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Date : 20071220

Dossier : T-1145-03

Référence : 2007 CF 1348

Ottawa (Ontario), le 20 décembre 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN

 

ENTRE :

JASPAL SINGH PANNU

demandeur

et

 

DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le 5 février 2003, M. Jaspal Singh Pannu (le demandeur) a introduit la présente demande de contrôle judiciaire relativement à la décision de K.C. Binks, un membre de la Commission d’appel des pensions (la Commission) désigné en vertu du paragraphe 83(2.1) du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8 (le Régime de pensions du Canada, ou le RPC). Dans cette décision datée du 10 avril 2003, le commissaire Binks a rejeté la demande du demandeur visant à obtenir l’autorisation de porter en appel la décision du tribunal de révision, qui est datée du 5 février 2003.

 

[2]               La décision de M. Binks est succincte et comporte ce qui suit :

[traduction]

L’appelant sollicite l’autorisation de porter en appel la décision du tribunal de révision datée du 5 février 2003.

 

Il ressort de la preuve que la période de cotisation de l’appelant a duré de mai 1983 à décembre 2000. Les dossiers indiquent qu’au cours de cette période, il n’a cotisé que dans une des années en question, soit 1997. Cependant, aux termes de l’alinéa 44(1)b), il aurait dû verser ses cotisations pendant au moins la période minimale d’admissibilité, laquelle, dans son cas, correspondait à quatre des six années antérieures à décembre 2000.

 

Dans les circonstances, sa demande d’autorisation est rejetée.

 

[3]               L’audition de la présente demande de contrôle judiciaire a d’abord été fixée au 14 octobre 2003, à Vancouver. Le demandeur a comparu pour son propre compte. Développement des ressources humaines Canada (le défendeur) a comparu par l’intermédiaire d’un avocat. Ce dernier, de même que la Cour, ont exprimé des doutes sur les capacités mentales du demandeur, ainsi que sur sa capacité de se représenter lui-même au vu de la preuve figurant dans le dossier du tribunal selon laquelle il souffre d’une maladie mentale, la schizophrénie paranoïde.

 

[4]               Par une ordonnance datée du 14 octobre 2003, l’affaire a été ajournée afin de pouvoir désigner un avocat qui représenterait le demandeur.

 

[5]               Les efforts faits pour obtenir la désignation d’un avocat à titre gracieux ont échoué. Par une directive donnée le 21 février 2006, le demandeur a été prié d’aviser la Cour le 24 mars 2006 ou avant cette date s’il avait désigné un avocat qui le représenterait. Par une lettre datée du 23 février 2006, le demandeur a fait savoir qu’il lui était impossible de se représenter lui-même. Il n’a pas dit s’il avait désigné un avocat pour le représenter.

 

[6]               Par une autre directive donnée le 5 avril 2006, le demandeur a été prié d’aviser la Cour le 11 avril 2006 ou avant cette date s’il pouvait être représenté par une personne adulte qui n’était pas un avocat en vue de l’audition de la présente demande de contrôle judiciaire. Dans une lettre que le greffe de la Cour a reçue à Vancouver le 6 avril 2006, le demandeur a fait savoir que personne n’était disponible pour l’aider.

 

[7]               L’ordonnance suivante a été rendue le 25 juillet 2007 :

[traduction]

Dans les trois (3) mois suivant la réception de la présente ordonnance, le demandeur produira un certificat médical indiquant qu’il est apte à se représenter lui-même à l’audition de sa demande de contrôle judiciaire ou, s’il est incapable de se représenter lui‑même, il déposera un avis de nomination de procureur.

 

L’audition de la présente demande aura lieu à Vancouver (Colombie‑Britannique) le lundi 26 novembre 2007, à 9 h 30.

 

[8]               Par une lettre que le greffe de la Cour a reçue à Vancouver le 3 août 2007, le demandeur a indiqué ceci :

[traduction]

1. Je me suis présenté au cabinet du Dr Narang – 1er et 2 août 2007 – refus d’accepter avec les documents, ainsi que d’une nomination pour justifier l’audience du lundi 26 novembre 2007, à 9 h 30.

 

[9]               L’affaire a été entendue à Vancouver le lundi 26 novembre 2007. Le demandeur n’a pas comparu. Le défendeur était représenté par un avocat et, en plus d’avoir déposé des documents, il a indiqué dans un bref exposé qu’il convenait de rejeter la demande au motif que le demandeur n’avait pas établi qu’il avait droit à une pension d’invalidité, car il n’avait pas cotisé suffisamment au Régime de pensions du Canada. En l’absence de cotisations donnant droit à une pension, le demandeur n’est tout simplement pas admissible à une pension d’invalidité.

 

[10]           La présente demande de contrôle judiciaire découle de la demande que le demandeur a présentée en vue d’obtenir une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada. Le demandeur a présenté sa première demande de pension d’invalidité le 23 février 2002. Le défendeur a rejetée cette dernière le 18 mars 2002, ou aux environs de cette date, parce que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences du Régime en matière de cotisations. Plus précisément, d’après la preuve soumise, le demandeur n’avait cotisé qu’un an au Régime.

[11]           Par une lettre que le défendeur a reçue le 25 mars 2002, le demandeur a demandé que la décision défavorable soit revue. Dans une lettre datée du 18 avril 2002, le défendeur a fait savoir qu’après avoir pris en considération les arguments du demandeur il maintenait le refus initial parce que le demandeur n’avait pas versé les [traduction] « cotisations requises ».

[12]           Le demandeur a interjeté appel de la décision du 18 avril 2002 devant le tribunal de révision, en application de l’article 82 du Régime de pensions du Canada. Une audience a eu lieu à Surrey (Colombie-Britannique) le 19 décembre 2002. Le tribunal de révision a rejeté l’appel du demandeur par une décision écrite datée du 5 février 2003, au motif que ce dernier n’avait pas effectué assez de cotisations pour [traduction] « satisfaire à l’exigence des cotisations donnant droit à une pension d’invalidité en vertu du RPC ».

[13]           Par une lettre datée du 8 février 2003, le demandeur a sollicité l’autorisation de porter en appel la décision du tribunal de révision devant la Commission, en application du paragraphe 83(1) du Régime de pensions du Canada.

[14]           Le critère auquel il faut satisfaire pour être autorisé à porter en appel une décision d’un tribunal de révision est celui de savoir si le demandeur peut établir qu’il existe une cause défendable qui permettrait d’accueillir l’appel proposé. D’après la décision que la Cour a rendue dans Callihoo c. Canada (Procureur général) (2000), 190 F.T.R. 114 (1re inst.), une demande a des chances sérieuses d’être accueillie si une nouvelle preuve a été présentée avec la demande d’autorisation ou si la demande d’autorisation soulève une question de droit ou un fait pertinent qui n’a pas été pris en considération de façon appropriée par le tribunal de révision.

[15]           Dans ses observations écrites, le défendeur a passé en revue les normes de contrôle établies, conformément à la décision de la Cour suprême du Canada dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 55 :

La démarche « pragmatique et fonctionnelle » reconnaît qu’il y a une large gamme de normes de contrôle judiciaire des erreurs de droit, certaines décisions exigeant plus de retenue, et d’autres moins : Pezim, précité, aux pp. 589 et 590; Southam, précité, au par. 30; Pushpanathan, précité, au par. 27.  Trois normes de contrôle ont été définies:  la décision manifestement déraisonnable, la décision raisonnable simpliciter et la décision correcte:  Southam, précité, aux par. 54 à 56.  Je suis d’avis que la norme de contrôle des éléments de fond d’une décision discrétionnaire est mieux envisagée dans ce cadre, compte tenu particulièrement de la difficulté de faire des classifications rigides entre les décisions discrétionnaires et les décisions non discrétionnaires.  La démarche pragmatique et fonctionnelle tient compte de considérations comme l’expertise du tribunal, la nature de la décision qui est prise, et le libellé de la disposition et des lois qui s’y rapportent.  Elle comprend des facteurs comme le caractère «polycentrique» d’une décision et l’intention exprimée par le langage employé par la loi.  La latitude que laisse le Parlement au décideur administratif et la nature de la décision qui est prise sont également d’importantes considérations dans l’analyse.  La gamme de normes de contrôle peut comprendre le principe que, dans certains cas, la législature a fait part de son intention de laisser des choix plus grands aux décideurs que dans d’autres, mais qu’il faut qu’un tribunal intervienne quand une telle décision dépasse l’étendue du pouvoir conféré par le Parlement.  Enfin, je signalerais que notre Cour a déjà appliqué ce cadre à des dispositions législatives qui accordent une latitude importante à des organismes administratifs, par exemple, en contrôlant l’exercice des pouvoirs de réparation conférés par la loi en cause dans l’arrêt Southam, précité.



[16]           Le défendeur soutient que le demandeur soulève une question de droit quand il sollicite le contrôle de la décision qu’a prise la Commission de rejeter sa demande d’autorisation d’appel.

[17]           Je vois les choses d’un œil différent. Dans l’avis d’appel qu’il a présenté à la Commission, le demandeur déclare que le tribunal de révision n’a pas pris en considération les éléments de preuve qu’il avait soumis. Le texte de l’avis d’appel est le suivant :

[traduction]

J’ai reçu la lettre recommandée le février 2003 en tant qu’avis de décision du tribunal de révision. Voici mon objection, telle que formulée par mon représentant Mohan Singh Pannu (même adresse) Téléphone et télécopieur – (604) 591-6525

                                   


OBJECTION

1)  Pour prouver que la schizophrénie paranoïde est grave, voir la preuve concernant la page 10 du dossier de l’audition, jointe ci-après avec le document de la page 10 du dossier de l’audition […]



[18]           La Commission avait à déterminer si le demandeur avait invoqué des arguments défendables dans sa demande d’autorisation d’interjeter appel. Cela supposait la prise en considération des éléments de preuve présentés au tribunal de révision, ainsi que de tout nouvel élément de preuve soumis avec la demande d’autorisation, de même que des dispositions applicables du Régime de pensions du Canada. À mon avis, la demande d’autorisation d’interjeter appel du demandeur soulève une question mixte de fait et de droit. En général, une telle question est contrôlée selon la norme de la décision raisonnable.

[19]           La Cour suprême du Canada a décrit l’économie du Régime de pensions du Canada dans l’arrêt Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [2000] 1 R.C.S. 703, au paragraphe 9 :

Le RPC est un régime d’assurance sociale destiné aux Canadiens privés de gains en raison d’une retraite, d’une déficience ou du décès d’un conjoint ou d’un parent salarié.  Il s’agit non pas d’un régime d’aide sociale, mais plutôt d’un régime contributif dans lequel le législateur a défini à la fois les avantages et les conditions d’admissibilité, y compris l’ampleur et la durée de la contribution financière d’un requérant.

 



[20]           Pour ce qui est de l’octroi de prestations en vertu du Régime de pensions du Canada, un facteur capital est celui de savoir si un requérant a dûment versé ses cotisations pendant la période requise. Selon la décision du tribunal de révision, le demandeur devait avoir cotisé au régime pendant quatre des six dernières années précédent la date de sa demande de pension d’invalidité. Il ne l’avait pas fait; il n’avait cotisé qu’un an au Régime.

[21]           En examinant la demande d’autorisation d’interjeter appel du demandeur, la Commission a fait référence à la preuve soumise au tribunal de révision au sujet des cotisations du demandeur au Régime. Le demandeur n’a pas produit de nouveaux éléments de preuve avec sa demande d’autorisation pour montrer qu’il avait cotisé plus d’un an au Régime.

[22]           Vu l’ensemble des circonstances, et compte tenu du critère à remplir pour obtenir l’autorisation d’interjeter appel de la décision du tribunal de révision, je suis persuadée que la Commission a décidé à juste titre que le demandeur n’avait pas une « cause défendable ». Il lui a été impossible de montrer qu’il satisfaisait aux exigences prévues par la loi pour l’octroi de prestations d’invalidité.

[23]           La présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. En vertu du pouvoir discrétionnaire que me confèrent les Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, je ne rends aucune ordonnance quant aux dépens.

 


ORDONNANCE

 

            La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée; en vertu du pouvoir discrétionnaire qui m’est conféré, je ne rends aucune ordonnance quant aux dépens.

 

« E. Heneghan »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

                                                                

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1145-03

 

INTITULÉ :                                                   JASPAL SINGH PANNU

                                                                        c.

                                                            DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 26 NOVEMBRE 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 20 DÉCEMBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Nul n’a comparu

 

 

POUR LE DEMANDEUR

 

James Gray

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

S.O.

 

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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