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Date : 20080104

Dossier : T-1826-06

Référence : 2008 CF 12

Halifax (Nouvelle-Écosse), le 4 janvier 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’KEEFE

 

 

ENTRE :

ALLIANCE PIPELINE LTD.

appelante

 

et

 

VERNON JOSEPH SMITH

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par Alliance Pipeline Ltd. (l’appelante), conformément à l’article 101 de la Loi sur l’Office national de l’énergie, L.R.C. 1985, ch. N‑7 (la Loi sur l’ONE) à l’encontre d’une décision du comité d’arbitrage sur les pipelines (le CAP) et de l’octroi d’une indemnité par ce comité, en date du 18 septembre 2006.

 

[2]               Dans son mémoire des faits et du droit, l’appelante demande à la Cour :

            1.         d’annuler dans leur intégralité les parties de la décision accordant l’indemnité qui se rapportent à la demande de frais;

            2.         d’adjuger les dépens du présent appel en sa faveur.

 

[3]               L’intimé sollicite une ordonnance rejetant l’appel avec dépens.

 

Historique

 

[4]               En 1999, l’appelante a construit un pipeline à travers une partie des terres agricoles de l’intimé. Malgré une série d’accords entre les parties à l’égard du projet, un désaccord est survenu au sujet de la bonification d’une partie des terres utilisées pour le pipeline. L’appelante a contesté la prétention de l’intimé selon laquelle il fallait épandre du fumier sur toute l’emprise.

 

[5]               Malgré le désaccord, l’intimé a entrepris les travaux de bonification et a épandu du fumier sur l’emprise aux mois de juin et de juillet 2000. L’intimé a remis à l’appelante une facture de 9 829 $. L’appelante a refusé d’acquitter la facture et a fait une contre‑offre de 2 500 $. L’intimé a rejeté la contre‑offre et a envoyé à l’appelante, le 15 décembre 2000, une seconde facture de 16 819 $. L’intimé a également demandé à l’appelante de verser des sommes additionnelles afin d’avoir accès à l’emprise.

 

[6]               Le 8 août 2001, l’intimé a délivré un avis d’arbitrage conformément au paragraphe 90(2) de la Loi sur l’ONE et a demandé à être indemnisé des travaux de bonification effectués aux mois de juin et de juillet 2000. Le 24 septembre 2001, l’appelante a signifié sa réponse à l’avis d’arbitrage et a soutenu que les dommages‑intérêts demandés par l’intimé étaient visés par les décharges que les parties avaient établies.

 

[7]               Une audience a été tenue devant le comité d’arbitrage sur les pipelines (le CAP antérieur) le 6 mai 2003, et la décision a été mise en délibéré. Le CAP n’avait plus le quorum lorsque le juge John Gill a été nommé à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, et aucune décision n’a été rendue à la suite de la première audience. Dans l’intervalle, le 10 juillet 2003, l’appelante a déposé devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta une déclaration dans laquelle elle demandait entre autres choses :

            1.         Une injonction empêchant l’intimé de porter atteinte aux droits de l’appelante à un accès sans entrave à l’emprise;

            2.         Un jugement déclaratoire portant que les décharges établies par les parties comprenaient toutes les demandes que l’intimé avait présentées à l’encontre l’appelante jusqu’au 1er novembre 1999;

            3.         Une ordonnance enjoignant au CAP antérieur de ne pas rendre de décision tant que la question des décharges ne serait pas tranchée.

 

[8]               La demande d’injonction a été rejetée par le juge Nation, et l’appelante a versé à l’intimé les dépens partie-partie afférents à la demande d’injonction. L’appelante s’est finalement désistée de l’action au mois de mars 2005 et elle a payé les dépens partie-partie de l’intimé dans l’action. L’avocat de l’intimé a établi des comptes s’élevant en tout à 20 788,54 $ à l’égard du litige. Les dépens partie-partie que l’appelante a payés s’élevaient à 4 565,97 $ en tout et le montant contesté des frais afférents au litige est de 16 222,57 $.

 

[9]               Un second CAP a été constitué au mois d’août 2005, et l’intimé a modifié son avis d’arbitrage le 14 novembre 2005 et encore une fois le 20 janvier 2006. Dans l’avis d’arbitrage modifié, les mêmes demandes que celles qui avaient déjà été faites devant le CAP antérieur étaient formulées, et une réparation additionnelle était demandée. Cette réparation additionnelle comprenait les frais de l’audience antérieure et les dépens de l’action que l’appelante avait intentée au mois de juillet 2003.

 

[10]           L’appelante a signifié sa réponse modifiée le 22 décembre 2005 et la seconde audience du CAP a eu lieu du 22 au 24 mars ainsi que les 3 et 4 avril 2006. Le CAP a rendu sa décision le 18 septembre 2006. Il s’agit ici du contrôle judiciaire de certains éléments de la décision du CAP par laquelle l’indemnité était accordée.

 

Les motifs du CAP

 

La compétence

[11]           Aux pages 3 et 4 de sa décision, le CAP a dit ce qui suit au sujet de la question de savoir s’il avait compétence pour trancher des questions d’indemnité :

[traduction]

Ces dispositions montrent clairement qu’une fois qu’un avis d’arbitrage a été signifié à un comité d’arbitrage sur les pipelines, ce comité doit régler toutes les questions d’indemnité qui lui sont renvoyées. Voir l’article 91 :

[...]

Si une partie estime que le ministre a renvoyé un avis d’arbitrage qui soulève des questions ne relevant pas de la compétence d’un comité d’arbitrage, la partie qui fait opposition devrait demander une révision judiciaire. Voir : Balisky c. Canada, ci‑dessous, dans laquelle il s’agissait de décider, dans le cadre de la révision judiciaire, si une question devait être tranchée par un comité d’arbitrage.

 

Les dépens de l’action

[12]           Aux pages 24 et 25 de sa décision, le CAP a dit ce qui suit en examinant la question de savoir s’il devait adjuger des dépens à l’égard de l’action intentée par l’appelante en 2003 :

[traduction]

Devant le présent comité, M. Smith sollicite ses frais sur la base avocat‑client en ce qui concerne l’injonction et la requête, déduction faite des frais taxables recouvrés.

 

La demande de M. Smith peut être considérée comme une demande d’indemnisation pour les dommages subis (les frais avocat‑client qu’il a engagés lorsqu’il cherchait à obtenir une indemnité d’Alliance), ou comme une demande de frais.

 

La déclaration d’Alliance et la demande d’injonction provisoire découlaient du fait que M. Smith avait refusé l’accès à ses terres non assujetties à l’emprise. Nous concluons que M. Smith a refusé l’accès sans être indemnisé au préalable à cause des démêlés qu’il avait eus avec Alliance lorsqu’il avait tenté d’être indemnisé du coût des travaux de bonification qu’il avait effectués. En ce sens, les actions en justice sont de toute façon directement rattachées à la tentative faite par M. Smith pour être indemnisé à l’égard des activités envisagées d’Alliance ayant trait directement à l’inspection, à l’entretien ou à la réparation du pipeline.

 

Les frais avocat-client de M. Smith se rapportant au litige sont payables à M. Smith à titre d’indemnisation pour les dommages causés par suite des activités d’Alliance et il est opportun et raisonnable pour le présent comité de tenir compte des dépenses et des inconvénients de M. Smith a subis eu égard aux circonstances.

[...]

 

Les sommes déboursées par M. Smith pour les frais de procédure sont demandées dans l’avis d’arbitrage. Un comité d’arbitrage est tenu de régler toutes les questions d’indemnité mentionnées dans l’avis d’arbitrage. En accordant à M. Smith une indemnité à l’égard des sommes déboursées au titre des frais nets de procédure, le présent comité conclut que les dépenses qu’il a fallu engager par suite des activités de la compagnie constituent des « dommages » et qu’il convient d’en tenir compte eu égard aux circonstances. En effet, le paragraphe 98(3) nous enjoint d’inclure dans notre décision des dispositions correspondant à celles qui, aux termes des alinéas 86(2)b) à f), doivent être incorporées dans un accord d’acquisition. Nous sommes donc tenus d’inclure des dispositions prévoyant « le paiement d’une indemnité pour tous les dommages causés par les activités de la compagnie ». De toute évidence, la tentative qu’Alliance a faite pour avoir accès à l’emprise sur les autres terres de M. Smith, et le litige qui en a résulté, étaient des activités de la compagnie. Les sommes que M. Smith a déboursées faisaient partie du résultat.

 

Une somme de 16 222,57 $ est accordée à M. Smith au titre de ses frais de procédure, de ses débours et de la TPS nets.

 

Subsidiairement, le présent comité conclut qu’Alliance doit payer les frais avocat‑client de M. Smith (déduction faite des frais taxables recouvrés) se rapportant au litige, y compris les demandes de changement de juridiction et d’injonction provisoire. Nous concluons que les frais ont été entraînés par l’exercice du recours. Ils sont donc recouvrables en vertu de l’article 99, qui prévoit que « la compagnie paie tous les frais, notamment de procédure et d’évaluation, que le comité estime avoir été entraînés par l’exercice du recours ».

 

Alliance a soutenu que le principe de la chose jugée s’appliquait à la question des frais, étant donné que cette question avait été réglée dans le cadre du litige lui‑même. Toutefois, le juge Nation n’a pas traité des dispositions de la Loi concernant les frais. Les paragraphes 99(1) et (2) de la Loi donnent des directives au comité et laissent la question des frais à l’appréciation du comité. Or, l’indemnité accordée est supérieure à quatre‑vingt‑cinq pour cent de celle qu’Alliance a offerte, de sorte qu’Alliance doit payer les frais, notamment de procédure et d’évaluation, que le comité estime avoir été entraînés par M. Smith dans l’exercice de son recours.

 

Même si l’indemnité accordée à M. Smith n’était pas supérieure à quatre‑vingt‑cinq pour cent de celle qu’Alliance a offerte, nous exercerions notre pouvoir discrétionnaire pour adjuger les frais demandés.

 

 

Les dépens de l’instance antérieure

[13]           Aux pages 27 et 28 de sa décision, le CAP a dit ce qui suit en examinant la question de savoir si des frais devaient être adjugés à l’égard de l’instance antérieure :

[traduction]

Alliance renvoie le présent comité à la décision rendue par la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique dans l’affaire P.Z. Resort Systems Inc. c. Ian MacDonald Library Services Ltd. (1987), 39 D.L.R. (4th) 626. [...] La cour avait à décider des conséquences de l’annulation de l’indemnité accordée. Elle a renvoyé à des ouvrages faisant autorité en matière d’arbitrage commercial et elle a conclu qu’il y avait trois conséquences possibles.

 

Premièrement, la procédure est ramenée au moment précédant immédiatement la publication de la décision et les parties poursuivent l’arbitrage à compter de ce moment. Deuxièmement, l’arbitrage est annulé dans son ensemble, la procédure doit recommencer depuis le tout début et les parties doivent entamer de nouveau la procédure. Troisièmement, l’accord d’arbitrage conclu entre les parties demeure exécutoire, mais la procédure d’arbitrage elle‑même doit recommencer.

 

[...]

 

La distinction entre les deuxième et troisième conséquences découle de l’accord d’arbitrage. S’il s’agissait d’un accord précis prévoyant l’arbitrage par un arbitre désigné, la procédure est complètement annulée, y compris l’accord d’arbitrage. Cependant, s’il s’agit d’un accord d’arbitrage général, cet accord demeure exécutoire et les parties se retrouvent simplement dans la même situation qu’avant l’introduction de l’action qui a été annulée.

 

Aucune décision concernant l’indemnité n’a été rendue par le CAP antérieur dans la procédure; ce comité a perdu son quorum et ne pouvait pas rendre de décision parce que le paragraphe 93(1) de la Loi prévoit qu’il faut trois membres pour exercer les fonctions du comité. Le ministre des Ressources naturelles a constitué un nouveau comité d’arbitrage. Le présent comité a reçu le premier avis d’arbitrage et la réponse à l’avis d’arbitrage. Les parties ont soumis au comité un avis d’arbitrage modifié et une réponse modifiée à l’avis d’arbitrage.

 

Le présent comité conclut que c’est la troisième conséquence qui s’applique à la première procédure et la partie de la procédure qui a été annulée est celle à laquelle le CAP antérieur a participé.           

 

Chaque partie doit donc assumer les frais de comparution devant le CAP antérieur ainsi que des lettres échangées avec le CAP antérieur.

 

Par conséquent, M. Smith n’a pas droit au recouvrement des 5 000 $ figurant dans le compte du 14 mai 2003 de son avocat. La demande que M. Smith a présentée en vue d’être indemnisé du temps qu’il a consacré à la comparution devant le CAP antérieur ainsi que des frais de déplacement engagés pour comparaître à l’audience est rejetée.

 

Dans le même ordre d’idées, les honoraires d’avocat et les débours engagés après les audiences du CAP et se rattachant expressément à la procédure devant le CAP antérieur seront déduits des comptes datés du 3 septembre 2003, du 20 octobre 2003, du 2 février 2004, du 2 septembre 2004, du 8 avril 2005 et du 20 mai 2005, pour un total de 500 $.

 

 

[14]           À la page 29 de sa décision, le CAP a résumé en partie la décision par laquelle l’indemnité était accordée :

[traduction]

Le présent comité accorde les montants suivants à M. Smith :

 

[...]

 

·        1 800 $ pour l’intrusion qui a eu lieu au mois de septembre 2000. (Voir la page 17.)

 

[...]

 

·        16 222,57 $ au titre des honoraires d’avocat, des débours et de la TPS nets, se rattachant à l’action devant la Cour du Banc de la Reine et à la demande d’injonction. (Voir la page 25.)

 

·        Les frais de procédure et débours se rattachant à la procédure d’arbitrage, sauf ceux qui se rapportent directement à la comparution à la première audience et aux lettres échangées par la suite au sujet de l’état et de l’effet de la première audience après la perte du quorum. (Voir la page 28.)

 

[...]

 

 

Les points litigieux

 

[15]           L’appelante a demandé l’examen des questions suivantes :

            1.         Le CAP a-t-il commis une erreur en concluant qu’il avait compétence sur les demandes de frais et en omettant de radier de l’avis d’arbitrage modifié les demandes de frais?

            2.         S’il avait compétence pour examiner les demandes de frais, le CAP a‑t‑il commis une erreur de droit en adjugeant les dépens de l’action?

            3.         S’il avait compétence pour examiner les demandes de frais, le CAP a‑t‑il commis une erreur de droit en adjugeant les frais de la première audience?

 

[16]           L’intimé a demandé l’examen de la question suivante :

            Si le CAP avait compétence pour examiner les demandes de frais, la décision qu’il a rendue au sujet de l’indemnité était‑elle raisonnable eu égard aux circonstances?

 

[17]           Je reformulerai les questions comme suit :

1.                  Le CAP a-t-il commis une erreur en concluant qu’il avait compétence pour examiner les demandes de frais?

2.                  Si le CAP avait compétence, a-t-il commis une erreur en adjugeant les dépens de l’action?

3.                  Si le CAP avait compétence, a-t-il commis une erreur dans la décision qu’il a rendue au sujet des frais associés à la première audience?

 

Les arguments de l’appelante

 

La compétence

[18]           L’appelante a soutenu que le CAP avait commis une erreur en concluant qu’en l’absence d’une révision judiciaire de la décision du ministre de lui renvoyer l’avis d’arbitrage, le CAP n’était pas en fait autorisé à statuer sur sa propre compétence et qu’il était tenu de se prononcer sur toute allégation contenue dans l’avis d’arbitrage.

 

[19]           L’appelante a soutenu que la décision Balisky c. Canada (Ministre des Ressources naturelles), [2003] A.C.F. no 341, (2003) 239 F.T.R. 158, n’étayait pas la thèse selon laquelle le CAP ne  pouvait pas examiner la question de sa compétence au moment de se prononcer sur les demandes qui étaient faites dans un avis d’arbitrage. Il a été soutenu que la notion de procédure sommaire rapide militait en faveur du règlement, en premier lieu, des questions de compétence par le CAP, sous réserve d’un droit d’appel.

 

[20]           L’appelante a déclaré que l’avis exprimé par le CAP sur ce point était incompatible avec l’article 101 de la Loi sur l’ONE, qui prévoit qu’une décision rendue par un comité d’arbitrage sur une question de compétence peut faire l’objet d’un appel devant la Cour fédérale. L’article 97 de la Loi sur l’ONE prévoit que le CAP doit examiner toutes les questions d’indemnité mentionnées dans un avis d’arbitrage, mais il a été soutenu que la disposition devrait être lue à la lumière de l’article 84, qui définit les « questions d’indemnité » auxquelles les dispositions d’arbitrage de la Loi sur l’ONE s’appliquent.

 

[21]           L’appelante a déclaré que l’avis exprimé par le CAP sur ce point était incompatible avec l’alinéa 22b) et avec l’article 41 des Règles sur la procédure des comités d’arbitrage sur les pipes‑lines,  DORS/86‑787 (les Règles). L’alinéa 22b) des Règles prévoit que le CAP peut ordonner aux parties d’étudier la nécessité de modifier l’avis d’arbitrage. Selon l’article 41 des Règles, le CAP peut, dans certaines circonstances, ordonner la modification d’une plaidoirie.

 

[22]           L’appelante a fait remarquer qu’elle avait demandé, en vertu des Règles, la radiation de la demande de frais. Le CAP n’a pas examiné la demande à titre préliminaire, et il a reporté cet examen à la fin de l’audience. L’appelante a affirmé que le CAP avait commis une erreur en rejetant ou en omettant d’examiner la demande pour le motif qu’il était tenu de se prononcer sur toutes les demandes figurant dans l’avis d’arbitrage modifié. L’appelante a affirmé que l’avis exprimé par le CAP n’était pas conforme aux autres décisions que celui‑ci avait rendues, dans lesquelles la question de la compétence avait été examinée (voir Piper c. Alliance Pipeline Ltd. (5 septembre 2003), comité d’arbitrage sur les pipelines).

 

Les dépens de l’action

[23]           Aux dires de l’appelante, le CAP n’avait pas compétence, en vertu de la loi, pour adjuger les dépens d’une action intentée devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta. L’article 21 de la Court of Queen’s Bench Act, R.S.A. 2000, ch. ‑31, confère à la cour une discrétion exclusive à l’égard de l’adjudication des dépens de toute affaire dont elle est saisie, sous réserve uniquement d’un droit d’appel (voir l’article 601 des Rules of Court de l’Alberta, Reg. 390/1968). L’appelante a soutenu que les dépenses, les droits et les frais demandés par l’intimé à l’égard de l’action étaient des [traduction] « dépens » selon la définition figurant dans les Règles, et relevaient de la compétence exclusive de la Cour de l’Alberta. Il a été soutenu que le CAP avait commis une erreur en adjugeant les dépens de l’action : 1) au titre des dommages‑intérêts prévus au paragraphe 98(3) de la Loi sur l’ONE; ou 2) au titre de frais « entraînés par l’exercice au recours » en vertu de l’article 99 de la Loi sur l’ONE.

 

(i) Les dommages-intérêts

[24]           L’appelante a déclaré que le CAP avait cité les mauvaises dispositions de la Loi sur l’ONE en concluant que l’indemnité pouvait être accordée sous la forme de dommages‑intérêts (voir le paragraphe 98(3) ainsi que les alinéas 86(2)b) à f) de la Loi sur l’ONE), étant donné que les dispositions en question ne portaient pas sur les demandes d’indemnité pour dommages. Il a été soutenu que ces dispositions se rapportaient aux clauses nécessaires d’un accord visant la prise de possession d’un terrain appartenant à un propriétaire ainsi qu’aux cas dans lesquels une compagnie a acquis le terrain d’un propriétaire et que les parties ne se sont pas entendues sur le montant de l’indemnité. Il a été soutenu que ces dispositions ne s’appliquaient pas en l’espèce puisque les parties s’étaient entendues sur l’indemnité à verser pour la servitude et pour le secteur de travail temporaire.

 

[25]           L’appelante a soutenu que la compétence du CAP en ce qui concerne les demandes figurant dans l’avis d’arbitrage est énoncée à l’article 84 de la Loi sur l’ONE. Or, le CAP n’a pas tenu compte de l’article 84 dans sa décision. L’alinéa 84a) de la Loi sur l’ONE prévoit ce qui suit :

84. Les procédures de négociation et d’arbitrage prévues par la présente partie pour le règlement des questions d’indemnité s’appliquent en matière de dommages causés par un pipeline ou ce qu’il transporte, mais ne s’appliquent pas :

 

a) aux demandes relatives aux activités de la compagnie qui ne sont pas directement rattachées à l’une ou l’autre des opérations suivantes:

 

(i) acquisition de terrains pour la construction d’un pipeline,

 

(ii) construction de celui-ci,

 

 

(iii) inspection, entretien ou réparation de celui-ci;

 

84. The provisions of this Part that provide negotiation and arbitration procedures to determine compensation matters apply in respect of all damage caused by the pipeline of a company or anything carried by the pipeline but do not apply to

 

(a) claims against a company arising out of activities of the company unless those activities are directly related to

 

 

(i) the acquisition of lands for a pipeline,

 

(ii) the construction of the pipeline, or

 

(iii) the inspection, maintenance or repair of the pipeline;

 

 

[26]           L’appelante a déclaré que l’intimé avait engagé ses frais pour se défendre contre une action; par conséquent, l’article 84 empêchait l’adjudication des dépens de l’action. Il a été soutenu qu’il n’était pas possible que le législateur ait voulu créer un régime d’arbitrage dans le cadre duquel les frais d’un litige entre une compagnie et un propriétaire foncier pouvaient donner lieu à une indemnité en vertu de la Loi sur l’ONE.

 

(ii) Les frais entraînés par l’exercice du recours

 

[27]           L’appelante a fait remarquer que l’article 99 de la Loi sur l’ONE définissait la capacité du CAP d’adjuger les frais :

99.(1) Si l’indemnité accordée par le comité d’arbitrage est supérieure à quatre-vingt-cinq pour cent de celle qu’elle offre, la compagnie paie tous les frais, notamment de procédure et d’évaluation, que le comité estime avoir été entraînés par l’exercice du recours.

 

 

 

 

 

(2) Si, par contre, l’indemnité accordée est égale ou inférieure à quatre-vingt-cinq pour cent de celle offerte par la compagnie, l’octroi des frais visés au paragraphe (1) est laissé à l’appréciation du comité; celui‑ci peut ordonner que les frais soient payés en tout ou en partie par la compagnie ou toute autre partie.

 

99.(1) Where the amount of compensation awarded to a person by an Arbitration Committee exceeds eighty-five per cent of the amount of compensation offered by the company, the company shall pay all legal, appraisal and other costs determined by the Committee to have been reasonably incurred by that person in asserting that person’s claim for compensation.

 

(2) Where the amount of compensation awarded to a person by an Arbitration Committee does not exceed eighty-five per cent of the amount of compensation offered by the company, the legal, appraisal and other costs incurred by that person in asserting his claim for compensation are in the discretion of the Committee, and the Committee may direct that the whole or any part of those costs be paid by the company or by any other party to the proceedings.

 

 

[28]           Il a été soutenu que l’article 99 ne s’appliquait pas aux dépens de l’intimé dans l’action parce que : 1) l’intimé n’avait pas présenté de demande d’indemnité dans l’action; il agissait à titre de défendeur et il n’avait pas présenté de demande reconventionnelle; 2) l’article 99 traite des frais entraînés par l’exercice d’un recours, ce qui peut uniquement se rapporter à la demande d’indemnité qui est présentée dans le cadre de l’arbitrage lui‑même; 3) les dépens de l’action ont été engagés aux fins de la défense contre l’action plutôt que dans une procédure d’arbitrage; et 4) le CAP n’a pas entendu les affaires à l’égard desquelles les frais avaient été engagés et n’était pas en mesure de se prononcer sur le caractère raisonnable des frais.

 

[29]           Subsidiairement, il a été soutenu que, si le CAP avait compétence pour adjuger les dépens de l’action, il y avait chose jugée et que l’affaire ne pouvait pas être plaidée de nouveau.

 

Les frais de la première audience

[30]           L’appelante a affirmé que le CAP n’avait pas compétence pour adjuger les frais du premier arbitrage, et qu’en adjugeant une partie de ces frais, il avait commis une erreur de compétence et de droit. L’appelante a fait remarquer que, conformément à l’article 99 de la Loi sur l’ONE, le pouvoir d’adjuger les frais était fondé sur l’octroi d’une indemnité. Il a été soutenu que la perte du quorum dans l’affaire avait pour effet d’empêcher le CAP antérieur de rendre une décision au sujet de l’indemnité et que le pouvoir d’adjuger les frais de l’audience tenue par le CAP antérieur s’est éteint avec le quorum.

 

[31]           L’appelante a fait remarquer que le CAP n’était pas en mesure : 1) de déterminer l’indemnité que le CAP antérieur aurait accordée; 2) de se prononcer sur le caractère raisonnable des frais demandés eu égard à toutes les circonstances dans lesquelles la première audience s’était déroulée; ou 3) de déterminer de quelle façon, le cas échéant, le CAP antérieur aurait exercé son pouvoir discrétionnaire en examinant la question des frais de l’audience antérieure.

 

[32]           L’appelante a déclaré que le CAP avait commis une erreur de droit en concluant que « [c’était] la troisième conséquence qui s’appliqu[ait] à la première procédure et la partie de la procédure qui [avait] été annulée [était] celle à laquelle le CAP antérieur [avait] participé ». Il a été soutenu que, conformément à l’arrêt P.Z. Resort Systems Inc., précité, c’est l’effet général sur les procédures qui permettait de déterminer si l’annulation de la décision arbitrale emportait [traduction] « nullité ».

 

[33]           L’appelante a fait remarquer qu’en l’espèce, un nouveau CAP avait été constitué pour instruire de nouveau l’affaire. La procédure d’arbitrage a recommencé depuis le début, avec le dépôt d’un avis d’arbitrage modifié énonçant des demandes supplémentaires. Il a été soutenu que la première audience n’avait conféré aucun avantage aux parties, et que les questions n’avaient pas été circonscrites lors de la première audience. De plus, la preuve a été présentée à nouveau au complet devant le nouveau CAP. Il a été soutenu que les parties [traduction] « se trouvaient dans la même situation qu’avant le renvoi » et avaient débattu [traduction] « de nouveau toute l’affaire depuis le début » comme il en est fait mention dans l’arrêt P.Z. Resort Systems Inc., précité.

 

Paralysie du CAP antérieur

[34]           L’appelante a fait remarquer que l’intimé avait allégué que l’action avait [traduction] « paralysé » le CAP antérieur. Il a été soutenu que cette allégation était incompatible avec les lettres reçues des autres membres du CAP antérieur à la suite de la nomination du juge Gill, confirmant que le CAP antérieur était prêt à aller de l’avant, si possible, en vue de rendre une décision dans l’affaire. De plus, le CAP antérieur n’avait pas rendu de décision au sujet de 19 autres propriétaires fonciers, et rien ne donnait à entendre qu’il y avait un litige entre ces propriétaires et Alliance Pipeline Ltd.

 

Les arguments de l’intimé

 

[35]           L’intimé a reconnu que la norme de contrôle applicable aux questions de compétence était celle de la décision correcte et que le caractère approprié de l’indemnité octroyée par le CAP avait était susceptible de contrôle selon la norme de la décision manifestement déraisonnable (voir Bue c. Alliance Pipeline Ltd., 2006 CF 713). Il a été soutenu que le CAP avait eu raison de conclure que les demandes de frais relevaient de sa compétence et que sa décision n’était pas manifestement déraisonnable.

 

[36]           L’intimé a examiné les principes d’interprétation de la loi et a fait remarquer qu’il fallait accorder la préférence au sens ordinaire des mots employés par le législateur. Il a été noté que le CAP s’était fondé sur la décision Balisky, précitée, qui énonce l’objet des dispositions d’arbitrage de la Loi sur l’ONE :

            a)         offrir une procédure sommaire et expéditive aux fins de la détermination de l’indemnité à accorder aux propriétaires touchés;

            b)         assurer l’indemnisation complète des propriétaires pour les dommages subis, de façon que leur situation demeure intacte;

            c)         donner la possibilité d’une audition complète des questions opposant les parties.

 

La compétence de connaître des demandes de frais

[37]           Le CAP a conclu que, puisqu’il avait reçu signification d’un avis d’arbitrage, il devait régler toutes les questions d’indemnité mentionnées dans l’avis (voir le paragraphe 97(1) de la Loi sur l’ONE). Le CAP a conclu que, si une partie croyait que le ministre avait renvoyé un avis d’arbitrage qui incluait des questions ne relevant pas de sa compétence, la partie faisant opposition devait demander la révision judiciaire du renvoi effectué par le ministre (voir le paragraphe 91(2) de la Loi sur l’ONE). Il a été soutenu que le CAP avait compétence pour se prononcer sur les demandes de frais et que son interprétation de la législation était exacte.

 

[38]           L’intimé a fait remarquer que la Cour a reconnu que le ministre a compétence lorsqu’il rend des décisions conformément à l’article 91 de la Loi sur l’ONE. La Cour a également confirmé : (1) que l’article 91 imposait au ministre l’obligation de vérifier si une demande était une demande à l’égard de laquelle une indemnité était prévue par la loi; et 2) que la décision du ministre pouvait faire l’objet d’une révision judiciaire (voir Maritimes and Northeast Pipeline Limited Partnership c. Elliott, [2004] 3 F.C.R. 612, (2004) 238 D.L.R. (4th) 358 (C.F.), confirmé dans 2005 CAF 299). L’intimé a soutenu que les décisions Belisky et Bue, précitées, étayaient la conclusion du CAP selon laquelle il avait la compétence voulue pour entendre les demandes de frais.

 

Les frais de la première audience

[39]           L’intimé a fait valoir que l’appelante avait décrit d’une façon inexacte la nature des frais qui lui avaient été adjugés à titre de [traduction] « frais de la première audience ». Il a été soutenu que le CAP avait analysé les frais qui se rapportaient exclusivement à la première audience et qu’il n’avait pas adjugé des frais de ce genre en sa faveur. L’intimé a affirmé que les frais adjugés tenaient compte du fait que la procédure d’arbitrage avait été longue, et que les frais raisonnables afférents à la procédure s’appliquaient depuis la présentation de demande en 2000 jusqu’à la tenue de l’audience en 2006.

 

[40]           Le sommaire de la décision que le CAP a rendue au sujet de l’indemnité indiquait que les frais de procédure et les débours des procédures d’arbitrage ont été adjugés à l’intimé, sauf ceux qui se rapportaient directement à la comparution à la première audience ainsi qu’aux lettres ultérieures concernant l’état et l’effet de la première audience après la perte du quorum. Il a été soutenu que la décision était conforme à la Loi sur l’ONE et à l’objet de la loi.

 

[41]           L’intimé a affirmé que le paragraphe 99(1) de la Loi sur l’ONE se rapportait aux frais qu’un demandeur avait engagés en exerçant son recours et ne limitait pas les frais à ceux d’une seule procédure. L’intimé a fait remarquer que le CAP avait reçu des comptes détaillés des frais qu’il avait engagés. La décision relative aux frais que le CAP a rendue au mois de novembre 2006 prenait les comptes en considération et énonçait les motifs de l’adjudication des frais en faveur de l’intimé. Il a été soutenu que la décision n’était pas manifestement déraisonnable.

 

Les dépens de l’action

[42]           L’intimé a affirmé que le CAP avait compétence pour adjuger en sa faveur les dépens de l’action, que ce soit comme élément de la décision relative à l’indemnité ou comme élément de l’adjudication des frais.

 

(i) Les dépens de l’action en tant que dommages-intérêts

[43]           Le CAP a conclu que l’action résultait directement du refus de M. Smith d’accorder à l’appelante l’accès au pipeline qui traversait son terrain sans être indemnisé au préalable. Il a été soutenu que les activités de l’appelante sur le terrain se rapportaient directement à l’entretien du pipeline. L’intimé a affirmé avoir subi une perte sous la forme de frais juridiques, perte qu’il n’aurait pas par ailleurs subie, et que la perte pouvait donner lieu à une indemnité en vertu de la Loi sur l’ONE.

 

[44]           L’intimé a fait valoir que le CAP pouvait à bon droit tenir compte des facteurs pertinents au moment de rendre une décision au sujet de l’indemnité (voir Bue, précité). Il a été soutenu que les objectifs que l’appelante visait en intentant l’action constituaient des considérations pertinentes lorsqu’il s’agissait pour le CAP de déterminer le montant de l’indemnité réclamée par l’intimé.

 

(ii) Les frais entraînés par l’exercice du recours

[45]           Subsidiairement, il a été soutenu que le CAP a eu raison de conclure que les dépens de l’intimé dans l’action pouvaient être considérés comme des frais conformément au paragraphe 99(1) de la Loi sur l’ONE.

 

[46]           L’intimé a fait remarquer que, dans sa plaidoirie visant l’obtention d’une réparation dans l’action, l’appelante avait sollicité : a) une injonction contre lui; b) un jugement déclaratoire portant qu’il avait accordé des décharges; et c) une ordonnance enjoignant au CAP de ne pas rendre de décision. Il a été noté que les décharges avaient été incluses dans la réponse de l’appelante à l’avis initial d’arbitrage de l’intimé; toutefois, lors de l’audience tenue par le CAP antérieur, l’avocat de l’appelante a abandonné l’argument selon lequel des décharges avaient été accordées et a supprimé le paragraphe 9 au complet ainsi que la dernière phrase du paragraphe 11, dans la réponse.

 

[47]           L’intimé a déclaré que, si la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta avait conclu qu’il avait accordé des décharges à l’égard des demandes qui avaient été plaidées devant le CAP antérieur, la procédure d’arbitrage et la première audience n’auraient plus aucun intérêt pratique. Il a été soutenu que, pour faire valoir avec succès sa demande d’indemnité, l’intimé a été contraint de se défendre contre l’action.

 

[48]           L’intimé a affirmé qu’il ne devrait pas être tenu responsable du fait que l’appelante n’avait pris aucune mesure à l’égard de ces affaires avant que l’action ne soit abandonnée au mois de mars 2005. Il a été soutenu que, quand ils appliquent l’article 99 de la Loi sur l’ONE, les comités d’arbitrage et les tribunaux devraient chercher à empêcher les compagnies de pipeline de tenir les propriétaires fonciers à leur merci en poursuivant des procédures judiciaires parallèles devant les tribunaux et en tentant de se soustraire aux dispositions de la Loi sur l’ONE.

 

[49]           L’intimé a déclaré que le CAP avait la compétence voulue pour accorder l’indemnité et que le montant de l’indemnité était approprié, étant donné qu’il était fondé sur la preuve soumise au CAP et que les avocats en avaient traité.

 

Analyse et décision

 

La norme de contrôle

[50]           Comme la Cour d’appel fédérale l’a dit dans l’arrêt Sketchley c.  Canada (Procureur général), [2005] A.C.F. no 2056, une cour de révision doit s’abstenir d’adopter la norme de contrôle utilisée par d’autres juges qui ont examiné des décisions rendues par le décideur en vertu de la même disposition législative. Ainsi, je vais d’abord procéder à ma propre analyse pragmatique et fonctionnelle afin de décider du degré de retenue dont il faut faire preuve envers le CAP eu égard aux circonstances de l’affaire.

 

La clause privative

[51]           L’article 101 de la Loi sur l’ONE renferme une clause privative partielle; en effet, seules les décisions portant sur des questions de droit ou de compétence peuvent donner lieu à un appel devant la Cour fédérale dans les trente jours de la décision.

 

La nature de la question

[52]           L’appelante semble avoir soulevé deux questions distinctes. En premier lieu, l’appelante a soulevé une question de compétence, à savoir si le CAP a commis une erreur en concluant qu’il avait compétence sur les demandes de frais. Les questions de compétence sont des questions de droit et commandent une retenue minimale. La deuxième question soulevée par l’appelante était de savoir si le CAP avait commis une erreur en adjugeant les frais. Eu égard aux circonstances de la présente espèce, cette question est une question mixte de fait et de droit parce qu’elle se rapporte à l’interprétation de l’article 84, pour ce qui est de l’indemnité, et à l’article 99, en ce qui concerne les frais, ainsi qu’à l’application de ces dispositions aux faits de la présente affaire. Les questions mixtes de droit et de fait justifient un degré modéré de retenue.

 

L’expertise relative

[53]           L’expertise de la Cour est supérieure à celle du CAP en ce qui concerne la question de la compétence. En effet, le CAP est un comité ad hoc et il n’est pas spécialisé (Bue, précité, paragraphe 5). Quant au caractère approprié des décisions relatives aux frais, il incombe au CAP de trancher les questions d’indemnité et de frais. Ainsi, le CAP a probablement une certaine expertise dans l’adjudication des frais.

 

L’objet de la législation et de la disposition

[54]           L’interprétation des dispositions de la Loi sur l’ONE portant sur l’octroi de l’indemnité et des frais est au cœur de la présente affaire. L’objet de ces dispositions est de permettre au CAP de régler les désaccords et de rendre des décisions au sujet de la compensation financière qu’il convient d’accorder.

 

[55]           En conclusion, je suis d’avis que la norme de contrôle à appliquer à la question de la compétence est celle de la décision correcte. Quant à la question de l’adjudication des frais, je crois qu’elle est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Je m’appuie sur la décision Bue, précitée, au paragraphe 5 pour tirer ces deux conclusions.

 

La première question

 

Le CAP a‑t‑il commis une erreur en concluant qu’il avait compétence sur les demandes de frais?

[56]           L’indemnité, les intérêts et les frais que l’intimé a demandés dans son avis d’arbitrage modifié comprenaient : 1) les dépens de l’action que l’appelante avait intentée au mois de juillet 2003, et 2) les frais de l’audience tenue par le CAP antérieur. Le CAP a examiné les dispositions applicables de la Loi sur l’ONE et il a conclu qu’une fois qu’un avis d’arbitrage a été signifié au CAP, celui-ci est obligé de régler toutes les questions d’indemnité qui y sont mentionnées (voir le paragraphe 97(1) de la Loi sur l’ONE).

 

[57]           Le CAP a également conclu que si une partie croit que le ministre a renvoyé un avis d’arbitrage concernant des questions qui outrepassent la compétence d’un comité, la partie qui fait opposition devrait demander la révision judiciaire du renvoi. Le CAP a reconnu la demande que l’appelante avait présentée en vue de faire radier les demandes de frais en litige, et il a fait remarquer que l’audience avait eu lieu sans préjudice de cette demande.

 

[58]           Au paragraphe 25 de la décision Bue, précitée, le juge Campbell a dit ce qui suit au sujet de l’obligation du CAP de régler les questions d’indemnité mentionnées dans un avis d’arbitrage :

Aux termes du paragraphe 97(1) de la Loi sur l'ONE, le comité était tenu de régler les questions d’indemnité mentionnées dans l’avis qui lui avait été signifié. Par avis d'arbitrage modifié, chacun des propriétaires fonciers a précisé la nature de la décision qu'il réclamait du comité :

 

[...]

 

[59]           De même, dans la décision Balisky, précitée, le juge Rothstein a dit ce qui suit au paragraphe 22 :

Le paragraphe 97(1) de la Loi donne au comité d=arbitrage le pouvoir de régler toutes les questions d=indemnité mentionnées dans l=avis d=arbitrage. Lorsqu=il examine les questions d=indemnité, le comité d=arbitrage doit tenir compte, le cas échéant, de plusieurs éléments énumérés, ainsi que des autres éléments dont il estime devoir tenir compte en l=espèce [...]

 

 

[60]           Le CAP s’est également fondé sur l’alinéa 91(2)b) de la Loi sur l’ONE à l’appui de sa position, cette disposition prévoyant que le ministre ne doit pas prendre de mesures en vertu du paragraphe (1) dans les cas où il est convaincu que la question mentionnée dans l’avis d’arbitrage qui lui a été signifié est une question à laquelle la procédure d’arbitrage prévue à la partie 5 de la Loi sur l’ONE ne s’applique pas. Le CAP a donc conclu que la partie lésée pouvait demander la révision judiciaire du renvoi d’un avis d’arbitrage.

 

[61]           À mon avis, le CAP a eu raison de conclure qu’il avait compétence pour décider s’il convenait de faire droit aux demandes de frais en litige. La législation et la jurisprudence donnent à entendre que le CAP doit examiner toutes les questions d’indemnité énoncées dans l’avis d’arbitrage. J’estime que le CAP pouvait, après avoir examiné ces questions, décider si une réparation était justifiée.

 

La deuxième question

 

Si le CAP avait compétence, a-t-il commis une erreur en adjugeant les dépens de l’action?

La chose jugée

 

[62]           L’appelante a fait valoir qu’indépendamment de la question de savoir si le CAP avait compétence, il y avait chose jugée en ce qui concerne la question des dépens de l’action, en ce sens que la question avait déjà été tranchée par le juge Nation. Le CAP a traité de cet argument comme suit :

[traduction]

Alliance a soutenu que le principe de la chose jugée s’appliquait à la question des frais, étant donné que cette question avait été réglée dans le cadre du litige lui‑même. Toutefois, le juge Nation n’a pas traité pas des dispositions de la Loi concernant les frais. Les paragraphes 99(1) et (2) de la Loi donnent des directives au comité et laissent la question des frais à l’appréciation du comité. Or, l’indemnité accordée est supérieure à quatre‑vingt‑cinq pour cent de celle qu’Alliance a offert, de sorte qu’Alliance doit payer les frais, notamment de procédure et d’évaluation, que le comité estime avoir été entraînés par M. Smith dans l’exercice de son recours.

 

 

[63]           Compte tenu du libellé de l’article 99, il semble que le CAP puisse adjuger tous les frais de procédure qui, selon lui, résultaient de l’exercice du recours. Toutefois, l’appelante fait valoir qu’étant donné que le juge Nation a rendu une ordonnance concernant les frais du litige, la question est visée par la doctrine de la chose jugée. À mon avis, il n’y a pas nécessairement chose jugée, étant donné le pouvoir conféré au CAP par l’article 99 et l’ordonnance restreinte du juge Nation au sujet des frais.

 

[64]           Ainsi, j’examinerai maintenant la question de l’adjudication des dépens de l’action en faveur de l’intimé. Comme je l’ai déjà dit, l’avocat de l’intimé a établi des comptes s’élevant en tout à 20 788,54 $ à l’égard du litige. Les dépens partie-partie payés par l’appelante s’élevaient à 4 565,97 $ en tout et le montant contesté des frais du litige s’élève à 16 222,57 $.

 

[65]           Le CAP a conclu, comme solution de rechange à une décision rendue en vertu de l’article 84 au sujet de l’indemnité, que les dépens de l’action pouvaient être adjugés à l’intimé à titre de frais entraînés par l’exercice du recours. En effet, l’article 99 de la Loi sur l’ONE prévoit :

99.(1) Si l’indemnité accordée par le comité d’arbitrage est supérieure à quatre-vingt-cinq pour cent de celle qu’elle offre, la compagnie paie tous les frais, notamment de procédure et d’évaluation, que le comité estime avoir été entraînés par l’exercice du recours.

 

 

 

 

 

(2) Si, par contre, l’indemnité accordée est égale ou inférieure à quatre-vingt-cinq pour cent de celle offerte par la compagnie, l’octroi des frais visés au paragraphe (1) est laissé à l’appréciation du comité; celui-

ci peut ordonner que les frais soient payés en tout ou en partie par la compagnie ou toute autre partie.

99.(1) Where the amount of compensation awarded to a person by an Arbitration Committee exceeds eighty-five per cent of the amount of compensation offered by the company, the company shall pay all legal, appraisal and other costs determined by the Committee to have been reasonably incurred by that person in asserting that person’s claim for compensation.

 

(2) Where the amount of compensation awarded to a person by an Arbitration Committee does not exceed eighty-five per cent of the amount of compensation offered by the company, the

legal, appraisal and other costs incurred by that person in asserting his claim for compensation are in the discretion of the Committee, and the Committee may direct that the whole or any part of those costs be paid by the company or by any other party to the proceedings.

 

 

[66]           L’appelante a affirmé que l’article 99 de la Loi sur l’ONE ne s’appliquait pas aux dépens de l’action puisque l’intimé n’avait présenté aucune demande d’indemnité dans l’action. L’intimé a soutenu que, si la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta avait conclu que les demandes plaidées devant le CAP antérieur avaient fait l’objet de décharges, la procédure d’arbitrage et la première audience n’auraient plus aucun intérêt pratique. Par conséquent, il a été soutenu qu’afin de faire valoir avec succès sa demande d’indemnité dans le contexte de la procédure d’arbitrage, l’intimé se voyait obligé de se défendre contre l’action.

 

[67]           Comme l’appelante l’a fait remarquer, l’intimé n’avait pas présenté de demande d’indemnité dans le contexte de l’action puisque celui‑ci agissait à titre de défendeur et qu’il n’avait pas présenté de demande reconventionnelle. Toutefois, l’intimé a été placé dans une situation où il s’était vu obligé de se défendre contre l’action, à défaut de quoi la Cour pourrait conclure qu’il avait accordé des décharges à l’égard des demandes plaidées devant le CAP antérieur. Sa participation au litige pouvait donc être considérée comme entraînant des frais dans l’exercice du recours.

 

[68]           Je suis d’avis que le CAP n’a pas commis d’erreur en accordant à l’intimé le reste des frais qu’il avait engagés pour se défendre contre l’action; en effet, à mon avis, le paragraphe 99(1) de la Loi s’applique aux faits de la présente espèce. L’intimé a engagé les frais afin de pouvoir poursuivre sa demande d’indemnité. Si l’intimé ne s’était pas défendu contre l’action, la Cour aurait pu déclarer qu’il avait accordé des décharges à l’égard de ses demandes d’indemnité. Ainsi, j’estime que les frais octroyés par le CAP ne sont aucunement déraisonnables.

 

[69]           Étant donné la conclusion à laquelle je suis arrivé, je n’ai pas à décider si les dépens de l’action étaient payables conformément à l’article 84 de la Loi.

 

La troisième question

 

Si le CAP avait compétence, a‑t‑il commis une erreur de droit dans la décision qu’il a rendue au sujet des frais associés à la première audience?

[70]           Le CAP a décidé que les parties devaient assumer les coûts des comparutions devant le CAP antérieur et des lettres échangées avec ce dernier. Le CAP a adjugé à l’intimé « [l]es frais de procédure et débours se rattachant à la procédure d’arbitrage, sauf ceux qui se rattach[aient] directement à la comparution à la première audience et aux lettres échangées par la suite au sujet de l’état et de l’effet de la première audience après la perte du quorum ».

 

[71]           Comme l’appelante l’a fait remarquer, le pouvoir du CAP d’adjuger les frais en vertu de l’article 99 est fondé sur l’octroi d’une indemnité. Le CAP antérieur a perdu le quorum et n’a pas accordé d’indemnité à l’égard de la première audience. La procédure d’arbitrage était donc nulle. À mon avis, l’indemnité accordée par le CAP reflète le fait que la première procédure était nulle, en ce sens que les frais directement associés à la comparution à la première audience et aux lettres ultérieures se rapportant à la première audience après la perte du quorum ont été expressément exclus de l’indemnité. Je ne souscris pas à l’argument de l’appelante sur ce point.

 

[72]           Par conséquent, l’appel est rejeté et les dépens sont adjugés à l’intimé.

 


 

JUGEMENT

 

[73]           LA COUR ORDONNE que l’appel soit rejeté avec dépens.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 

 


ANNEXE

 

Dispositions législatives applicables

 

Les dispositions législatives applicables sont reproduites dans cette section.

 

Rules of Court de l’Alberta, Reg. 390/1968 :

 

[traduction]

601(1) Malgré les articles 602 à 612 des Règles, mais sous réserve de toute disposition des Règles exigeant expressément qu’une ordonnance soit rendue à l’égard des dépens, la Cour décide à sa discrétion des dépens à accorder aux parties à une instance (y compris les tierces parties), du montant des dépens et de la partie qui doit les payer ou du fonds ou de la succession ou partie d’une succession (le cas échéant) à même lesquels les dépens doivent être payés; en statuant sur les dépens, la Cour peut tenir compte de l’issue de la procédure et des facteurs suivants :

 

a)   les montants réclamés et les montants recouvrés,

 

b)   l’importance des questions en litige,

 

c)   la complexité de l’instance,

 

d)   le partage de la responsabilité,

 

e)   la conduite d’une partie qui a eu tendance à abréger ou à prolonger inutilement l’instance,

 

f)    le déni d’une partie ou son refus d’admettre une chose qu’elle aurait dû admettre,

 

g)   la question de savoir si une étape ou un stade de l’instance était

 

      (i)    inapproprié, vexatoire ou inutile,

 

      (ii)  a été entrepris par négligence, erreur ou prudence excessive,

 

h)   la question de savoir si une partie a engagé une instance distincte pour une demande qui aurait dû être présentée dans une seule instance ou si une partie a inutilement présenté une défense distincte de celle d’une autre partie,

 

i)    toute autre question pertinente quant à la question des dépens.

 

[...]

 

Court of Queen’s Bench Act, R.S.A. 2000, ch. C‑31 :

 

[traduction]

21. Sous réserve de toute disposition expresse contraire d’un texte législatif, les dépens d’une instance dont la Cour ou un juge peut être saisi, ainsi que les dépens accessoires, sont adjugés à la discrétion de la Cour ou du juge et la Cour ou le juge peut rendre, à l’égard des dépens, toute ordonnance indiquée eu égard aux circonstances.

 

Loi sur l’Office national de l’énergie, L.R.C. 1985, ch. N-7 :

 

84. Les procédures de négociation et d’arbitrage prévues par la présente partie pour le règlement des questions d’indemnité s’appliquent en matière de dommages causés par un pipeline ou ce qu’il transporte, mais ne s’appliquent pas :

 

a) aux demandes relatives aux activités de la compagnie qui ne sont pas directement rattachées à l’une ou l’autre des opérations suivantes:

 

(i) acquisition de terrains pour la construction d’un pipeline,

 

(ii) construction de celui-ci,

 

 

(iii) inspection, entretien ou réparation de celui-ci;

 

b) aux demandes dirigées contre la compagnie pour dommages à la personne ou décès;

 

c) aux décisions et aux accords d’indemnisation intervenus avant le 1er mars 1983.

 

 

86.(1) Sous réserve du paragraphe (2), la compagnie peut acquérir des terrains par un accord d’acquisition conclu avec leur propriétaire ou, à défaut d’un tel accord, conformément à la présente partie.

 

(2) L’accord d’acquisition doit prévoir:

 

 

 

 

a) le paiement d’une indemnité pour les terrains à effectuer, au choix du propriétaire, sous forme de paiement forfaitaire ou de versements périodiques de montants égaux ou différents échelonnés sur une période donnée;

 

b) l’examen quinquennal du montant de toute indemnité à payer sous forme de versements périodiques;

 

 

 

c) le paiement d’une indemnité pour tous les dommages causés par les activités de la compagnie;

 

d) la garantie du propriétaire contre les poursuites auxquelles pourraient donner lieu les activités de la compagnie, sauf, dans la province de Québec, cas de faute lourde ou intentionnelle de celui-ci et, dans les autres provinces, cas de négligence grossière ou d’inconduite délibérée de celui-ci;

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

e) l’utilisation des terrains aux seules fins de canalisation ou d’autres installations nécessaires qui y sont expressément mentionnées, sauf consentement ultérieur du propriétaire pour d’autres usages;

 

 

f) toutes autres questions mentionnées dans le règlement d’application de l’alinéa 107a) en vigueur au moment de sa conclusion.

 

 

91.(1) Dès qu’un avis d’arbitrage lui est signifié, le ministre:

 

 

a) si un comité d’arbitrage a déjà été constitué pour régler la question mentionnée dans l’avis, signifie à celui-ci l’avis d’arbitrage;

 

b) dans le cas contraire, nomme un comité d’arbitrage et signifie l’avis à celui-ci.

 

 

 

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas dans les cas où le ministre est convaincu que la question mentionnée dans l’avis d’arbitrage qui lui a été signifié:

 

 

a) soit ne porte que sur le montant de l’indemnité accordé antérieurement par un comité d’arbitrage, lequel montant n’était pas, aux termes de la décision, susceptible de révision à la date de signification de l’avis;

 

b) soit est exclue de la procédure d’arbitrage.

 

 

(3) Le ministre peut constituer un comité d’arbitrage de sa propre initiative, sans qu’aucun avis d’arbitrage ne lui ait été signifié.

 

 

97.(1) Le comité d’arbitrage doit régler les questions d’indemnité mentionnées dans l’avis qui lui a été signifié, et tenir compte, le cas échéant, des éléments suivants:

 

 

a) la valeur marchande des terrains pris par la compagnie;

 

b) dans le cas de versements périodiques prévus par contrat ou décision arbitrale, les changements survenus dans la valeur marchande mentionnée à l’alinéa a) depuis la date de ceux-ci ou depuis leurs derniers révision et rajustement, selon le cas;

 

 

c) la perte, pour leur propriétaire, de la jouissance des terrains pris par la compagnie;

 

d) l’incidence nuisible que la prise des terrains peut avoir sur le reste des terrains du propriétaire;

 

e) les désagréments, la gêne et le bruit qui risquent de résulter directement ou indirectement des activités de la compagnie;

 

 

f) les dommages que les activités de la compagnie risquent de causer aux terrains de la région;

 

 

g) les dommages aux biens meubles ou personnels, notamment au bétail, résultant des activités de la compagnie;

 

h) les difficultés particulières que le déménagement du propriétaire ou de ses biens pourrait entraîner;

 

i) les autres éléments dont il estime devoir tenir compte en l’espèce.

 

(2) Pour l’application de l’alinéa (1) a), la valeur marchande des terrains correspond à la somme qui en aurait été obtenue si, au moment où ils ont été pris, ils avaient été vendus sur le marché libre.

 

98 [...]

 

(3) La décision du comité d’arbitrage accordant une indemnité pour des terrains acquis par une compagnie doit renfermer des dispositions correspondant à celles qui, aux termes des alinéas 86(2)b) à f), doivent être incorporées dans un accord d’acquisition de terrains.

 

 

99.(1) Si l’indemnité accordée par le comité d’arbitrage est supérieure à quatre-vingt-cinq pour cent de celle qu’elle offre, la compagnie paie tous les frais, notamment de procédure et d’évaluation, que le comité estime avoir été entraînés par l’exercice du recours.

 

 

 

 

 

 

(2) Si, par contre, l’indemnité accordée est égale ou inférieure à quatre-vingt-cinq pour cent de celle offerte par la compagnie, l’octroi des frais visés au paragraphe (1) est laissé à l’appréciation du comité; celui‑ci peut ordonner que les frais soient payés en tout ou en partie par la compagnie ou toute autre partie.

 

 

 

 

 

 

 

101. Appel d’une décision ou d’une ordonnance du comité d’arbitrage peut être interjeté, sur une question de droit ou de compétence, devant la Cour fédérale dans les trente jours du prononcé ou dans le délai ultérieur que le tribunal ou un de ses juges peut accorder dans des circonstances spéciales.

 

84. The provisions of this Part that provide negotiation and arbitration procedures to determine compensation matters apply in respect of all damage caused by the pipeline of a company or anything carried by the pipeline but do not apply to

 

(a) claims against a company arising out of activities of the company unless those activities are directly related to

 

 

(i) the acquisition of lands for a pipeline,

 

(ii) the construction of the pipeline, or

 

(iii) the inspection, maintenance or repair of the pipeline;

 

(b) claims against a company for loss of life or injury to the person; or

 

 

(c) awards of compensation or agreements respecting compensation made or entered into prior to March 1, 1983.

 

86.(1) Subject to subsection (2), a company may acquire lands for a pipeline under a land acquisition agreement entered into between the company and the owner of the lands or, in the absence of such an agreement, in accordance with this Part.

 

(2) A company may not acquire lands for a pipeline under a land acquisition agreement unless the agreement includes provision for

 

(a) compensation for the acquisition of lands to be made, at the option of the owner of the lands, by one lump sum payment or by annual or periodic payments of equal or different amounts over a period of time;

 

(b) review every five years of the amount of any compensation payable in respect of which annual or other periodic payments have been selected;

 

(c) compensation for all damages suffered as a result of the operations of the company;

 

 

(d) indemnification from all liabilities, damages, claims, suits and actions arising out of the operations of the company other than liabilities, damages, claims, suits and actions resulting from

 

 

 

 

 

(i) in the Province of Quebec, the gross or intentional fault of the owner of the lands, and

 

(ii) in any other province, the gross negligence or wilful misconduct of the owner of the lands;

 

(e) restricting the use of the lands to the line of pipe or other facility for which the lands are, by the agreement, specified to be required unless the owner of the lands consents to any proposed additional use at the time of the proposed additional use; and

 

(f) such additional matters as are, at the time the agreement is entered into, required to be included in a land acquisition agreement by any regulations made under paragraph 107(a).

 

91.(1) Where the Minister is served with a notice of arbitration under this Part, the Minister shall,

 

(a) if an Arbitration Committee exists to deal with the matter referred to in the notice, forthwith serve the notice on that Committee; or

 

(b) if no Arbitration Committee exists to deal with the matter, forthwith appoint an Arbitration Committee and serve the notice on that Committee.

 

(2) The Minister shall not take any action under subsection (1) where the Minister is satisfied that the matter referred to in a notice of arbitration served on the Minister is a matter

 

(a) solely related to the amount of compensation that has been previously awarded by an Arbitration Committee and that, under the award, the amount is not subject to a review at the time the notice is served; or

 

 

(b) to which the arbitration procedures set out in this Part do not apply.

 

(3) The Minister may, of his own motion and without having been served with a notice of arbitration referred to in subsection (1), appoint an Arbitration Committee.

 

97.(1) An Arbitration Committee shall determine all compensation matters referred to in a notice of arbitration served on it and in doing so shall consider the following factors where applicable:

 

(a) the market value of the lands taken by the company;

 

( b) where annual or periodic payments are being made pursuant to an agreement or an arbitration decision, changes in the market value referred to in paragraph (a) since the agreement or decision or since the last review and adjustment of those payments, as the case may be;

 

(c) the loss of use to the owner of the lands taken by the company;

 

 

(d) the adverse effect of the taking of the lands by the company on the remaining lands of an owner;

 

(e) the nuisance, inconvenience and noise that may reasonably be expected to be caused by or arise from or in connection with the operations of the company;

 

(f) the damage to lands in the area of the lands taken by the company that might reasonably be expected to be caused by the operations of the company;

 

(g) loss of or damage to livestock or other personal property or movable affected by the operations of the company;

 

(h) any special difficulties in relocation of an owner or his property; and

 

 

(i) such other factors as the Committee considers proper in the circumstances.

 

(2) For the purpose of paragraph (1)( a), "market value" is the amount that would have been paid for the lands if, at the time of their taking, they had been sold in the open market by a willing seller to a willing buyer.

 

98 . . .

 

(3) Every award of compensation made by an Arbitration Committee in respect of lands acquired by a company shall include provision for those matters referred to in paragraphs 86(2)(b) to (f) that would be required to be included in a land acquisition agreement referred to in section 86.

 

99.(1) Where the amount of compensation awarded to a person by an Arbitration Committee exceeds eighty-five per cent of the amount of compensation offered by the company, the company shall pay all legal, appraisal and other costs determined by the Committee to have been reasonably incurred by that person in asserting that person’s claim for compensation.

 

 

(2) Where the amount of compensation awarded to a person by an Arbitration Committee does not exceed eighty-five per cent of the amount of compensation offered by the company, the legal, appraisal and other costs incurred by that person in asserting his claim for compensation are in the discretion of the Committee, and the Committee may direct that the whole or any part of those costs be paid by the company or by any other party to the proceedings.

 

101. A decision, order or direction of an Arbitration Committee may, on a question of law or a question of jurisdiction, be appealed to the Federal Court within thirty days after the day on which the decision, order or direction is made, given or issued or within such further time as that Court or a judge thereof under special circumstances may allow.

 

 

Règles sur la procédure des comités d’arbitrage sur les pipe‑lines, DORS 86/787 :

 

22. A Committee may direct the parties to a hearing or their counsel to appear before three members of the Committee at a specified time and place for a conference before or during the hearing or to make submissions in writing, for the purpose of formulating issues and considering . . .

 

(b) the necessity or desirability of amending the notice of arbitration or the reply to clarify, amplify or limit the issues;

 

41. A Committee may, on such terms as it considers advisable, order an amendment to any pleading that, in the opinion of the Committee, may tend to prejudice or delay a fair hearing of the case if, in the opinion of the Committee, the amendment is necessary for the purposes of the hearing and for determining the real question in issue between the parties to the hearing.

 

Le comité peut ordonner aux parties ou à leur avocat de se présenter devant trois membres du comité, au lieu, à la date et à l'heure précisés, pour s'entretenir avec eux avant ou pendant l'audience ou faire des déclarations écrites, dans le but de formuler les questions en litige et d'étudier :

[...]

b) la nécessité ou l'opportunité de modifier l'avis d'arbitrage ou la réponse, de manière à les rendre plus clairs, plus complets ou plus concis;

 

41. Le comité peut, selon les modalités qu'il juge à propos, ordonner la modification de toute plaidoirie qui, à son avis, pourrait entraver ou retarder l'audience s'il le juge nécessaire pour la conduite de l'audience ou pour la détermination des véritables points en litige entre les parties.


 

 

 

 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-1826-06

T-

INTITULÉ :                                                   ALLIANCE PIPELINE LTD.

                                                                        c.

                                                                        VERNON JOSEPH SMITH

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             EDMONTON (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 4 JUILLET 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 4 JANVIER 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Matthew R. Lindsay

POUR L’APPELANTE

 

Richard C. Secord

 

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Fraser Milner Casgrain LLP

Calgary (Alberta)

POUR L’APPELANTE

 

Ackroyd LLP

Edmonton (Alberta)

 

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

 

 

 

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