Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20080115

Dossier : IMM-966-07

Référence : 2008 CF 48

Ottawa (Ontario), le 15 janvier 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’REILLY

 

 

ENTRE :

RAJAKARIYA KANESARATNASINGHAM

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Rajakariya Kanesaratnasingham, âgé de 48 ans, est un citoyen tamoul du Sri Lanka. Il est arrivé au Canada en 2004, après avoir été soumis à ce qu’il a décrit comme diverses formes de mauvais traitements par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET), l’armée sri-lankaise et le Parti démocratique populaire de l’Eelam (l’EPDP). Le demandeur a présenté une demande d’asile au Canada, mais un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté sa demande en raison d’un manque de preuve fiable.

 

[2]               M. Kanesaratnasingham allègue que la Commission a commis des erreurs sur deux points : 1) elle a omis de procéder à une analyse complète de sa demande; et 2) elle a tiré des conclusions défavorables non fondées relativement à sa crédibilité. Je suis d’accord avec M. Kanesaratnasingham pour ce qui est du premier point et je dois, par conséquent, accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner la tenue d’une nouvelle audience devant un tribunal différemment constitué.

 

I.  Question en litige

 

[3]               La Commission a-t-elle procédé à une analyse complète de la demande présentée par M. Kanesaratnasingham?

 

[4]               Compte tenu de ma conclusion selon laquelle une nouvelle audience est justifiée en ce qui a trait à cette question, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur les diverses conclusions relatives à la crédibilité que M. Kanesaratnasingham a qualifié d’erronées.

 

II.  Analyse

 

1) Le contexte factuel

 

[5]               M. Kanesaratnasingham a travaillé dans une quincaillerie durant les années 80 et a ensuite mis sur pied sa propre entreprise de peinture en 1985. Il a exploité l’entreprise pendant environ dix ans et a alors commencé à gagner de l’argent en vendant du carburant. Le demandeur a déclaré qu’au cours des années, il avait été arrêté et battu par l’armée sri-lankaise, et avait été forcé de payer des pots‑de-vin aux TLET et à l’EPDP, puisque chacun le soupçonnait d’aider l’autre. Il a enfin décidé de quitter le Sri Lanka après que l’EPDP eut menacé de leur faire du mal, à son épouse et à lui, au motif qu’ils avaient omis de voter pour l’EPDP lors d’une élection récente.

 

2) La décision de la Commission

 

[6]               La Commission a conclu que M. Kanesaratnasingham n’avait pas réussi à présenter suffisamment d’éléments de preuve fiables en vue d’étayer sa demande. Par exemple, le demandeur a omis de présenter des livres comptables ou des rapports médicaux qui auraient corroboré ses allégations d’extorsion et de violence physique. De plus, la Commission a jugé que le témoignage de M. Kanesaratnasingham comportait des incompatibilités, des invraisemblances et des omissions. Elle a donc conclu que M. Kanesaratnasingham n’avait ni établi qu’il craignait avec raison d’être persécuté ni prouvé qu’il était exposé au risque de traitements ou peines cruels et inusités.

 

3) L’analyse et la conclusion

 

[7]               La Commission a accepté que M. Kanesaratnasingham était qui il affirmait être, même s’il avait utilisé de faux documents pour entrer au Canada. Ses documents authentiques, soit une carte d’identité, un certificat de mariage, un certificat de naissance et le certificat d’enregistrement de son entreprise, établissaient qu’il était un homme tamoul du Nord du Sri Lanka. Le demandeur avait témoigné en langue tamoule auprès de la Commission. La Commission n’était pas convaincue que la preuve montrait que M. Kanesaratnasingham vivait dans une ville précise ou que certains événements avaient eu lieu à des endroits particuliers, mais elle n’a pas conclu que M. Kanesaratnasingham n’était pas un homme tamoul du Nord du Sri Lanka. La Commission n’a pas non plus fait mention de la preuve documentaire établissant que des personnes se trouvant dans la situation de M. Kanesaratnasingham risquaient sérieusement d’être persécutées, compte tenu de la situation générale de conflit armé et de violence dans le Nord du Sri Lanka, au moment où le demandeur a quitté le pays et à l’heure actuelle.

 

[8]               À mon avis, le fait que la preuve documentaire présentée par M. Kanesaratnasingham était insuffisante et que son témoignage était quelque peu incohérent à certains égards ne constituait pas un motif permettant de conclure que sa demande était entièrement non fondée. La Commission disposait de d’autres éléments de preuve, notamment le témoignage oral irréfuté de M. Kanesaratnasingham et la preuve documentaire objective, qui pouvaient étayer une demande d’asile valide. Par conséquent, il existait un certain fondement permettant de croire que des personnes se trouvant dans la situation de M. Kanesaratnasingham risqueraient d’être persécutées si elles retournaient au Sri Lanka. Je suis d’avis que la Commission a omis de tenir compte de cette éventualité et, par conséquent, qu’elle n’a pas procédé à une analyse complète de la demande de M. Kanesaratnasingham, comme elle devait le faire, même si elle avait des réserves quant à certains éléments de preuve présentés par ce dernier : Kathirkamu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 592 (QL), au paragraphe 47; Kamalanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no 826 (QL), au paragraphe 25; Seevaratnam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 694 (QL), au paragraphe 11.

 

[9]               En conséquence, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner la tenue d’une nouvelle audience devant un autre tribunal de la Commission. Les parties n’ont proposé aucune question de portée générale aux fins de certification et aucune question n’est énoncée.

 


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE :

 

1.                  que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et qu’une nouvelle audience devant un autre tribunal de la Commission sera tenue;

2.                  qu’aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

 

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Isabelle D’Souza, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-966-07

 

INTITULÉ :                                                               RAJAKARIYA

                                                                                    KANESARATNASINGHAM

                                                                                    c.

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                                    ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 14 JANVIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 15 JANVIER 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Krissina Kostadinov

 

 

   POUR LE DEMANDEUR

 

Leanne Briscoe

 

 POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lorne Waldman

Toronto (Ontario)

                  POUR LE DEMANDEUR

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.