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Date : 20071221

Dossier : T-1428-06

Référence : 2007 CF 1362

Ottawa (Ontario), le 21 décembre 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

 

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

 

demanderesse

 

et

 

CAROLYN POLLARD et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        Avant 2004, il n’était pas rare, dans les régions rurales ou semi-rurales, de voir des véhicules livrer le courrier alors qu’ils circulaient du mauvais côté de la chaussée, en l’occurrence du côté gauche. Cette pratique permettait au conducteur de passer le bras par la fenêtre du siège conducteur pour prendre ou déposer le courrier dans une boîte aux lettres rurale. En juin 2004, la Société canadienne des postes (Postes Canada) a informé son personnel de livraison qu’il n’était plus autorisé à conduire sur l’accotement gauche de la chaussée pour livrer le courrier parce que cela contrevenait aux règles de la circulation. Les itinéraires de livraison furent modifiés pour que les facteurs ruraux et suburbains (les facteurs) n’aient pas à livrer le courrier sur l’accotement gauche d’une chaussée.

[2]        C’est là l’origine de cette demande de contrôle judiciaire.

 

[3]        En  novembre 2004, Carolyn Pollard travaillait pour Postes Canada comme facteur, à Brampton, en Ontario. Après que son itinéraire de livraison fut modifié et qu’elle reçut pour instructions de conduire du côté droit de la chaussée et de livrer le courrier par la fenêtre du siège passager avant de son véhicule, Mme Pollard, sans essayer de remplir ses fonctions, a exercé son droit de refuser un travail dangereux, un droit conféré par la partie II du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L‑2 (le Code). Elle a expliqué son refus de la manière suivante :

[traduction]

Le principal problème de sécurité est qu’il est absolument impossible de faire les livraisons depuis le siège du conducteur, parmi mes prospectus, mes colis et ma corbeille de courrier, puis d’ouvrir la porte de la boîte aux lettres, d’y déposer le courrier et de lever la banderole. Je n’arrive pas à m’étendre les jambes de dessous le volant pour m’élever au-dessus du courrier. Aussi, si je détache ma ceinture de sécurité, je cours un risque. Je livre le courrier à 740 foyers et, au bout d’une journée, je souffre, alors jour après jour! Et on peut glisser sur le courrier lorsque le temps est humide, en le plaçant à l’avant plutôt qu’à l’arrière, et durant l’hiver, il est même impossible d’atteindre les boîtes.

 

[4]        Un agent de santé et de sécurité désigné en vertu du Code a enquêté sur le refus de Mme Pollard de travailler et a conclu, conformément au paragraphe 129(4) du Code, que Mme Pollard ne courait aucun danger. L’agent a cependant prié Postes Canada d’évaluer la situation des facteurs qui travaillaient seuls sous l’autorité de la succursale postale du chemin Hale, à Brampton, afin de déterminer les risques connus ou prévisibles auxquels ils pouvaient être exposés lorsqu’ils livraient ou retiraient le courrier. Postes Canada avait également reçu pour instructions  d’élaborer des méthodes de travail sécuritaires et de les faire connaître aux employés concernés.

 

[5]        Mme Pollard a fait appel de la conclusion d’absence de danger au Bureau canadien des appels en matière de santé et de sécurité au travail (BCASST), et une audience s’est déroulée devant un agent d’appel. L’agent d’appel a fait droit à l’appel et a annulé la décision de l’agent de santé et de sécurité. Plus précisément, l’agent d’appel a estimé que Mme Pollard était exposée à un danger lorsqu’elle procédait à la livraison et au ramassage du courrier dans les boîtes aux lettres en passant le bras à travers la fenêtre du siège passager avant de son véhicule de livraison, dans les deux circonstances suivantes :

[traduction]

D’abord, C. Pollard doit s’étirer et s’imposer une rotation du corps depuis son siège de conducteur jusqu’à la fenêtre du siège passager avant de son véhicule pour déposer le courrier dans environ 700 boîtes chaque jour, cinq jours par semaine, et cela sans avoir reçu ni directives ni formation portant sur une méthode ergonomique de travail, adaptée à son état physique, à l’état de son véhicule et aux conditions des divers endroits de livraison et de ramassage (les positions des boîtes aux lettres). En outre, plusieurs des boîtes le long de son itinéraire ne sont pas conformes aux spécifications de Postes Canada portant sur la manière de placer et de positionner les boîtes aux lettres, de telle sorte que la distance qu’elle doit franchir pour déposer le courrier dans les boîtes est accrue.

 

Deuxièmement, il y a danger lorsque C. Pollard doit faire les arrêts pour déposer le courrier dans les boîtes si l’accotement de la chaussée est trop étroit ou inexistant en raison des trottoirs, de telle sorte qu’il lui est impossible d’enlever son véhicule de la partie de la chaussée servant à la circulation. Il y a danger également parce que son véhicule n’est pas équipé des dispositifs permettant d’avertir les autres automobilistes que son véhicule postal est arrêté sur l’accotement de la chaussée pour livraison du courrier. En conséquence, elle est exposée, par beau temps et par mauvais temps, au risque d’être frappée par d’autres véhicules ou de lourds camions sur des chaussées où la vitesse peut varier entre 40 et 80 kilomètres à l’heure.

 

[6]        En conséquence, l’agent d’appel a émis à Postes Canada une instruction dans les termes suivants :

[traduction]

Par conséquent, il vous est ENJOINT PAR LES PRÉSENTES, conformément au sous-alinéa 145(2)a)(i) du Code canadien du travail, partie II, de procéder immédiatement à la prise de mesures propres à écarter ces deux risques.

 

Il vous est aussi ENJOINT PAR LES PRÉSENTES, conformément à l’alinéa 145(2)b) du Code canadien du travail, partie II, de faire cesser pour C. Pollard l’activité de facteur consistant à déposer depuis un véhicule le courrier dans les boîtes aux lettres rurales, et cela jusqu’à ce que vous vous soyez conformé à la présente intruction, ce qui ne vous empêche pas de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre à exécution l’instruction.

 

[7]        Postes Canada sollicite le contrôle judiciaire de cette décision et de cette instruction. Le procureur général du Canada n’est pas intervenu en l’espèce.

 

Les points à décider

[8]        Dans leurs exposés d’arguments, les parties ont soulevé plusieurs points. À mon avis, il faut répondre aux quatre questions de fond suivantes :

 

1.         L’agent d’appel a-t-il commis une erreur en n’accordant aucun poids à un accord de transaction signé par Mme Pollard, dans lequel elle s’engageait à retirer son appel au BCASST?

 

2.         L’agent d’appel a-t-il outrepassé sa compétence en prenant en considération la question de la sécurité routière?

 

3.         L’agent d’appel a-t-il manqué à l’obligation d’équité qu’il avait envers Postes Canada en ne lui donnant pas l’occasion de produire des preuves et de présenter des conclusions sur deux questions soulevées dans sa décision?

 

4.         L’agent d’appel a-t-il commis une erreur en disant que les risques ergonomiques auxquels était exposée Mme Pollard constituaient un danger aux termes de la partie II du Code?

 

Sommaire des conclusions de la Cour

[9]        Dans les présents motifs, j’arrive aux conclusions suivantes :

 

1.         L’agent d’appel n’a pas commis d’erreur en n’accordant aucun poids à l’accord de transaction signé par Mme Pollard, dans lequel elle s’engageait à retirer son appel au BCASST.

 

2.         L’agent d’appel n’a pas outrepassé sa compétence en prenant en considération la question de la sécurité routière.

 

3.         L’agent d’appel a manqué à l’obligation d’équité qu’il avait envers Postes Canada, mais sous un aspect seulement. L’agent d’appel n’a pas donné à Postes Canada l’occasion de produire des preuves et de présenter des conclusions sur la question de la sécurité routière.

 

4.         L’agent d’appel n’a pas commis d’erreur en disant que les risques ergonomiques auxquels était exposée Mme Pollard constituaient un danger en vertu de la partie II du Code.

 

5.         Il n’est adjugé de dépens à aucune des parties parce que chacune d’elles a obtenu gain de cause dans la demande.

 

[10]      Dans les présents motifs, il est fait référence aux dispositions du Code. Diverses dispositions applicables du Code sont reproduites à l’annexe A des présents motifs.

 

La norme de contrôle

[11]      La norme de contrôle applicable à une décision de fond rendue par un tribunal administratif est déterminée après analyse pragmatique et fonctionnelle, une analyse qui tient compte de plusieurs facteurs : la présence d’une clause privative, l’objet du texte législatif, la nature de la question soumise à contrôle et la spécialisation du décideur. La Cour suprême du Canada a dit que « les tribunaux saisis du contrôle judiciaire doivent veiller à ne pas subsumer les questions distinctes sous une norme générale de contrôle. Il convient d’adopter des normes de contrôle multiples lorsque des questions clairement définies font intervenir des intérêts différents dans le cadre de l’analyse pragmatique et fonctionnelle ». Étant donné que la question de la présence ou de l’absence d’une clause privative sera vraisemblablement la même pour tous les aspects d’une décision administrative, la possibilité d’application de plus d’une norme de contrôle nécessitera de « déterminer s’il existe des questions de nature différente et si ces questions font intervenir de différentes manières les connaissances spécialisées du décideur et l’objet de la loi ». Voir l’arrêt Lévis (Ville) c. Fraternité des policiers de Lévis Inc., [2007] 1 R.C.S. 591, paragraphe 19.

 

[12]      Je passe maintenant aux éléments de l’analyse pragmatique et fonctionnelle.

 

a.  L’existence d’une clause privative

[13]      Le Code renferme deux clauses privatives en ce qui concerne les agents d’appel. Elles se trouvent aux articles 146.3 et 146.4, qui prévoient ce qui suit :

146.3 Les décisions de l’agent d’appel sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.

 

146.4 Il n’est admis aucun recours ou décision judiciaire — notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto — visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l’action de l’agent d’appel exercée dans le cadre de la présente partie.

146.3 An appeals officer’s decision is final and shall not be questioned or reviewed in any court.

 

146.4 No order may be made, process entered or proceeding taken in any court, whether by way of injunction, certiorari, prohibition, quo warranto or otherwise, to question, review, prohibit or restrain an appeals officer in any proceeding under this Part.

 

[14]      Ces dispositions ont été qualifiées de « fortes clauses privatives », et elles rendent compte de la volonté du législateur que les cours de justice fassent preuve d’une grande retenue envers les décisions des agents d’appel. Voir l’arrêt Martin c. Canada (Procureur général), [2005] 4 R.C.F. 637, paragraphe 16 (C.A.) (l’arrêt Martin).

 

b.  Objet du texte législatif applicable

[15]      L’objet de la partie II du Code est énoncé à l’article 122.1 du Code : prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi. Les dispositions du Code qui concernent les agents d’appel donnent aux agents de vastes pouvoirs d’enquête, qui leur permettront de dire si un danger existe, et elles leur donnent, au besoin, d’importants pouvoirs correcteurs. Voir l’article 145.1, le paragraphe 146.1(1) et l’article 146.2 du Code.

 

[16]      Puisque l’objet du texte législatif est de protéger les travailleurs, les décisions des agents d’appel devraient bénéficier d’une retenue d’autant plus grande. Voir la décision Martin c. Canada (Procureur général), [2004] 1 R.C.F. 625, paragraphe 36 (1re inst.) (la décision Martin).

 

c.  La nature de la question

[17]      Trois points soulevés par Postes Canada font intervenir l’analyse pragmatique et fonctionnelle.

 

[18]      Le premier point concerne la décision de l’agent de n’accorder aucun poids à l’accord de transaction signé par Mme Pollard. Postes Canada fait valoir que cet aspect obligeait l’agent d’appel à interpréter l’accord de transaction, ce qui constitue une question de droit. Par ailleurs, Mme Pollard fait valoir que la question que devait trancher l’agent d’appel était de savoir si elle avait dénoncé à bon droit l’accord de transaction. Je reconnais que l’agent d’appel était tenu d’instruire et de prendre en considération la preuve se rapportant à l’accord, à sa prétendue résiliation et à la conduite des parties. La question de savoir si, nonobstant l’accord de transaction, l’appel pouvait être porté devant l’agent d’appel est donc une question mixte de droit et de fait.

 

[19]      Le deuxième point, celui de savoir si l’agent d’appel avait le pouvoir de prendre en compte la question de la sécurité routière, serait, d’après Postes Canada, une question de compétence. Cependant, cette qualification n’est à mon avis guère utile. Ce qui est en cause, c’est la conclusion de l’agent d’appel selon laquelle Mme Pollard avait exprimé des préoccupations de sécurité routière pour justifier son refus de travailler. Il s’agit là d’une conclusion de fait.

 

[20]      Finalement, la question de savoir s’il y avait danger d’après le Code est une question mixte de droit et de fait.

 

d.  La spécialisation du décideur

[21]      La question de l’effet de l’accord de transaction comporte un élément juridique et, à mon avis, un agent d’appel n’est pas plus spécialisé que la Cour lorsqu’il s’agit d’appliquer les principes généraux du droit des contrats. Dans la mesure où l’agent d’appel était tenu de prendre en considération la preuve portant sur la résiliation de l’accord, une preuve de cette nature s’écarte de la compétence fondamentale d’un agent d’appel, dont la spécialisation intéresse principalement la santé et la sécurité au travail.

 

[22]      Le point de savoir si la question de la sécurité routière a été soumise comme il se doit à l’agent d’appel est largement tributaire des faits. Les agents d’appel doivent considérer les refus de travailler et appliquer les dispositions du Code qui intéressent la santé et la sécurité au travail. Ils sont investis de pouvoirs d’enquête et de pouvoirs correcteurs étendus. L’appel interjeté devant un agent d’appel est un appel de novo. Voir l’arrêt Martin, précité, paragraphe 28. Pour cette raison, je suis d’avis que la spécialisation d’un agent d’appel est plus étendue que celle de la Cour lorsqu’il s’agit de dire quels risques ou dangers sont en cause dans le refus d’un employé de travailler.

 

[23]      La question de savoir si un lieu de travail comporte un danger au sens du Code relève de la spécialisation des agents d’appel. Ils sont en mesure d’évaluer eux-mêmes le lieu de travail, et leur spécialisation est supérieure à celle de la Cour dans les questions de ce genre.

 

e.  Conclusion en ce qui a trait à la norme de contrôle

[24]      La question de l’effet de l’accord de transaction est une question mixte de droit et de fait, qui échappe à la compétence fondamentale d’un agent d’appel. Après avoir mis en balance ces facteurs d’une part, et l’existence des clauses privatives et l’objet du Code d’autre part, je suis d’avis que cette question devrait être revue d’après la norme de la décision raisonnable.

 

[25]      Les conclusions de l’agent d’appel concernant le point de savoir si la question de la sécurité routière lui a été soumise à juste titre et le point de savoir si un danger existait d’après la partie II du Code étaient tributaires des faits, et elles relevaient du domaine de spécialisation de l’agent. Si on les considère au regard des clauses privatives existantes et de l’objet du texte législatif, je pense que ces conclusions devraient être revues d’après la norme de la décision manifestement déraisonnable.

 

[26]      Finalement, aucune analyse pragmatique et fonctionnelle n’est requise lorsqu’est allégué un manquement à l’équité procédurale. C’est à la Cour qu’il appartient de dire si, d’après les circonstances de la présente affaire, l’agent d’appel s’est conformé à son obligation d’équité. Sur cet aspect, la décision de l’agent d’appel ne commande aucune retenue.

 

[27]      Ayant déterminé les normes de contrôle qui doivent s’appliquer à la décision de l’agent d’appel, j’examinerai maintenant les erreurs alléguées par Postes Canada.

 

L’agent d’appel a-t-il a commis une erreur en n’accordant aucun poids à l’accord de transaction signé par Mme Pollard, dans lequel elle s’engageait à retirer son appel au BCASST?

[28]      J’ai choisi d’examiner cette question la première parce que, logiquement, elle peut  déterminer l’issue de la demande tout entière. Je relève cependant qu’aucune des parties ne s’est véritablement attardée sur cet aspect d’une manière détaillée dans ses conclusions orales ou écrites.

 

[29]      Les parties admettent que, avant l’audience tenue devant l’agent d’appel, Mme Pollard, son syndicat et Postes Canada avaient signé un accord de transaction dans lequel Mme Pollard s’engageait à se désister de son appel formé contre la décision de l’agent de santé et de sécurité. Postes Canada a soulevé la question de l’accord de transaction au cours de l’instruction de l’appel, en précisant dès le départ que la Société évoquerait plus loin la question durant l’audience, mais qu’elle [traduction] « acceptait de soumettre la question à une instruction ».

 

[30]      L’agent d’appel n’a accordé aucun poids à l’accord parce que, selon lui, [traduction] « l’accord ne permettait pas à Postes Canada de s’acquitter de ses obligations selon la partie II, et il doit donc être laissé de côté ».

 

[31]      Il est, à mon avis, bien établi en droit qu’un tribunal administratif n’est pas tenu d’accepter les modalités d’une entente négociée entre les parties, surtout si la loi habilitante du tribunal lui confère un vaste mandat. Voir, par exemple, la décision Re Consumers' Distributing Co. Ltd. and Ontario Human Rights Commission et al. (1987), 36 D.L.R. (4th) 589 (C. div. Ont.).

 

[32]      En l’espèce, le Code confère au BCASST un vaste mandat, celui de réaliser l’objectif de la prévention des accidents et des maladies sur les lieux de travail. L’accord de transaction semble se limiter à la solution des divers griefs déposés par Mme Pollard. Il parle de la formation dont pouvait bénéficier Mme Pollard, mais il ne règle en aucune façon les questions plus générales de sécurité soulevées par Mme Pollard dans son appel formé contre la décision de l’agent de santé et de sécurité. Il en résulte une distinction entre la présente espèces et l’espèce Walton et Canada (Service correctionnel), [2005] D.A.A.C.C.T. n° 7 (QL), invoquée par Postes Canada.

 

[33]      À mon avis, puisque l’accord de transaction ne résolvait pas les questions générales de sécurité, la décision de l’agent d’appel selon laquelle l’accord ne répondait pas à toutes les obligations de Postes Canada selon la partie II du Code résiste à un examen assez poussé. Elle n’était donc pas déraisonnable.

 

[34]      Pour le cas où j’aurais fait erreur sur la norme de contrôle à appliquer à cette question, et si la norme de contrôle à appliquer est celle de la décision manifestement déraisonnable, alors, puisque la décision résiste à un examen selon la norme de la décision raisonnable, il s’ensuit qu’elle résiste aussi à un examen selon la norme plus accommodante de la décision manifestement déraisonnable.

 

[35]      Finalement, et en tout état de cause, la preuve qui a été soumise à l’agent d’appel comprenait une lettre du BCASST à Mme Pollard, datée du 20 septembre 2005. Cette lettre accusait réception de l’accord de transaction, mais précisait que le droit de Mme Pollard de faire appel de la décision de l’agent de santé et de sécurité était un droit personnel et que l’accord de transaction exprimait ce que le BCASST a qualifié d’« intention non encore mise à exécution » de retirer l’appel. Le BCASST informait donc Mme Pollard qu’elle devait lui remettre sa confirmation écrite de retrait de l’appel avant qu’il ne classe l’affaire. Mme Pollard lui a répondu, dans une lettre datée du 26 septembre 2005, qu’elle s’était sentie contrainte de signer l’accord et qu’elle souhaitait aller de l’avant avec l’appel.

 

[36]      Interrogée à l’audience par l’avocat de Postes Canada sur l’accord de transaction, Mme Pollard a répondu que l’accord « était annulé » et qu’elle avait « une lettre de M. Gilbert [de Postes Canada] mentionnant que le mémorandum était annulé ». Mme Pollard a reconnu que cette lettre fut envoyée par Postes Canada après qu’elle eut informé le BCASST qu’elle n’entendait pas être liée par l’accord de transaction. Aucune preuve contraire sur ce point n’a été produite devant l’agent d’appel par Postes Canada.

 

[37]      Cette preuve non contredite selon laquelle l’accord de transaction a été annulé ou résilié confirme que l’agent d’appel a eu raison de n’accorder aucun poids à l’accord.

 

L’agent d’appel a-t-il outrepassé sa compétence en prenant en considération la question de la sécurité routière?

[38]      Comme il est indiqué ci-dessus au paragraphe 5 des présentes motifs, l’agent d’appel a estimé que Mme Pollard était exposée à un danger au sens de la partie II du Code, tant au regard des risques ergonomiques qu’au regard des risques de la circulation liés à son travail. Postes Canada dit que le refus de Mme Pollard de travailler, l’enquête de l’agent de santé et de sécurité et l’appel formé contre la décision de celui-ci se limitaient au refus de Mme Pollard de déposer le courrier dans les boîtes pour des raisons ergonomiques. Il s’ensuit, d’affirmer Postes Canada, que la décision de l’agent d’appel selon laquelle il avait le pouvoir de prendre en compte la question de la sécurité routière était manifestement déraisonnable et qu’il a outrepassé sa compétence.

 

[39]      Les motifs de l’agent d’appel sur ce point débutent au paragraphe 79 de sa décision. En bref, l’agent d’appel a considéré comme un fait avéré que le refus de travailler n’était pas rattaché uniquement aux risques ergonomiques liés à la livraison du courrier en région rurale et que, en tout état de cause, il avait compétence pour prendre en considération la question de la sécurité routière même si elle n’avait pas été évoquée dans la plainte fondée sur le refus de Mme Pollard de travailler.

 

[40]      Pour dire que la question de la sécurité routière faisait partie des raisons du refus de Mme Pollard de travailler, l’agent d’appel s’est fondé sur ce qui suit :

 

(i)         La pièce D-6, qui comprenait la lettre du 6 octobre 2004 adressée par Mme Pollard à l’agent de santé et de sécurité, lettre à laquelle était jointe la correspondance échangée entre Mme Pollard et Postes Canada. La correspondance confirmait que les inquiétudes de Mme Pollard concernaient à la fois les risques ergonomiques et les risques afférents à la circulation.

 

(ii)        La pièce D-5, qui comprenait les notes prises par l’agent de santé et de sécurité au cours d’une réunion tenue le 25 novembre 2004 pour enquêter sur le refus de Mme Pollard de travailler. Les notes confirmaient que les deux types de risques y avaient été examinés.

 

(iii)       La pièce D-5, qui comprenait le formulaire d’enregistrement du refus de Mme Pollard de travailler, évoqué plus haut au paragraphe 3 des présents motifs. Ce formulaire faisait état de l’inquiétude suivante : [traduction] « aussi, si je détache ma ceinture de sécurité, je cours un risque ».

 

(iv)       La pièce D-4, qui comprenait le rapport d’enquête de l’agent de santé et de sécurité, sa décision et son intruction destinée à Postes Canada. La décision faisait état de la conclusion de l’agent selon laquelle il n’existait aucune preuve concernant les procédures officielles à suivre pour un travail sécuritaire, par exemple la présence d’enseignes sur les véhicules de livraison et l’emploi de feux de détresse, ni concernant la question de savoir si un facteur devait sortir du véhicule de livraison lorsque celui-ci était arrêté sur l’accotement. L’instruction émise par l’agent de santé et de sécurité enjoignait à Postes Canada de faire une évaluation à la fois des risques pour la santé et des risques pour la sécurité.

 

(v)        La pièce D-1, qui comprenait l’avis d’appel à l’encontre de la décision de l’agent de santé et de sécurité. Dans l’avis d’appel, Mme Pollard écrivait : [traduction] « si je suis impliquée dans un accident alors que je ne suis pas dans la position assise et que je ne porte pas la ceinture de sécurité, il pourrait en résulter pour moi de graves blessures, voire la mort [...] »

 

[41]      Au vu de cette preuve, l’agent d’appel a conclu que le refus de Mme Pollard de travailler découlait de préoccupations touchant la sécurité routière (ainsi que de préoccupations ergonomiques) et que l’agent de santé et de sécurité aurait dû savoir que les préoccupations de Mme Pollard en matière de santé et de sécurité se rapportaient à la fois aux risques ergonomiques et aux risques liés à la circulation.

 

[42]      Une décision manifestement déraisonnable est une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée d’une manière abusive ou arbitraire ou sans égard aux éléments que le décideur avait devant lui. Voir l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7. Ainsi que l’expliquait le juge Binnie, au nom des juges majoritaires de la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, au paragraphe 164 :

Une seule réponse est possible tant selon la norme de la décision correcte que selon celle du caractère manifestement déraisonnable. La méthode de la décision correcte signifie qu’il n’y a qu’une seule réponse appropriée. La méthode du caractère manifestement déraisonnable signifie que de nombreuses réponses appropriées étaient possibles, sauf celle donnée par le décideur.

 

[43]      Appliquant cette norme de contrôle à la décision de l’agent d’appel, j’ai vérifié que la preuve était telle que l’avait exposée l’agent. Je suis d’avis que cette preuve autorisait les conclusions de l’agent. Selon lui, la question de la sécurité routière avait été évoquée par Mme Pollard et l’agent de santé et de sécurité aurait dû le savoir. En conséquence, l’agent d’appel pouvait tirer de telles conclusions, dont on ne saurait dire qu’elles sont manifestement déraisonnables.

 

[44]      Il ne m’est donc pas nécessaire de considérer la conclusion subsidiaire de l’agent d’appel selon laquelle il aurait pu examiner les questions de sécurité routière même si elles n’avaient pas été évoquées dans la plainte fondée sur le refus de Mme Pollard de travailler.

 

L’agent d’appel a-t-il manqué à son obligation d’équité en ne donnant pas à Postes Canada l’occasion de s’exprimer sur deux points soulevés dans sa décision?

[45]      Postes Canada dit que l’agent d’appel a manqué à son obligation d’équité de deux façons :

 

a)         Postes Canada fait valoir que l’agent d’appel a commis une erreur en ne lui donnant pas la possibilité de présenter des conclusions et de produire des preuves au regard de sa décision de se fonder sur les dispositions de la partie XIV (Manutention des matériaux) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, DORS/86‑304 (le Règlement). Postes Canada dit que la disposition pertinente n’a pas été invoquée par les parties ni par l’agent d’appel durant l’audience.

 

b)         Postes Canada fait valoir que l’agent d’appel a commis une erreur en ne lui donnant pas la possibilité de présenter des conclusions ou de produire des preuves au regard de la question de la sécurité routière, question qui a été déclarée partie intégrante de l’enquête de l’agent. Postes Canada dit que l’agent d’appel l’avait explicitement informée que la Société disposerait d’une telle possibilité.

 

[46]      La Cour suprême du Canada a considéré, dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, la nature des droits de participation que suppose l’obligation d’équité. Au paragraphe 30 de leurs motifs, les juges majoritaires expliquaient que, « au cœur de cette analyse, il faut se demander si, compte tenu de toutes les circonstances, les personnes dont les intérêts étaient en jeu ont eu une occasion valable de présenter leur position pleinement et équitablement ».

 

[47]      En l’espèce, il est admis par les parties que l’agent d’appel avait une obligation d’équité envers les parties et que cette obligation comprenait le droit d’être informé des éléments appelant une réponse et le droit de produire des preuves et de présenter des conclusions sur les aspects pertinents.

 

[48]      Il s’agit de savoir si l’agent d’appel a privé Postes Canada d’une réelle occasion de présenter sa position pleinement et équitablement. J’examinerai chaque exemple de prétendue absence d’équité.

 

a.  Le Règlement

[49]      S’agissant du Règlement, Postes Canada avait fait valoir, au cours de l’audience tenue devant l’agent d’appel, que Mme Pollard avait une douleur dorsale existante de telle sorte que le danger auquel elle serait exposée était le résultat de son propre état pathologique. Au vu de la preuve, l’agent d’appel a rejeté l’argument selon lequel Mme Pollard avait des ennuis de santé qui requéraient des aménagements explicites. Puis il écrivait, au paragraphe 97 de ses motifs, que la notion de « personne ordinaire » englobait un éventail d’affections physiques ou mentales qui étaient inhérentes à la condition humaine. L’agent d’appel a trouvé confirmation supplémentaire de ce point de vue dans l’article 14.48 du Règlement.

 

[50]      Postes Canada dit que l’agent d’appel n’a pas informé les parties qu’il envisageait d’appliquer cette disposition, niant ainsi à Postes Canada l’occasion de présenter des conclusions sur son applicabilité.

 

[51]      À mon humble avis, l’agent d'appel n’a pas manqué à l’équité procédurale en se référant à l’article 14.48 du Règlement. La raison de cela, c’est qu’il était normal et prévisible que l’agent d'appel tiendrait compte de règlements pris conformément aux textes qu’il était chargé d’appliquer. Au reste, la mention du règlement par l’agent d'appel était accessoire à sa conclusion selon laquelle un risque ergonomique existait. Il n’a fait fond sur le Règlement que pour étayer son opinion selon laquelle le danger auquel était exposée Mme Pollard n’était pas le résultat de son propre état de santé.

 

[52]      Dans ce contexte, le fait que l’agent d'appel n’ait pas informé les parties qu’il entendait invoquer dans ses motifs une disposition réglementaire donnée n’a pas privé Postes Canada d’une réelle occasion de présenter sa position pleinement et équitablement.

 

b.  La question de la sécurité routière

[53]      Postes Canada fait valoir que, durant l’audience tenue devant l’agent d'appel, son avocat avait déclaré douter de la pertinence des preuves reçues par l’agent d'appel concernant la sécurité routière. Postes Canada dit que, [traduction] « toutes les fois ou presque que l’avocat de Postes Canada évoquait ses doutes, l’agent d'appel disait clairement que, s’il venait à considérer que la question de la sécurité routière constituerait un facteur important de sa réflexion, il en informerait les parties et leur donnerait l’occasion de produire des preuves et des arguments sur la question ». Par la suite, l’agent d'appel a rendu sa décision et émis une instruction portant sur la sécurité routière. Postes Canada affirme ne pas avoir eu l’occasion de produire des preuves et de présenter des conclusions sur la question de la sécurité routière et que cela constitue un manquement à l’équité procédurale.

 

[54]      Mme Pollard répond qu’il n’y a pas eu manquement, parce que :

 

(i)         elle-même et son représentant ont soulevé la question de la sécurité routière lors de l’audition de l’appel et ont produit une preuve relative aux dangers de la circulation;

 

(ii)                lorsqu’il s’est demandé s’il fallait ou non recevoir cette preuve, l’agent d'appel a dit à plusieurs reprises durant l’audience qu’il lui faudrait déterminer si son mandat englobait l’examen des questions de sécurité routière;

 

(iii)               le 25 avril 2006, au cours de l’audience, l’agent d'appel a informé les parties que, selon lui, la question de la sécurité routière était pertinente et leur a dit qu’elle devait être prise en compte;

 

(iv)       l’agent d'appel a invité les parties à présenter des conclusions sur la question de la sécurité routière.

 

[55]      Mme Pollard fait aussi valoir que plusieurs renvois à la transcription sur lesquels Postes Canada appuie son argument ne concernent pas la question de la sécurité routière (par exemple, l’échange apparaissant à la page 38 de la transcription de l’audience du 26 avril 2006, que l’on trouve à la page 708 du dossier de la demanderesse).

 

[56]      Un examen de la transcription révèle que, tout au long de l’audience, une tension est apparue entre les parties à propos du champ légitime de l’enquête menée devant l’agent d'appel. À titre d’exemple, Mme Pollard, dans sa déclaration initiale, a voulu soulever plusieurs points qui échappaient à la compétence de l’agent d'appel (voir les pages 23 à 29 de la transcription de l’audience du 16 février 2006, qui se trouvent aux pages 544 et suivantes du dossier de la demanderesse). Postes Canada faisait valoir, quant à elle, que le champ de l’enquête était plus restreint, affirmant que l’agent d'appel devait se mettre à la place de l’agent de santé et de sécurité pour savoir si la décision de celui-ci était ou non fondée en droit.

 

[57]      La tension est devenu plus palpable parce que Postes Canada était représentée par un avocat alors que Mme Pollard ne l’était pas. Elle était représentée par un délégué syndical, qui a reconnu avec candeur que la procédure en cours ne lui était pas familière. Mme Pollard n’avait donc pas toujours une bonne idée de la nature des points qu’elle soulevait devant l’agent d'appel. Par exemple, à un certain moment, son délégué a qualifié de risque ergonomique l’action de s’étirer sans que soit portée la ceinture de sécurité (voir les pages 135 et 136 de la transcription de l’audience du 16 février 2006, que l’on trouve à la page 572 du dossier de la demanderesse).

 

[58]      La tension fut accentuée aussi par la volonté de l’agent d'appel d’accorder un degré de latitude à Mme Pollard et à son délégué et par le fait qu’il ne rendit pas, durant l’audience, une décision définitive sur les questions dont il était saisi à juste titre. Ces aspects sont illustrés, je crois, dans l’annexe B des présents motifs. L’annexe B recense brièvement les preuves et conclusions, présentées au cours de l’audience, concernant les questions de la sécurité routière et de l’équité procédurale.

 

[59]      S’agissant plus précisément de l’instruction, l’audience s’est déroulée le 16 février, le 25 avril et le 26 avril 2006. Le 16 février 2006, l’avocat de Postes Canada a nié la pertinence de certains documents évoqués durant l’interrogatoire principal de Mme Pollard (en particulier une liste des boîtes aux lettres qu’elle prétendait non sécuritaires pour la livraison du courrier). Les documents ont été admis par l’agent d'appel, même si, s’agissant de la liste des boîtes aux lettres non sécuritaires, il était [traduction] « incertain, encore dans [s]on esprit, de ce à quoi cela se rapporte et de ce qui est pertinent » (page 153 de la transcription de l’audience du 16 février 2006). Puis l’agent d'appel a informé les parties de ce qui suit :

[traduction]

LE PRÉSIDENT :      Exactement. Mais puisque je suis autorisé par le Code à émettre une instruction conformément à l’article 145.2, le Tribunal doit encore se demander quelle est sa responsabilité pour le cas où la preuve laisserait apparaître un danger se rapportant à la question qu’il examine.

 

            Que dois-je faire si je suis soudain persuadé qu’il existait un danger? Je parle ici du fait qu’un autre automobiliste entre en collision avec l’arrière d’un véhicule?

 

            Je vous laisserai débattre ce que je devrais faire, c’est-à-dire devrais-je ou non prendre ce point en considération? Devrais-je interpréter le pouvoir que me donne le Code et considérer la question?

 

            Pour avoir la certitude de ne pas laisser chez les parties un sentiment d’injustice, ce que je fais, après que j’ai entendu une affaire, si je pense que je vais m’aventurer dans un autre domaine qui ne serait pas nécessairement venu à la compréhension des parties au cours de l’audience, alors ce que je ferai, c’est de convoquer à nouveau l’audience, et je vous dirai : j’examine un aspect que peut-être vous n’avez pas saisi et j’en profiterai donc pour vous donner le temps de présenter des preuves et des arguments sur le sujet.

 

            Nous n’en sommes pas là, mais je vais simplement vous dire que, quand je décide si un document est recevable ou non, ce document me donne une description de la situation de telle sorte que, lorsque je l’ai lu, je peux me dire : j’ai la certitude d’avoir examiné tous les aspects des risques qui étaient présents dans la situation considérée et, si j’ai des doutes, alors j’en informerai les parties.

 

            Et je pense que, quand je répéterai l’expression de temps à autre, vous aurez l’occasion de vous exprimer sur son importance, que je vous conduirai dans un domaine que vous n’avez peut-être pas anticipé, et je vous donnerai alors l’occasion de le réexaminer.

 

            Je ne sais s’il me reste encore des choses à dire. En fait, l’une des difficultés, dans une audience où l’une des parties n’est pas représentée par un avocat, c’est que vous l’aidez dans le processus, mais vous ne devez pas vous égarer dans le dossier, et c’est une corde raide, et j’estime être allé aussi loin que je le voulais.

[Non souligné dans l'original.]

 

[60]      Le 25 avril 2006, l’avocat de Postes Canada a de nouveau prétendu que la preuve se rapportant à la sécurité routière n’était par pertinente (page 70 de la transcription du 25 avril 2006). L’agent d'appel a répondu ainsi :

[traduction]

LE PRÉSIDENT :      Je reconnaîtrai certainement avec vous que c’est là un aspect que je vais devoir résoudre dans ma décision et que cela concerne l’autre question – la question de la sécurité routière.

 

            Évidemment, l’agent de santé et de sécurité, Manella, avait des doutes de telle sorte qu’il a fini par émettre une instruction. Il n’a constaté l’existence d’aucun danger, mais il a néanmoins émis une instruction, et je suis d’avis, de par son instruction, qu’il considérait d’autres aspects que simplement les aspects ergonomiques. Il a simplement décidé que cela ne constituait pas un danger.

 

            L’une des choses sur lesquelles vous avez la possibilité de présenter des arguments consiste à vous demander quelle attention je devrais accorder à cela.

 

            Étant donné que l’examen fait pas un agent d'appel est (inaudible), je crois et j’accepte certainement le fait que ce qui a précipité l’appel, c’est un appel formé en vertu du paragraphe 129(7), c’est-à-dire le refus de travailler, et non l’instruction émise en vertu du paragraphe 145(1) du Code canadien du travail.

 

            Mais, parallèlement, il y a un ensemble de circonstances ici que, à mon avis, du moins quant à la preuve recueillie, je dois écouter, et je dois certainement arriver à une conclusion dans ma décision finale sur la question de savoir si je devrais m’aventurer dans ces autres aspects.

 

            De toute évidence, l’une des choses, lorsque se déroule un examen en application du paragraphe 129(7), consiste à dire si le danger existait et quelle instruction aurait dû être émise, et quelle instruction est requise, s’il y a conclusion de danger.

 

            Et aujourd’hui, je pense que je voudrais entendre la preuve se rapportant à l’ensemble de la situation, afin de pouvoir décider plus tard si le danger s’étendait ou non aux choses que l’agent de santé et de sécurité, Manella, n’avait peut-être pas adéquatement revues, ou auxquelles il n’avait peut-être pas accordé suffisamment de poids.

 

            Je ne sais trop où cela me mènera, mais il m’apparaît que je devrais entendre la preuve et les arguments des deux parties à propos de mon mandat selon le Code, quant à la question de savoir si je devrais ou non aller au-delà de la question ergonomique.

 

            J’accepterai certainement d’entendre vos arguments sur la question, mais je vous en informerai à l’avance. C’est un aspect qui, je pense, doit être étudié.

 

            Et je dis cela, jusqu’à un certain point aussi, parce que certaines des preuves qui ont été produites sous forme de documents et de rapports, les divers rapports, montrent certainement que l’agent de santé et de sécurité Manella avait conscience de l’existence d’autres questions. Et, comme je l’ai dit, j’estime  devoir examiner les preuves, puis décider de l’étendue de mon mandat pour la décision finale à rendre.

[Non souligné dans l'original.]

 

[61]      Plus tard ce jour-là, l’agent d'appel a réexprimé, dans les termes suivants, son incertitude quant aux limites de son mandat :

[traduction]

LE PRÉSIDENT :     D’accord. Comme je l’ai déjà dit à M. Bird, je me demande si mon mandat dans l’examen d’un appel suivant le paragraphe 129(7), l’appel formé par Mme Pollard, comprend l’ensemble des preuves que je vais recevoir à propos des questions de sécurité routière qui se posent dans le cas présent.

 

            Je sais cela, et il m’est impossible de citer un précédent, mais je sais que la Cour fédérale a déjà dit que les agents de sécurité ne sauraient s’interposer et procéder à des enquêtes à l’aveuglette. Si un employé devait dire qu’il y a ici un danger, sans pouvoir véritablement dire ce qu’est le danger, c’est-à-dire s’il dit : je ne suis pas sûr du danger, mais je suis certain qu’il y en a un.

 

            La Cour fédérale a dit : non, vous ne pouvez pas être aussi vague.

 

            On n’est pas arrivé à quelque chose qui va dans le sens contraire, c’est-à-dire un employé qui se plaint d’un danger, un agent de sécurité se présente, il y a plusieurs dangers autour d’eux, il se concentre uniquement sur celui que l’employé a évoqué, et il s’en va.

 

            Quoi qu’il en soit, quoi que puisse dire la Cour fédérale, ou quoi que puisse dire un organe de contrôle, vous auriez dû en tenir compte et ne pas vous limiter à ce que l’employé a dit. Il y a quelque chose là, et il vous était possible de voir qu’il y avait contravention, ou même plus sérieusement un danger, alors je ne suis pas sûr que, si une cour de justice était saisie de l’affaire, elle dirait : non, vous n’auriez pas dû en tenir compte.

 

            C’est un peu de cela qu’il s’agit ici. C’est exactement cela, c’est la question dont je suis saisi, c’est-à-dire la manière dont l’agent de sécurité Manella en est arrivé, au vu de la preuve, à être informé d’une certaine situation qui évoluait, il a proposé une solution, qui était la résolution interne de la plainte, puis, après le refus de la plaignante, l’agent de sécurité a estimé que, sur un aspect, il n’existait aucun danger, tout en se sentant tenu d’émettre une instruction sur l’autre aspect.

 

            Puisque mon examen me fait prendre connaissance de tous les faits, la question que je dois me poser est la suivante : s’attend-on de moi à ce que je ne considère pas les autres aspects qui, d’après la preuve que j’ai reçue, pourraient constituer un danger, même si l’agent de santé et de sécurité Manella n’est pas arrivé à cette conclusion?

[Non souligné dans l'original]

 

[62]      Durant l’argumentation finale, l’avocat de Postes Canada a réitéré sa position selon laquelle la plainte de Mme Pollard concernait strictement des questions ergonomiques. Après audition des derniers arguments des deux parties, l’agent d'appel a fait les observations suivantes :

[traduction]

LE PRÉSIDENT :      Très bien donc.

 

            Avec cela, nous avons terminé cette portion, cette partie de la procédure d’appel.

 

            Comme je l’ai dit, ce que je ferai maintenant, c’est retourner à mon bureau afin de passer en revue les documents et de faire mon analyse.

 

            Si j’ai des questions, je vous les communiquerai par l’entremise de madame Paris ou, s’il y a des points que je souhaite faire connaître aux parties, c’est-à-dire si je souhaite faire savoir aux parties que je poursuivrai dans ma direction, alors, comme je l’ai dit plus tôt à M. Bird, je donnerai certainement aux parties l’occasion de produire de nouvelles preuves sur la question.

[Non souligné dans l'original]

 

[63]      Une lecture objective de la transcription montre, à mon avis, que l’agent d'appel, au cours de l’audience tenue devant lui, a informé les parties que :

 

·        il n’avait pas résolu, dans son esprit, le point de savoir s’il était compétent pour statuer sur la question de la sécurité routière;

·        il voulait recevoir le témoignage de Mme Pollard afin de pouvoir plus tard décider si le danger s’étendait à la question de la sécurité routière;

·        après avoir entendu la preuve et les arguments concernant son mandat, il examinerait s’il devait aller au-delà de la question ergonomique;

·        s’il décidait d’examiner la question de la sécurité routière, il convoquerait à nouveau l’audience et laisserait les parties produire des preuves.

 

[64]      Rétrospectivement, il eût été prudent pour Postes Canada de produire au moins certaines preuves portant sur la sécurité routière. Néanmoins, en concluant uniquement dans sa décision finale que la question de la sécurité routière lui avait été soumise à juste titre, et cela sans informer Postes Canada de cette conclusion et sans laisser Postes Canada produire une preuve portant sur la sécurité routière, l’agent d'appel a privé Postes Canada de la possibilité de présenter sa position pleinement et équitablement. Ce faisant, l’agent d'appel a manqué à l’obligation d’équité procédurale qu’il avait envers Postes Canada.

 

L’agent d'appel a-t-il commis une erreur en disant que les risques ergonomiques auxquels était exposée Mme Pollard constituaient un danger au sens de la partie II du Code?

[65]      Aux fins de la partie II du Code, le mot « danger » est défini de la manière suivante, au paragraphe 122(1) :

«danger » Situation, tâche ou risque — existant ou éventuel — susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade — même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats — , avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

"danger" means any existing or potential hazard or condition or any current or future activity that could reasonably be expected to cause injury or illness to a person exposed to it before the hazard or condition can be corrected, or the activity altered, whether or not the injury or illness occurs immediately after the exposure to the hazard, condition or activity, and includes any exposure to a hazardous substance that is likely to result in a chronic illness, in disease or in damage to the reproductive system;

 

[66]      En droit, pour que l’on puisse dire qu’un risque existant ou éventuel constitue un « danger » au sens de la partie II du Code, les faits doivent établir ce qui suit :

 

1)      la situation, la tâche ou le risque – existant ou éventuel – en question se présentera probablement;

 

2)      un employé sera exposé à la situation, à la tâche ou au risque quand il se présentera;

 

3)      l’exposition à la situation, à la tâche ou au risque est susceptible de causer une blessure ou une maladie à l’employé à tout moment, mais pas nécessairement chaque fois;

 

4)      la blessure ou la maladie se produira sans doute avant que la situation ou le risque puisse être corrigé, ou la tâche modifiée.

 

[67]      L’élément final requiert un examen des circonstances dans lesquelles on pourrait s’attendre à ce que la situation, la tâche ou le risque entraîne une blessure ou une maladie. Il doit exister une possibilité raisonnable que de telles circonstances se produiront dans l’avenir. Voir la décision Verville c. Canada (Service correctionnel) (2004), 253 F.T.R. 294, paragraphes 33 à 36.

 

[68]      Dans l’arrêt Martin, précité, la Cour d'appel fédérale a donné des indications additionnelles sur la méthode à employer pour savoir si l’on peut s’attendre à ce qu’un risque éventuel ou une tâche future entraîne une blessure ou une maladie. Au paragraphe 37 de ses motifs, la Cour d’appel faisait observer qu’une conclusion de « danger » ne saurait reposer sur des conjectures ou des hypothèses. La tâche d’un agent d'appel, de l’avis de la Cour d'appel, consistait à apprécier la preuve et à dire s’il était probable que les circonstances susceptibles de causer la blessure se produisent dans l’avenir.

 

[69]      En l’espèce, l’agent d'appel a conclu que les risques ergonomiques auxquels était exposée Mme Pollard constituaient un danger. La preuve suivante a été soumise à l’agent d'appel :

 

•           Postes Canada exigeait que tous les facteurs déposent le courrier depuis le côté droit de la chaussée et a dit à Mme Pollard que le dépôt du courrier dans les boîtes aux lettres devait se faire à travers la fenêtre du siège passager avant de son véhicule;

 

•           Mme Pollard a témoigné que, travaillant seule, il lui faudrait s’étirer et s’imposer une torsion depuis son siège pour pouvoir déposer le courrier par la fenêtre du siège passager avant de son véhicule;

 

•           Mme Pollard a témoigné que l’obligation pour elle de s’étirer et de faire des torsions fatiguerait à la longue son dos, son bras, son épaule et sa hanche;

 

•           Mme Marsh, un facteur qui avait livré le courrier sur l’itinéraire rural de Mme Pollard, a témoigné que la livraison du courrier depuis le côté droit de la chaussée avait imposé une grande fatigue à sa région dorsale supérieure, à sa région dorsale inférieure, à son bras droit et à la partie gauche de son corps, ce qui confirmait généralement le témoignage de Mme Pollard;

 

•           Mme Pollard a dit qu’elle s’était tordu le bras et contusionné la jambe la fois où elle avait tenté de déposer le courrier par la fenêtre du siège passager avant de son véhicule;

 

•           le médecin de Mme Pollard a communiqué une note selon laquelle elle ne serait pas apte à livrer le courrier par la fenêtre du siège passager avant de son véhicule, en raison des torsions que cette opération exigeait;

 

•           Mme Pollard a témoigné qu’elle déposait le courrier dans environ 675 boîtes aux lettres chaque jour et qu’il lui fallait environ quatre heures pour exécuter son itinéraire;

 

•           une étude ergonomique, qu’avait menée l’ergonomiste interne de Postes Canada, concluait que les affections ergonomiques que connaissaient les facteurs s’intensifiaient à mesure qu’augmentait le rythme des livraisons;

 

•           l’étude ergonomique donnait à entendre que les risques d’une lésion à long terme augmentaient lorsque le rythme des livraisons dépassait 37 à 40 boîtes aux lettres à l’heure;

 

•           une vidéocassette confirmait qu’un certain nombre de boîtes aux lettres rurales situées sur l’itinéraire de Mme Pollard étaient inclinées du côté opposé à la chaussée;

 

•           la preuve documentaire montrait que, pour répondre aux normes de Postes Canada, une boîte aux lettres rurale doit être positionnée de telle sorte que le facteur puisse l’atteindre, et le poteau de la boîte aux lettres doit être fixé de manière à ce que l’ouverture de la boîte se trouve sur le bord extérieur de l’accotement.

 

[70]      Si l’on considère les faits susmentionnés à la lumière des conditions requises pour qu’il y ait danger selon la partie II du Code, alors je suis d’avis que, au vu de la preuve, l’agent d'appel pouvait conclure comme il l’a fait et que sa conclusion n’était donc pas manifestement déraisonnable.

 

[71]      Je passe maintenant aux erreurs alléguées par Postes Canada. Elles peuvent être résumées ainsi :

 

a.         L’agent d'appel a commis une erreur quand il a dit que l’on pouvait conclure à l’existence d’un danger en se fondant sur un mouvement ergonomique qui dépendait totalement de la volonté de l’employé.

 

b.                  L’agent d'appel a commis une erreur quand il a dit que l’on pouvait conclure à l’existence d’un danger au motif que Postes Canada avait, selon la partie II du Code, l’obligation d’informer ses employés des modes d’exécution du travail en cause et de leur dispenser la formation requise.

 

c.         L’agent d'appel a commis une erreur quand il a dit qu’un rythme des livraisons dépassant 40 boîtes aux lettres à l’heure comportait un risque inhérent de lésion au point que cela constituait un danger dans toutes les circonstances possibles.

 

[72]      J’examinerai successivement chacune des erreurs alléguées.

 

a.  L’agent d'appel a-t-il commis une erreur de droit quand il a dit que l’on pouvait conclure à l’existence d’un danger en se fondant sur un mouvement ergonomique qui dépendait totalement de la volonté de l’employé?

[73]      Postes Canada dit que l’agent d'appel a erré, vu les circonstances suivantes :

 

(i)         l’environnement de travail, le positionnement du corps et le genre de mouvement ergonomique effectué dépendaient uniquement du bon vouloir de l’employé;

 

(ii)        l’incapacité de Mme Pollard d’accomplir les tâches de son poste résultait d’un état pathologique qui lui était propre;

 

(iii)       Mme Pollard n’a pas précisé quel mouvement constituait un « danger »;

 

(iv)       les mouvements ergonomiques constituent une « condition normale d’emploi » et sont par conséquent soustraits aux dispositions relatives au travail dangereux, en application de l’alinéa 128(2)b) du Code.

 

[74]      J’examinerai successivement chacune des circonstances.

 

i.          Mouvement ergonomique relevant uniquement du bon vouloir du facteur

[75]      Postes Canada invoque la décision Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et Tetley, [2001] D.A.A.C.C.T. n° 21 (QL), et la décision Johnson et Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [1999] D.C.C.R.I. n° 41 (QL), pour prétendre que Mme Pollard n’était exposée à aucun danger parce qu’elle maîtrisait son environnement et décidait elle-même de la posture à adopter ou du mouvement à effectuer pour procéder aux livraisons. Postes Canada dit aussi que Mme Pollard décidait elle-même du genre de véhicule qu’elle utilisait pour son itinéraire, ainsi que des options que comportait ce véhicule.

 

[76]      L’agent d'appel a rejeté cet argument, pour les raisons suivantes :

[traduction]

[94]     Dans ma décision, je n’ai accordé aucun poids à l’argument de [l’avocat de Postes Canada] selon lequel C. Pollard aurait pu s’éviter une lésion parce qu’elle avait le choix d’acheter le véhicule qu’elle voulait. Je n’accorde aucun poids non plus à son argument selon lequel elle aurait pu modifier la méthode de livraison en ce qui concernait les corbeilles de courrier. À l’époque de son refus de travailler, C. Pollard travaillait pour [Postes Canada] en tant qu’employée nommée pour une durée indéterminée et non en tant qu’entrepreneuse indépendante. Selon l’article 124 du Code, il appartient à l’employeur de garantir la santé et la sécurité de tous ses employés. Par conséquent, si une lésion pouvait être empêchée grâce à des options portant sur le choix d’un véhicule ou sur les méthodes de travail, [Postes Canada] avait l’obligation, selon la partie II du Code, d’informer ses employés desdites options et de leur donner la formation qu’elles nécessitaient. À titre indicatif, l’article 124 prévoit ce qui suit :

 

124.        L’employeur veille à la protection de ses employés en matière et de santé et de sécurité au travail.

 

[95]     À ce propos, je relève que, dans l’étude ergonomique numéro 4 de [Postes Canada], l’ergonomiste recommandait les mesures suivantes en accord avec cette étude, pour réduire l’exposition des facteurs aux risques ergonomiques :

 

•     à court terme, [Postes Canada] devrait élaborer des pratiques ergonomiques d’excellence à l’usage des facteurs pour la manière de se mouvoir sur leur siège, de manipuler les corbeilles de lettres et d’atteindre les boîtes aux lettres rurales. [Postes Canada] devrait considérer comme un obstacle à la livraison du courrier toute situation où un facteurs n’est pas en mesure d’immobiliser son véhicule à un maximum de 25 pouces de la boîte aux lettres. En outre, [Postes Canada] devrait informer les facteurs des caractéristiques automobiles qui sont avantageuses d’un point de vue ergonomique;

 

•     à long terme, [Postes Canada] devrait enquêter sur les modes subsidiaires de livraison qui n’obligent pas les facteurs à se pencher d’un côté à l’autre de leur véhicule.

 

[77]      L’agent d'appel a entendu les témoignages de Mme Pollard et de Mme Marsh sur l’effort et le risque de blessure que comporte le dépôt du courrier à travers la fenêtre du siège passager avant. À mon avis, l’agent d'appel n’a pas commis d’erreur en concluant que, s’il existait quelque moyen d’éviter des lésions en recourant à d’autres mouvements ou à d’autres véhicules, alors Postes Canada avait l’obligation d’informer Mme Pollard de telles options et de lui offrir la formation requise.

 

[78]      Dans la mesure où Postes Canada fait valoir que Mme Pollard avait la maîtrise de son environnement de travail, je relève que la livraison du courrier par la fenêtre du siège passager avant était la méthode de livraison imposée à l’époque pertinente par Postes Canada.

Postes Canada n’a signalé aucune preuve contraire donnant à penser que cette méthode de livraison aurait pu être employée par Mme Pollard en toute sécurité d’un point de vue ergonomique.

 

[79]      Finalement, j’accepte l’argument de Mme Pollard selon lequel l’espèce Tetley, précitée, ne concernait pas les mêmes faits que la présente espèce et que l’espèce Johnson, précitée, se distingue de la présente affaire parce qu’elle concernait une définition du mot « danger » antérieure à 2000. Il convient cependant de noter que, dans l’affaire Johnson, le membre du CCRI avait relevé que la fréquence de l’exposition à un risque pouvait conduire à une situation qui s’apparentait à une situation de danger.

 

ii.         L’incapacité de Mme Pollard d’accomplir ses fonctions était causée par son état pathologique

[80]      Selon Postes Canada, c’était l’état pathologique sous-jacent de Mme Pollard qui lui rendait difficile l’accomplissement de ses fonctions, et son travail n’était pas dangereux au sens du Code. Il s’ensuit, de soutenir Postes Canada, que l’incidence ergonomique du travail sur l’état pathologique préexistant de Mme Pollard échappe à la portée de la partie II du Code. Postes Canada dit aussi que, même si la Société avait peut-être l’obligation de consentir des aménagements à Mme Pollard conformément à la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6, la plainte de Mme Pollard ne donne pas lieu à un danger parce qu’elle concerne son état sous-jacent.

 

[81]      L’agent d'appel a rejeté cet argument pour les raisons suivantes :

[traduction]

[96]     [L’avocat de Postes Canada] a fait valoir que C. Pollard souffrait d’une lésion dorsale existante et que le danger auquel elle serait exposée était dû à son propre état pathologique. Par conséquent, il estimait que l’unique responsabilité de [Postes Canada] allait peut-être jusqu’à consentir des aménagements à C. Pollard. Je n’accorde aucun poids réel à cet argument parce que je trouve crédible et digne de foi le témoignage de C. Pollard selon lequel elle souffrait d’arthrite au dos, mais non pas de douleurs dorsales constantes qui exigeaient les aménagements réglementaires évoqués par l’[avocat de Postes Canada]. Je déduis également de la note de son médecin que la difficulté qu’éprouvait C. Pollard était l’obligation pour elle de s’imposer une torsion du corps pour déposer le courrier à travers la fenêtre du siège passager avant de son véhicule.

 

[97]     Je ne prends pas position ici en ce qui a trait à l’application de la notion de « personne ordinaire » pour l’interprétation de la définition du mot « danger », dans la partie II, mais je serais d’avis que cette notion, évoquée par l’[avocat de Postes Canada] englobe un éventail d’affections physiques et mentales qui sont inhérentes à la condition humaine. Ces affections physiques et mentales s’amplifieront en général avec l’âge sans exiger de l’employeur qu’il consente des aménagements à son employé.

 

[98]     Dans cette perspective, il ressort de l’article 14.48 de la partie XIV, Manipulation des matériaux, du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail que l’employeur est tenu d’élaborer des procédures qui prennent en compte les capacités de l’employé. Je vois peu de différence en principe avec la manutention du courrier. L’article 14.48 est ainsi rédigé :

 

14.48                 L’employeur doit donner à tout employé chargé de soulever ou de transporter manuellement des charges de plus de 10 kg la formation et l’entraînement portant sur :

a) la façon de soulever et de transporter les charges en toute sécurité, tout en réduisant l’effort au minimum;

b) les techniques de travail adaptées à l’état physique de l’employé et aux conditions du lieu de travail.

 

[99]       Eu égard à la preuve, je crois que les douleurs dorsales évoquées par le médecin de C. Pollard entrent dans la notion de « personne moyenne » et sont sans rapport avec l’obligation d’un employeur de consentir des aménagements à son employé selon un autre texte législatif que la partie II du Code.

[Non souligné dans l'original.]

 

[82]      L’agent d'appel a donc tenu pour avéré que Mme Pollard souffrait d’arthrite, par opposition à des douleurs dorsales constantes appelant des aménagements réglementaires, et que la principale difficulté était l’obligation pour elle de s’imposer un mouvement de torsion pour pouvoir déposer le courrier par la fenêtre du siège passager avant de son véhicule.

 

[83]      Dans son témoignage, Mme Pollard avait dit qu’elle ne souffrait pas de douleurs dorsales existantes, mais qu’elle viendrait à souffrir de douleurs dorsales en raison de la torsion qu’elle devait s’imposer pour déposer le courrier à travers la fenêtre du siège passager avant. Le médecin de Mme Pollard avait aussi remis une note dans laquelle il attribuait ses difficultés à ce mouvement de torsion. Mme Marsh avait elle aussi témoigné que le dépôt du courrier à travers la fenêtre du siège passager avant était très fatiguant pour la partie supérieure et la partie inférieure de son dos. Mme Marsh avait donc déposé une déclaration de lésion et refusé de livrer le courrier pour des motifs de santé et de sécurité au travail.

 

[84]      Les conclusions factuelles de l’agent d'appel étaient donc autorisées par la preuve et n’étaient pas manifestement déraisonnables. Selon moi, ces conclusions autorisaient l’agent d'appel à rejeter l’argument de Postes Canada selon lequel le risque auquel était exposée Mme Pollard était dû à son état sous-jacent.

 

iii.        Spécificité du mouvement

[85]      Postes Canada fait valoir que Mme Pollard n’a pas précisé quel mouvement constituait un danger et que, dans les circonstances de la présente affaire, il n’existe aucun danger parce qu’il y a un nombre presque infini de mouvements et de positions possibles pour effectuer la livraison du courrier, mais il n’est pas établi que l’un quelconque de ces mouvements risque d’entraîner une lésion.

 

[86]      Postes Canada fait aussi valoir que la définition de « danger » requiert quelque chose d’imminent, c’est-à-dire que la blessure ou la maladie doit se manifester avant que le risque ou la situation ne puisse être corrigé ou que l’activité future ne puisse être modifiée. Postes Canada dit cependant qu’il n’y a rien d’imminent pour ce qui concerne la livraison du courrier à travers la fenêtre du siège passager avant d’un véhicule.

 

[87]      L’agent d'appel a rejeté le premier argument, pour la raison suivante :

[traduction]

[100]   Je suis également d’avis qu’il n’y a nul bien-fondé dans l’argument de l’[avocat de Postes Canada] selon lequel on ne saurait conclure à l’existence d’un danger parce que C. Pollard n’avait pas précisé quel mouvement lui causerait une lésion. Au contraire, C. Pollard a dit qu’elle devait s’étirer sur six ou huit pieds pour déposer le courrier dans les boîtes aux lettres à travers la fenêtre du siège passager avant, pour retirer le courrier desdites boîtes et pour lever la banderole placée sur les boîtes. Elle a précisé que l’obligation pour elle de s’étirer et de s’imposer une torsion lui faisait mal au dos et aux jambes. Elle s’est plainte que la situation empirait parce qu’elle ouvrait environ 700 boîtes aux lettres chaque jour, cinq jours par semaine, et qu’il lui fallait environ quatre heures pour terminer son itinéraire.

 

[88]      À mon avis, Mme Pollard a défini l’activité en cause avec suffisamment de précision pour permettre à l’agent d'appel d’évaluer son refus de travailler, et l’agent d'appel n’a pas commis d’erreur en rejetant l’argument de Postes Canada. Obliger une employée à donner une description plus technique du mouvement dont elle affirme qu’il donne lieu à un danger serait faire reposer sur l’employée un fardeau excessif et, à mon avis, cela serait contraire à l’objectif de la partie II du Code.

 

[89]      Quant à l’élément d’imminence, l’agent d'appel a passé en revue la jurisprudence applicable et a conclu que la définition de « danger » [traduction] « requiert seulement que l’on vérifie dans quelles circonstances le risque éventuel pourrait causer une blessure et qu’il soit établi qu’il est raisonnablement probable, et pas simplement possible, que telles circonstances se produiront dans l’avenir ».

 

[90]      L’agent d'appel a alors passé en revue les preuves suivantes :

·      alors que l’étude ergonomique menée pour Postes Canada révélait qu’il y avait risque de lésion à long terme lorsque le nombre de boîtes aux lettres desservies dépassait 37 à 40 chaque heure, Mme Pollard devait faire 700 arrêts en l’espace d’environ quatre heures;

·      Postes Canada n’avait pas dispensé à Mme Pollard la formation requise pour qu’elle fasse ses livraisons en toute sécurité par la fenêtre du siège passager avant de son véhicule;

·      plusieurs boîtes aux lettres le long de l’itinéraire de Mme Pollard étaient inclinées du côté opposé à la chaussée de telle sorte que la distance qu’elle devait franchir était encore plus importante que la normale.

 

[91]      L’agent d'appel faisait ensuite observer que l’élément d’imminence requis était confirmé par les preuves suivantes :

  • il n’était pas établi que Postes Canada avait consulté son comité de la santé et de la sécurité à propos de l’abandon de la pratique consistant à livrer le courrier depuis l’accotement gauche de la chaussée;
  • la preuve montrait que le processus de résolution des plaintes, à Postes Canada, était déficient;
  • l’itinéraire de Mme Pollard n’était pas inspecté chaque année comme l’exigeait la politique de Postes Canada, et aucune mesure n’avait été prise pour neutraliser les risques posés par son itinéraire;
  • Postes Canada n’avait pas résolument consulté ses employés sur les études relatives à la santé et à la sécurité, comme l’exigeait le Code;
  • contrairement aux exigences du Code, la gestionnaire qui avait témoigné à l’audience au nom de Postes Canada n’avait reçu aucune formation concernant ses responsabilités.

 

[92]      Puis l’agent d'appel concluait ainsi :

[traduction]

[112]   Tout cela donne à penser que le système interne de responsabilité à [Postes Canada] était quelque peu déficient à l’époque. À cause de cela, et eu égard à l’ensemble de la preuve, je suis d’avis qu’il est raisonnable dans ces conditions de croire que C. Pollard aurait subi des lésions par suite de son exposition aux risques ergonomiques rattachés au fait de livrer le courrier à travers la fenêtre du siège passager avant de son véhicule, et cela avant que les risques aient pu être neutralisés.

 

[93]      À mon avis, l’agent d'appel n’a commis aucune erreur de droit quand il a exposé le critère applicable et, d’après la preuve qu’il avait devant lui, il n’a pas commis d’erreur en disant qu’il y avait un élément d’imminence dans le danger auquel était exposée Mme Pollard.

 

iv.        Condition normale d’emploi

[94]      L’alinéa 128(2)b) du Code prévoit une exception quant à l’existence d’un danger lorsque le danger est une condition normale d’emploi :

128(2) L’employé ne peut invoquer le présent article pour refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche lorsque, selon le cas :

 

[...]

 

b) le danger visé au paragraphe (1) constitue une condition normale de son emploi.

128(2) An employee may not, under this section, refuse to use or operate a machine or thing, to work in a place or to perform an activity if

 

 

 

[...]

 

(b) the danger referred to in subsection (1) is a normal condition of employment.

 

[95]      Se fondant sur des précédents tels que la décision François Lalonde et Société canadienne des postes, [1989] D.C.C.R.I. n° 731 (QL) [traduction] et la décision Robitaille et VIA Rail Ltée, [2005] D.A.A.C.C.T. n° 54 (QL), Postes Canada fait valoir que l’obligation d’un facteur d’exécuter des rotations et de se pencher pour livrer le courrier à travers la fenêtre du siège passager avant de son véhicule est une condition normale et intrinsèque du travail d’un facteur. De telles activités seraient donc soustraites au droit de refuser de travailler qui est conféré par le Code.

 

[96]      L’agent d'appel a rejeté cet argument en se fondant sur un jugement de la Cour, Verville c. Canada (Service correctionnel), précité. Dans cette affaire, ma collègue la juge Gauthier examinait la teneur de l’alinéa 128(2)b) du Code. Au paragraphe 55 de ses motifs, elle écrivait :

Le sens ordinaire des mots de l'alinéa 128(2)b) milite en faveur des points de vue exprimés dans ces décisions de la Commission, parce que le mot « normal » s'entend de quelque chose de régulier, d'un état ou niveau des affaires qui est habituel, de quelque chose qui ne sort pas de l'ordinaire. Il serait donc logique d'exclure un niveau de risque qui n'est pas une caractéristique essentielle, mais qui dépend de la méthode employée pour exécuter une tâche ou exercer une activité. En ce sens, et à titre d'exemple, dirait-on qu'il entre dans les conditions normales d'emploi d'un gardien de sécurité de transporter de l'argent à partir d'un établissement bancaire si des modifications étaient apportées à son emploi de telle sorte que cette tâche doive être exécutée sans arme à feu, sans compagnon et dans un véhicule non blindé?                                                     [Non souligné dans l'original.]

 

[97]      L’agent d'appel a conclu du passage précité que [traduction] « un danger normal n’est pas un danger rattaché à la méthode qui pourrait généralement être modifiée pour éliminer ou éviter le danger. Cette observation s’appliquerait à C. Pollard ».

 

[98]      Postes Canada n’a pas prétendu que la juge Gauthier était dans l’erreur quand elle avait interprété l’alinéa 128(2)b) comme une disposition excluant de la notion de « condition normale d’emploi » un risque qui n’est pas inhérent, mais qui dépend plutôt de la méthode employée pour accomplir une tâche. Je ne vois aucune erreur dans la manière dont l’agent d'appel a interprété la décision Verville, précitée, rendue par la juge Gauthier.

 

[99]      S’agissant de l’application de ce principe à la preuve que l’agent d'appel avait devant lui, Mme Marsh a témoigné que, après qu’elle eût déposé sa déclaration de lésion, Postes Canada lui avait fourni les services d’un auxiliaire qui s’assoyait sur le siège passager de son véhicule et qui livrait le courrier à travers la fenêtre du siège passager avant. Tous les risques ergonomiques évoqués par Mme Pollard avaient de ce fait disparu. Il était établi également que des boîtes aux lettres communautaires ou des véhicules de livraison avec conduite à droite étaient d’autres méthodes de livraison du courrier qui neutraliseraient les risques ergonomiques.

 

[100]    Au vu de cette preuve, il n’était pas, selon moi, manifestement déraisonnable pour l’agent d'appel de dire que le « danger » n’était pas une caractéristique essentielle de la livraison du courrier en milieu rural et donc que l’alinéa 128(2)b) du Code ne s’appliquait pas. Le « danger » résultait de l’obligation imposée aux facteurs de conduire sur le côté droit de la chaussée et de livrer le courrier sans l’aide d’un auxiliaire, à travers la fenêtre du siège passager avant.

 

[101]    Par ailleurs, la preuve soumise à l’agent d'appel établissait que, même après le refus de Mme Pollard de travailler, son itinéraire de livraison a continué d’inclure plusieurs boîtes aux lettres qui ne répondaient pas aux spécifications de Postes Canada. J’ai du mal à admettre que la livraison du courrier dans des boîtes aux lettres qui ne sont pas conformes aux propres politiques de Postes Canada puisse constituer une condition normale de l’emploi d’un facteur.

 

b.  L’agent d'appel a-t-il commis une erreur de droit quand il a dit que l’on pouvait conclure à l’existence d’un danger au motif que Postes Canada avait, selon la partie II du Code, l’obligation d’informer ses employés des modes d’exécution du travail en cause et de leur dispenser la formation requise?

[102]    Postes Canada dit qu’un « important sujet de préoccupation » pour l’agent d'appel était l’absence de formation des facteurs à la fonction consistant à livrer le courrier depuis le côté droit de la chaussée. Postes Canada dit aussi que le raisonnement de l’agent d'appel signifie implicitement que, si un employé est à même d’accomplir un mouvement ergonomique d’une manière sûre ou non sûre, il y aura danger dans la mesure où Postes Canada ne dispense pas une formation « à propos de mouvements que tout un chacun accomplit chaque jour ». Postes Canada dit aussi que la décision de l’agent d'appel a pour effet d’obliger la Société à former ses employés à l’accomplissement d’une série de mouvements qui varieront selon la configuration du véhicule de chacun des facteurs.

 

[103]    Sur ce point, l’agent d'appel écrivait :

[traduction]

[103]     S’ajoute à cela le fait que [Postes Canada] n’avait pas dispensé à C. Pollard une formation sur la livraison du courrier à partir du côté droit de la chaussée d’une manière qui convienne à son état physique et à son environnement de travail, alors que Postes Canada l’avait informée le 24 novembre 2004 que ses livraisons devaient se faire de cette manière. En fait, [Postes Canada] ne lui a dispensé aucune formation. L’absence de formation n’était pas surprenante puisqu’il semblait que [Postes Canada] n’avait pas vu la nécessité de revoir les méthodes de livraison du courrier par les facteurs à partir de leurs véhicules après que la Société les eut informés que la livraison à partir du côté gauche de la chaussée n’était plus autorisée.

 

[104]    Je mets en doute l’affirmation de Postes Canada selon laquelle il s’agissait là pour l’agent d'appel d’un « important sujet de préoccupation ». Il me semble plutôt que l’agent d'appel répondait à l’argument de Postes Canada, pour qui Mme Pollard aurait pu s’éviter des lésions en achetant un autre véhicule ou en modifiant son mode de livraison. Dans ce contexte, l’agent d'appel n’a pas commis d’erreur en faisant observer que, si les lésions pouvaient être évitées grâce aux options se rapportant au choix d’un véhicule ou d’une méthode de travail, alors Postes Canada avait l’obligation d’informer ses employés de telles options et de leur fournir la formation requise. Cette conclusion de l’agent d'appel était autorisée par l’article 124 et l’alinéa 125(1)q) du Code.

 

c.  L’agent d'appel a-t-il commis une erreur de droit quand il a dit, sans preuve, qu’un rythme de livraison dépassant 40 boîtes aux lettres à l’heure comportait un risque inhérent de lésion au point que cela constituait un danger dans toutes les circonstances possibles?

[105]    Les arguments de Postes Canada sur ce point sont les suivants :

[traduction]

53.       Postes Canada dit que, vu l’absence de toute preuve dans le dossier permettant de conclure qu’il y avait un risque inhérent de lésion lorsque le rythme de livraison dépassait 40 boîtes aux lettres par heure, la décision de l’[agent d'appel] est manifestement déraisonnable. La décision de l’[agent d'appel] s’appuyait largement sur l’étude ergonomique effectuée par l’ergonomiste de Postes Canada, Chris Eady. L’étude n’était pas statistiquement pertinente, puisqu’elle portait sur un nombre limité d’évaluations. L’étude concluait qu’il y avait des sujets de préoccupation sur le plan ergonomique, mais elle concluait aussi qu’il n’y avait aucun risque immédiat pour les facteurs.

 

54.       L’[agent d'appel] a accepté les constatations de l’ergonomiste, mais a refusé d’accepter cette conclusion. Il a estimé en effet, étant donné le rapport, qu’il existait un risque inhérent de lésion lorsque le rythme de livraison dépassait 40 boîtes aux lettres par heure, alors que le rapport mentionnait seulement que, au-delà d’un tel rythme, il pouvait y avoir des conséquences à long terme. Il n’y avait pas d’autre preuve objective sur laquelle l’[agent d'appel] pouvait appuyer cette conclusion. Les conclusions de l’[agent d'appel] étaient exposées d’une manière péremptoire, dans les termes suivants :

 

« à court terme, [Postes Canada] devrait élaborer des pratiques ergonomiques d’excellence à l’usage des facteurs pour la manière de se mouvoir sur leur siège, de manipuler les corbeilles de lettres et d’atteindre les boîtes aux lettres rurales. [Postes Canada] devrait considérer comme un obstacle à la livraison du courrier toute situation où un facteur n’est pas en mesure d’immobiliser son véhicule à un maximum de 25 pouces de la boîte aux lettres rurale. En outre, [Postes Canada] devrait informer les facteurs des caractéristiques automobiles qui sont avantageuses d’un point de vue ergonomique »;

 

« à long terme, [Postes Canada] devrait enquêter sur les modes subsidiaires de livraison qui n’obligent pas les facteurs à se déplacer d’un côté à l’autre de leur véhicule ».

 

55.       S’agissant de ce rapport ergonomique, l’[agent d'appel] poursuivait ainsi :

 

« Le rapport ergonomique de [Postes Canada] concluait que les risques ergonomiques afférents augmentaient, pour toutes les méthodes observées de livraison, à mesure que s’accroissait le nombre de boîtes aux lettres desservies par heure. Selon le rapport, aucun risque immédiat de lésion ne résultait de la livraison du courrier à partir du camion ou de la fourgonnette mis à l’essai dans l’étude, mais l’on pouvait y lire qu’il y avait risque de lésion à long terme lorsque le nombre de boîtes aux lettres dépassait 37 à 40 en une heure. Dans le cas présent, C. Pollard devait desservir 700 boîtes aux lettres sur une période d’environ quatre heures. Pour ne pas dépasser 40 boîtes à l’heure, C. Pollard aurait besoin de plus de 17 heures chaque jour pour faire son itinéraire. Son rythme effectif de livraison dépassait donc quatre fois le rythme de 40 boîtes aux lettres à l’heure. À cause de cela, et puisque l’étude ergonomique ne considérait qu’un nombre de 45 arrêts pour chaque scénario, j’accorde peu de poids à l’idée, exposée dans le rapport, que les facteurs n’étaient sans doute pas exposés à un risque immédiat de par leur travail ». [Souligné dans l’original; omission des renvois à la preuve.]

 

56.       Par conséquent, la conclusion de l’[agent d'appel] à propos du rapport est manifestement déraisonnable, vu l’absence de preuves pouvant appuyer une telle conclusion.

 

[106]    Je relève d’emblée que, au paragraphe 54 de ses conclusions écrites, Postes Canada prétend reprendre certaines conclusions de l’agent d'appel qui seraient, d’après elle, « exposées d’une manière péremptoire ». En fait, la lecture du paragraphe 95 des motifs de l’agent d'appel montre que l’agent n’est arrivé à aucune conclusion du genre. Il citait plutôt deux recommandations d’une étude ergonomique préparée pour Postes Canada à propos de la nécessité d’informer les employés et de leur dispenser une formation.

 

[107]    La portion des motifs de l’agent d'appel qui est citée au paragraphe 55 des conclusions écrites de Postes Canada se trouve au paragraphe 102 de la décision de l’agent d'appel, où l’agent examinait l’élément d’imminence requis par la définition de « danger.

 

[108]    Après lecture objective de la décision de l’agent d'appel, je ne puis admettre l’argument de Postes Canada selon lequel l’agent a conclu qu’il y avait un risque inhérent de lésion lorsque le rythme de livraison dépassait 40 boîtes aux lettres à l’heure. L’agent écrivait plutôt que les risques ergonomiques augmentaient à mesure que s’accroissait le nombre de boîtes aux lettres desservies, que le risque de lésion à long terme devenait préoccupant lorsque le rythme de livraison dépassait 37 à 40 boîtes à l’heure et que le rythme de livraison de Mme Pollard dépassait largement ce chiffre. Cette preuve intéressait l’application de la définition de « danger », une définition expliquée dans la décision Verville et dans l’arrêt Martin, tous deux précités.

 

[109]    Dans la mesure où l’agent d'appel se fondait, en partie, sur une déduction tirée de l’étude ergonomique pour conclure que le risque découlant de l’obligation pour un facteur de s’étirer et de s’imposer une torsion du corps pour livrer le courrier à travers la fenêtre du siège passager avant de son véhicule pouvait raisonnablement entraîner des lésions pour Mme Pollard, une telle conclusion n’était pas manifestement déraisonnable.

 

[110]    La décision de l’agent d'appel d’accorder peu de poids à l’opinion, exprimée dans l’étude ergonomique, selon laquelle les facteurs n’étaient sans doute pas exposés à un risque immédiat n’était pas elle non plus une décision manifestement déraisonnable, compte tenu du rythme de livraison considéré dans l’étude.

 

Dispositif et dépens

[111]    Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie. La décision et l’instruction de l’agent d'appel se rapportant à la question de la sécurité routière sont annulées. La demande de contrôle judiciaire est rejetée pour ce qui concerne la décision et l’instruction de l’agent se rapportant aux questions ergonomiques.

 

[112]    Quant au redressement à accorder par suite du manquement à l’équité procédurale, les parties reconnaissent que la décision portant sur la question de la sécurité routière peut être séparée de la décision relative aux questions ergonomiques. Pour ce motif, la décision et l’instruction se rapportant aux questions ergonomiques peuvent être confirmées, tandis que la décision et l’instruction se rapportant à la question de la sécurité routière peuvent être annulées.

 

[113]    Dans des conclusions écrites supplémentaires, Postes Canada faisait valoir que, en tout état de cause, la solution la plus indiquée serait de simplement annuler la décision relative à la question de la sécurité routière, sans renvoyer l’affaire au BCASST. De l’avis de Postes Canada, [traduction] « beaucoup de choses ont changé depuis la date du refus initial [de travailler], tant pour l’itinéraire que pour les instruments ou méthodes d’évaluation se rapportant à la sécurité routière des facteurs ». Postes Canada soutient donc que les parties seraient mieux servies si la présente affaire était résolue par elles-mêmes conformément à la partie II du Code. Postes Canada fait observer que, une fois ce processus achevé, il serait encore possible de recourir à un agent d’appel.

 

[114]    Subsidiairement, Postes Canada dit que l’affaire devrait être renvoyée à un autre agent d’appel parce que le premier agent d'appel [traduction] « a déjà exprimé une conclusion sur la question de la sécurité routière et aura vu sa décision infirmée par la Cour pour cause de vice de procédure ».

 

[115]    Selon Mme Pollard, l’affaire devrait être renvoyée au premier agent d'appel parce qu’« il connaît le dossier et qu’il serait plus opportun que ce soit lui qui reprenne l’audience sur cette question ». Mme Pollard fait observer que Postes Canada n’a pas donné à entendre que le premier agent serait partial ou incapable de rendre une décision objective.

 

[116]    Je ne suis pas disposée à simplement annuler la décision et l’instruction se rapportant à la sécurité routière sans renvoyer l’affaire au BCASST. Il ne s’agit pas ici du redressement initialement sollicité par Postes Canada, et aucune preuve n’a été produite devant la Cour à propos de ce qui a pu changer depuis la décision initiale de l’agent d'appel. En outre, il y a, selon moi, une réelle possibilité qu’une telle ligne de conduite entraîne d’autres délais.

 

[117]    S’agissant de savoir si la question de la sécurité routière devrait être renvoyée au premier agent d'appel, une affaire peut, selon les règles de droit, être renvoyée au décideur initial, pour autant qu’il n’y a pas lieu de craindre que le décideur initial ne statuera pas sur l’affaire d’une manière objective.

 

[118]    Sara Blake, dans son ouvrage intitulé Administrative Law in Canada (4e édition), écrit à la page 220 qu’il est préférable que [traduction] « une nouvelle audience soit tenue par le même tribunal administratif, surtout si une partie seulement de l’instance est annulée et renvoyée, étant donné que ce tribunal connaît bien le dossier ».

 

[119]    Le décideur peut statuer à nouveau sur une affaire après que sa décision initiale a été annulée, même si la première décision a été annulée pour manquement à l’obligation d’équité. Voir l’arrêt Deigan c. Canada (Industrie) (2000), 258 N.R. 103 (C.A.F.), et l’arrêt Gale c. Canada (Conseil du Trésor) (2004), 316 N.R. 395 (C.A.F.).

 

[120]    En l’espèce, aucune partialité n’a été établie, ni aucune crainte raisonnable de partialité. Après examen attentif de la transcription de l’audience initiale, je n’ai aucune raison de croire que le premier agent d'appel, après audition de l’ensemble de la preuve, ne statuerait pas objectivement sur la question de la sécurité routière.

 

[121]    L’affaire sera donc renvoyée au BCASST pour nouvelle décision du premier agent d'appel, sauf s’il n’est pas raisonnablement disponible.

 

[122]    S’agissant des dépens, les avocats étaient convenus que les dépens suivraient l’issue de la cause. Si les deux parties obtenaient gain de cause, les dépens seraient laissés à l’appréciation de la Cour.

 

[123]    Les deux parties ont obtenu gain de cause et, eu égard à l’ensemble des circonstances, je suis d’avis qu’il ne devrait pas y avoir adjudication de dépens. Chacune des parties supportera donc ses propres dépens au regard de la demande.

 

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie. La décision et l’instruction de l’agent d'appel se rapportant à la question de la sécurité routière sont annulées;

 

2.         La question de l’existence de risques en matière de sécurité routière et celle de savoir si ces risques constituent un danger sont renvoyées au BCASST pour nouvelle décision du premier agent d'appel, M. Malanka, sauf s’il n’est pas raisonnablement disponible. Dans cette éventualité, l’affaire pourra être tranchée par un autre agent d'appel.

 

3.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée pour ce qui concerne la décision et l’instruction de l’agent d'appel se rapportant aux questions ergonomiques.

 

4.         Il n’est pas adjugé de dépens.

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

David Aubry, LL.B.

ANNEXE A

 

 

Sont reproduits ci-après le paragraphe 122(1), les articles 122.1 et 124, l’alinéa 125(1)q), les paragraphes 128(1) et (2), l’article 129, les paragraphes 145(1) et (2), l’article 145.1, les paragraphes 146.1(1) et (2), ainsi que les articles 146.2, 146.3 et 146.4 du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2 :

 

122(1) «danger » Situation, tâche ou risque — existant ou éventuel — susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade — même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats — , avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

 

 

[...]

 

122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions.

 

 

[...]

 

124 L’employeur veille à la protection de ses employés en

 

matière de santé et de sécurité au travail.

 

[...]

 

125(1)q) d’offrir à chaque employé, selon les modalités réglementaires, l’information, la formation, l’entraînement et la surveillance nécessaires pour assurer sa santé et sa sécurité;

 

[...]

 

128(1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

a) l’utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

c) l’accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

 

(2) L’employé ne peut invoquer le présent article pour refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche lorsque, selon le cas :

a) son refus met directement en danger la vie, la santé ou la sécurité d’une autre personne;

b) le danger visé au paragraphe (1) constitue une condition normale de son emploi.

 

[...]

 

129(1) Une fois informé, conformément au paragraphe 128(13), du maintien du refus, l’agent de santé et de sécurité effectue sans délai une enquête sur la question en présence de l’employeur, de l’employé et d’un membre du comité local ayant été choisi par les employés ou du représentant, selon le cas, ou, à défaut, de tout employé du même lieu de travail que désigne l’employé intéressé, ou fait effectuer cette enquête par un autre agent de santé et de sécurité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(2) Lorsque plusieurs employés maintiennent leur refus, ils peuvent désigner l’un d’entre eux pour agir en leur nom dans le cadre de l’enquête.

 

 

(3) L’agent peut procéder à l’enquête en l’absence de toute personne mentionnée aux paragraphes (1) ou (2) qui décide de ne pas y assister.

 

 

(4) Au terme de l’enquête, l’agent décide de l’existence du danger et informe aussitôt par écrit l’employeur et l’employé de sa décision.

 

 

 

(5) Avant la tenue de l’enquête et tant que l’agent n’a pas rendu sa décision, l’employeur peut exiger la présence de l’employé en un lieu sûr proche du lieu en cause ou affecter celui-ci à d’autres tâches convenables. Il ne peut toutefois affecter un autre employé au poste du premier que si les conditions suivantes sont réunies :

 

 

 

 

a) cet employé a les compétences voulues;

b) il a fait part à cet employé du refus de son prédécesseur et des motifs refus;

c) il croit, pour des motifs raisonnables, que le remplacement ne constitue pas un danger pour cet employé.

 

(6) S’il conclut à l’existence du danger, l’agent donne, en vertu du paragraphe 145(2), les instructions qu’il juge indiquées. L’employé peut maintenir son refus jusqu’à l’exécution des instructions ou leur modification ou annulation dans le cadre de la présente partie.

 

 

 

 

(7) Si l’agent conclut à l’absence de danger, l’employé ne peut se prévaloir de l’article 128 ou du présent article pour maintenir son refus; il peut toutefois — personnellement ou par l’entremise de la personne qu’il désigne à cette fin — appeler par écrit de la décision à un agent d’appel dans un délai de dix jours à compter de la réception de celle-ci.

 

 

 

 

[...]

145(1) S’il est d’avis qu’une contravention à la présente partie vient d’être commise ou est en train de l’être, l’agent de santé et de sécurité peut donner à l’employeur ou à l’employé en cause l’instruction :

a) d’y mettre fin dans le délai qu’il précise;

 

b) de prendre, dans les délais précisés, les mesures qu’il précise pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.

 

 

[...]

 

145(2) S’il estime que l’utilisation d’une machine ou chose, une situation existant dans un lieu de travail ou l’accomplissement d’une tâche constitue un danger pour un employé au travail, l’agent :

a) en avertit l’employeur et lui enjoint, par instruction écrite, de procéder, immédiatement ou dans le délai qu’il précise, à la prise de mesures propres :

 

(i) soit à écarter le risque, à corriger la situation ou à modifier la tâche,

 

(ii) soit à protéger les personnes contre ce danger;

b) peut en outre, s’il estime qu’il est impossible dans l’immédiat de prendre les mesures prévues à l’alinéa a), interdire, par instruction écrite donnée à l’employeur, l’utilisation du lieu, de la machine ou de la chose ou l’accomplissement de la tâche en cause jusqu’à ce que ses instructions aient été exécutées, le présent alinéa n’ayant toutefois pas pour effet d’empêcher toute mesure nécessaire à la mise en œuvre des instructions.

 

 

 

 

[...]

145.1 (1) Le ministre peut désigner toute personne compétente à titre d’agent d’appel pour l’application de la présente partie.

 

 

(2) Pour l’application des articles 146 à 146.5, l’agent d’appel est investi des mêmes attributions — notamment en matière d’immunité — que l’agent de santé et de sécurité.

 

[...]

 

146.1 (1) Saisi d’un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l’article 146, l’agent d’appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut :

a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions;

b) soit donner, dans le cadre des paragraphes 145(2) ou (2.1), les instructions qu’il juge indiquées.

 

(2) Il avise par écrit de sa décision, de ses motifs et des instructions qui en découlent l’employeur, l’employé ou le syndicat en cause; l’employeur en transmet copie sans délai au comité local ou au représentant.

 

 

 

 

[...]

146.2 Dans le cadre de la procédure prévue au paragraphe 146.1(1), l’agent d’appel peut :

a) convoquer des témoins et les contraindre à comparaître et à déposer sous serment, oralement ou par écrit, ainsi qu’à produire les documents et les pièces qu’il estime nécessaires pour lui permettre de rendre sa décision;

b) faire prêter serment et recevoir des affirmations solennelles;

c) recevoir sous serment, par voie d’affidavit ou sous une autre forme, tous témoignages et renseignements qu’il juge indiqués, qu’ils soient admissibles ou non en justice;

d) procéder, s’il le juge nécessaire, à l’examen de dossiers ou registres et à la tenue d’enquêtes;

e) suspendre ou remettre la procédure à tout moment;

f) abréger ou proroger les délais applicables à l’introduction de la procédure, à l’accomplissement d’un acte, au dépôt d’un document ou à la présentation d’éléments de preuve;

g) en tout état de cause, accorder le statut de partie à toute personne ou tout groupe qui, à son avis, a essentiellement les mêmes intérêts qu’une des parties et pourrait être concerné par la décision;

h) fixer lui-même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie la possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations, d’une part, et de tenir compte de l’information contenue dans le dossier, d’autre part;

i) trancher toute affaire ou question sans tenir d’audience;

j) ordonner l’utilisation de modes de télécommunications permettant aux parties et à lui-même de communiquer les uns avec les autres simultanément.

 

146.3 Les décisions de l’agent d’appel sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.

 

146.4 Il n’est admis aucun recours ou décision judiciaire — notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto — visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l’action de l’agent d’appel exercée dans le cadre de la présente partie.

122(1) "danger" means any existing or potential hazard or condition or any current or future activity that could reasonably be expected to cause injury or illness to a person exposed to it before the hazard or condition can be corrected, or the activity altered, whether or not the injury or illness occurs immediately after the exposure to the hazard, condition or activity, and includes any exposure to a hazardous substance that is likely to result in a chronic illness, in disease or in damage to the reproductive system;

 

[...]

 

122.1 The purpose of this Part is to prevent accidents and injury to health arising out of, linked with or occurring in the course of employment to which this Part applies.

 

[...]

 

124 Every employer shall ensure that the health and safety at work of every person employed by the employer is protected.

[...]

 

 

125(1)(q) provide, in the prescribed manner, each employee with the information, instruction, training and supervision necessary to ensure their health and safety at work;

 

[...]

 

128(1) Subject to this section, an employee may refuse to use or operate a machine or thing, to work in a place or to perform an activity, if the employee while at work has reasonable cause to believe that

 

(a) the use or operation of the machine or thing constitutes a danger to the employee or to another employee;

(b) a condition exists in the place that constitutes a danger to the employee; or

(c) the performance of the activity constitutes a danger to the employee or to another employee.

 

 

(2) An employee may not, under this section, refuse to use or operate a machine or thing, to work in a place or to perform an activity if

 

(a) the refusal puts the life, health or safety of another person directly in danger; or

(b) the danger referred to in subsection (1) is a normal condition of employment.

 

 

[...]

 

129(1) On being notified that an employee continues to refuse to use or operate a machine or thing, work in a place or perform an activity under subsection 128(13), the health and safety officer shall without delay investigate or cause another officer to investigate the matter in the presence of the employer, the employee and one other person who is

(a) an employee member of the work place committee;

(b) the health and safety representative; or

(c) if a person mentioned in paragraph (a) or (b) is not available, another employee from the work place who is designated by the employee.

 

 

(2) If the investigation involves more than one employee, those employees may designate one employee from among themselves to be present at the investigation.

 

(3) A health and safety officer may proceed with an investigation in the absence of any person mentioned in subsection (1) or (2) if that person chooses not to be present.

 

(4) A health and safety officer shall, on completion of an investigation made under subsection (1), decide whether the danger exists and shall immediately give written notification of the decision to the employer and the employee.

 

(5) Before the investigation and decision of a health and safety officer under this section, the employer may require that the employee concerned remain at a safe location near the place in respect of which the investigation is being made or assign the employee reasonable alternative work, and shall not assign any other employee to use or operate the machine or thing, work in that place or perform the activity referred to in subsection (1) unless

(a) the other employee is qualified for the work;

(b) the other employee has been advised of the refusal of the employee concerned and of the reasons for the refusal; and

(c) the employer is satisfied on reasonable grounds that the other employee will not be put in danger.

 

(6) If a health and safety officer decides that the danger exists, the officer shall issue the directions under subsection 145(2) that the officer considers appropriate, and an employee may continue to refuse to use or operate the machine or thing, work in that place or perform that activity until the directions are complied with or until they are varied or rescinded under this Part.

 

(7) If a health and safety officer decides that the danger does not exist, the employee is not entitled under section 128 or this section to continue to refuse to use or operate the machine or thing, work in that place or perform that activity, but the employee, or a person designated by the employee for the purpose, may appeal the decision, in writing, to an appeals officer within ten days after receiving notice of the decision.

 

[...]

 

145(1) A health and safety officer who is of the opinion that a provision of this Part is being contravened or has recently been contravened may direct the employer or employee concerned, or both, to

(a) terminate the contravention within the time that the officer may specify; and

(b) take steps, as specified by the officer and within the time that the officer may specify, to ensure that the contravention does not continue or re-occur.

 

[...]

 

145(2) If a health and safety officer considers that the use or operation of a machine or thing, a condition in a place or the performance of an activity constitutes a danger to an employee while at work,

(a) the officer shall notify the employer of the danger and issue directions in writing to the employer directing the employer, immediately or within the period that the officer specifies, to take measures to

(i) correct the hazard or condition or alter the activity that constitutes the danger, or

 

(ii) protect any person from the danger; and

(b) the officer may, if the officer considers that the danger or the hazard, condition or activity that constitutes the danger cannot otherwise be corrected, altered or protected against immediately, issue a direction in writing to the employer directing that the place, machine, thing or activity in respect of which the direction is issued not be used, operated or performed, as the case may be, until the officer’s directions are complied with, but nothing in this paragraph prevents the doing of anything necessary for the proper compliance with the direction.

 

[...]

145.1(1) The Minister may designate as an appeals officer for the purposes of this Part any person who is qualified to perform the duties of such an officer.

 

(2) For the purposes of sections 146 to 146.5, an appeals officer has all of the powers, duties and immunity of a health and safety officer.

 

[...]

 

 

146.1(1) If an appeal is brought under subsection 129(7) or section 146, the appeals officer shall, in a summary way and without delay, inquire into the circumstances of the decision or direction, as the case may be, and the reasons for it and may

(a) vary, rescind or confirm the decision or direction; and

(b) issue any direction that the appeals officer considers appropriate under subsection 145(2) or (2.1).

 

 

(2) The appeals officer shall provide a written decision, with reasons, and a copy of any direction to the employer, employee or trade union concerned, and the employer shall, without delay, give a copy of it to the work place committee or health and safety representative.

 

[...]

146.2 For the purposes of a proceeding under subsection 146.1(1), an appeals officer may

(a) summon and enforce the attendance of witnesses and compel them to give oral or written evidence under oath and to produce any documents and things that the officer considers necessary to decide the matter;

 

(b) administer oaths and solemn affirmations;

 

(c) receive and accept any evidence and information on oath, affidavit or otherwise that the officer sees fit, whether or not admissible in a court of law;

(d) examine records and make inquiries as the officer considers necessary;

(e) adjourn or postpone the proceeding from time to time;

(f) abridge or extend the time for instituting the proceeding or for doing any act, filing any document or presenting any evidence;

 

 

(g) make a party to the proceeding, at any stage of the proceeding, any person who, or any group that, in the officer’s opinion has substantially the same interest as one of the parties and could be affected by the decision;

(h) determine the procedure to be followed, but the officer shall give an opportunity to the parties to present evidence and make submissions to the officer, and shall consider the information relating to the matter;

(i) decide any matter without holding an oral hearing; and

(j) order the use of a means of telecommunication that permits the parties and the officer to communicate with each other simultaneously.

 

 

146.3 An appeals officer’s decision is final and shall not be questioned or reviewed in any court.

 

146.4 No order may be made, process entered or proceeding taken in any court, whether by way of injunction, certiorari, prohibition, quo warranto or otherwise, to question, review, prohibit or restrain an appeals officer in any proceeding under this Part.

 

 

 

 

 

 

ANNEXE B

 

 

Page

Description

Locuteur

Détails

539(1)

Convocation de l’audience

 

16 février 2006

539(1)

Introduction

Président

Le président a formulé ainsi la question qui lui était soumise : l’agent de santé et de sécurité, Ken Manella, a-t-il ou non commis une erreur quand il a dit que Mme Pollard n’était pas exposée à un danger à l’époque de son enquête?

540(5)

Introduction

Président

« La procédure que je suis est de nature quasi judiciaire. Je dois donc m’assurer qu’une audience objective et impartiale a lieu ici [...] Il s’agit d’une procédure quasi judiciaire, donc c’est une affaire sérieuse; mais je voudrais simplement souligner que les audiences que je tiens peuvent être aussi formelles ou aussi informelles que je le juge à propos. Je m’efforce toujours de les rendre aussi peu formelles et aussi peu légalistes que possible, par rapport à ce que l’on observera en général dans une cour de justice ».

540(7)

Introduction

Président

« Lorsque nous en aurons terminé, alors je pourrai retourner à mon bureau. Durant mon examen de l’affaire, si un point me laisse dans le doute, je pourrai convoquer les parties et obtenir d’autres renseignements ».

544(23)

Déclaration liminaire

M. Nash, au nom de Carolyn Pollard

M. Nash a passé en revue plusieurs questions dans ses observations préliminaires, notamment l’indemnité due à Mme Pollard pour la perte de ses itinéraires postaux, la suppression des griefs contenus dans le dossier de Mme Pollard et l’existence d’une décision de la Commission des relations de travail du Québec selon laquelle la livraison du courrier en région rurale n’était pas sécuritaire.

544(26)

Déclaration liminaire

M. Bird, au nom de Postes Canada

M. Bird s’est dit en désaccord avec la manière dont M. Nash voyait les questions pertinentes, faisant observer que le président devait se mettre à la place de l’agent de santé et de sécurité à la date du refus de travailler et dire si la décision de cet agent était logique.

545(26)

Déclaration liminaire

M. Bird, au nom de Postes Canada

« M. Nash a soulevé un grand nombre d’autres questions, dont la plupart sont des questions liées aux relations de travail. La tribune adéquate pour ce genre de question est la convention collective, et l’arbitrage est régi par la partie I du Code. Vous n’êtes pas compétent pour étudier cet aspect ou accorder un redressement ».

545(27)

Commentaire sur les déclarations liminaires

Président

« En principe je ne fais pas de commentaires après les déclarations liminaires, mais j’y suis contraint. S’agissant de votre déclaration liminaire, M. Nash, M. Bird a tout à fait raison ».

 

545(28)

Commentaire sur les déclarations liminaires

Président

« J’entends décider si l’agent de santé et de sécurité a ou non commis une erreur [...] Et pas plus que cela. Pour tous les autres aspects donc, vous allez devoir les faire trancher ailleurs ».

546(30)

Déclaration de l’agent de santé et de sécurité

Ken Manella

M. Manella a lu le rapport qu’il avait rédigé à propos de la plainte de Mme Pollard.

550(46)

Contre-interrogatoire de l’agent de santé et de sécurité

M. Nash, au nom de Carolyn Pollard

M. Nash a interrogé M. Manella à propos de son enquête. M. Manella a reconnu que, selon lui, la plainte de Mme Pollard portait sur l’aspect physique de la livraison du courrier plutôt que sur des questions de sécurité routière. Mme Pollard a elle aussi interrogé M. Manella sur la nécessité de placer une enseigne sur les véhicules. Quand M. Nash a voulu invoquer d’autres décisions rendues en vertu de la partie II du Code canadien du travail à propos de la livraison du courrier en milieu rural, M. Bird a élevé une objection.

555(65)

Opposition à la production de décisions en matière de santé et de sécurité rendues dans d’autres provinces

M. Bird, au nom de Postes Canada

« Encore une fois, Monsieur le président, je ne vais pas m’opposer très souvent aux propos que tient M. Nash devant vous [...] Je me demande si M. Nash connaît bien ce processus. Il a dit que c’était sa première fois. À l’évidence, vous êtes disposé à lui accorder une grande latitude. Je suis disposé à faire de même. Mais, en définitive, nous avons ici un objectif et une bonne partie des renseignements qui sont portés à la connaissance de ce témoin dans l’interrogatoire sont sans rapport avec les événements dont nous sommes saisis [...] »

555(66)

Commentaire en réponse à l’opposition

Président

« Lorsque je tiens une audience où nous avons, par exemple, une personne représentée par un avocat et une autre qui dit ne pas avoir une grande expérience de ce processus, j’ai en quelque sorte une obligation d’uniformiser les règles du jeu [...] »

556(70)

Commentaire à propos des questions d’équité

Président

« Parce qu’il m’est impossible de prédire où nous allons et ce que nous faisons [...] Je crois que nous allons devoir fonctionner comme nous avons dit... Continuez tout simplement et, si une difficulté surgit qui concerne l’équité, alors M. Bird en fera état. »

556(72)

Contre-interrogatoire de l’agent de santé et de sécurité

M. Bird, au nom de Postes Canada

M. Bird s’est enquis de l’expérience de M. Manella, de son enquête et des circonstances entourant sa conclusion selon laquelle il n’existait aucun danger.

562(93)

Nouvel interrogatoire de l’agent de santé et de sécurité

 

M. Nash, au nom de Carolyn Pollard

Avant que M. Nash n’amorce son nouvel interrogatoire de M. Manella, M. Bird a prié le président de rappeler à M. Nash le champ restreint des questions posées dans un nouvel interrogatoire.

562(93)

Commentaire sur le champ du nouvel interrogatoire

Président

« Vous êtes limité aux points que M. Bird a soulevés. Cependant, cela dit, puisque, encore une fois, nous avons affaire à un cas où une partie est représentée par un avocat et l’autre non, et puisque la seconde reconnaît que ce processus ne lui est pas familier, je vais lui donner une marge de manœuvre. Si elle s’égare dans un autre domaine, je vous donnerai l’occasion d’y réagir ».

564(102)

Interrogatoire de Carolyn Pollard

M. Nash

M. Nash a interrogé Mme Pollard à propos des circonstances qui l’avaient conduite à refuser de travailler. Quand M. Nash a voulu produire un cartable de documents que Mme Pollard avait préparé et apporté à l’audience, M. Bird a élevé une objection. La discussion s’est concentrée sur un document préparé le 19 septembre 2005, qui prétendait énumérer les boîtes aux lettres « peu sûres » se trouvant sur l’itinéraire de Mme Pollard.

571(129)

Opposition aux documents produits par Carolyn Pollard

M. Bird, au nom de Postes Canada

« Il se pourrait que j’aie quelques difficultés avec certains de ces documents, Monsieur le président ».

571(131)

Argument concernant la liste des boîtes aux lettres peu sûres préparée par Carolyn Pollard

M. Bird, au nom de Postes Canada

« Les difficultés qui concernaient telle ou telle boîte aux lettres environ un an après l’événement, même si les boîtes étaient devant vous, ce qui, d’après ce que nous avons entendu jusqu’à maintenant n’est pas le cas, sont un aspect qui n’intéresse absolument pas la présente instance ».

572(133)

Échange sur la signification de la liste des boîtes aux lettres peu sûres

Carolyn Pollard

Mme POLLARD : « [...] J’avais des doutes à propos de ces boîtes aux lettres qui étaient peu sûres à desservir, et jamais n’a-t-on envoyé quelqu’un les vérifier. On n’est jamais venu me demander si elles étaient restées peu sûres ».

LE PRÉSIDENT : « En quoi étaient-elles peu sûres? »

Mme POLLARD : « En disant qu’elles étaient peu sûres, je veux dire qu’il m’était impossible de les atteindre convenablement sans me trouver dans la circulation, parce qu’on nous disait que nos véhicules ne pouvaient en aucun cas se trouver dans la circulation. Il nous fallait nous ranger sur l’accotement ».

LE PRÉSIDENT : « En quoi cela concerne-t-il la question ergonomique dont vous parlez? »

Mme POLLARD : « Et bien, c’est encore une fois livrer le courrier à moi-même. Quand je livrais le courrier, on nous avait dit que nous devions rester sur l’accotement. J’ai tenu compte de cette instruction chaque fois que je faisais mes livraisons parce que je n’y avais jamais fait attention. Je faisais toujours mon itinéraire et je me suis rendu compte du nombre de boîtes aux lettres que je desservais alors que j’étais sur l’accotement, en plein dans la circulation. C’est la raison pour laquelle j’ai consigné cela. Non que je ne pouvais faire mes livraisons, mais, sur le plan de la sécurité, c’était peu sûr. C’est la raison pour laquelle j’ai consigné cela ».

572(136)

Argument concernant la liste des boîtes aux lettres peu sûres préparée par Carolyn Pollard

M. Nash, au nom de Carolyn Pollard

LE PRÉSIDENT : « M. Nash, avez-vous des commentaires concernant la question de la pertinence qu’a soulevée M. Bird? »

M. NASH : « Si votre ceinture de sécurité n’est pas attachée et que quelqu’un vous frappe, que vous soyez sur l’accotement ou que vous ne soyez pas sur l’accotement, vous entravez la circulation, les automobilistes doivent faire attention à votre présence [...\ c’est cela que j’appelle la question ergonomique, monsieur ».

LE PRÉSIDENT: « Et votre argument, c’est que tous ces documents intéressent la question dont je suis saisi? »

M. NASH : « Pour la plupart, Monsieur [...] »

573(137)

Argument

M. Bird, au nom de Postes Canada

« Encore une fois, je crois que nous revenons à ce qui est la nature de la plainte qui est devant vous [...] Si nous revenons au formulaire d’enregistrement que nous avons montré à M. Manella, ce formulaire ne parle évidemment d’aucun des événements qui concernent l’emplacement des boîtes [...] Cependant, ce que nous faisons ici aujourd’hui, si j’ai bien compris, c’est revoir les événements tels qu’ils se sont produits le 24 novembre 2004, circonscrits par le refus de travailler dont il s’agit ».

573(137)

Argument

M. Bird, au nom de Postes Canada

« Je n’ai aucun doute que Mme Pollard se passionne pour son travail et pour les questions de sécurité, et c’est tout à son honneur [...] Mais, en effet, l’objet de la présente instance est de portée plus étroite ».

573(139)

Commentaire sur le mandat

Président

« S’agissant du mandat dont je suis investi, vous avez tout à fait raison. L’objet de l’instance est la décision qu’a rendue l’agent de santé et de sécurité Manella [...] Essentiellement, nous examinons un risque potentiel qui aurait pu constituer un danger [...] Ce que j’essaie de dire, c’est que je ne suis pas confiné dans le temps ».

574(141)

Argument

M. Bird, au nom de Postes Canada

« Je crois que nous sommes en train de perdre la signification de ce qu’est la véritable question visée par l’appel, en ce qui concerne les boîtes ».

574(142)

Commentaire sur le mandat

Président

« Bon, si je puis me permettre, je ferai quelques observations ici parce que je voudrais m’assurer que j’ai pris connaissance de tous les faits [...] Il est sans doute bon que je m’y arrête parce que cela me fera examiner la portée de mon mandat, en quelque sorte [...] Je commence à avoir l’impression, d’après certains des témoignages reçus, que l’on attend de moi que j’examine rigoureusement la plainte décrite dans le formulaire de plainte, que c’était uniquement l’aspect ergonomique, que je ne vais pas considérer la proximité du véhicule par rapport au poteau, ou à quelle distance elle pouvait s’approcher du poteau, et le reste [...] Il me semble que, quand j’examine ce dont il s’agit sur le plan ergonomique, il m’est impossible de voir comment la distance qu’il y a entre le véhicule et le poteau ne pourrait pas être pertinente ».

574(146)

Commentaire concernant le point à décider

Président

« La décision que je dois rendre est de savoir si je vais ou non accepter cela en tant que document ».

575(148)

Argument

M. Bird, au nom de Postes Canada

M. BIRD : « Je me rends compte que cette audience risque de durer bien plus longtemps qu’elle le devrait sans doute, étant donné ce que je considère comme les limites de votre analyse [...] Ce sur quoi nous devons nous concentrer, toutefois, c’est le point à décider. Et dans la mesure où cette information concerne d’autres choses que le point en question en novembre 2004 [...] »

LE PRÉSIDENT : « D’accord ».

M. BIRD : « [...] elle n’est pas reçue en règle [...] Je compte donc sur vous pour nous donner quelques indications et, si nécessaire, je pourrai à la fin présenter des arguments ».

576(150)

Décision

Président

« Ce que je vais faire, c’est accepter ce document, mais j’accepte évidemment que vous puissiez y réagir par des preuves ou que vous puissiez vous y référer dans votre argumentation finale ».

576(152)

Décision

Président

« Avant que nous suspendions la séance pour le déjeuner, il y avait ce cartable que je devais considérer, et je ne suis pas vraiment arrivé à une décision en ce qui le concerne [...] On y parle à un certain endroit de la liste des boîtes aux lettres peu sûres. Je ne sais trop encore de quoi il s’agit, ni ce qui est pertinent ».

577(154)

Décision

Président

« Une partie de la difficulté que me pose le document, c’est de savoir exactement à quelle fin il a été présenté et ce qu’il est censé m’apprendre ».

578(159)

Commentaire sur l’équité

Président

« Que dois-je faire si je suis soudain persuadé qu’il existait un danger, je veux dire ici le fait qu’un autre automobiliste entre en collision avec l’arrière d’un véhicule. Je vous laisserai débattre ce que je devrais faire, c’est-à-dire devrais‑je ou non prendre ce point en considération? Devrais-je interpréter le pouvoir que me donne le Code et considérer la question? Pour avoir la certitude de ne pas laisser chez les parties un sentiment d’injustice, ce que je fais, après que j’ai entendu une affaire, si je pense que je vais m’aventurer dans un autre domaine qui ne serait pas nécessairement venu à la compréhension des parties au cours de l’audience, alors ce que je ferai, c’est de convoquer à nouveau l’audience, et je vous dirai : j’examine un aspect que vous n’avez peut-être pas saisi et j’en profiterai donc pour vous donner le temps de présenter des preuves et des arguments sur le sujet ».

578(160)

Commentaire sur l’acceptation de la preuve

Président

« Je vais simplement vous dire que, quand je décide si un document est recevable ou non, ce document me donne une bonne idée de la situation de telle sorte que, lorsque je l’ai lu, je peux me dire : j’ai la certitude d’avoir examiné tous les aspects des risques qui étaient présents dans la situation considérée et, si j’ai des doutes, alors j’en informerai les parties ».

582(173)

Question

Président

LE PRÉSIDENT : « Si vous le permettez, avant que vous ne poursuiviez – et c’est une question qui s’est posée durant cet échange – et si je ne l’ai pas mis par écrit et qu’on me l’a dit, alors pardonnez-moi. Quelles étaient les prétendues caractéristiques non sécuritaires de la boîte? »

Mme POLLARD : « Parce que la manière sûre de livrer le courrier sur un itinéraire rural, c’est que votre véhicule est censé se trouver entièrement sur l’accotement, sans que ses pneus débordent sur la route. De la sorte, vous ne faites pas obstacle à la circulation qui vient derrière vous. Je ne sais pas si c’est là la bonne manière de le dire. C’est donc la raison pour laquelle, à cause de toutes ces boîtes que j’ai énumérées, je suis sur le côté, sur l’accotement, mais mes pneus se trouvent encore sur la chaussée. Je n’ai pas suffisamment d’espace sur l’accotement ».

587(196)

Contre-interrogatoire de Carolyn Pollard

M. Bird, au nom de Postes Canada

Dès le début du contre-interrogatoire de Mme Pollard par M. Bird, le président a noté qu’un document figurant dans le cartable préparé par Mme Pollard n’avait pas été étudié. Ce document prétendait être une pétition signée par plusieurs facteurs ruraux qui partageaient le point de vue de Mme Pollard selon lequel les itinéraires étaient peu sûrs. M. Bird a réitéré ses doutes sur le pouvoir du président d’admettre le cartable de documents.

583(202)

Argument

M. Bird, au nom de Postes Canada

M. BIRD : « Nous commençons à arriver à une partie de l’instance où j’ai des doutes à propos des documents que vous recevez ».

LE PRÉSIDENT : « Très bien. Mais simplement pour confirmer, j’accepte ce document parce qu’il intéresse des pièces que vous avez produites et je laisserai à M. Nash, par ses arguments, nous dire si je devrais lui accorder du poids ou non et vous aurez vous aussi la même possibilité ».

595(225)

Question

M. Bird, au nom de Postes Canada

Mme POLLARD : « Si je devais livrer le courrier du côté gauche, alors mon véhicule déborderait encore une fois sur la route ».

M. BIRD: « Je vais vous poser précisément cette question. Il n’importe pas de savoir de quel côté de la route vous vous trouvez, vous déborderez quand même sur la chaussée si la boîte est trop près de l’accotement ou trop près de la route ».

Mme POLLARD : « C’est exact ».

M. BIRD : « Droite ou gauche, il n’y a donc pas de

 

différence ».

Mme POLLARD : « Non. »

595(226)

Question

M. Bird, au nom de Postes Canada

M. BIRD : « Avez-vous exprimé des inquiétudes en novembre 2004 à propos de ces boîtes aux lettres? »

Mme POLLARD : « Quand je mets ma ceinture de sécurité, non. Mon inquiétude, c’était que je livrais le courrier du côté droit, et cela m’était impossible. À l’origine, c’était de cela véritablement qu’il s’agissait dans mon cas. Par la suite, il a été question à nouveau de la sécurité de l’endroit où votre véhicule est censé se trouver sur la route, et c’est la raison pour laquelle toute cette question a surgi. Mais mon cas concerne le fait qu’il est impossible de délivrer le courrier sur la droite en toute sécurité s’il n’y a qu’une seule personne. »

M. BIRD : « Et la raison de cela, c’est la tension et l’effort que cela vous demande, puisque vous devez vous plier, vous tordre, vous pencher, vous allonger ».

Mme POLLARD : « Et aussi parce que vous vous trouvez sur la route, ce qui en fait une question de sécurité ».

M. BIRD: « Très bien, dites-moi si je vous comprends bien ici. Pourriez-vous m’indiquer, dans votre texte, l’endroit où l’emplacement du véhicule vous préoccupe? »

Mme POLLARD: « L’endroit où se trouve mon véhicule? »

M. BIRD: « L’emplacement du véhicule ».

Mme POLLARD: « Ce n’est pas – je n’ai pas écrit que [...] »

632(1)

Audience convoquée à nouveau

 

25 avril 2006

632(2)

Points soulevés depuis la dernière audience

M. Nash, au nom de Carolyn Pollard

Au début de l’audience, M. Nash a relevé que Postes Canada avait communiqué avec Mme Pollard après l’audience initiale. Au cours de l’échange qui a suivi, le président a rappelé que les mesures disciplinaires adoptées en réaction à un refus de travailler étaient une question de relations de travail et ne relevaient pas de son mandat.

633(8)

Commentaire sur le mandat

Président

« Il me semble que cela relève du domaine que vous avez évoqué lors de la première audience que nous avions [...] et il s’agissait d’aspects intéressant Postes Canada et Mme Pollard qui échappaient à ma compétence. Je veux dire, je suis ici, me concentrant uniquement sur la décision rendue par l’agent de santé et de sécurité Manella et l’instruction qu’il a émise ».

635(13)

Nouvel interrogatoire de Carolyn Pollard

M. Nash

 

639(32)

Interrogatoire de Kelly Marsh

M. Nash, au nom de Carolyn Pollard

M. Nash a confirmé que Mme Marsh était un facteur rural et suburbain, il a examiné les conditions de l’itinéraire de

 

Mme Marsh, puis il a terminé en interrogeant Mme Marsh sur son expérience de l’itinéraire de Mme Pollard.

643(47)

Objection

M. Bird, au nom de Postes Canada

« Je n’ai jusqu’à maintenant rien entendu qui semble intéresser la plainte de Mme Pollard ».

643(48)

Objection

M. Bird, au nom de Postes Canada

« On entend beaucoup de choses sur les conditions routières, ce qui ne fait pas partie de la plainte. On entend parler de la crainte d’être frappé par l’arrière, ce qui ne fait pas partie de la plainte. On entend parler des limites de vitesse, ce qui ne fait pas partie de la plainte. On entend parler de boîtes aux lettres, ce qui ne fait partie de la plainte. Je ne sais pas où M. Nash veut en venir, mais je me demande vraiment en quoi cela vous aide dans votre enquête ».

647(63)

Contre-interrogatoire de Kelly Marsh

M. Bird, au nom de Postes Canada

M. Bird a simplement confirmé que Mme Marsh était la personne qui apparaissait dans les photographies présentées comme preuve.

648(66)

Nouvel interrogatoire de Kelly Marsh

M. Nash, au nom de Carolyn Pollard

Après le nouvel interrogatoire de Mme Marsh, il y a eu un débat concernant une vidéocassette qui montrait l’itinéraire de livraison de Mme Pollard. La vidéocassette montrait, semble-t-il, la distance qui séparait son véhicule de la chaussée à divers endroits de l’itinéraire. M. Bird a rappelé que la raison du refus de Mme Pollard de travailler était la modification du mode de livraison.

649(72)

Argument

M. Bird, au nom de Postes Canada

M. BIRD : « Encore une fois, peut-être y a-t-il un malentendu sur la raison de notre présence ici [...] Modification du mode de livraison. Et, dans l’exposé circonstancié de Mme Pollard, son inquiétude concerne la livraison du courrier depuis le siège du conducteur, ou depuis le siège du passager ».

LE PRÉSIDENT : « Et qu’assignez-vous à la déclaration également qui concerne le fait de détacher la ceinture de sécurité? »

M. BIRD : « Il s’agit d’ergonomie, Monsieur le président. C’est de cette manière qu’elle doit livrer le courrier par la fenêtre du siège passager, c’est ce que nous avons entendu en permanence. C’était cela sur quoi enquêtait l’agent de sécurité ».

650(73)

Commentaire sur le mandat

Président

« Je suis certainement d’accord avec vous pour dire qu’il y a un aspect que je vais devoir résoudre dans ma décision, et cet aspect concerne plus précisément la sécurité lorsque le véhicule se trouve sur l’accotement [...] L’une des choses à propos desquelles vous pouvez je pense présenter des arguments consiste pour vous à m’indiquer le genre de considération que je devrais accorder à cela ».

650(74)

Commentaire sur le mandat

Président

« Mais, parallèlement, il y a un ensemble de circonstances ici que, à mon avis, du moins quant à la preuve recueillie, je dois écouter, et je dois certainement arriver à une conclusion dans ma décision finale sur la question de savoir si je devrais m’aventurer dans ces autres aspects. Et aujourd’hui, je crois que je voudrais entendre la preuve se rapportant à l’ensemble de la situation, afin de pouvoir décider plus tard si le danger s’étendait ou non aux choses que l’agent de santé et de sécurité, Manella, n’avait peut-être pas adéquatement revues, ou auxquelles il n’avait peut-être pas accordé suffisamment de poids. Je ne sais trop où cela me mènera, mais il m’apparaît que je devrais entendre la preuve et les arguments des deux parties à propos de mon mandat selon le Code, quant à la question de savoir si je devrais ou non aller au-delà de la question ergonomique. ».

650(75)

Commentaire sur le mandat

Président

« J’accepterai certainement d’entendre vos arguments sur la question, mais je vous en informerai à l’avance. C’est un aspect qui, je pense, doit être étudié [...] Et, comme je l’ai dit, je crois devoir examiner les preuves, puis décider de l’étendue de mon mandat pour la décision finale à rendre ».

651(80)

Argument

M. Bird, au nom de Postes Canada

« Je dois dire que, compte tenu des commentaires que vous avez faits auparavant, nous avons nettement l’impression que la présente affaire prend maintenant une nouvelle tournure et devient une affaire de sécurité routière, ce qu’elle n’était pas lorsqu’elle nous a été soumise [...] Il y a beaucoup d’autres choses que fait Postes Canada en matière de sécurité routière. Nous ne faisons aucun tri parmi ces choses. Je ne suis pas sûr d’être en mesure de mener l’affaire à terme [...] »

652(84)

Interrogatoire de Carolyn Pollard sur la vidéocassette

M. Nash, au nom de Carolyn Pollard

M. Nash a interrogé Mme Pollard sur le contenu de la vidéocassette. L’objet de l’interrogatoire concernait les problèmes de circulation que comportait l’itinéraire de Mme Pollard, mais M. Nash a conclu son interrogatoire en abordant les contorsions requises pour la livraison du courrier.

654(91)

Contre-interrogatoire de Carolyn Pollard sur la vidéocassette

M. Bird, au nom de Postes Canada

M. Bird a interrogé Mme Pollard sur la solution à laquelle elle songeait pour régler la question ergonomique. Mme Pollard a confirmé qu’elle voulait soit un auxiliaire, soit un véhicule avec conduite à droite, soit des boîtes aux lettres communautaires.

655(93)

Nouvel interrogatoire de Carolyn Pollard

M. Nash, au nom de Carolyn Pollard

 

656(99)

Interrogatoire de Catherine Janveau

M. Bird, au nom de Postes Canada

M. Bird a passé en revue le poste de surveillance occupé par Mme Janveau à Postes Canada. Mme Janveau a examiné la configuration des itinéraires postaux ruraux, les exigences de Postes Canada pour la livraison du courrier en milieu rural, et la procédure établie par Postes Canada pour le signalement des boîtes aux lettres peu sûres. Quand M. Bird a voulu revoir un protocole d’accord entre Postes Canada et le Syndicat canadien des travailleurs et travailleuses des postes, M. Nash a mis en doute la pertinence de l’accord parce qu’il avait été signé après le refus de Mme Pollard de travailler.

662(122)

Commentaire sur le mandat en réponse à la question soulevée par M. Nash

Président

« Comme je l’ai déjà dit à M. Bird, je me demande si mon mandat, qui m’autorise à examiner l’appel de Mme Pollard, englobe l’ensemble des preuves que je vais recevoir à propos des questions de sécurité routière. Je sais cela, et il m’est impossible de citer un précédent, mais je sais que la Cour fédérale a dit déjà que les agents de sécurité ne sauraient s’interposer et essentiellement se livrer à des enquêtes à l’aveuglette. Si un employé devait dire qu’il y a ici un danger sans pouvoir réellement dire ce qu’est le danger, c’est-à-dire s’il dit : Je ne suis pas sûr du danger, mais je suis certain qu’il y en a un. La Cour fédérale a dit : non, vous ne pouvez pas être aussi vague. On n’est pas arrivé à quelque chose qui va dans le sens contraire, c’est-à-dire un employé qui se plaint d’un danger, un agent de sécurité se présente, il y a plusieurs dangers autour d’eux, il se concentre uniquement sur celui que l’employé a évoqué, et il s’en va. Quoi qu’il en soit, quoi que puisse dire la Cour fédérale, ou quoi que puisse dire un organe de contrôle, c’est-à-dire vous auriez dû en tenir compte et ne pas vous limiter à ce que l’employé a dit. Il y a quelque chose là, et il vous était possible de voir qu’il y avait contravention, ou même plus sérieusement un danger, alors je ne suis pas sûr que, si une cour de justice était saisie de l’affaire, elle dirait : non, vous n’auriez pas dû en tenir compte. C’est un peu de cela qu’il s’agit ici. C’est exactement cela, c’est la question dont je suis saisi, c’est‑à-dire la manière dont l’agent de sécurité Manella en est arrivé, au vu de la preuve, à être informé d’une certaine situation qui évoluait, il a proposé une solution, qui était la résolution interne de la plainte, puis, après le refus de la plaignante, l’agent de sécurité a estimé que, sur un aspect, il n’existait aucun danger, tout en se sentant tenu d’émettre une instruction sur l’autre aspect. Puisque mon examen me met en face de tous les faits, la question que je dois me poser est la suivante : s’attend-on de moi à ce que je ne considère pas les autres aspects qui, d’après la preuve que j’ai reçue, pourraient constituer un danger, même si l’agent de santé et de sécurité Manella n’est pas arrivé à cette conclusion? Puisque j’ai dit que j’espère recevoir vos arguments sur la question, mais même en évoquant la question et en donnant à entendre que, selon moi, le Code me dit que je devrais considérer tout ce que Manella a considéré, le document en cause ici est certainement pertinent parce que, si je dis qu’il y avait danger sur l’une des questions de santé qui sont soulevées dans cette audience, et si j’arrive à la conclusion qu’il y a danger, alors j’ai une obligation, même si ce n’est pas explicitement l’obligation qui pèse sur les agents de santé et de sécurité en vertu de la loi ».

667(143)

Contre-interrogatoire de Catherine Janveau

M. Nash, au nom de Carolyn Pollard

M. Nash a interrogé Mme Janveau sur le mode d’inspection des boîtes aux lettres rurales par Postes Canada. L’objet du contre-interrogatoire mené par M. Nash était la réponse, ou l’absence de réponse, de Postes Canada aux plaintes de Mme Pollard concernant les boîtes aux lettres peu sûres de son itinéraire.

699(1)

Nouvelle convocation de l’audience

 

26 avril 2006

669(1)

Interrogatoire de Catherine Janveau

Président

Au début de l’audience, le président a posé plusieurs questions à Mme Janveau. Les questions concernaient la structure de gestion de Postes Canada à propos de la santé et de la sécurité, le rôle des employés de Postes Canada dans le processus de consultation, le protocole d’accord signé entre Postes Canada et le Syndicat canadien des travailleurs et travailleuses des postes, le point de savoir si les directives de livraison établies par Postes Canada reflétaient les lois provinciales sur la sécurité routière.

703(17)

Interrogatoire de Catherine Janveau

M. Bird, au nom de Postes Canada

M. Bird a passé en revue les aspects débattus par le président.

704(23)

Contre-interrogatoire de Catherine Janveau

M. Nash, au nom de Carolyn Pollard

Au cours du nouvel interrogatoire mené par M. Nash, M. Bird a noté que Mme Janveau avait déjà répondu aux questions intéressant les domaines évoqués par M. Nash. Quand Mme Janveau a terminé son témoignage, M. Bird a sollicité les directives du président.

707(34)

Demande de directives au président sur les points découlant des questions

M. Bird, au nom de Postes Canada

« Si vous avez des sujets d’inquiétude qui sont de grande portée, et j’ai l’impression que, d’après vos questions, vous avez de tels sujets d’inquiétude, mais il se pourrait que nous devions obtenir une preuve beaucoup plus considérable pour vous satisfaire ».

707(34)

Demande de directives au président sur le premier point

M. Bird, au nom de Postes Canada

« Il semble, d’après vos questions, que vous ne comprenez peut-être pas les responsabilités de la partie I pour ce qui concerne les droits de représentation du SCTP pour les employés [...] S’il vous faut une preuve de cela, je vais devoir appeler quelqu’un de spécialisé dans les relations de travail à l’échelle nationale, qui vous expliquera les obligations prévues par la partie I ».

707(34)

Demande de directives au président sur le deuxième point

M. Bird, au nom de Postes Canada

« Pareillement, je sais que vous comprenez la partie II du Code, mais vos questions posées à ce témoin [...] n’ont pas répondu à vos questions. Ainsi, s’agissant des obligations directes prévues par la partie II [...] nous aurons besoin de preuves avant que vous ne puissiez le faire si cela est un important sujet d’inquiétude, si cela est susceptible d’influer en partie sur votre décision ».

707(35)

Demande de directives au président sur le troisième point

M. Bird, au nom de Postes Canada

« En troisième lieu, M. Nash continue de dire que, si les déclarations de M. Nash sont acceptées comme preuve pour vous, le SCTP n’est pas à la hauteur, à l’échelle nationale, concernant ses responsabilités en la matière [...] Vous pourriez devoir suspendre ce processus dès maintenant et faire intervenir le SCTP [...] »

707(36)

Demande de directives au président sur le quatrième point

M. Bird, au nom de Postes Canada

« Le dernier point concerne l’applicabilité des accidents de la circulation [...] Je puis vous dire que je suis intervenu dans les processus. Les lois ne s’appliquent pas telles quelles à Postes Canada ».

708(37)

Argument sur les demandes de directives

M. Bird, au nom de Postes Canada

« ... Je ne puis quitter cette pièce, je ne puis en rester là dans une affaire s’il y a (inaudible) de votre part qu’il s’agit là d’aspects pour lesquels des preuves et renseignements influeront de manière substantielle sur votre décision. Je me rends compte qu’il s’agit là d’un précédent si je vous demande en quoi ces renseignements sont importants pour vous, mais je dois m’assurer de veiller aux intérêts de la cliente et à vos intérêts dans la décision que vous devez rendre ».

708(37)

Réponse à la demande de directives

Président

LE PRÉSIDENT : « Le processus normal consisterait pour moi à instruire une affaire et à retourner à mon bureau et, souvent durant l’analyse de cette preuve, je puis décider qu’il y a d’autres aspects qu’il me faut considérer ou dont je dois me préoccuper, après quoi j’en informerai les parties et vous dirai mes doutes, pour vous donner ensuite l’occasion de produire les preuves ou quoi que ce soit d’autre ».

M. BIRD : « Ce serait tout à fait satisfaisant [...] »

708(38)

Réponse à la demande de directives

Président

LE PRÉSIDENT : « [...] Si je décide d’analyser ces aspects, alors je vous en informerai évidemment et vous donnerai l’occasion de produire des preuves ».

M. BIRD: « [...] Mais, pour mémoire, je dois dire que nous avons une infinité de preuves pour dissiper vos inquiétudes ».

LE PRÉSIDENT : « Très bien, je vous en suis reconnaissant et, comme je l’ai dit, je sais parfaitement qu’il serait inopportun pour moi de rendre des décisions sur des aspects où vous étiez fondé à me communiquer d’autres renseignements [...] Ainsi, à moins que je ne doive élargir mon enquête sur cet aspect, je pendrais tout simplement la preuve que vous m’avez soumise et tenterai d’arriver rapidement à une décision ».

709(41)

Exposé définitif

M. Nash, au nom de Carolyn Pollard

« Je vous dirai que je suis facteur de profession, je ne suis pas avocat, et j’espère que vous prendrez cela en considération. Je ferai de mon mieux pour mettre tout cela en ordre ».

709(41)

Exposé définitif

M. Nash, au nom de Carolyn Pollard

Après avoir rappelé au président qu’il n’était pas avocat, M. Nash a résumé les circonstances qui avaient conduit au refus de Mme Pollard de travailler. M. Nash a relevé que, outre les problèmes ergonomiques que posait le dépôt du courrier dans 600 ou 700 boîtes aux lettres, il y avait aussi la question des obstacles à la circulation et celle du positionnement du véhicule de Mme Pollard.

714(62)

Exposé définitif

M. Bird, au nom de Postes Canada

M. Bird a passé en revue la jurisprudence relative à la définition de « danger », dans la partie II du Code canadien du travail. M. Bird a réitéré aussi sa position selon laquelle la plainte de Mme Pollard portait uniquement sur des questions ergonomiques.

716(69)

Exposé définitif

M. Bird, au nom de Postes Canada

« Veuillez ne pas oublier que nous commençons de parler des questions ergonomiques, parce que c’est là véritablement l’essentiel de la présente affaire ».

717(76)

Exposé définitif

M. Bird, au nom de Postes Canada

« La chose vraiment troublante dans tout cela, ce sont les aspects qui n’ont absolument rien à voir avec les questions ergonomiques. Ce sont les aspects suivants : Où le véhicule est-il positionné par rapport à l’accotement? Qu’arrive-t-il si une voiture frappe par l’arrière le véhicule postal pendant que vous tentez de déposer le courrier par la fenêtre du siège passager? Il y a de nombreux aspects hypothétiques ici, dont aucun ne concerne le point dont vous êtes saisi ».

722(93)

Exposé définitif

M. Bird, au nom de Postes Canada

« Nous avons entendu de nombreuses preuves à propos de la chaussée. À quelle distance les boîtes aux lettres sont-elles situées par rapport à l’accotement? L’argument final que nous avons entendu concernait les fossés et les pentes. Il ne s’agit pas ici d’une affaire qui intéresse ces éléments. Sont‑ils importants? Oui, ils le sont. Y a-t-il devant vous un refus de travailler qui concerne ces aspects? Non, il n’y en a pas ».

723(97)

Exposé définitif

M. Bird, au nom de Postes Canada

« Ce que vous avez devant vous, c’est une plainte non précise portant sur des questions ergonomiques, une situation où l’employée a la pleine maîtrise de toutes les configurations ergonomiques [...] La question qui vous est soumise est très étroite ».

724(102)

Clôture

Président

« Si j’ai des questions, je vous les communiquerai [...] ou s’il y a des aspects que j’entends soumettre aux parties et que j’examinerai dans ma directive, alors, comme je l’ai indiqué à M. Bird auparavant, je donnerai certainement aux parties l’occasion de produire de nouvelles preuves sur le sujet ».

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-1428-06

 

INTITULÉ :                                                   LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

                                                                        c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et CAROLYN POLLARD

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 31 OCTOBRE 2007

 

CONCLUSIONS ÉCRITES

COMPLÉMENTAIRES :                             LE 4 DÉCEMBRE 2007 et

                                                                        LE 7 DÉCEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 21 DÉCEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Stephen Bird                                                      POUR LA DEMANDERESSE

 

David Bloom                                                     POUR LES DÉFENDEURS

Joanne Pickle

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bird McCuaig Russell LLP                            POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Cavalluzzo Hayes Shilton                                 POUR LES DÉFENDEURS

McIntyre et Cornish LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

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