Procureur général), [2005] A.C.F. no 2056, 2005 CAF 404, paragraphes 52 et 53.

 

La procédure de traitement des plaintes

[46]           Afin de situer dans leur contexte les questions soulevées dans la présente demande, il est utile de comprendre la procédure de traitement des plaintes qui s’applique lorsque des juges nommés par le gouvernement fédéral sont en cause.

 

[47]           Aux paragraphes 69 à 73 de l’arrêt Cosgrove, précité, la Cour d’appel fédérale a décrit la procédure de traitement des plaintes qui s’applique au Conseil canadien de la magistrature. La Cour d’appel fédérale a fait remarquer que toute plainte déposée par quelqu’un d’autre que le procureur général du Canada ou un procureur général provincial est soumise à une procédure à plusieurs niveaux. Cette procédure est exposée dans les Procédures relatives à l’examen des plaintes au Conseil canadien de la magistrature au sujet de juges de nomination fédérale (les procédures relatives aux plaintes).

 

[48]           Au premier niveau, la plainte est examinée par le directeur exécutif du Conseil, qui détermine si elle justifie l’ouverture d’un dossier. Aucun dossier n’est ouvert si la plainte est manifestement absurde ou si elle constitue un abus évident de la procédure de traitement des plaintes. Si un dossier est ouvert, la plainte passe au deuxième niveau.

 

[49]           Au deuxième niveau, la plainte est transmise au président ou au vice‑président du comité sur la conduite des juges du Conseil canadien de la magistrature. L’un ou l’autre peut disposer de la plainte sommairement si elle dépasse le mandat du Conseil. C’est le cas, par exemple, d’une plainte qui vise à faire examiner la décision d’un juge plutôt que la conduite du juge. La plainte peut également être rejetée sommairement si elle est frivole ou vexatoire, si elle est formulée dans un but injustifié, si elle est manifestement dénuée de fondement ou si elle ne nécessite pas un examen plus poussé.

 

[50]           La décision du juge en chef Scott a été rendue au deuxième niveau.

 

[51]           Si la plainte n’est pas rejetée sommairement, le président peut demander des renseignements complémentaires au plaignant, au juge ou au juge en chef dont le juge relève. La plainte peut alors être rejetée, réglée au moyen de mesures correctives, ou transmise à un comité de trois à cinq juges pour examen plus approfondi.

 

[52]           Si le comité juge la plainte assez sérieuse pour justifier la tenue d’une enquête, il peut recommander au Conseil canadien de la magistrature d’établir un comité d’enquête. Si le Conseil décide que la tenue d’une enquête est justifiée, un comité d’enquête est constitué aux fins de l’examen de la plainte.

 

[53]           La procédure de traitement des plaintes ayant été exposée, j’examinerai maintenant les arguments de Mme Akladyous.

 

Les conclusions de fait tirées par le juge en chef Scott

[54]           Mme Akladyous conteste la conclusion du juge en chef Scott que, selon une pratique commune, ce sont les avocats qui préparent les projets de jugement à l’intention de la cour. Si je comprends bien les arguments invoqués par Mme Akladyous sur ce point, cette conclusion est manifestement déraisonnable puisque c’est le juge qui doit rendre la décision et non l’avocat d’une partie.

 

[55]           Je ne souscris pas à cet argument.

 

[56]           Je suis d’accord avec le juge en chef Scott pour dire que Mme Akladyous a mal compris le processus. La décision par laquelle la demande de contrôle judiciaire a été rejetée par la Cour du Banc de la Reine du Manitoba a été rendue par le juge qui présidait l’audition de cette demande de contrôle judiciaire. Les motifs de la décision du juge ont été rendus oralement par le juge à la fin de l’audience – soit plusieurs mois avant que l’avocat de l’Association rédige la lettre renfermant le projet de jugement.

 

[57]           La transcription du jugement formel est une étape procédurale distincte, dans le cadre de laquelle les parties essentielles de la décision du juge sont consignées dans un jugement écrit formel. Il arrive souvent que le juge demande à l’un des avocats de rédiger un jugement correspondant à la décision qu’il a déjà rendue. Toutefois, en fin de compte, c’est le juge – et non les avocats – qui décide du libellé précis du jugement, de façon que le jugement corresponde le plus possible à la décision qu’il a rendue.

 

[58]           Mme Akladyous conteste également la conclusion du juge en chef Scott selon laquelle la mention de [traduction] « l’étui » dans la lettre de l’avocat de l’Association s’entend de la chemise dans laquelle les documents de la cour sont conservés dans les bureaux de la cour. À cet égard, Mme Akladyous affirme que [traduction] « la copie qui est dans l’étui est la copie du chèque ». Toutefois, Mme Akladyous n’a fourni aucun élément de preuve à l’appui de son allégation et elle ne m’a pas convaincue que la conclusion que le juge en chef Scott a tirée sur ce point était manifestement déraisonnable.

 

[59]           Mme Akladyous conteste en outre la conclusion du juge en chef Scott selon laquelle les motifs rendus de vive voix le 24 juin 2003 par le juge qui a présidé l’audience, tels qu’ils ont par la suite été transcrits, s’accordent avec la décision du juge qui a présidé cette audience. Si je comprends bien la position qu’elle a prise sur ce point, Mme Akladyous allègue que la transcription de l’audience a été altérée puisqu’elle ne comprend pas les arguments que les avocats ont avancés au cours de l’audience.

 

[60]           Toutefois, encore une fois, Mme Akladyous n’a fourni aucun élément de preuve à l’appui de cette allégation. Mme Akladyous ne soutient pas non plus que la décision dont fait état la partie transcrite de l’audience ne constitue pas un enregistrement exact de la décision que le juge qui a présidé l’audience a réellement rendue.

 

La participation du juge en chef Scott à une affaire mettant en cause un juge du Manitoba

[61]           J’examinerai maintenant la prétention de Mme Akladyous selon laquelle, en sa qualité de juge siégeant au Manitoba, le juge en chef Scott n’aurait pas dû examiner une plainte mettant en cause un juge de sa propre province et que sa participation en l’espèce allait à l’encontre de la [traduction] « loi du Conseil de la magistrature ».

 

[62]           Mme Akladyous n’a pas expliqué ce qu’elle entendait par [traduction] « loi du Conseil de la magistrature ». Toutefois, je signale que l’article 3.2 des « Procédures relatives aux plaintes » du Conseil prévoit ce qui suit :

Le directeur exécutif transmet un dossier au président ou à un vice‑président du comité sur la conduite des juges conformément aux directives du président du comité. Ni le président non plus que les vice‑présidents ne doivent examiner un dossier mettant en cause un juge qui est membre de la même cour qu’eux.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[63]           L’objection soulevée par Mme Akladyous repose sur le fait que le juge en chef Scott et le juge dont la conduite est en cause sont originaires de la même province. Toutefois, Mme Akladyous n’a fourni aucun élément de preuve montrant que le juge en chef Scott est membre de la même cour que le juge qui est visé par la plainte – à savoir la Cour du Banc de la Reine du Manitoba.

 

[64]           De fait, si je devais prendre connaissance d’office de la question, je conclurais que le juge en chef Scott est juge en chef de la Cour d’appel du Manitoba.

 

Les allégations de partialité et de corruption visant le juge en chef Scott

[65]           Il reste l’allégation selon laquelle, en rendant sa décision, le juge en chef Scott tentait de [traduction] « protéger » son collègue du Manitoba, ou qu’il avait lui‑même accepté un pot‑de‑vin.

 

[66]           Affirmer qu’un officier de justice a accepté un pot‑de‑vin constitue une allégation incroyablement sérieuse. À cet égard, j’aimerais simplement dire que Mme Akladyous n’a pas fourni la moindre preuve à l’appui de l’affirmation selon laquelle le juge en chef Scott avait peut‑être accepté un pot‑de‑vin.

 

[67]           Mme Akladyous n’a pas non plus fourni la moindre preuve en vue de démontrer que le juge en chef Scott tentait de protéger un collègue.

 

[68]           Contrairement à ce que Mme Akladyous semble croire, le fait qu’un juge n’accepte peut‑être pas les arguments qu’elle invoque ne constitue pas en soi une preuve de partialité ou de corruption du juge.

 

Conclusion

[69]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

Les dépens

[70]           Le défendeur sollicite les dépens à l’encontre de Mme Akladyous. Je ne vois pas pourquoi les dépens ne devraient pas suivre l’issue de l’affaire.

 

 

JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE que :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens;

 

2.                  L’intitulé est modifié pour substituer le procureur général du Canada au Conseil canadien de la magistrature à titre de défendeur.

 

 

                                                                                                                « Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-1917-06

 

INTITULÉ :                                                   LORI AKLADYOUS

                                                                        c.

                                                                        LE CONSEIL CANADIEN DE LA MAGISTRATURE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             EDMONTON (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 9 JANVIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT 

ET JUGEMENT :                                          LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 15 JANVIER 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Aucune comparution

POUR LA DEMANDERESSE

 

Bruce Hughson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Aucun

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.