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Date : 20071122

Dossier : T-810-06

Référence : 2007 CF 1224

Ottawa (Ontario), le 22 novembre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

 

ENTRE :

CAMERON WIDRIG

demandeur

et

 

LE REGROUPEMENT MAMIT INNUAT INC.

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

VUE D’ENSEMBLE

[1]               […] Ce qui est la marque du louage de services, ce n'est pas le contrôle que l'employeur exerce effectivement sur son employé, c'est plutôt le pouvoir que possède l'employeur de contrôler la façon dont l'employé exécute ses fonctions. Si on envisage les circonstances de cette affaire à la lumière de ce critère, il est manifeste que le requérant était un employé plutôt qu'un entrepreneur.

 

(Gallant c. M.R.N., [1986] A.C.F. no 330 (QL), M. le juge Louis Pratte, Cour d’appel fédérale)

 

 

 

[2]               Deux décisions récentes provenant de la Cour canadienne de l’impôt et de la Cour d’appel fédérale contiennent les remarques qui suivent :

[20]      Les auteurs de doctrine se sont penchés sur la notion de « pouvoir de direction ou de contrôle » et sur son revers, le lien de subordination […]

 

(3588718 Canada Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), 2005 CCI 628, [2005] A.C.I. no 476 (QL))

[11]      […]

 

91 — Appréciation factuelle — La subordination se vérifie dans les faits. À cet égard, la jurisprudence s’est toujours refusée à retenir la qualification donnée au contrat par les parties […]

 

(9041-6868 Québec Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), 2005 CAF 334, [2005] A.C.F. no 1720 (QL))

 

[3]               M. le juge Roger Savoie, de la Cour canadienne de l’impôt, énumère une liste non exhaustive d’indices qu’on peut prendre en considération lors de « l'exercice du mandat qui consiste à déterminer la présence ou l'absence d'un lien de subordination […] »

1)         la présence obligatoire à un lieu de travail;

            2)         le respect de l'horaire de travail;

            3)         le contrôle des absences du salarié pour des vacances;

            4)         la remise de rapports d'activité;

            5)         le contrôle de la quantité et de la qualité du travail;

            6)         l'imposition des moyens d'exécution du travail;

            7)         le pouvoir de sanction sur les performances de l'employé;

            8)         les retenues à la source;

            9)         les avantages sociaux;

            10)       le statut du salarié dans ses déclarations de revenus;

            11)       l'exclusivité des services pour l'employeur.

 

(3588718 Canada, précitée, au paragraphe 23)

[4]               Dans l’arrêt D & J Driveway Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), 2003 CAF 453, [2003] A.C.F. no 1784 (QL), M. le juge Gilles Létourneau, de la Cour d’appel fédérale, a déclaré ce qui suit :

[9]        […] La notion de contrôle est le critère déterminant qui sert à mesurer la présence ou l’étendue de ce lien. Mais comme le disait notre collègue le juge Décary dans l’affaire Charbonneau c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), [1996] A.C.F. no 1337, [1996] 207 N.R. 299, suivie dans l’arrêt Jaillet c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), 2002 FCA 394, il ne faut pas confondre le contrôle du résultat et le contrôle du travailleur. Au paragraphe 10 de la décision, il écrit :

 

Rares sont les donneurs d’ouvrage qui ne s’assurent pas que le travail est exécuté en conformité avec leurs exigences et aux lieux convenus. Le contrôle du résultat ne doit pas être confondu avec le contrôle du travailleur.

 

LA NATURE DU CONTRÔLE JUDICIAIRE

[5]               Il s’agit d’un contrôle judiciaire, aux termes de l’article 240 du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2, d’une décision arbitrale rendue le 7 avril 2006.

 

LES FAITS

[6]               En août 2001, M. Cameron Widrig, le demandeur, a commencé à travailler comme conseiller technique pour Le Regroupement Mamit Innuat Inc. (Mamit).

 

[7]               Son travail s’est poursuivi sans interruption et sur une base exclusive jusqu’en août 2003, moment où on l’a avisé que ses services n’étaient plus requis.

 

[8]               Mamit est un organisme sans but lucratif qui a été constitué en personne morale en 1988, sous le régime des lois de la province de Québec. La meilleure façon de la décrire est de parler d’un organisme‑cadre qui rassemble différents groupes autochtones de la Côte‑Nord et qui fournit son expertise aux tribus autochtones qui en sont membres. L’organisme a été créé pour coordonner les efforts de ses membres à l’égard de l’ensemble des programmes gouvernementaux pertinents, tant au fédéral qu’au provincial, visant les Autochtones et pour agir comme un service de consultation auprès de ses membres (décision arbitrale, paragraphes 12 et 13).

 

[9]               Par suite de l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Marshall, [1999] 3 R.C.S. 456, le gouvernement fédéral a pris des mesures pour mettre en application des programmes pour les besoins relatifs à la pêche des Autochtones. Cela a créé des circonstances favorables pour différentes communautés autochtones, pour autant que les structures administratives appropriées étaient en place dans la collectivité. C’est pour cette raison que des connaissances spécialisées en gestion, fournies par Mamit, étaient nécessaires à la mise en œuvre des programmes (décision arbitrale, paragraphe 14).

 

[10]           M. Guy Berthe, le directeur général de Mamit, et M. Yves Bernier, directeur des immeubles et du développement économique pour le conseil de bande de Mingan, ont tous les deux joué un rôle actif dans l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie relative aux pêches pour les communautés autochtones.

 

[11]           Le 12 mars 2003, on a présenté à M. Widrig son premier contrat écrit avec Mamit; toutefois, la défenderesse, Mamit, soutient que c’est en 2001 que M. Widrig et elle ont conclu ce qui aurait constitué la première entente écrite, bien qu’un exemplaire dûment signé n’ait pas pu être produit en preuve. M. Widrig y est décrit comme un « travailleur autonome ». Rien ne prouve, cependant, que M. Widrig a signé le contrat. Le prix contractuel est de 10 000 $ pour dix semaines de service pour une période débutant le 20 août 2001 et se terminant le 26 octobre 2001. La défenderesse, Mamit, soutient que, malgré l’expiration du contrat susmentionné, le 26 octobre 2001, les parties ont poursuivi leur relation comme si les modalités du contrat étaient toujours en vigueur (décision arbitrale, paragraphe 21).

 

[12]           M. Widrig a commencé à travailler pour Mamit le 21 août 2001 sur la base d’un contrat verbal. Sa rémunération, qui était au début de 975 $ par semaine, a ensuite été augmentée à 1 200 $, puis à 1 250 $ par semaine.

 

[13]           Le 9 février 2003 et, par la suite, le 24 février suivant, M. Widrig a fait part à Mamit, par courriel, de son souhait d’établir de nouvelles conditions pour son emploi. Les parties ont entrepris des négociations avec la perspective de s’entendre sur de nouvelles conditions d’emploi (premier des deux recueils de la défenderesse, onglets B-22 et B-23, pièces D-22 et D-23).

 

[14]           Les négociations ont donné lieu à la préparation d’un contrat, daté du 12 mars 2003. Avant de signer le contrat, M. Widrig a proposé certaines modifications, lesquelles n’ont pas été approuvées par la défenderesse, Mamit (recueil de la défenderesse, susmentionné, onglets B-29 à B‑31, pièces D-29 à D-31).

 

[15]           M. Widrig n’a pas signé le contrat.

 

[16]           La défenderesse, Mamit, précise que la modification proposée visait à ajouter une nouvelle structure à l’organisation, une structure qui n’avait pas été approuvée par le conseil d’administration (mémoire des faits et du droit de la défenderesse, paragraphe 33).

 

[17]           Le 14 août 2003, Mamit, dans une lettre signée par M. Bernier, « Responsable des pêches marines », a avisé M. Widrig que, de ce fait, ses services en tant que conseiller pour le développement des pêches n’étaient plus requis. La lettre mentionnait comme raison que cela était nécessaire à cause des restrictions budgétaires. La cessation des services prenait effet immédiatement (décision arbitrale, paragraphe 30; document de la défenderesse, onglet B-34, pièce D‑34).

 

[18]           Le 23 septembre 2003, M. Widrig a déposé une plainte auprès du ministère du Travail, conformément à l’article 240 du Code canadien du travail, dans laquelle il alléguait qu’il avait été congédié injustement de son poste chez Mamit.

 

 

 

LA DÉCISION CONTESTÉE

[19]           L’arbitre a décidé que M. Widrig n’avait pas de lien d’emploi avec la défenderesse, Mamit, et qu’il travaillait plutôt comme travailleur autonome. Pour ces motifs, l’arbitre a rejeté la plainte de M. Widrig, celle‑ci n’ayant pas satisfait aux exigences de l’alinéa 240(1)a) du Code canadien du travail (observations du demandeur et réponse à un avis d’examen de l’état de l’instance, premier paragraphe).

 

LES DÉCISIONS RENDUES ANTÉRIEUREMENT À L’ÉGARD DU DEMANDEUR

[20]           Voici les décisions rendues antérieurement à l’égard de M. Widrig :

(i)      Le 26 mai 2004, Lise Côté, une fonctionnaire occupant un poste d’inspectrice à Développement des ressources humaines Canada (paragraphe 240(1) du Code canadien du travail), a rendu une décision concernant la plainte de congédiement injuste présentée par le demandeur. Dans sa décision, Mme Côté en est arrivée à la conclusion que le demandeur était bel et bien un employé de la défenderesse et que cette dernière devait au demandeur certaines sommes d’argent, calculées sur la base des exigences minimales établies à la partie III du Code canadien du travail […]

 

(ii)     Le 13 novembre 2003, M. Gilles Bélanger, un agent de participation au RPC/A‑E travaillant pour l’Agence des douanes et du revenu du Canada, a rendu une décision selon laquelle le demandeur était un employé de la défenderesse et que son emploi était assurable aux fins de la Loi sur l’assurance‑emploi. L’arbitre Deschênes a jugé que cette décision était inadmissible lors des audiences tenues devant elle, au motif qu’aucun jugement final n’avait encore été rendu dans cette affaire […]

 

(iii)    La défenderesse a interjeté appel de la décision de M. Bélanger. Le 8 juin 2004, Mme Louise Dessureault, une agente des appels RPC/A‑E à l’Agence des douanes et du revenu du Canada, a rendu une décision détaillée au nom du ministre du Revenu national. Cette décision confirmait celle de M. Bélanger selon laquelle le demandeur était bel et bien un employé de la défenderesse et que son emploi était assurable aux termes de la Loi sur l’assurance‑emploi. Tout comme celle de M. Bélanger, la décision de Mme Dessureault a également été jugée inadmissible lors des audiences tenues devant l’arbitre Lise Deschênes, parce qu’aucun jugement final n’avait encore été rendu […]

 

(iv)    La défenderesse a interjeté appel de la décision susmentionnée devant la Cour canadienne de l’impôt, après quoi M. le juge Pierre R. Dussault a tenu une audience le 11 octobre 2005. Le 17 mai 2006, le juge Dussault a rendu un jugement fouillé par lequel il a rejeté l’appel de la défenderesse dans la présente demande, Le Regroupement Mamit Innuat Inc. Il a confirmé la décision du ministre du Revenu national, selon laquelle le demandeur était un employé et occupait un emploi assurable auprès de la défenderesse […]

 

[…]

 

Le juge Dussault a rendu son jugement environ un mois après que l’arbitre Lise Deschênes a rendu une décision diamétralement opposée sur ces mêmes faits. La défenderesse dans la présente demande, Le Regroupement Mamit Innuat Inc., n’a pas interjeté appel du jugement du juge Dussault […]

 

(Observations du demandeur et réponse à un avis d’examen de l’état de l’instance, paragraphe 4)

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[21]           Le demandeur a soulevé un bon nombre de questions, mais la Cour est d’avis que les questions fondamentales sont les suivantes :

(1)               L’arbitre a‑t‑elle correctement interprété l’alinéa 240(1)a) du Code canadien du travail?

(2)               L’arbitre a‑t‑elle déterminé les principes de droit appropriés dans son analyse relative à la question de savoir si M. Widrig était un employé de la défenderesse, Le Regroupement Mamit Innuat Inc., et les principes ont‑ils été appliqués aux faits d’une manière tenable sur le plan juridique?

(3)               Subsidiairement, est‑il important pour trancher les questions en litige de se demander si M. Widrig était un employé engagé aux termes d’un contrat de travail et, le cas échéant, si sa cessation d’emploi était justifiée, dans la mesure où elle est visée par l’alinéa 242(3.1)a) du Code canadien du travail?

ANALYSE

La norme de contrôle

[22]           L’article 240 du Code canadien du travail se lit comme suit :

240.      (1) Sous réserve des paragraphes (2) et 242(3.1), toute personne qui se croit injustement congédiée peut déposer une plainte écrite auprès d’un inspecteur si :

 

a) d’une part, elle travaille sans interruption depuis au moins douze mois pour le même employeur;

 

b) d’autre part, elle ne fait pas partie d’un groupe d’employés régis par une convention collective.

 

240.      (1) Subject to subsections (2) and 242(3.1), any person

 

 

 

 

(a) who has completed twelve consecutive months of continuous employment by an employer, and

 

(b) who is not a member of a group of employees subject to a collective agreement,

 

may make a complaint in writing to an inspector if the employee has been dismissed and considers the dismissal to be unjust.

 

 

[23]           La Cour reconnaît, en raison d’une clause privative, la nature définitive des décisions rendues conformément à l’article 243 du Code canadien du travail, lequel renvoie à l’article 242 qui, lui, écarte la possibilité de recours exceptionnels.

 

[24]           Il ressort clairement de la jurisprudence que l’interprétation donnée par un tribunal d’une disposition de la loi qui lui attribue sa compétence, ou en limite l’étendue, doit être examinée d’après la norme de la décision correcte.

[25]           Dans l’arrêt Beothuk Data Systems Ltd., Division Seawatch c. Dean (C.A.), [1998] 1 C.F. 433, [1997] A.C.F. no 1117 (QL), l’ancien juge en chef de la Cour d’appel fédérale, Julius A. Isaac, a déclaré ce qui suit :

[27]        […] Le droit, maintenant établi, indique que, malgré la retenue judiciaire dont il faut faire preuve à l'égard des tribunaux protégés par une clause privative, l'interprétation donnée par un tribunal d'une disposition de la loi qui lui attribue sa compétence, ou qui en limite l'étendue, doit être examinée d'après la norme de la justesse de la décision. Pour ce qui a trait à la partie III du Code [du travail], la décision de la présente Cour dans Pollard, précité, indique clairement que l'interprétation donnée par un arbitre des conditions préalables, énoncées dans la loi, concernant la régularité du dépôt d'une plainte sous le régime du paragraphe 240(1) est assujettie à la norme de la justesse de la décision. […]

 

[26]           Lors de l’examen de la conclusion d’un tribunal administratif, relativement à l’interprétation erronée d’une disposition législative, la Cour ne fera preuve d’aucune retenue judiciaire. Elle appliquera son propre processus de raisonnement pour en arriver à un résultat jugé correct.

 

[27]           En outre, la norme de contrôle concernant les conclusions tirées par un arbitre sur la base d’une preuve factuelle est celle de la décision manifestement déraisonnable (Canada Safeway Ltd. c. SDGMR, section locale 454, [1998] 1 R.C.S. 1079).

 

[28]           Dans le cas d’une question mixte de droit et de fait, la norme de contrôle applicable est simplement celle de la décision raisonnable simpliciter (Dynamex Canada Inc. c. Mamona, 2003 CAF 248, [2003] A.C.F. no 907 (QL)).

 

 

Première question – L’interprétation du paragraphe 240(1) du Code canadien du travail

[29]           M. Widrig soutient que l’arbitre a commis une erreur dans son interprétation du paragraphe 240(1) du Code canadien du travail, alors qu’elle a conclu ce qui suit : [traduction] « Cameron Widrig est visé par la définition normale de travailleur autonome dans la common law par opposition à un employé et, par conséquent, il n’est pas visé par la définition d’employé contenue dans la partie III du Code canadien du travail » (décision arbitrale, paragraphe 74).

 

[30]           L’arbitre n’était pas tenue d’interpréter ce texte législatif s’il s’agissait d’un contrat d’entreprise et non un contrat de travail; toutefois, dans le cas d’un contrat de travail, il faut interpréter le texte législatif.

 

Le bijuridisme canadien : dualité des traditions juridiques

[31]           Vu la suprématie de la Constitution canadienne qui, admettant non seulement le bijuridisme (ressort civil ou de common law – selon la province), prévoit aussi un partage des compétences entre les gouvernements fédéral et provinciaux, le degré d’autonomie ou d’interdépendance des pouvoirs varie selon les rubriques énoncées aux articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. Le fédéralisme canadien est donc fondé sur des principes d’unité, de diversité, de partage de responsabilité et d’autonomie.

 

[32]           Dans l’arrêt 9041-6868 Québec, précité, le juge Robert Décary fait référence au juge Pierre Archambault, lequel précise :

[…] l’adoption du nouveau Code civil et de la Loi d’harmonisation modifie de façon majeure l’état du droit quant aux sources de droit pertinentes pour qualifier, aux fins de l’application d’une loi fédérale, les relations contractuelles entre une personne […] qui engage au Québec une autre personne […] pour que celle‑ci lui fournisse une prestation de travail.

 

[Renvoi omis.]

 

 

(« Contrat de travail : Pourquoi Wiebe Door Services Ltd. ne s’applique pas au Québec et par quoi on doit le remplacer » dans Lharmonisation de la législation fédérale avec le droit civil québécois et le bijuridisme canadien – Deuxième recueil d’études en fiscalité (2005), Montréal, Association de planification fiscale et financière – Ministère de la Justice du Canada, 2005, à la page 2.5, paragraphe 8 (Contrat de travail))

 

[33]           Les principes du Code civil sont parfois distincts de ceux de la common law dans leur formulation même, mais pas nécessairement à l’égard des conclusions tirées.

 

[34]           La Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.‑U.), reproduite dans L.R.C. 1985, app. II, no 5, a partagé les compétences législatives de telle sorte que les législatures provinciales ont des pouvoirs exclusifs en ce qui concerne la propriété et les droits civils :

Pouvoirs Exclusifs des Législatures Provinciales

 

92.      Dans chaque province la législature pourra exclusivement faire des lois relatives aux matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir:

 

[…]

 

 

13. La propriété et les droits civils dans la province;

Exclusive Powers of Provincial Legislatures

 

92.      In each Province the Legislature may exclusively make Laws in relation to Matters coming within the Classes of Subjects next hereinafter enumerated; that is to say,

 

 

13. Property and Civil Rights in the Province.

 

[35]           En 1994, le Parlement du Canada a formellement reconnu le Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, en édictant la Loi d’harmonisation no 1 du droit fédéral avec le droit civil, L.C. 2001, ch. 4, et en ajoutant l’article 8.1 à la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I‑23.

 

[36]           Les passages pertinents du préambule de la Loi d’harmonisation se lisent ainsi :

Préambule de la Loi d’harmonisation no 1 du droit fédéral avec le droit civil

 

Attendu :

 

[…]

 

qu’une interaction harmonieuse de la législation fédérale et de la législation provinciale s’impose et passe par une interprétation de la législation fédérale qui soit compatible avec la tradition de droit civil ou de common law, selon le cas;

 

 

[…]

 

que, sauf règle de droit s’y opposant, le droit provincial en matière de propriété et de droits civils est le droit supplétif pour ce qui est de l’application de la législation fédérale dans les provinces;

 

Preamble to the Federal Law – Civil Harmonization Act, No. 1

 

 

 

 

 

WHEREAS the harmonious interaction of federal legislation and provincial legislation is essential and lies in an interpretation of federal legislation that is compatible with the common law or civil law traditions, as the case may be;

 

 

WHEREAS the provincial law, in relation to property and civil rights, is the law that completes federal legislation when applied in a province, unless otherwise provided by law;

 

Deuxième question – Principes juridiques applicables : nature de la relation entre M. Widrig et Mamit

 

[37]           Comme l’arbitre l’a fait remarquer dans sa décision : [traduction] « […] peu importe la terminologie utilisée, cela ne devrait pas être déterminant en ce qui concerne la relation » (décision arbitrale, paragraphe 59).

 

[38]           L’importance relative donnée aux facteurs dépend des circonstances et des faits particuliers de l’espèce.

 

[39]           Dans sa décision, l’arbitre a décidé que : [traduction] « […] les facteurs déterminants traditionnels du contrôle, de la propriété des instruments de travail, ainsi que de l’analyse des chances de profit et des risques de perte sont quelque peu dépassés avec le phénomène moderne d’une personne comme Cameron Widrig, lequel commence clairement sa relation d’affaires en tant que consultant ». L’arbitre se demande ensuite si une relation qui a été qualifiée comme en étant une de consultant peut, en dernier ressort, devenir une relation employeur‑employé (décision arbitrale, paragraphe 60).

 

[40]           Le demandeur affirme que l’arbitre n’a pas dégagé les principes juridiques applicables dans son analyse de la question de savoir si M. Widrig était un employé de Mamit. Le demandeur, comme l’arbitre dans sa décision, s’est penché sur le principe de common law concernant la relation employeur‑employé, auparavant connue comme la relation commettant‑préposé.

 

[41]           Comme le juge Archambault l’a déclaré dans son article, Contrat de travail, précité, à la page 2.44, paragraphe 65, publié dans le Deuxième recueil d’études en fiscalité (2005) : « En vertu du Code civil, une fois que l’existence du lien de subordination est établie, il n’est pas nécessaire de considérer les autres critères, comme celui de l’entreprise, comportant notamment les trois éléments suivants : la propriété des outils, la possibilité de profit et le risque de perte. » En définitive, il faut donc se poser la question de savoir si M. Widrig était subordonné à Mamit.

 

[42]           Selon M. Widrig, sa relation avec Mamit en était une d’employeur‑employé, auparavant connue comme la relation commettant‑préposé, laquelle serait, par conséquent, analogue au contrat de travail du Code civil du Québec.

 

[43]           Comme il a été mentionné précédemment, en l’espèce, les parties n’ont pas conclu de contrat écrit. La Cour doit donc analyser les faits et déterminer quelle était l’intention des parties dans le but d’établir dans quel type de contrat les parties étaient engagées (voir la décision 3588718 Canada, précitée, au paragraphe 14).

 

[44]           Dans deux décisions récentes, la Cour canadienne de l’impôt et la Cour d’appel fédérale ont cherché à clarifier la dernière caractéristique d’un contrat de travail. On y fait remarquer ce qui suit : « Les auteurs de doctrine se sont penchés sur la notion de "pouvoir de direction ou de contrôle" et sur son revers, le lien de subordination. Voici ce que l'auteur Robert P. Gagnon écrivait dans : Le droit du travail du Québec, 5e éd., Les Éditions Yvon Blais Inc., 2003, Cowansville (QC) » :

90— Facteur distinctif — L’élément de qualification du contrat de travail le plus significatif est celui de la subordination du salarié à la personne pour laquelle il travaille. C’est cet élément qui permet de distinguer le contrat de travail d’autres contrats à titre onéreux qui impliquent également une prestation de travail au bénéfice d’une autre personne, moyennant un prix, comme le contrat d’entreprise ou de service régi par les articles 2098 et suivants C.c.Q. Ainsi, alors que l’entrepreneur ou le prestataire de services conserve, selon l’article 2099 C.c.Q., « le libre choix des moyens d’exécution du contrat » et qu’il n’existe entre lui et son client « aucun lien de subordination quant à son exécution », il est caractéristique du contrat de travail, sous réserve de ses termes, que le salarié exécute personnellement le travail convenu sous la direction de l’employeur et dans le cadre établi par ce dernier.

 

91 — Appréciation factuelle — La subordination se vérifie dans les faits. À cet égard, la jurisprudence s’est toujours refusée à retenir la qualification donnée au contrat par les parties. . . .

 

92 — Notion — Historiquement, le droit civil a d’abord élaboré une notion de subordination juridique dite stricte ou classique qui a servi de critère d’application du principe de la responsabilité civile du commettant pour le dommage causé par son préposé dans l’exécution de ses fonctions (art. 1054 C.c.B.-C.; art 1463 C.c.Q.). Cette subordination juridique classique était caractérisée par le contrôle immédiat exercé par l’employeur sur l’exécution du travail de l’employé quant à sa nature et à ses modalités. Elle s’est progressivement assouplie pour donner naissance à la notion de subordination juridique au sens large. La diversification et la spécialisation des occupations et des techniques de travail ont, en effet, rendu souvent irréaliste que l’employeur soit en mesure de dicter ou même de surveiller de façon immédiate l’exécution du travail. On en est ainsi venu à assimiler la subordination à la faculté, laissée à celui qu’on reconnaîtra alors comme l’employeur, de déterminer le travail à exécuter, d’encadrer cette exécution et de la contrôler. En renversant la perspective, le salarié sera celui qui accepte de s’intégrer dans le cadre de fonctionnement d’une entreprise pour la faire bénéficier de son travail. En pratique, on recherchera la présence d’un certain nombre d’indices d’encadrement, d’ailleurs susceptibles de varier selon les contextes : présence obligatoire à un lieu de travail, assignation plus ou moins régulière du travail, imposition de règles de conduite ou de comportement, exigence de rapports d’activité, contrôle de la quantité ou de la qualité de la prestation, etc. Le travail à domicile n’exclut pas une telle intégration à l’entreprise.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(3588718 Canada, précitée; 9041-6868 Québec, précitée, citant Robert P. Gagnon, Le droit du travail du Québec, 5e éd., Cowansville, Les Édititions Yvon Blais Inc., 2003)

[45]           Le juge Louis Pratte de la Cour d’appel fédérale fait remarquer ce qui suit : « Ce qui est la marque du louage de services, ce n'est pas le contrôle que l'employeur exerce effectivement sur son employé, c'est plutôt le pouvoir que possède l'employeur de contrôler la façon dont l'employé exécute ses fonctions. Si on envisage les circonstances de cette affaire à la lumière de ce critère, il est manifeste que le requérant était un employé plutôt qu'un entrepreneur » (Gallant, précité).

 

[46]           Le juge Archambault reconnaît également le besoin de clarifier le sens de « subordination ». Il a fait remarquer : « Selon le sens usuel de ces expressions, le salarié doit effectuer le travail sous l’autorité et la surveillance d’une personne qui mène ou conduit ce travail comme maître ou chef responsable » (Juge Archambault, Contrat de travail, précité, à la page 2.25, paragraphe 41).

 

[47]           Certains auteurs de doctrine ont fait remarquer ce qui suit : « Bien que le salarié ait parfois une assez grande liberté d’exécution pratique, il demeure néanmoins assujetti au contrôle de l’employeur : parce que l’activité du salarié s’intègre au cadre tracé par l’employeur et s’effectue au bénéfice de celui‑ci, il est normal qu’il y ait contrôle d’une part et subordination d’autre part. » (Juge Archambault, Contrat de travail, précité, à la page 2.27, paragraphe 43)

 

[48]           Le juge Savoie a dressé une liste non exhaustive d’indices pouvant être pris en considération dans « l'exercice du mandat qui consiste à déterminer la présence ou l'absence d'un lien de subordination » (3588718 Canada, précitée, au paragraphe 23) :

1)   la présence obligatoire à un lieu de travail;

2)   le respect de l'horaire de travail;

3)   le contrôle des absences du salarié pour des vacances;

4)   la remise de rapports d'activité;

5)   le contrôle de la quantité et de la qualité du travail;

6)   l'imposition des moyens d'exécution du travail;

7)   le pouvoir de sanction sur les performances de l'employé;

8)   les retenues à la source;

9)   les avantages sociaux;

10) le statut du salarié dans ses déclarations de revenus;

11) l'exclusivité des services pour l'employeur.

 

Il a toutefois fait une mise en garde selon laquelle l’analyse doit « déterminer la relation globale des parties. Il s'agit donc d'établir dans quelle proportion les indices pouvant mener à la conclusion qu'il existe un lien de subordination sont prédominants par rapport aux autres » (3588718 Canada, précitée, au paragraphe 24).

 

[49]           Lors de l’examen du degré de contrôle, l’arbitre souligne ce qui suit :

[traduction]

63. […] Une partie importante du travail de M. Widrig consistait à effectuer des études et à produire des rapports. Au fond, lorsqu’il produisait ces rapports, il était à son compte. Une partie importante du travail exécuté l’était à l’extérieur de l’établissement de l’intimée. Il serait irréaliste de s’attendre à ce que M. Widrig exerce ses fonctions sans aucun contrôle de la part de Mamit.

 

 

M. Widrig avait cependant déclaré qu’il [traduction] « […] ne jouissait pas de la liberté d’un entrepreneur indépendant, à savoir la liberté de travailler pour d’autres en ayant un remplaçant pour faire son travail chez Mamit Innuat. Le fait qu’il travaillait 60 heures par semaine et qu’il devait fournir personnellement ses services élimine effectivement cette possibilité ».

 

[50]           En outre, M. Widrig [traduction] « […] n’a pas travaillé pour quiconque, à part la défenderesse, entre août 2001 et août 2003 » (affidavit de Cameron Widrig, au paragraphe 6.4, page 27).

 

[51]           Quant à savoir si M. Widrig travaillait exclusivement pour Mamit, MM. Bernier et Berthe déclarent que M. Widrig avait toujours la liberté de développer sa propre clientèle et que Mamit n’était pas la bénéficiaire exclusive de ses services (mémoire des faits et du droit de la défenderesse, au paragraphe 30).

 

[52]           Pour appuyer sa prétention, la défenderesse, Mamit, mentionne la lettre entre M. Widrig et M. Tony Wright, dans laquelle M. Widrig offrait ses services en vue d’un nouveau projet (premier des deux relieurs de la défenderesse, onglet B-27).

 

[53]           Lorsqu’on examine cette lettre, on remarque qu’elle a été expédiée le 25 février 2003, à la même époque où Mamit et M. Widrig tentaient toujours de négocier un nouveau contrat de travail.

 

[54]           Afin de justifier davantage sa conclusion concernant la nature d’une relation entrepreneur‑client entre M. Widrig et Mamit, l’arbitre fait remarquer au paragraphe 73 : [traduction] « […] le fait que les rapports sont de nature technique et […] qu’ils démontrent une expertise qui n’aurait pas été accessible aux personnes employées par Mamit ».

 

[55]           Ce fait n’est aucunement déterminant quant au contrôle, ou à l’absence de contrôle, exercé par Mamit sur M. Widrig. Comme le juge Archambault, citant Mme Marie‑France Bich, l’a fait remarquer dans son article : « Le type de contrôle exercé en pratique par l’employeur tend cependant à changer avec l’élévation du degré de spécialisation ou de savoir requis du salarié » (Contrat de travail, précité, à la page 2.28).

 

[56]           Dans l’arrêt D & J Driveway, précité, le juge Létourneau, de la Cour d’appel fédérale, a déclaré ce qui suit :

[9]        […] La notion de contrôle est le critère déterminant qui sert à mesurer la présence ou l’étendue de ce lien. Mais comme le disait notre collègue le juge Décary dans l’affaire Charbonneau c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), [1996] A.C.F. no 1337, [1996] 207 N.R. 299, suivie dans l’arrêt Jaillet c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), 2002 FCA 394, il ne faut pas confondre le contrôle du résultat et le contrôle du travailleur. Au paragraphe 10 de la décision, il écrit :

 

Rares sont les donneurs d’ouvrage qui ne s’assurent pas que le travail est exécuté en conformité avec leurs exigences et aux lieux convenus. Le contrôle du résultat ne doit pas être confondu avec le contrôle du travailleur.

 

[57]           Malgré l’ambiguïté concernant l’existence d’un contrat de travail ou d’un contrat d’entreprise entre Mamit et M. Widrig, et en dépit de la difficulté de déterminer les intentions des parties relativement à la nature de leur relation, (d’une part, en raison du fait que M. Widrig avait « accepté de recevoir une rémunération brute sans aucune retenue à la source pendant près de deux ans et qu'il n'a jamais déclaré cette rémunération comme un revenu d'emploi en temps opportun » ou d’autre part, en raison du fait que Mamit « n'a jamais présenté à monsieur Widrig un véritable contrat d'emploi »), Mamit ne possédait pas l’expertise nécessaire pour élaborer et mettre en œuvre la stratégie relative aux pêches et, de ce fait, cherchait une expertise de l’extérieur. M. Widrig avait été engagé exclusivement par Mamit comme « consultant » pour l’exécution de mandats spécifiques (Regroupement Mamit Innuat Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), 2006 CCI 125, [2006] A.C.I. no 211 (QL), aux paragraphes 121 et 122).

 

[58]           La désignation de la fonction de M. Widrig était celle d’« aviseur » et on lui a fourni des cartes professionnelles l’identifiant de cette manière. Il a travaillé exclusivement pour Mamit, soixante heures par semaine, ce qui l’a empêché de solliciter, de manière indépendante, d’autres clients. L’ensemble des éléments de preuve convaincants indiquent que ses activités étaient intégrées dans le contexte établi par la défenderesse et que ses activités étaient exercées au bénéfice de Mamit.

 

[59]           La défenderesse, Mamit, a fourni à M. Widrig tous les outils nécessaires à l’accomplissement de son travail (cela comprenait un ordinateur portable, un téléphone et un véhicule). Elle payait également toutes les dépenses de M. Widrig, dont les fournitures de bureau, les frais d’hôtel et de repas lors des déplacements, les billets d’avion, l’essence, l’entretien du véhicule, de même que l’hébergement à Mingan et à Sept-Îles, au Québec – frais qu’un entrepreneur indépendant devrait normalement supporter. Mamit a payé la moitié du coût d’une formation linguistique en français qu’il a suivie au cours des mois de janvier, février et mars 2002.

 

[60]           On a fourni à M. Widrig du papier à correspondance officielle de Mamit pour les lettres et les rapports qu’il devait préparer.

[61]           Contrairement à un entrepreneur, M. Widrig n’était pas exposé au risque de perte puisqu’il était payé le même montant toutes les deux semaines – caractéristiques inhérentes à un employé. En outre, le superviseur de M. Widrig, M. Bernier, préparait des « factures » à son nom, lesquelles étaient acheminées au service de la comptabilité de la défenderesse toutes les deux semaines pour paiement.

 

[62]           Comme l’a conclu le juge Pierre R. Dussault de la Cour canadienne de l’impôt : « Que [Mamit] n'ait pas supervisé les activités de l'intervenant au jour le jour ou qu'il n'ait pas surveillé quotidiennement ses allées et venues, sa présence ou ses absences, […] n'implique pas que les tâches exécutées par monsieur Widrig ne l'étaient pas sous [l]a supervision et [le] contrôle hiérarchique immédiat [de M. Bernier] au sein de l'organisation […] » (Regroupement Mamit, précitée, au paragraphe 127).

 

[63]           Le juge Dussault a conclu qu’il « existait bel et bien dans les faits un lien de subordination entre monsieur Widrig et l'appelante et celle-ci exerçait une supervision sur ses activités d' “aviseur au développement” des pêches, et ce, plus particulièrement par l'entremise de monsieur Bernier, le directeur des pêches » (Regroupement Mamit, précitée, au paragraphe 131).

 

[64]           Mamit cherchait à obtenir un service spécialisé afin de poursuivre l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie relative aux pêches pour les communautés autochtones. Mamit a engagé M. Widrig dans le but de préparer un plan stratégique concernant le développement de ce projet. Il appartenait à Mamit de gérer les pêches autochtones dans les communautés membres et, par conséquent, de « déterminer le travail à exécuter, d’encadrer cette exécution et de la contrôler » (extrait du paragraphe 92 de l’ouvrage Le droit du travail du Québec, cité dans l’arrêt 9041-6868 Québec, précité, au paragraphe 11).

 

Troisième question – La cessation d’emploi de M. Widrig était‑elle justifiée, compte tenu de l’alinéa 242(3.1)a) du Code canadien du travail?

 

[65]           L’alinéa 242(3.1)a) prévoit ce qui suit :

Restriction

242(3.1)      L’arbitre ne peut procéder à l’instruction de la plainte dans l’un ou l’autre des cas suivants :

 

 

a) le plaignant a été licencié en raison du manque de travail ou de la suppression d’un poste;

 

 

b) la présente loi ou une autre loi fédérale prévoit un autre recours.

 

Limitation on complaints

242(3.1)      No complaint shall be considered by an adjudicator under subsection (3) in respect of a person where

 

(a) that person has been laid off because of lack of work or because of the discontinuance of a function; or

 

(b) a procedure for redress has been provided elsewhere in or under this or any other Act of Parliament.

 

 

[66]           Le juge Marshall E. Rothstein, alors juge de la Cour d’appel fédérale, fait remarquer que, pour qu’il puisse invoquer l’alinéa 242(3.1)a) du Code canadien du travail, « […] l'employeur doit démontrer deux choses : premièrement, une justification économique du licenciement; deuxièmement, une explication raisonnable quant au choix du licenciement des employés. C'est alors que le fardeau de la preuve est déplacé sur l'employé qui doit réfuter cette preuve » (Thomas c. Bande indienne Crie d’Enoch, 2004 CAF 2, [2004] A.C.F. no 3 (QL), au paragraphe 5).

[67]           Le cadre législatif reconnaît effectivement le droit de l’employeur de licencier des employés pour des motifs économiques ou financiers, ou encore en raison d’une compression des coûts, pourvu que la décision soit réelle et prise de bonne foi (Assemblée des Premières nations c. Prud’homme, [2002] C.L.A.D. no 323 (QL)).

 

[68]           Dans la décision Air Canada c. Davis, [1994] A.C.F. no 268 (QL), alors qu’il interprétait le sens et la portée de « licenciement » pour l’application de l’alinéa 242(3.1)a) du Code du travail, le juge Francis C. Muldoon, alors juge de la Cour fédérale, a déclaré :

[22]      […] Cette Cour interprète le terme « licencié » dans le contexte de cette section en général, et de l'article 242 en particulier, comme signifiant le fait pour l'employeur de mettre fin, de façon temporaire ou permanente, à l'emploi de l'employé en raison des considérations économiques suscitées par le manque de travail ou, dans le contexte des mêmes considérations exprimées par les choix de réorganisation du Personnel de gestion, la suppression d'un poste. Le terme « licencié » figurant à l'alinéa 242(3.1)a) se définit pratiquement lui-même par son contexte. L'employeur cherche à réduire les frais généraux par suite d'une baisse des recettes, en mettant fin à l'emploi et, par conséquent, en mettant fin, temporairement ou définitivement, à son obligation de payer l'employé, pour économiser de l'argent. Au contraire du renvoi, le licenciement est cause de chagrin plutôt que de colère, car il n'a pas été décidé pour cause de mauvaise conduite, d'insubordination, d'absentéisme ou d'incompétence de la part de l'employé. Le licenciement peut être permanent si l'employeur ne voit aucune amélioration dans ses perspectives de recettes; ou il peut être temporaire en attendant de meilleurs jours. Ainsi, le licenciement au sens de la section XIV du Code [du travail] n'implique aucun blâme pour l'employé, mais ne reflète qu'une conjoncture difficile ou un changement dans le mode d'exploitation de l'employeur dans les cas ou la conjoncture ne serait pas un facteur. […]

 

[23]      Le sens de l'alinéa 242(3.1)a) est qu'un employé sans reproche peut perdre son emploi, sans qu'il y ait congédiement injuste. […]

 

[69]           Actuellement, la preuve dont dispose la Cour est insuffisante pour déterminer si le congédiement de M. Widrig est visé par l’alinéa 242(3.1)a); toutefois, indépendamment de cela, la défenderesse, Mamit, est tenue de verser une indemnité à M. Widrig, aux termes des articles 230 et 235 du Code canadien du travail, ainsi que Mme Lise Côté, inspectrice pour Développement des ressources humaines Canada, l’a déjà précisé dans la décision qu’elle a rendue le 26 mai 2004. (À la date du jugement de la Cour, aucune autre décision n’avait été rendue, après celle de Mme Côté, concernant la question de l’indemnisation.)

 

CONCLUSION

[70]           À la lumière de ce qui précède, la Cour juge que M. Widrig a travaillé pour Mamit, aux termes d’un contrat de travail, conformément aux articles 230 et 235 du Code canadien du travail. Le lien établi entre les parties était, en fait, un lien de subordination. Il s’agissait d’une relation employeur‑employé. Mamit, et plus précisément M. Bernier, le directeur des pêches, exerçait une supervision sur les activités de M. Widrig, lesquelles consistaient à remplir les fonctions d'« aviseur au développement » des pêches.

 

[71]           La demande de contrôle judiciaire sera accueillie.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l’affaire soit renvoyée à un autre arbitre pour nouvelle décision.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                T-810-06

 

INTITULÉ :                                                               CAMERON WIDRIG

                                                                                    c.

LE REGROUPEMENT MAMIT INNUAT INC.

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 25 OCTOBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 22 NOVEMBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Cameron Widrig                                                           POUR SON PROPRE COMPTE

 

Serge Belleau                                                               POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cameron Widrig                                                           POUR SON PROPRE COMPTE

 

Gagné Letarte, s.e.n.c.                                                  POUR LA DÉFENDERESSE

Québec (Québec)

 

 

 

 

 

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