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Date : 20071206

Dossier : IMM-6274-06

Référence : 2007 CF 1279

Ottawa (Ontario), le 6 décembre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

 

ENTRE :

KATERYNA VYBYRANA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Des contradictions entre le Formulaire de renseignements personnels (le FRP) et le témoignage ainsi que des incohérences concernant l’exposé circonstancié de la demanderesse ont amené un tribunal de première instance à rendre une décision qui, compte tenu de la logique inhérente de ses conclusions, n’est pas manifestement déraisonnable.

 

L’INSTANCE

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) le 28 octobre 2006, selon laquelle la demanderesse n’avait ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger suivant les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

 

LES FAITS

[3]               La demanderesse, Kateryna Vybyrana, est une citoyenne de l’Ukraine.

 

[4]               Mme Vybyrana allègue être en danger parce qu’elle est lesbienne. Elle savait qu’elle était lesbienne à l’époque où elle étudiait dans une école technique, de 1974 à 1979. Les avances qu’elle a faites à une autre femme en 1979 ont été rejetées. Elle s’est mariée pour cacher sa situation et n’a pas tenté d’avoir une autre relation lesbienne avant le décès de son mari survenu en 1993. Les avances qu’elle a alors faites à une autre femme ont aussi été repoussées. Elle a fait la connaissance de Svetlana en 2002 et a entretenu une relation secrète avec elle pendant deux ans, jusqu’à ce que le frère de Mme Vybyrana les aperçoivent en train de s’embrasser. Ce dernier a ensuite exigé de l’argent de Mme Vybyrana afin de s’acheter de l’alcool et l’a menacée de tout révéler si elle ne payait pas. La demanderesse a décrit la violence à laquelle son frère et ses amis alcooliques l’ont soumise.

 

[5]               Elle a fait valoir au soutien de sa demande d’asile qu’elle avait été battue par son frère parce que celui‑ci avait découvert qu’elle était lesbienne. La SPR a déterminé que la demanderesse n’avait ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger car elle n’était pas crédible.

 

LA QUESTION EN LITIGE

[6]               La décision de la SPR est‑elle manifestement déraisonnable compte tenu des conclusions de celle-ci relatives à la crédibilité?

 

L’ANALYSE

[7]               La décision de la SPR n’est pas manifestement déraisonnable. La SPR est un tribunal spécialisé habilité à statuer qu’un demandeur n’est pas crédible en raison de l’invraisemblance de son témoignage et des contradictions et incohérences contenues dans la preuve qu’il lui présente. Les conclusions que la SPR tire au regard de la crédibilité doivent faire l’objet d’une grande retenue. (R. c. Gagnon, [2006] 1 R.C.S. 621, aux paragraphes 10, 20 et 24; Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, aux paragraphes 34 et 38; Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982.)

 

[8]               La SPR a donné des exemples des incohérences et des contradictions qu’elle a relevées dans la preuve produite par Mme Vybyrana et qui l’ont amenée à conclure que celle‑ci n’était pas une lesbienne et n’avait pas subi le préjudice qu’elle décrivait :

a)         Mme Vybyrana a allégué qu’elle avait dit à la police que son frère l’avait battue. Elle a aussi dit à la police que son frère l’avait battue parce qu’elle était lesbienne, même si elle savait qu’il serait dangereux que la police connaisse son orientation sexuelle et même si elle avait essayé de la garder secrète parce que la société ukrainienne est fortement homophobe;

b)         dans son témoignage, Mme Vybyrana a expliqué que son amie Galina avait repoussé ses avances parce qu’elle avait peur et qu’elle voulait préserver son mariage. Elle a par contre écrit dans son FRP que Galina l’avait rejetée parce qu’elle ne s’attendait pas à recevoir ses avances.

 

[9]               En outre, Mme Vybyrana a déclaré dans son témoignage qu’elle avait dû consulter un médecin à la suite du passage à tabac dont elle avait été victime. Elle n’a toutefois rien dit à ce sujet dans son FRP et elle n’a produit aucun rapport médical au soutien de sa demande. Par ailleurs, Mme Vybyrana n’a présenté aucun document prouvant qu’elle avait eu une relation avec une femme au Canada, à l’exception de photographies la montrant avec une femme dans une piscine. La Cour a statué qu’une conclusion relative à la crédibilité peut être tirée relativement à un document qui, dans les conditions existant dans le pays, serait produit. Aussi, il était raisonnable que la SPR tire des conclusions défavorables de l’absence de documents corroborants au soutien de la demande de Mme Vybyrana. (Matarage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 460 (C.F. 1re inst.) (QL), aux paragraphes 8 et 9; Najam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 425, [2004] A.C.F. no 516 (QL), au paragraphe 20; De Barros c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 283, [2005] A.C.F. no 361 (QL), au paragraphe 12.)

 

[10]           Mme Vybyrana prétend que la SPR a commis une erreur lorsqu’elle a mentionné qu’elle était âgée de 23 ans et qu’elle était titulaire d’une maîtrise. C’est toutefois ce qui est indiqué dans son FRP. Il semble y avoir une incohérence dans l’exposé circonstancié de Mme Vybyrana, où elle affirme qu’elle a exprimé ses sentiments à une autre femme pendant qu’elle étudiait à l’école technique; cependant, le fait qu’elle était plus jeune lorsqu’elle avait fait part de ses sentiments à son amie ne rendait pas nécessairement sa conduite plus vraisemblable, vu les autres conclusions défavorables tirées par la SPR au regard de la crédibilité.

 

[11]           La SPR n’a démontré aucune partialité et n’a pas fait naître une crainte raisonnable de partialité. Mme Vybyrana n’a pas réfuté la présomption d’impartialité. Elle prétend que la conclusion du commissaire de la SPR selon laquelle elle ne pouvait pas avoir eu trois relations infructueuses avec des femmes et selon laquelle il était invraisemblable que son mari l’ait épousée en sachant qu’elle avait la réputation d’être lesbienne montre que la SPR était partiale. La dernière conclusion est raisonnablement fondée sur la propre preuve de Mme Vybyrana concernant la forte homophobie qui existe en Ukraine. On fait valoir cependant que les propos de la SPR étaient de toute façon inappropriés. Or, ces propos ne sont pas suffisants pour que l’on fasse abstraction de toutes les autres conclusions défavorables concernant la crédibilité et de la décision dans l’ensemble. (Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 91, au paragraphe 13.)

 

CONCLUSION

[12]           Vu les conclusions qu’elle a tirées relativement à la crédibilité, la décision de la SPR n’est pas manifestement déraisonnable. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. (Bains c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1990), 109 N.R. 239 (C.A.F.), [1990] A.C.F. no 457 (QL).)

 

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                        IMM-6274-06

 

INTITULÉ :                                                       KATERYNA VYBYRANA

                                                                            c.

                                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                               LE 28 NOVEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                             LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                                     LE 6 DÉCEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Aleksei Grachev

 

          POUR LA DEMANDERESSE

David Joseph

 

          POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Aleksei Grachev

Toronto (Ontario)

 

         POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

         POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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